CAA de BORDEAUX, 5ème chambre - formation à 3, 27/02/2018, 17BX03799, Inédit au recueil Lebon
- Date :
- 27-02-2018
- Taille :
- 5 pages
- Section :
- Jurisprudence
- Numéro :
- 17BX03799
- Formation :
- 5ème chambre - formation à 3
Texte original :
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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017 et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite à défaut de satisfaire à cette obligation.
Par un jugement n° 1700560 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, MmeC..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2017 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 8 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à tout le moins, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 13 euros au titre des dépens et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence en matière de régularisation ;
- il n'existe pas de traitements appropriés à son état de santé en Algérie ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été rendu de façon contradictoire ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle entend reprendre l'ensemble des moyens et arguments de fait et de droit soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ;
- le préfet n'a mentionné dans son arrêté aucun délai pour quitter le territoire français ;
- le préfet n'a pas interrogé le médecin de l'agence régionale de santé afin de savoir si la mesure d'éloignement était compatible avec son état de santé ;
- la mesure d'éloignement porte une atteinte grave et disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée en droit et en fait en violation de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle entend reprendre l'ensemble des moyens invoqués à l'encontre de la mesure d'éloignement ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2018 à 12 heures.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 11 janvier 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Elisabeth Jayat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante algérienne, est entrée régulièrement en France le 27 août 2013 munie d'un passeport algérien revêtu d'un visa Schengen. Le 9 juillet 2015, elle a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé jusqu'au 8 septembre 2016. Par arrêté du 8 mars 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017 et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la légalité de la décision portant renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme C...reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'elle n'aurait déjà invoquées devant les premiers juges, les moyens tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence en matière de régularisation, de ce que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été rendu de manière contradictoire et de ce qu'il n'existe pas de traitements appropriés en Algérie. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Si Mme C...se prévaut de la présence en France de son époux, de ses trois enfants mineurs, et de nombreuses attestations rédigées pour la plupart par ses voisins, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait développé des liens d'une intensité particulière en France hors de cette cellule familiale. Rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de Mme C... se poursuive en Algérie dès lors que son époux a également fait l'objet, le 8 mars 2017, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toutes attaches personnelles ou familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, et alors même que Mme C...et sa famille parlent français et entretiennent de bonnes relations avec leur entourage, et que la requérante a travaillé en France, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'appelante.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Si l'appelante soutient que la décision de refus de titre de séjour porterait atteinte à l'intérêt de ses enfants mineurs compte tenu de leur scolarisation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité en Algérie. La décision litigieuse n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme C...de ses trois enfants, âgés, à la date de la décision contestée, de dix ans, de sept ans et de trois ans et demi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les moyens tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence en matière de régularisation et qu'il n'existe pas de traitements appropriés en Algérie doivent être écartés.
9. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'appelante doivent être écartés.
10. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. En cinquième lieu, si Mme C...soutient que le préfet n'a mentionné, dans son arrêté, aucun délai pour quitter le territoire, il ressort de l'article 2 de la décision en litige que " Madame A...B...D...épouse C...est obligée de quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017 ". Au surplus, le préfet a précisé dans son arrêté que " les enfants de l'intéressée sont actuellement scolarisés ; qu'ainsi un délai volontaire de départ de plus de trente jours pour quitter le territoire national lui est accordé ". Par suite, ce moyen manque en fait et doit être écarté.
12. En sixième et dernier lieu, Mme C...reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'elle n'aurait déjà invoquées devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas interrogé le médecin de l'agence régionale de santé afin de savoir si la mesure d'éloignement était compatible avec son état de santé. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, en relevant que l'appelante n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi.
14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision susvisée est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant la mesure d'éloignement doit être écarté.
15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2, 4, 6, 11 et 12, les moyens invoqués contre l'obligation de quitter le territoire français que Mme C...déclare reprendre à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doivent être écartés.
16. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
17. Si Mme C...soutient qu'elle encourt un risque en cas de retour en Algérie au motif qu'elle a épousé M. C...sans l'accord de sa famille et qu'elle est depuis victime de discriminations et de violences, elle se borne toutefois à verser au dossier trois attestations, la première rédigée par un ancien voisin de sa famille en Algérie, la deuxième par la femme de son cousin maternel et la dernière par son cousin maternel, qui ne suffisent pas à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions en injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...B...épouseC..., à Me E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 février 2018.
Le président-assesseur,
Pierre BentolilaLe président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX03799
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017 et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite à défaut de satisfaire à cette obligation.
Par un jugement n° 1700560 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, MmeC..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2017 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 8 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à tout le moins, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 13 euros au titre des dépens et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence en matière de régularisation ;
- il n'existe pas de traitements appropriés à son état de santé en Algérie ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été rendu de façon contradictoire ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle entend reprendre l'ensemble des moyens et arguments de fait et de droit soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ;
- le préfet n'a mentionné dans son arrêté aucun délai pour quitter le territoire français ;
- le préfet n'a pas interrogé le médecin de l'agence régionale de santé afin de savoir si la mesure d'éloignement était compatible avec son état de santé ;
- la mesure d'éloignement porte une atteinte grave et disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée en droit et en fait en violation de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle entend reprendre l'ensemble des moyens invoqués à l'encontre de la mesure d'éloignement ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2018 à 12 heures.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 11 janvier 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Elisabeth Jayat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante algérienne, est entrée régulièrement en France le 27 août 2013 munie d'un passeport algérien revêtu d'un visa Schengen. Le 9 juillet 2015, elle a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé jusqu'au 8 septembre 2016. Par arrêté du 8 mars 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017 et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la légalité de la décision portant renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme C...reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'elle n'aurait déjà invoquées devant les premiers juges, les moyens tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence en matière de régularisation, de ce que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été rendu de manière contradictoire et de ce qu'il n'existe pas de traitements appropriés en Algérie. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Si Mme C...se prévaut de la présence en France de son époux, de ses trois enfants mineurs, et de nombreuses attestations rédigées pour la plupart par ses voisins, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait développé des liens d'une intensité particulière en France hors de cette cellule familiale. Rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de Mme C... se poursuive en Algérie dès lors que son époux a également fait l'objet, le 8 mars 2017, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toutes attaches personnelles ou familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, et alors même que Mme C...et sa famille parlent français et entretiennent de bonnes relations avec leur entourage, et que la requérante a travaillé en France, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'appelante.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Si l'appelante soutient que la décision de refus de titre de séjour porterait atteinte à l'intérêt de ses enfants mineurs compte tenu de leur scolarisation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité en Algérie. La décision litigieuse n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme C...de ses trois enfants, âgés, à la date de la décision contestée, de dix ans, de sept ans et de trois ans et demi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les moyens tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence en matière de régularisation et qu'il n'existe pas de traitements appropriés en Algérie doivent être écartés.
9. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'appelante doivent être écartés.
10. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. En cinquième lieu, si Mme C...soutient que le préfet n'a mentionné, dans son arrêté, aucun délai pour quitter le territoire, il ressort de l'article 2 de la décision en litige que " Madame A...B...D...épouse C...est obligée de quitter le territoire français à compter du 15 avril 2017 ". Au surplus, le préfet a précisé dans son arrêté que " les enfants de l'intéressée sont actuellement scolarisés ; qu'ainsi un délai volontaire de départ de plus de trente jours pour quitter le territoire national lui est accordé ". Par suite, ce moyen manque en fait et doit être écarté.
12. En sixième et dernier lieu, Mme C...reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'elle n'aurait déjà invoquées devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas interrogé le médecin de l'agence régionale de santé afin de savoir si la mesure d'éloignement était compatible avec son état de santé. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, en relevant que l'appelante n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi.
14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision susvisée est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant la mesure d'éloignement doit être écarté.
15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2, 4, 6, 11 et 12, les moyens invoqués contre l'obligation de quitter le territoire français que Mme C...déclare reprendre à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doivent être écartés.
16. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
17. Si Mme C...soutient qu'elle encourt un risque en cas de retour en Algérie au motif qu'elle a épousé M. C...sans l'accord de sa famille et qu'elle est depuis victime de discriminations et de violences, elle se borne toutefois à verser au dossier trois attestations, la première rédigée par un ancien voisin de sa famille en Algérie, la deuxième par la femme de son cousin maternel et la dernière par son cousin maternel, qui ne suffisent pas à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions en injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...B...épouseC..., à Me E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 février 2018.
Le président-assesseur,
Pierre BentolilaLe président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03799