CAA de LYON, 5ème chambre A - formation à 3, 11/10/2018, 18LY00803, Inédit au recueil Lebon

Date :
11-10-2018
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Numéro :
18LY00803
Formation :
5ème chambre A - formation à 3

Texte original :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 août 2017, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.
Par un jugement n° 1705537 du 14 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 février 2018 et le 11 septembre 2018, M. A..., représenté par Me Maire, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 14 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu du contrôle judiciaire dont il fait l'objet ;
- elle méconnaît les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Savouré, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 8 février 1987, déclare être entré en France le 27 août 2015. Il a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juillet 2017. Par arrêté du 31 août 2017, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de l'admettre au séjour et, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement, en tant qu'il statue sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision litigieuse est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. ".
5. Si M. A... fait valoir qu'il entretient une relation avec une compatriote qui dispose d'un titre de séjour, avec laquelle il a eu un enfant, et que cette dernière est par ailleurs mère de trois autres enfants dont un possède la nationalité française, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé vit en Haute-Savoie alors que sa compagne vit dans les Hauts-de-Seine. S'il explique que cet éloignement géographique est consécutif au contrôle judiciaire dont il fait l'objet, il n'établit pas avoir noué des liens stables et intenses avec cette dernière. En se bornant à produire quelques photographies, des attestations peu circonstanciées et des billets de trains correspondant à deux allers-retours entre son domicile et celui de la mère de son enfant, il ne justifie pas davantage s'occuper activement, comme il l'affirme, de son fils et des autres enfants de sa compagne. Par ailleurs, M. A..., qui est sans emploi ni ressources déclarées, ne vivait en France que depuis deux ans à la date de l'arrêté litigieux. Enfin, il ressort des termes du jugement attaqué, dont les motifs ne sont pas contestés sur ce point, que M. A... a admis lors de l'audience devant le premier juge qu'il avait également des enfants dans son pays d'origine. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".
7. Le contrôle judiciaire dont fait l'objet M. A..., qui fait seulement obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français jusqu'à sa mainlevée par le juge judiciaire, est sans incidence sur la légalité de cette décision. Cette mesure d'éloignement ne le prive pas davantage de la possibilité de comparaître en personne dans le cadre de la procédure pénale engagée à son encontre en sollicitant, le cas échéant, un visa à cet effet. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. L'arrêté litigieux ne méconnaît pas davantage l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Cet article 3 stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 2 de la même convention : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) ".
9. Si M. A... affirme qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de sa participation à l'opération Likofi en République démocratique du Congo, ses explications décrivant cette opération ne sont assorties d'aucun élément circonstancié le concernant. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office méconnaît les stipulations de l'article 2 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
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N° 18LY00803