CAA de MARSEILLE, 5ème chambre - formation à 3, 19/11/2018, 18MA01109, Inédit au recueil Lebon
- Date :
- 19-11-2018
- Taille :
- 4 pages
- Section :
- Jurisprudence
- Numéro :
- 18MA01109
- Formation :
- 5ème chambre - formation à 3
Texte original :
Ajoutez le document à un dossier
()
pour commencer à l'annoter.
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à leur verser la somme de 51 538,92 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes de l'administration.
Par un jugement n° 1505736 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2018, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 19 378,74 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes de l'administration ;
3°) de condamner l'Etat à payer à Me A...la somme de 1 500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle et une somme de 1500 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté du 19 mars 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour préalablement à la décision de refus de titre de séjour et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2012 ;
- le préfet a pris un nouvel arrêté de refus de séjour le 12 septembre 2012 assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans saisir préalablement la commission du titre de séjour ;
- ce nouvel arrêté a été annulé par un jugement du 19 décembre 2012 sur le fondement de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, le préfet n'ayant pas respecté le délai de deux mois qui lui était imparti par ce jugement pour saisir la commission du titre de séjour, celle-ci ne s'étant réunie que le 20 juin 2013 ;
- la cour administrative d'appel de Marseille, qui a, par un arrêt du 28 octobre 2013, rejeté la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement du 11 juillet 2012, a enjoint au préfet la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;
- M. B...n'a obtenu son titre de séjour, dont la validité a commencé à courir en juin 2013, seulement le 17 janvier 2014 ;
- les récépissés qui lui ont été délivrés et renouvelés avant le 18 octobre 2013 ne l'autorisaient pas à travailler ;
- il est en droit d'obtenir réparation pour les préjudices matériels et moraux causés par les fautes commises par l'administration et le retard dans la délivrance de son titre de séjour ;
- il a perdu une chance de travailler entre les mois de juillet 2013 et janvier 2014, qui a été à l'origine d'un préjudice qui ne peut être regardé comme éventuel ;
- l'ensemble de son préjudice matériel peut être évalué à 8 038,92 euros ;
- ils ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence, qui peuvent être évalués à 10 000 euros.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 15 décembre 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2017 rejetant leur demande de condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 19 378,74 euros en réparation des préjudices subis.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. M.B..., de nationalité indienne, est entré en France au mois d'octobre 2010. Le 22 octobre 2011, à Béziers, il a épousé une ressortissante française, MmeC.... L'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 mars 2012, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. B...le titre sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Par un jugement du 11 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté au motif de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour préalablement à la décision de refus de titre de séjour et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation. Le préfet de l'Hérault a réitéré son refus le 12 septembre 2012. Par un jugement du 19 décembre 2012, notifié aux parties ce même jour, le tribunal a annulé cette décision en raison de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, dès lors que le préfet de l'Hérault n'avait pas procédé à la consultation préalable de la commission du titre de séjour avant de rendre sa décision. Par ce jugement, le tribunal a enjoint au préfet de l'Hérault de statuer à nouveau sur cette demande, après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La commission du titre de séjour a été consultée le 20 juin 2013 et a émis un avis favorable à la délivrance du titre de séjour. Le 17 janvier 2014, le préfet de l'Hérault a délivré un titre de séjour à M. B..., valable du 20 juin 2013 au 19 juin 2014. Par un courrier du 9 février 2015 réceptionné le 13 février suivant, M. B...a demandé au préfet l'indemnisation du préjudice qu'il a subi avec son épouse en raison des fautes commises par l'administration. Le silence gardé par le préfet sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet.
3. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, bien que le préfet de l'Hérault ait mis M. B...en possession d'une autorisation provisoire de séjour dès le 26 décembre 2012, il n'a soumis son cas à la commission du titre de séjour que le 20 juin 2013 comme il en avait l'obligation, pour ne finalement lui délivrer le titre de séjour que le 17 janvier 2014, pour une validité du 20 juin 2013 au 19 juin 2014, soit presqu'un an après l'expiration du délai de deux mois que le jugement du 19 décembre 2012 lui avait imparti et qui expirait le 19 février 2013. Il s'ensuit que le retard apporté au réexamen de la situation de M. B...et alors que le préfet lors de la réitération du refus qu'il a opposé à M. B...par son arrêté du 12 septembre 2012 s'est abstenu de recueillir l'avis de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
S'agissant des préjudices matériels :
4. En premier lieu, les époux B...soutiennent que M. B...a été privé d'une chance sérieuse de travailler plus tôt et de percevoir la rémunération correspondante. Au soutien de la requête, les requérants produisent une attestation du 25 septembre 2014 du gérant de la SARL Elec Pyramide basée à Toulouse, qui a embauché M. B...en qualité d'aide électricien à compter du 1er janvier 2014 et qui affirme qu'il l'aurait embauché dès le mois de juillet 2013 s'il " avait eu son titre de séjour plus tôt". Ils font également valoir que M. B...n'a eu l'autorisation de travailler que le 18 octobre 2013 et non pas le 25 juillet 2013 comme le soutient à tort le préfet de l'Hérault. Si la première autorisation de travailler a été mentionnée pour la première fois dans le récépissé remis à M. B...le 18 octobre 2013, le seul élément produit relatif à un emploi, l'attestation du gérant, de surcroit à une date bien postérieure au contrat de travail, ne permet toutefois pas d'établir que le requérant disposait pour la période en cause d'une chance sérieuse de travailler. Dans ces conditions, le préjudice invoqué présente un caractère éventuel et ne peut être indemnisé.
5. En second lieu, comme il a été dit, l'administration n'a respecté ni l'autorité de la chose jugée le 11 juillet 2012, ni le délai que lui a fixé le jugement du 19 décembre 2012. En raison de ces fautes commises par l'administration, M. et Mme B...justifient de la réalité du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'ils soutiennent avoir subis. Il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en condamnant l'État à payer aux époux B...une indemnité de 3 000 euros.
6. Il résulte de ce qui précède, que les époux B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. M. et Mme B...sont, dès lors, fondés à demander l'annulation dudit jugement et la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis.
Sur frais de l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) ".
8. L'avocat du requérant, MeA..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Il demande également qu'il soit versé une somme de 1 500 euros aux requérants sur le fondement des dispositions précitées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros à verser à MeA..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1505736 du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) est condamné à verser la somme de 3 000 euros aux époux B...en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B..., à Mme E...C...épouseB..., au ministre de l'intérieur et à Me D...A....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
2
N° 18MA01109
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à leur verser la somme de 51 538,92 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes de l'administration.
Par un jugement n° 1505736 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2018, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 19 378,74 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes de l'administration ;
3°) de condamner l'Etat à payer à Me A...la somme de 1 500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle et une somme de 1500 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté du 19 mars 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour préalablement à la décision de refus de titre de séjour et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2012 ;
- le préfet a pris un nouvel arrêté de refus de séjour le 12 septembre 2012 assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans saisir préalablement la commission du titre de séjour ;
- ce nouvel arrêté a été annulé par un jugement du 19 décembre 2012 sur le fondement de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, le préfet n'ayant pas respecté le délai de deux mois qui lui était imparti par ce jugement pour saisir la commission du titre de séjour, celle-ci ne s'étant réunie que le 20 juin 2013 ;
- la cour administrative d'appel de Marseille, qui a, par un arrêt du 28 octobre 2013, rejeté la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement du 11 juillet 2012, a enjoint au préfet la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;
- M. B...n'a obtenu son titre de séjour, dont la validité a commencé à courir en juin 2013, seulement le 17 janvier 2014 ;
- les récépissés qui lui ont été délivrés et renouvelés avant le 18 octobre 2013 ne l'autorisaient pas à travailler ;
- il est en droit d'obtenir réparation pour les préjudices matériels et moraux causés par les fautes commises par l'administration et le retard dans la délivrance de son titre de séjour ;
- il a perdu une chance de travailler entre les mois de juillet 2013 et janvier 2014, qui a été à l'origine d'un préjudice qui ne peut être regardé comme éventuel ;
- l'ensemble de son préjudice matériel peut être évalué à 8 038,92 euros ;
- ils ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence, qui peuvent être évalués à 10 000 euros.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 15 décembre 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2017 rejetant leur demande de condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 19 378,74 euros en réparation des préjudices subis.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. M.B..., de nationalité indienne, est entré en France au mois d'octobre 2010. Le 22 octobre 2011, à Béziers, il a épousé une ressortissante française, MmeC.... L'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 mars 2012, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. B...le titre sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Par un jugement du 11 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté au motif de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour préalablement à la décision de refus de titre de séjour et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation. Le préfet de l'Hérault a réitéré son refus le 12 septembre 2012. Par un jugement du 19 décembre 2012, notifié aux parties ce même jour, le tribunal a annulé cette décision en raison de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, dès lors que le préfet de l'Hérault n'avait pas procédé à la consultation préalable de la commission du titre de séjour avant de rendre sa décision. Par ce jugement, le tribunal a enjoint au préfet de l'Hérault de statuer à nouveau sur cette demande, après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La commission du titre de séjour a été consultée le 20 juin 2013 et a émis un avis favorable à la délivrance du titre de séjour. Le 17 janvier 2014, le préfet de l'Hérault a délivré un titre de séjour à M. B..., valable du 20 juin 2013 au 19 juin 2014. Par un courrier du 9 février 2015 réceptionné le 13 février suivant, M. B...a demandé au préfet l'indemnisation du préjudice qu'il a subi avec son épouse en raison des fautes commises par l'administration. Le silence gardé par le préfet sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet.
3. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, bien que le préfet de l'Hérault ait mis M. B...en possession d'une autorisation provisoire de séjour dès le 26 décembre 2012, il n'a soumis son cas à la commission du titre de séjour que le 20 juin 2013 comme il en avait l'obligation, pour ne finalement lui délivrer le titre de séjour que le 17 janvier 2014, pour une validité du 20 juin 2013 au 19 juin 2014, soit presqu'un an après l'expiration du délai de deux mois que le jugement du 19 décembre 2012 lui avait imparti et qui expirait le 19 février 2013. Il s'ensuit que le retard apporté au réexamen de la situation de M. B...et alors que le préfet lors de la réitération du refus qu'il a opposé à M. B...par son arrêté du 12 septembre 2012 s'est abstenu de recueillir l'avis de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
S'agissant des préjudices matériels :
4. En premier lieu, les époux B...soutiennent que M. B...a été privé d'une chance sérieuse de travailler plus tôt et de percevoir la rémunération correspondante. Au soutien de la requête, les requérants produisent une attestation du 25 septembre 2014 du gérant de la SARL Elec Pyramide basée à Toulouse, qui a embauché M. B...en qualité d'aide électricien à compter du 1er janvier 2014 et qui affirme qu'il l'aurait embauché dès le mois de juillet 2013 s'il " avait eu son titre de séjour plus tôt". Ils font également valoir que M. B...n'a eu l'autorisation de travailler que le 18 octobre 2013 et non pas le 25 juillet 2013 comme le soutient à tort le préfet de l'Hérault. Si la première autorisation de travailler a été mentionnée pour la première fois dans le récépissé remis à M. B...le 18 octobre 2013, le seul élément produit relatif à un emploi, l'attestation du gérant, de surcroit à une date bien postérieure au contrat de travail, ne permet toutefois pas d'établir que le requérant disposait pour la période en cause d'une chance sérieuse de travailler. Dans ces conditions, le préjudice invoqué présente un caractère éventuel et ne peut être indemnisé.
5. En second lieu, comme il a été dit, l'administration n'a respecté ni l'autorité de la chose jugée le 11 juillet 2012, ni le délai que lui a fixé le jugement du 19 décembre 2012. En raison de ces fautes commises par l'administration, M. et Mme B...justifient de la réalité du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'ils soutiennent avoir subis. Il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en condamnant l'État à payer aux époux B...une indemnité de 3 000 euros.
6. Il résulte de ce qui précède, que les époux B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. M. et Mme B...sont, dès lors, fondés à demander l'annulation dudit jugement et la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis.
Sur frais de l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) ".
8. L'avocat du requérant, MeA..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Il demande également qu'il soit versé une somme de 1 500 euros aux requérants sur le fondement des dispositions précitées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros à verser à MeA..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1505736 du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) est condamné à verser la somme de 3 000 euros aux époux B...en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B..., à Mme E...C...épouseB..., au ministre de l'intérieur et à Me D...A....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
2
N° 18MA01109