CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 12/02/2018, 17MA02942, Inédit au recueil Lebon

Date :
12-02-2018
Taille :
5 pages
Section :
Jurisprudence
Numéro :
17MA02942
Formation :
6ème chambre - formation à 3

Texte original :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 novembre 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.
Par un jugement n° 1605039 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2017, Mme B...A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2016 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle réside en France depuis dix ans et le préfet a commis un vice de procédure en se dispensant de consulter la commission du titre de séjour ;
- le préfet a commis un vice de procédure en se dispensant de viser son contrat de travail ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 30 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2017.
Mme B... A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 28 octobre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... Grimaud a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...A..., ressortissante marocaine née le 30 décembre 1976, est entrée en France le 22 juillet 2006 ; que, par un arrêté du 4 novembre 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;
3. Considérant que Mme B... A...ne produit, en ce qui concerne l'année 2007, qu'une ordonnance médicale et une attestation faisant état d'un entretien avec un travailleur social ; qu'elle ne fournit aucune pièce relative à son éventuelle présence en France au cours de l'année 2008 ; que les attestations émanant de voisins déclarant la connaître depuis 2006 ne sont pas de nature, à elles seules, eu égard à la généralité de leurs termes, à établir sa résidence habituelle en France au cours de ces deux années ; que la requérante ne démontrant pas la continuité de son séjour en France pendant dix années, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait entaché sa décision de vice de procédure en s'abstenant de consulter la commission du titre de séjour ;
4. Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; que l'article L. 5221-2 du code du travail dispose : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : / (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-12 de ce code : " La liste des documents à présenter à l'appui d'une demande d'autorisation de travail est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger " ; qu'il résulte par ailleurs des termes des articles 1er à 7 de l'arrêté du 28 octobre 2016 fixant la liste des pièces à fournir pour l'exercice, par un ressortissant étranger, d'une activité professionnelle salariée, pris pour l'application de ces dispositions, que la demande ainsi présentée par l'employeur doit en tout état de cause comporter le formulaire CERFA correspondant à la situation du ressortissant étranger ;
5. Considérant que l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ne fait pas obstacle à l'application des dispositions du code du travail relatives aux conditions d'analyse des demandes d'autorisation de travail qui ne font pas l'objet de stipulations spécifiques dans l'accord ; que le bénéfice de l'article 3 de l'accord franco-marocain demeure conditionné au respect des dispositions précitées ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... A...ne disposait pas du visa de long séjour exigé par les dispositions précitées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet des Alpes-Maritimes pouvait, pour ce seul motif, rejeter sa demande de titre de séjour ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme B... A...a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un document établi le 3 mai 2016 par un particulier qui, bien qu'intitulé " contrat à durée indéterminée " se bornait à lui promettre une embauche à compter du 1er juillet 2016 ; que ce document n'était accompagné d'aucune des pièces exigées par les dispositions de l'arrêté du 28 octobre 2016 ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a commis un vice de procédure ou méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain et les dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail en refusant de viser son contrat de travail ;
7. Considérant que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité ; que cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... A...n'est en tout état de cause pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision en ce qu'elle lui refuse l'octroi d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
9. Considérant que Mme B... A...invoque sa bonne insertion dans la société française, sa maîtrise de la langue française et l'ancienneté de son séjour en France ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la requérante, qui n'établit avoir travaillé que pendant de courtes périodes et ne dispose que d'attaches amicales limitées en France à l'exclusion de toute attache familiale, serait particulièrement intégrée à la société française ; qu'elle ne fait ainsi valoir aucun motif exceptionnel ou humanitaire justifiant son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que c'est par conséquent sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire à ce titre ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2018, où siégeaient :
- Mme Isabelle Carthé Mazères, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2018.
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N° 17MA02942