CAA de NANTES, 1ère chambre, 15/11/2018, 17NT00343, Inédit au recueil Lebon

Date :
15-11-2018
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Numéro :
17NT00343
Formation :
1ère chambre

Texte original :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Atlantic Import a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts .
Par un jugement n° 1408160 du 21 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 janvier 2017, 6 septembre 2017, 29 janvier 2018 et 12 avril 2018, la SARL Atlantic Import, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors qu'elle n'a pas reçu le contenu intégral des procès-verbaux d'audition de MmeA..., de M. B...et de M. E...et n'a pas eu communication du procès-verbal de M.D..., qui ont utilisés par le vérificateur pour fonder les rectifications ; la circonstance qu'elle soit partie à l'instance correctionnelle devant le tribunal de grande instance du Mans ne dispensait pas le vérificateur de lui communiquer ces procès-verbaux ;
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le vérificateur a implicitement mais nécessairement invoqué l'abus de droit sans mettre en place la procédure correspondante ; elle a été privée de la garantie substantielle de saisir le comité de l'abus de droit fiscal ;
- elle a exercé son activité en tant que mandataire transparent et n'était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée que sur ses prestations de service résultant d'opérations d'entremise, ainsi que le prévoient l'instruction 3 CA-92 du 31 juillet 1992 et la réponse n° 34659 faite au député M.F... ;
- subsidiairement, elle n'a pas réalisé d'acquisitions intracommunautaires dès lors que les véhicules ont été vendus par des sociétés françaises aux clients finaux ; la preuve de ce que les ventes réalisées par les fournisseurs allemands et belges aux fournisseurs français étaient placées sous le régime des livraisons intracommunautaires n'est pas apportée ;
- les pénalités ne sont pas justifiées.
Par des mémoires, enregistrés les 30 mai 2017, 21 décembre 2017 et 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Atlantic Import, qui exerce une activité de négoce de véhicules neufs et d'occasion dans le domaine automobile à Saint-Brévin Les Pins, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la qualité d'intermédiaire transparent dont la société se prévalait et lui a notifié, par proposition de rectification du 30 septembre 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'assujettissement à cette taxe sur la totalité du prix de vente des véhicules. Après procédure contradictoire, les rappels en résultant, assortis de la majoration pour manoeuvres frauduleuses et de l'amende de 5% prévue à l'article 1788 A du code général des impôts, ont été mis en recouvrement, pour un montant total de 1 185 295 euros, le 24 février 2014. Après le rejet, par décision du 29 juillet 2014, de sa réclamation préalable, la société a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de ces rappels. Ce tribunal, par un jugement du 21 décembre 2016, dont la société relève appel, a rejeté sa demande.
2. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales prévoit que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
3. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. En revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable. Cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret. Dans l'hypothèse où l'administration fiscale estime que certains documents ou certaines copies de documents qui se trouvent en sa possession et qu'elle a utilisés pour fonder un redressement ne peuvent être communiqués au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un secret protégé par la loi, il lui appartient, dans tous les cas, d'apporter des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation.
4. Par lettre du 25 novembre 2013 en réponse à la proposition de rectification du 30 septembre 2013 portant sur la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, la SARL Atlantic Import a, par l'intermédiaire de son conseil, sollicité la communication de tous les documents recueillis auprès des tiers qui ont permis à l'administration d'établir ses rectifications. En réponse à cette demande, l'inspecteur des finances publiques, qui avait exercé un droit de communication auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nantes afin de prendre connaissance des pièces et scellés de la procédure pénale engagée contre la SARL Atlantic Import, a, en annexe à la réponse aux observations du contribuable du 17 décembre 2013, transmis 12 feuillets. Il n'est pas contesté que les procès-verbaux d'audition de la secrétaire et d'un salarié de la SARL Atlantic Import, d'un gérant d'un des fournisseurs de la société et d'un gérant d'une ancienne entreprise concurrente, joints à ce courrier et dont il a été tenu compte pour fonder les rectifications, sont incomplets et en partie occultés. Si l'administration fiscale indique que le caractère partiel de cette communication est justifié par le respect des obligations liées au secret professionnel, elle n'apporte toutefois aucun élément d'information précis sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que les obligations qui découlent des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues et, par voie de conséquence, dès lors que cette irrégularité l'a privée d'une garantie alors même qu'elle était partie à l'instance pénale, à solliciter la décharge, en droits et pénalités, des rappels qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL Atlantic Import est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 ainsi que des amendes prévues à l'article 1788 A du code général des impôts.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Atlantic Import.
DECIDE :
Article 1er : La SARL Atlantic Import est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement n° 1408160 du 21 décembre 2016 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Atlantic Import une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Atlantic Import et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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