CAA de MARSEILLE, 4ème chambre - formation à 3, 17/05/2018, 17MA01487, Inédit au recueil Lebon

Date :
17-05-2018
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Numéro :
17MA01487
Formation :
4ème chambre - formation à 3

Texte original :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 avril 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1607632 en date du 5 décembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, si le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui est accordé, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- il est en droit de bénéficier d'un titre de séjour à raison de l'ancienneté de son séjour en France ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un " détournement de la loi " ;
- le préfet a entaché ses décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour a été prise en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par décision du 20 mars 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant tunisien né en 1965, relève appel du jugement du 5 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) " ; que l'accord signé à Tunis le 24 avril 2008 est entré en vigueur le 1er juillet 2009 ; qu'il suit de là que, pour bénéficier de ces stipulations, le ressortissant tunisien doit justifier qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date du 1er juillet 2009, soit depuis au moins le 1er juillet 1999 ;
3. Considérant qu'à supposer que M. A..., en faisant valoir qu'il est en droit de bénéficier d'un titre de séjour à raison de l'ancienneté de son séjour en France, ait entendu soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations précitées, l'intéressé, qui se borne à soutenir qu'il est entré en France en février 2001 et qu'il y réside habituellement depuis cette date ne justifie pas, en tout état de cause, y résider depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009 ; que, par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ;
5. Considérant que M. A... soutient qu'il vit en France depuis le mois de février 2001 et qu'il démontre son insertion professionnelle ; que, toutefois, le requérant, qui ne produit aucun document de nature à justifier de sa présence en France avant l'année 2004, ne démontre pas la continuité de son séjour sur le territoire par les pièces qu'il produit, notamment au titre des périodes allant de septembre 2006 à janvier 2007, de janvier à mai 2008 et d'octobre 2008 à janvier 2009 ; que, par ailleurs, en se bornant à produire une enveloppe qui lui a été adressée par la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône le 19 octobre 2004, des bordereaux de dépôt de chèques ainsi que deux promesses d'embauche, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle en France ; qu'enfin, l'intéressé, célibataire et sans charges de famille en France, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-neuf ans ; que, dans ces conditions, et alors que M. A... a d'ailleurs fait l'objet le 21 janvier 2010, le 29 novembre 2011 et le 13 juin 2013 de précédents refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône, en lui refusant le droit au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions ont été prises et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;
6. Considérant, en troisième lieu, que M. A... soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé constituerait une sanction, motivée par la circonstance qu'il a fait l'objet de précédentes décisions de refus de séjour ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce exposées au point précédent, le " détournement de la loi " ainsi allégué n'est pas établi ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; que selon l'article L. 313-14 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
8. Considérant que, pour les motifs indiqués au point 5, M. A... ne démontre pas qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ; que, pour l'ensemble des motifs rappelés au point 5, et eu égard notamment à ce que M. A... est dépourvu d'attaches familiales en France et a fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans ne méconnaît pas ces dispositions ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018, où siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
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N° 17MA01487
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