CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 03/07/2018, 17LY03648, Inédit au recueil Lebon
- Date :
- 03-07-2018
- Taille :
- 4 pages
- Section :
- Jurisprudence
- Numéro :
- 17LY03648
- Formation :
- 2ème chambre - formation à 3
Texte original :
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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A...a demandé au président du tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 6 octobre 2017 par lesquelles le préfet de l'Yonne a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1702401 du 10 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 octobre 2017, M. A..., représenté par Me Rothdiener, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 10 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- il est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant transfert aux autorités italiennes ;
S'agissant de la décision portant transfert aux autorités italiennes :
- elle est entachée d'un défaut de motivation au regard des critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2018, le préfet de l'Yonne, représenté par Me C...conclut au rejet de la requête.
Le préfet de l'Yonne soutient que les moyens de l'appelant sont inopérants ou ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure ;
- et les observations de MeD..., représentant le préfet de l'Yonne ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant éthiopien né le 1er janvier 1992, est entré irrégulièrement en France, le 23 mars 2017, selon ses déclarations. Le 21 juin 2017, il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Côte-d'Or. Le préfet de l'Yonne, par décisions du 6 octobre 2017, a décidé de transférer l'intéressé vers l'Italie, Etat membre de l'Union européenne responsable selon lui de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence. M. A... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Dijon, qui a rejeté sa demande par jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 10 octobre 2017, dont l'intéressé fait appel.
Sur la légalité des décisions :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 21 juin 2017, lors de l'entretien individuel dont il a bénéficié avec les services de la préfecture et pendant lequel il a été assisté d'un interprète en langue amharique par téléphone, le guide du demandeur d'asile version 2015 et les brochures A et B intitulées respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", rédigés en anglais. Le requérant soutient ne pas comprendre l'anglais et avoir été, dès lors, privé d'une garantie. S'il a été mentionné en première page de l'imprimé d'entretien individuel dont M. A... a bénéficié en préfecture que l'intéressé a déclaré comprendre la langue anglaise, ces informations sont contredites par le recueil référencé 260235, renseigné lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, qui mentionne uniquement l'amharique comme langue comprise par l'intéressé ainsi que par un courriel d'une intervenante sociale de l'association Adoma du 6 octobre 2017 affirmant que M. A... ne parle pas l'anglais mais seulement la langue amharique. Par ailleurs, s'il ressort des annotations manuscrites portées en dernière page de l'imprimé d'entretien individuel que M. A... a expressément accepté la remise des documents d'information en langue anglaise, il ressort de ces mêmes annotations que le choix ne lui a été accordé qu'entre la langue anglaise et la langue arabe, langue dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait comprise par l'intéressé.
4. La circonstance, invoquée par le préfet de l'Yonne, selon laquelle il n'existerait aucune version en langue amharique des documents d'information en cause, ne permet pas d'exonérer cette autorité de son obligation d'information de l'application du règlement (UE) n° 604/2013. Par ailleurs, il résulte de l'article 4 du règlement que l'information doit porter sur les objectifs du règlement, les conséquences de la présentation d'une demande dans un autre État membre et les conséquences du passage d'un État membre à un autre durant les différentes phases de la détermination de l'État responsable, les critères et la durée de la procédure, l'entretien individuel, les recours susceptibles d'être exercés contre la décision ordonnant son transfert, le fait que les États échangeront des données personnelles concernant le demandeur d'asile et sur son droit d'accès et de rectification de ces données. Il en résulte que la circonstance que l'intéressé n'a pas critiqué le fait que l'Italie serait responsable de l'examen de sa demande d'asile ne saurait faire obstacle à ce qu'il puisse utilement se prévaloir de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle son transfert vers ce pays a été prononcé. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces informations auraient été communiquées oralement à M. A... lors de l'entretien en préfecture, au cours duquel ce dernier était assisté téléphoniquement d'un interprète en langue amharique et que les éléments versés aux débats ne permettent pas de considérer que l'intéressé était en mesure de comprendre les brochures qui lui avaient été délivrées en langue anglaise, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de l'Yonne a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. La décision de transfert de M. A... aux autorités italiennes a ainsi été prise au terme d'une procédure irrégulière, privant l'intéressé de la garantie liée à la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et doit, pour ce motif, être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision d'assignation à résidence prise pour l'exécution de cette décision de transfert.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".
7. Le présent arrêt implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur le cas de M. A... et que ce dernier soit muni, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile. Par suite, il y a uniquement lieu d'enjoindre au préfet de l'Yonne de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans cette attente, d'une telle attestation dans le délai de quinze jours. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros à verser à Me Rothdiener, avocat de M. A..., au titre de ces dispositions, le versement de cette somme emportant renonciation de l'intéressé à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702401 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 10 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : Les décisions du préfet de l'Yonne du 6 octobre 2017 décidant le transfert de M. A... aux autorités italiennes et l'assignant à résidence sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois.
Article 4 : L'Etat versera à Me Rothdiener, avocat de M. A..., la somme de mille euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Le versement de cette somme emportera renonciation de cet avocat à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de l'Yonne, à Me Rothdiener et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Auxerre en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
MmeE..., première conseillère,
MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique le 3 juillet 2018.
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N° 17LY03649
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Procédure contentieuse antérieure
M. B... A...a demandé au président du tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 6 octobre 2017 par lesquelles le préfet de l'Yonne a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1702401 du 10 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 octobre 2017, M. A..., représenté par Me Rothdiener, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 10 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- il est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant transfert aux autorités italiennes ;
S'agissant de la décision portant transfert aux autorités italiennes :
- elle est entachée d'un défaut de motivation au regard des critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2018, le préfet de l'Yonne, représenté par Me C...conclut au rejet de la requête.
Le préfet de l'Yonne soutient que les moyens de l'appelant sont inopérants ou ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure ;
- et les observations de MeD..., représentant le préfet de l'Yonne ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant éthiopien né le 1er janvier 1992, est entré irrégulièrement en France, le 23 mars 2017, selon ses déclarations. Le 21 juin 2017, il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Côte-d'Or. Le préfet de l'Yonne, par décisions du 6 octobre 2017, a décidé de transférer l'intéressé vers l'Italie, Etat membre de l'Union européenne responsable selon lui de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence. M. A... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Dijon, qui a rejeté sa demande par jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 10 octobre 2017, dont l'intéressé fait appel.
Sur la légalité des décisions :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 21 juin 2017, lors de l'entretien individuel dont il a bénéficié avec les services de la préfecture et pendant lequel il a été assisté d'un interprète en langue amharique par téléphone, le guide du demandeur d'asile version 2015 et les brochures A et B intitulées respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", rédigés en anglais. Le requérant soutient ne pas comprendre l'anglais et avoir été, dès lors, privé d'une garantie. S'il a été mentionné en première page de l'imprimé d'entretien individuel dont M. A... a bénéficié en préfecture que l'intéressé a déclaré comprendre la langue anglaise, ces informations sont contredites par le recueil référencé 260235, renseigné lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, qui mentionne uniquement l'amharique comme langue comprise par l'intéressé ainsi que par un courriel d'une intervenante sociale de l'association Adoma du 6 octobre 2017 affirmant que M. A... ne parle pas l'anglais mais seulement la langue amharique. Par ailleurs, s'il ressort des annotations manuscrites portées en dernière page de l'imprimé d'entretien individuel que M. A... a expressément accepté la remise des documents d'information en langue anglaise, il ressort de ces mêmes annotations que le choix ne lui a été accordé qu'entre la langue anglaise et la langue arabe, langue dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait comprise par l'intéressé.
4. La circonstance, invoquée par le préfet de l'Yonne, selon laquelle il n'existerait aucune version en langue amharique des documents d'information en cause, ne permet pas d'exonérer cette autorité de son obligation d'information de l'application du règlement (UE) n° 604/2013. Par ailleurs, il résulte de l'article 4 du règlement que l'information doit porter sur les objectifs du règlement, les conséquences de la présentation d'une demande dans un autre État membre et les conséquences du passage d'un État membre à un autre durant les différentes phases de la détermination de l'État responsable, les critères et la durée de la procédure, l'entretien individuel, les recours susceptibles d'être exercés contre la décision ordonnant son transfert, le fait que les États échangeront des données personnelles concernant le demandeur d'asile et sur son droit d'accès et de rectification de ces données. Il en résulte que la circonstance que l'intéressé n'a pas critiqué le fait que l'Italie serait responsable de l'examen de sa demande d'asile ne saurait faire obstacle à ce qu'il puisse utilement se prévaloir de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle son transfert vers ce pays a été prononcé. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces informations auraient été communiquées oralement à M. A... lors de l'entretien en préfecture, au cours duquel ce dernier était assisté téléphoniquement d'un interprète en langue amharique et que les éléments versés aux débats ne permettent pas de considérer que l'intéressé était en mesure de comprendre les brochures qui lui avaient été délivrées en langue anglaise, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de l'Yonne a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. La décision de transfert de M. A... aux autorités italiennes a ainsi été prise au terme d'une procédure irrégulière, privant l'intéressé de la garantie liée à la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et doit, pour ce motif, être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision d'assignation à résidence prise pour l'exécution de cette décision de transfert.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".
7. Le présent arrêt implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur le cas de M. A... et que ce dernier soit muni, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile. Par suite, il y a uniquement lieu d'enjoindre au préfet de l'Yonne de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans cette attente, d'une telle attestation dans le délai de quinze jours. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros à verser à Me Rothdiener, avocat de M. A..., au titre de ces dispositions, le versement de cette somme emportant renonciation de l'intéressé à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702401 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 10 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : Les décisions du préfet de l'Yonne du 6 octobre 2017 décidant le transfert de M. A... aux autorités italiennes et l'assignant à résidence sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois.
Article 4 : L'Etat versera à Me Rothdiener, avocat de M. A..., la somme de mille euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Le versement de cette somme emportera renonciation de cet avocat à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de l'Yonne, à Me Rothdiener et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Auxerre en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
MmeE..., première conseillère,
MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique le 3 juillet 2018.
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