Loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public

Date :
14-11-2013
Taille :
10 pages
Section :
Législation
Source :
2013-677
Résultat :
Non conformité partielle

Texte original :

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 31 octobre 2013, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à l' indépendance de l' audiovisuel public.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-576 DC du 3 mars 2009 ;

Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 ;

Vu la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ;

Vu la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, définitivement adoptée par le Parlement le 31 octobre 2013 ;

Vu les observations présentées par soixante-treize sénateurs, enregistrées respectivement le 31 octobre et le 13 novembre 2013 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 12 et 13 novembre 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 13 de la Constitution ;

- SUR LA PROCÉDURE :

2. Considérant que le projet de loi organique relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 5 juin 2013 ; que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi organique le 8 juillet 2013 ; qu' après l' adoption de ce projet par l' Assemblée nationale, le 24 juillet 2013, puis par le Sénat le 1er octobre 2013, le Gouvernement a provoqué la réunion d' une commission mixte paritaire qui a établi un texte sur les dispositions restant en discussion le 15 octobre 2013 ; que les conclusions de cette commission mixte paritaire ont été adoptées par le Sénat le 17 octobre 2013 et par l' Assemblée nationale le 31 octobre 2013 ;

3. Considérant que les conclusions de cette commission mixte paritaire, que le Gouvernement a souhaité soumettre à l' approbation des assemblées en application du troisième alinéa de l' article 45 de la Constitution, ont été inscrites par la Conférence des présidents à l' ordre du jour de la séance du 17 octobre 2013 au Sénat, au cours d' une semaine « réservée par priorité et dans l' ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l' action du Gouvernement et à l' évaluation des politiques publiques » en vertu du quatrième alinéa de l' article 48 de la Constitution ;

4. Considérant qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution, si chaque assemblée est tenue de réserver une semaine de séance sur quatre par priorité au contrôle de l' action du Gouvernement et à l' évaluation des politiques publiques, le constituant n a pas pour autant entendu lui imposer que ladite semaine de séance leur fût entièrement consacrée ; qu'en outre, ainsi qu' il résulte du troisième alinéa du même article 48, le Gouvernement peut faire inscrire à l'ordre du jour de cette semaine de séance, par priorité, l'examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ; qu'en application des dispositions du même alinéa, il peut également, dès lors que cette semaine de séance est aussi consacrée au contrôle de l' action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques dans l' ordre fixé par l' assemblée, faire inscrire au même ordre du jour, par priorité, des textes transmis par l' autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d' autorisation visées à l' article 35 de la Constitution ;

5. Considérant qu' au cours de la semaine du 13 au 19 octobre 2013 au Sénat, ont été inscrits à l' ordre du jour des séances des 15 et 16 octobre quatre débats portant sur le contrôle de l' action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques ainsi que l' examen d' une proposition de résolution européenne ; qu'ont été inscrits à l' ordre du jour de la séance du 17 octobre 2013 non seulement l'examen de plusieurs textes législatifs mais également deux débats ; que l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance de l' audiovisuel public à l'ordre du jour de la séance du 17 octobre 2013 n'a ainsi méconnu aucune exigence constitutionnelle ;

6. Considérant que la procédure d'examen de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, qui a été adoptée conformément aux exigences des trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution, n' est donc pas contraire à la Constitution ;

- SUR LE FOND :

7. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés » ;

8. Considérant, en premier lieu, que l'article unique de la loi organique du 5 mars 2009 susvisée avait prévu que le pouvoir de nomination par le Président de la République des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France s' exerce dans les conditions prévues par le cinquième alinéa de l' article 13 de la Constitution, après que la commission permanente compétente de chaque assemblée a entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée ; que le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 susvisée, qui fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions prévues par ce cinquième alinéa de l article 13, comportait la mention des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ;

9. Considérant que l'article 1er de la loi organique soumise à l' examen du Conseil constitutionnel abroge la loi organique du 5 mars 2009 ; que son article 2 supprime du tableau précité la mention des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France ; que l' article 12 de la loi relative à l' indépendance de l' audiovisuel public susvisée prévoit que les présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France seront nommés non plus par le Président de la République mais par le Conseil supérieur de l' audiovisuel à la majorité des membres qui le composent ; qu' il résulte de cette disposition qu'en soustrayant la nomination à ces fonctions de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l' article 13 de la Constitution, le législateur n' a méconnu ni les exigences de ce cinquième alinéa ni aucune autre exigence constitutionnelle ; que les articles 1er et 2 de la loi organique sont conformes à la Constitution ;

10. Considérant, en second lieu, que l' article 3 de la loi organique soumet à l' avis de la commission compétente de chaque assemblée la nomination, par le Président de la République, du président de l' Institut national de l'audiovisuel ; que cette fonction n' entre pas dans le champ d' application du dernier alinéa de l' article 13 de la Constitution ; que l'article 3 de la loi organique est donc contraire à la Constitution,
D É C I D E :

Article 1er.- L'article 3 de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public est contraire à la Constitution.

Article 2.- Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d' ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

# SAISINES:
Dans leurs observations en réplique, les sénateurs intervenants affirment que : « au cours de la semaine sénatoriale de contrôle du 3 juin dernier, le Sénat a finalement consacré la totalité de ses travaux à l'examen du projet de loi relatif à l'affirmation des métropoles. »

Bien que ceci soit sans incidence sur la constitutionnalité de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le Gouvernement tient à préciser que cette affirmation est inexacte puisque la Conférence des présidents du Sénat qui s'est réunie le 17 avril 2013 a décidé d'intervertir la semaine de contrôle initialement programmée du 3 au 7 juin et la semaine dite « d'initiative », dont l'ordre du jour est fixé par le Sénat lui-même, initialement programmée du 10 au 14 juin.

La semaine de contrôle initialement prévue du 3 au 7 juin 2013 s'est donc déroulée du 10 au 14 juin tandis que le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dont l'examen avait commencé le jeudi 30 mai sur une semaine d'initiative gouvernementale, a été inscrit par le Sénat à l'ordre du jour de la semaine du 3 juin dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 48 de la Constitution.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Nous souhaitons, par la présente lettre, maintenir notre position selon laquelle la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution, et entendons apporter les compléments suivants, en réplique au mémoire que vous a adressé le Gouvernement, le 12 novembre 2013.

La Constitution garantit les expressions pluralistes des opinions (article 4) et entend conférer aux groupes parlementaires d'opposition des droits spécifiques (article 51-1). Elle confie à la conférence des présidents de chaque chambre le soin de fixer son ordre du jour, dont deux semaines sur quatre sont réservées par priorité à un ordre du jour fixé par le Gouvernement et une semaine est réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques (article 48). Elle fixe en outre strictement les conditions de convocation des commissions mixtes paritaires et d'inscription à l'ordre du jour parlementaire des conclusions élaborées par celles-ci (article 45).

Comme nous l'avons précisé dans notre lettre d'observation, nous n'avons jamais prétendu que l'article 48 prévoyait que l'ordre du jour des semaines de contrôle soit réservé exclusivement à des travaux de contrôle. Cependant, il convient de constater que depuis le mois d'avril dernier, pas une seule demande du groupe UMP n'a été retenue dans l'ordre du jour proposé par la conférence des présidents pour les semaines de contrôle, malgré ses demandes réitérées. Depuis cette date ont toujours été retenues les demandes formulées par les commissions ou délégations (dans neuf cas) ou par le groupe majoritaire et les groupes minoritaires (dans six cas).

Ainsi, nous considérons que nos demandes d'inscription à l'ordre du jour de travaux de contrôle auraient dû prévaloir sur l'inscription de travaux d'ordre législatifs. Si l'article 48 de la Constitution n'impose aucune exclusivité, encore faudrait-il que les demandes d'inscription de débats de contrôle soient épuisées et que les droits des groupes d'opposition soient respectés.

Le Gouvernement considère en outre qu'il suffirait qu'une « part significative » de l'ordre du jour des semaines prévues par l'article 48 alinéa 4 de la Constitution soit consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement pour que le Sénat puisse décider d'inscrire des projets ou propositions de lois de son choix.

A ce titre, nous nous interrogeons sur la manière d'appréhender cette notion. Le Gouvernement considère, pour justifier la régularité de la procédure d'adoption de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, que l'inscription d'une proposition de résolution et la tenue de cinq débats de contrôle au cours de cette semaine sont de nature à constituer « une part significative » de l'ordre du jour réservé au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.

A titre d'illustration, au cours de la semaine sénatoriale de contrôle du 3 juin dernier, le Sénat a finalement consacré la totalité de ses travaux à l'examen du projet de loi relatif à l'affirmation des métropoles. Le Gouvernement considère-t-il de la même manière que l'examen de ce seul projet de loi en semaine de contrôle constitue une « part significative » de l'ordre du jour réservé au contrôle, de nature à rendre la procédure d'adoption de cette loi conforme à la Constitution ?

Les exemples d'empiètement du Gouvernement sur l'ordre du jour réservé au Parlement se multiplient alors même que l'article 48 de la Constitution confie la programmation de l'ordre du jour à chaque assemblée en énumérant un certain nombre de priorités liées soit à la nature des textes, soit à une période considérée, soit au délai qui s'est écoulé depuis la transmission d'un texte par une assemblée à l'autre. Nous estimons que cette pratique d'empiètement, conformément à l'intention du Constituant, devrait être l'objet d'un usage modéré et ne devrait pas pouvoir s'imposer aux chambres sous la seule contrainte conjointe d'un gouvernement et de sa majorité.

Cette pratique dommageable et contraire à l'esprit de la Constitution révisée en 2008 conduit à la fabrication d'un ordre du jour d'initiative ou de contrôle parlementaires totalement artificiels.

L'exemple de l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public le 17 octobre, mais également de deux autres lectures de conclusions de commissions mixtes paritaires le même jour, illustrent ce point, le Gouvernement n'osant pas assumer ses empiètements réitérés et préférant le déguiser en « demande sénatoriale », ce qui constitue, en l'espèce, une erreur manifeste de procédure.

En 2008, le Constituant a décidé d'étendre les prérogatives du Parlement en prévoyant, dans l'article 45, alinéa 2 de la Constitution, que, concurremment à la prérogative donnée au Premier ministre pour l'ensemble des textes, les Présidents des assemblées parlementaires pourraient, conjointement, décider de convoquer une commission mixte paritaire sur une proposition de loi.

Pour autant, le troisième alinéa de cet article précise sans ambiguïté que c'est le Gouvernement, et lui seul, qui peut décider de soumettre, pour approbation aux deux assemblées, le texte élaboré par une commission mixte paritaire : « Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. ».

C'est donc bien que le Constituant a entendu réserver cette faculté au seul pouvoir exécutif, qui s'explique d'ailleurs parfaitement par le fait que l'étape de la réunion de commission mixte est la seule de la procédure législative à laquelle le Gouvernement n'a pas la possibilité de participer. Il peut donc parfaitement décider de ne pas soumettre à l'approbation des assemblées les conclusions d'une commission mixte paritaire.

Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement dans les observations qu'il vous a transmises, la conférence des Présidents du Sénat n'était absolument pas fondée à inscrire à l'ordre du jour du Sénat « sur proposition du président du Groupe socialiste » un certain nombre de lectures de conclusions de commissions mixtes paritaires dans l'espace précédemment laissé libre le jeudi 17 octobre 2013 au soir. Elle n'était pas davantage habilitée à faire apparaître ce point, ni même l'auteur de la demande dans ses conclusions publiées et lues en séance publique le 9 octobre.

Une telle prérogative n'appartenait pas plus au président du groupe socialiste, mais devait émaner du seul Gouvernement. Cette compétence lui appartient en effet exclusivement. Il ne peut, sans méconnaître la Constitution, se démettre de ses propres prérogatives.

A suivre d'ailleurs l'argumentaire développé par le Gouvernement, celui-ci aurait été parfaitement fondé à proposer lui-même l'inscription desdites conclusions de commission mixte paritaire à la Conférence des Présidents. En pensant rendre valable cette inscription en semaine de contrôle par le biais d'une demande émanant du groupe socialiste, le Sénat a méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs.

Le mémoire en défense du Gouvernement se fonde donc sur un argumentaire parfaitement erroné en justifiant la procédure d'inscription de ce texte, puisque lui seul pouvait en faire la demande.

La lecture combinée de l'article 45 de la Constitution et de son article 48 interdisaient donc formellement la conférence des présidents de « retenir la suggestion » formulée par le groupe socialiste pour que soit soumis au Sénat les conclusions de cette commission mixte paritaire.

Nous confirmons donc notre position et vous invitons à juger que la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a été adoptée selon une procédure irrégulière.

Des observations, signées par plus de soixante sénateurs, ont été adressées au Conseil constitutionnel en vue de faire juger que les conditions d'adoption de la loi auraient été irrégulières. Les auteurs des observations soutiennent que les conclusions de la commission mixte paritaire ne pouvaient être mises en discussion lors d'une semaine réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, en application du quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution, alors que certaines demandes des groupes parlementaires et des commissions en matière de contrôle et d'évaluation n'auraient pas été satisfaites.

Le Gouvernement estime que la procédure d'adoption de la loi a été régulière. La loi organique dont le Conseil constitutionnel est saisi a été discutée au Sénat lors d'une semaine consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.

La Conférence des Présidents du 10 septembre 2013 a organisé la semaine de contrôle commençant le 14 octobre 2013 en prévoyant 5 débats de contrôle, un débat préalable au Conseil européen et l'examen d'une proposition de résolution. Cette proposition d'ordre du jour a été soumise au Sénat au cours de la séance du 10 septembre sans qu'aucune observation ne soit faite.

La Conférence des Président s'est à nouveau réunie le 9 octobre et, à cette occasion, le président du groupe socialiste a proposé que, sur l'espace précédemment laissé libre du jeudi soir, soient inscrites un certain nombre de lectures de conclusions de commissions mixtes paritaires sur le point de se réunir.

La Conférence des Présidents a retenu cette suggestion et cette proposition d'ordre du jour a été soumise au Sénat au cours de la séance du 9 octobre, sans qu'aucune contestation n'intervienne.

Ces conditions d'inscription n'ont pas méconnu l'article 48 de la Constitution.

Le Gouvernement considère en effet qu'il est possible d'inscrire la discussion de projets ou de propositions de loi à l'ordre du jour d'une semaine réservée en priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques en application du quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution.

Cette possibilité est évidemment ouverte, en application du troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution, pour les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale dont le Gouvernement peut toujours demander l'inscription par priorité à l'ordre du jour, y compris lors des semaines normalement réservées au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. Cette priorité gouvernementale est évidemment nécessaire pour assurer le respect des délais stricts fixés par les articles 47 et 47-1 de la Constitution pour l'examen de ces textes.

Mais il est également possible d'inscrire la discussion de projets et de propositions de loi autres que des projets de loi financiers à l'ordre du jour d'une semaine réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.

Si chaque assemblée est tenue, en dehors des périodes où l'examen des projets de loi financiers l'interdit, d'organiser, toutes les quatre semaines, une semaine réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, le Constituant n'a pas entendu que cette semaine soit exclusivement consacrée à cette activité de contrôle et d'évaluation.

Les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République le montrent clairement.

Dans sa présentation de l'amendement à l'origine du quatrième alinéa de l'article 48, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, expliquait qu'il serait le cas échéant possible à la Conférence des présidents, « de consacrer tout ou partie de cet ordre du jour réservé à l'examen de projets ou de propositions de loi ». Il précisait qu'un tel choix « serait notamment pertinent lorsque le projet ou la proposition de loi est la traduction législative des conclusions d'une mission de contrôle ou d'évaluation ».

Au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, un amendement (n° 498) prévoyant qu'une semaine de séance sur quatre serait consacrée « exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement » fut rejeté.

C'est en se fondant sur la souplesse des dispositions proposées par l'Assemblée nationale que le président de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, a accepté, en deuxième lecture, de s'y rallier. Il soulignait ainsi dans son rapport que la priorité reconnue au contrôle n'impliquait pas l'exclusivité et que l'ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques pourrait être complété par des initiatives législatives.

Dès lors qu'une part significative de l'ordre du jour de cette semaine est consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, les dispositions du quatrième alinéa de l'article 48 laissent à la conférence des présidents la possibilité d'inscrire à l'ordre du jour la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi. La circonstance que certaines demandes des groupes parlementaires et des commissions en matière de contrôle et d'évaluation n'auraient pas été satisfaites n'est pas de nature à supprimer cette possibilité. A défaut, la priorité serait de fait transformée en exclusivité et la conférence des présidents se verrait privée d'une bonne part de son pouvoir d'organisation de l'ordre du jour.

Sous réserve que l'ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques laisse une place significative à l'exercice de cette fonction de contrôle, le Gouvernement estime qu'il lui est également possible de demander l'inscription prioritaire à l'ordre du jour de l'un des jours de cette semaine, d'un texte « transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins », conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 48. Les mots « sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant », qui figurent à ce troisième alinéa, doivent en effet être interprétés comme permettant une telle inscription dès lors que celle-ci n'a pas pour effet, en tenant compte de la possibilité qu'ont les assemblées de siéger également les lundis et les vendredis, d'empêcher qu'une part significative de l'ordre du jour de la semaine soit consacrée au contrôle.

Le Gouvernement constate qu'en l'espèce, une part significative de l'ordre du jour de la semaine considérée a été réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, puisqu'une proposition de résolution a été examinée et que cinq débats de contrôle se sont tenus ainsi qu'un débat préalable au Conseil européen. La conférence des présidents pouvait donc valablement décider d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public.

Pour ces raisons, le Gouvernement invite le Conseil constitutionnel à juger que la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a été adoptée selon une procédure régulière.

Monsieur le Président,

Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public.

Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération.

Pour le Premier ministre et par délégation,

Le Directeur, adjoint au Secrétaire général du Gouvernement,

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Alors que le Parlement vient d'adopter définitivement la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, je me permets de vous adresser, avec 72 de mes collègues, quelques observations relatives aux conditions d'adoption de ce texte, dont vous allez contrôler la conformité à la Constitution.

En effet, cette loi organique vient d'être adoptée à l'issue d'une procédure qui nous amène à vous interroger sur son bienfondé, au regard des principes constitutionnels.

Le gouvernement, après engagement de la procédure accélérée sur ce texte et discussion dans les deux chambres, a convoqué la réunion d'une commission mixte paritaire qui a permis d'élaborer un texte de la commission, dont les conclusions ont été mises en discussion le jeudi 17 octobre, dans le cadre d'une semaine sénatoriale de contrôle.

C'est à dire qu'à la demande du groupe socialiste, la conférence des présidents a inscrit à l'ordre du jour d'une semaine de contrôle du Sénat une série de conclusions de commissions mixtes paritaires de projets de loi gouvernementaux, dont la loi organique précitée. Lors de cette conférence des présidents, le groupe UMP a d'ailleurs fait part de son étonnement sur ces inscriptions.

En effet, selon nous, cette démarche entrave les droits du parlement tels que la révision constitutionnelle de 2008 les a définis à l'alinéa 4 de l'article 48 de la Constitution qui énonce que « Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques».

Comme l'avait d'ailleurs exprimé le rapporteur du texte au Sénat (1), le Président de la commission des lois Jean-Jacques Hyest, «le principe selon lequel une des deux semaines réservées au Parlement est consacrée au contrôle peut apparaître rigide. Toutefois, la priorité reconnue au contrôle n'implique pas l'exclusivité et la Conférence des présidents pourrait également décider de compléter l'ordre du jour par des initiatives législatives. La nouvelle formulation de l'article 48 ne prendra toute sa portée que si le Gouvernement s'autodiscipline pour faire un usage mesuré des prérogatives qui lui permettent d'inscrire certains textes à l'ordre du jour réservé par principe au Parlement. A défaut -c'est-à-dire s'il débordait systématiquement de sa moitié de l'ordre du jour- l'exposé des motifs selon lequel «l'autre moitié (est) à la libre disposition des assemblées» n'aurait été qu'un trompe-l'oeil. »

Ainsi le rapporteur du texte au Sénat avait pris la précaution de montrer la limite de la portée de cette disposition de l'article 48 de la Constitution si le Gouvernement venait entraver l'exercice de cette prérogative reconnue constitutionnellement au Parlement, comme nous le relevons en l'espèce.

Les assemblées parlementaires ont souhaité développer de nouveaux outils pour contrôler l'application par l'exécutif de son programme, mais aussi le fonctionnement au jour le jour des différents services de son administration. Cette fonction de contrôle au Sénat est d'autant plus importante que le Gouvernement n'est pas responsable devant lui sous la Vème République.

C'est d'ailleurs l'un des apports les plus importants de la révision constitutionnelle de 2008 que d'avoir placé la fonction de contrôle au même niveau que la fonction législative, que l'alinéa 1er de l'article 24 de la Constitution précise : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ».

L'importance reconnue désormais à la fonction de contrôle se traduit donc par la place qui lui est accordée dans la fixation de l'ordre du jour, à moins, que comme le relevait le rapporteur de la révision constitutionnelle de 2008, ces dispositions ne soient qu'un « trompe l'oeil».

Par ailleurs, la conférence des Présidents du Sénat, du 9 octobre 2013, a décidé d'inscrire en discussion la semaine du 18 novembre 2013, toujours en semaine de contrôle, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin de loi sur le traité. Le Président du groupe écologiste l'a d'ailleurs fait remarquer à l'occasion de cette conférence des Présidents.

Cette inscription, au surplus de la série de commissions mixtes paritaires précédemment énoncée, est faite selon nous en méconnaissance des droits constitutionnels reconnus au Parlement : ainsi le Gouvernement n'a pas fait un usage mesuré de sa prérogative reconnue à l'article 48 de la Constitution.

Enfin, nous estimons que la démarche d'inscrire dans des semaines de contrôle la discussion de conclusions de commissions mixtes paritaires et de projet de lois est d'autant plus contraire aux principes constitutionnels, que plusieurs demandes d'inscriptions à l'ordre du jour de débats de contrôle de l'action du Gouvernement ont été demandées, notamment par les groupes minoritaires et d'opposition, et sont toujours insatisfaites à ce jour.

Il est en ainsi de plusieurs débats sollicités par le groupe UMP sur la politique énergétique le 6 décembre 2013 (demande renouvelée à 2 reprises), sur la sécurité sociale des étudiants le 18 juillet 2013, sur l'avenir des infrastructures de transport le 17 juillet 2013, sur la politique d'accueil des gens du voyage le 17 juillet 2013.

Tout comme il en est :

- d'un débat sollicité par la commission des lois sur le rapport d'information n°130, relatif au droit d'asile de messieurs Leconte et Frassa, déposé le 14 novembre 2012 ;

-d'un débat sollicité par la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois sur le rapport d'information no856 relatif à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français de madame Bouchoux et monsieur Lenoir, déposé le 18 septembre 2013 ;

-d'un débat sollicité par la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe sur son rapport rendu le 17 juillet 2013 ;

Au regard de ces éléments, nous vous interrogeons donc sur l'opportunité constitutionnelle d'avoir inscrit à l'ordre du jour d'une semaine de contrôle la discussion d'une série de conclusions de commissions mixtes paritaires de divers projets de loi et de projets de loi, alors que les demandes des groupes parlementaires et des commissions, en matière de contrôle, ne sont pas satisfaites.

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1 Rapport n°463 (2007-2008)