Loi de finances pour 2006

Date :
29-12-2005
Taille :
70 pages
Section :
Législation
Source :
2005-530
Résultat :
Non conformité partielle

Texte original :

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances pour 2006, le 21 décembre 2005, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Henri EMMANUELLI, Laurent FABIUS, Albert FACON, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mme Nathalie GAUTIER, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Eric JALTON, Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Louis-Joseph MANSCOUR, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mmes Ségolène ROYAL, Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Simon RENUCCI, Mmes Chantal ROBIN-RODRIGO, Martine BILLARD, MM. Yves COCHET et Noël MAMÈRE, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution,
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L.O. 111-3 à L.O. 111-10-2, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L.O. 1114-1 à L.O. 1114-4, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 26 décembre 2005 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2006 ; qu'ils formulent à son encontre plusieurs griefs fondés sur des contrariétés à la loi organique du 1er août 2001 susvisée et tenant notamment à l'insuffisance des indicateurs de performances, à la présentation des emplois de la mission " Enseignement scolaire ", au périmètre de la mission " Ecologie et développement durable ", au caractère " mono-programme " des comptes spéciaux ou à la nature des dépenses qu'ils retracent ; qu'ils contestent également ses articles 7, 26, 56, 74, 78 et 85 ;
- SUR LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE :
2. Considérant que les requérants font valoir, de façon générale, que " le nombre d'indicateurs de performance non renseignés dans les documents budgétaires transmis au Parlement et détaillant les crédits de chacune des missions est inacceptable et remet en cause la qualité même de l'autorisation parlementaire " ; qu'ils jugent que cette défaillance prive le Parlement " de la capacité d'exercer son contrôle sur l'efficacité des politiques menées " et " aura des conséquences dommageables également lors de la discussion du projet de loi de règlement pour l'année 2006 " ; que, ce faisant, ils mettent en cause la procédure législative au terme de laquelle la loi déférée a été adoptée ;
3. Considérant que l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001, entré en vigueur le 1er janvier 2005, définit les documents qui doivent désormais être joints au projet de loi de finances de l'année ; que, parmi ces documents, doivent figurer des " projets annuels de performances " présentant les objectifs associés aux crédits des différents programmes et permettant de mesurer, au moyen " d'indicateurs précis ", l'efficacité de la dépense publique ; que l'article 54 de la même loi organique est relatif aux documents qui devront être joints au projet de loi de règlement à partir de celui portant sur l'année 2006 ; que, parmi ces documents, figurent des " rapports annuels de performances " qui permettent d'établir des comparaisons avec les projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances initiale ;
4. Considérant que ces annexes doivent permettre au Parlement de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de loi de finances de l'année et de contrôler, a posteriori, l'utilisation faite des autorisations qui lui ont été demandées ; que tel est l'objet, en particulier, des projets et des rapports annuels de performances ;
5. Considérant, en l'espèce, qu'il n'est pas établi que les indicateurs de performances associés à la loi de finances pour 2006 soient entachés d'un défaut de sincérité ; que, si quelques retards ou déficiences ont pu être constatés et devront être corrigés à l'avenir, ils ne sont, ni par leur nombre, ni par leur ampleur, de nature à remettre en cause la régularité d'ensemble de la procédure législative ; que, dès lors, le grief invoqué doit être écarté ;
- SUR LA MISSION " ENSEIGNEMENT SCOLAIRE " :
6. Considérant qu'en vertu de l'article 67 de la loi déférée, il est ouvert aux ministres, pour 2006, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement conformément à une répartition par mission donnée à l'état B annexé ; que cet état B fixe les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission intitulée : " Enseignement scolaire " ; que, par ailleurs, l'article 71 de la même loi fixe, pour 2006, le plafond des autorisations d'emplois du ministère de l'éducation nationale et de la recherche ;
7. Considérant que les requérants font valoir que la loi de finances pour 2006 supprime des " postes d'enseignants mis à disposition dans les associations participant au système éducatif " et prévoit le versement à ces dernières d'une subvention équivalente ; qu'ils estiment que ce choix va à l'encontre d'une identification claire de la participation des emplois à la réalisation des politiques publiques et méconnaît, dès lors, " l'esprit de la loi organique " ; que, ce faisant, ils mettent en cause la sincérité de la répartition des dépenses de personnel de la mission " enseignement scolaire " et du plafond des autorisations d'emplois du ministère ;
8. Considérant que l'article 5 de la loi organique du 1er août 2001 prévoit que les charges budgétaires de l'Etat sont regroupées par titres, dont l'un est consacré aux dépenses de personnel ; qu'il précise que ces dépenses comprennent les rémunérations d'activité, les cotisations et contributions sociales, les prestations sociales et allocations diverses ; que, si l'article 7 de la même loi dispose que la présentation des crédits par titre est indicative, il précise que " les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de chaque programme constituent le plafond des dépenses de cette nature " et qu'ils sont " assortis de plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat ", lesquels sont spécialisés par ministère ; qu'enfin, son article 44 ajoute que : " Dès la promulgation de la loi de finances de l'année..., le Gouvernement prend des décrets portant... fixation, par programme, du montant des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel " ;
9. Considérant que la transformation en détachements des mises à disposition de personnels de l'Etat n'est contraire à aucune règle constitutionnelle ou organique ; qu'une transformation de cet ordre est effectivement mise en oeuvre par la loi de finances pour 2006 en ce qui concerne des personnels de l'éducation nationale intervenant auprès d'organismes extérieurs à l'Etat, notamment dans le secteur associatif ; qu'il est prévu d'accorder aux organismes concernés une subvention correspondant aux montants des rémunérations des personnels détachés qu'ils prendront en charge ; que cette mesure, destinée à mieux identifier les employeurs véritables et la réalité de l'aide que leur apporte l'Etat, ne méconnaît pas le principe de sincérité budgétaire ; qu'en l'espèce, les dispositions organiques précitées ont été respectées ;
10. Considérant, dans ces conditions, que les griefs dirigés à l'encontre de la mission " Enseignement scolaire " doivent être rejetés ;
- SUR LA MISSION " ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE " :
11. Considérant que l'état B annexé à la loi déférée, auquel renvoie son article 67, fixe les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission ministérielle intitulée : " Ecologie et développement durable " ;
12. Considérant que, selon les requérants, " de nombreux crédits permettant la mise en oeuvre des objectifs de la mission qui regroupe les politiques en faveur de la protection de l'environnement et de la prévention des risques naturels se trouvent dispersés dans d'autres missions " ; qu'ils se réfèrent, en particulier, aux missions intitulées : " Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ", " Politique des territoires " et " Transports " ; qu'ils en déduisent que le contenu de la mission " Ecologie et développement durable " serait en contradiction avec " les règles de spécialisation des crédits prévues par l'article 7 de la loi organique " et avec " l'esprit " de cette législation ; que seraient ainsi méconnus le " principe de responsabilisation des gestionnaires publics " et les " objectifs de lisibilité des enjeux et des choix budgétaires " ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 : " Les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'Etat sont regroupés par mission relevant d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères. - Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une mission " ;
14. Considérant qu'il appartient au Gouvernement de définir le périmètre des différentes missions en fonction des politiques publiques mises en oeuvre ; qu'il est également de sa compétence de choisir de constituer ces missions à partir des crédits d'un seul ou de plusieurs ministères ; que, contrairement aux affirmations des requérants, les critères sur lesquels repose la délimitation des missions mises en cause ne sont entachés d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, les griefs dirigés à l'encontre de la mission " Ecologie et développement durable " doivent être rejetés ;
- SUR LES PROCÉDURES D'AFFECTATION DE CERTAINES RECETTES À CERTAINES DÉPENSES :
15. Considérant que l'article 16 de la loi organique du 1er août 2001 dispose : " Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial " ; que les articles 17 à 24 de la même loi organique définissent le nouveau régime juridique de ces procédures d'affectation ; que son article 19 fait des comptes d'affectation spéciale une catégorie particulière de comptes spéciaux ;
16. Considérant que les articles 45 à 54 de la loi déférée ont pour objet de procéder, en ce qui concerne les comptes spéciaux, aux adaptations rendues nécessaires par l'entrée en vigueur des dispositions organiques précitées ; qu'il en est ainsi de l'article 48, qui a trait au compte d'affectation spéciale intitulé : " Participations financières de l'Etat ", et de l'article 49 qui ouvre, dans les écritures du Trésor, un compte d'affectation spéciale intitulé : " Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route " ;
17. Considérant, par ailleurs, que les états A et B annexés à la loi déférée, auxquels renvoient ses articles 66, 68 et 69, fixent, d'une part, le montant des recettes des comptes d'affectation spéciale et des budgets annexes, d'autre part, celui de leurs autorisations d'engagement et de leurs crédits de paiement ;
18. Considérant que les requérants contestent plus particulièrement la conformité à la loi organique du 1er août 2001 du compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'Etat " ;
. En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'Etat " :
19. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa du I de l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 : " Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale... " ;
20. Considérant que l'article 48 de la loi déférée procède à l'ouverture du compte d'affectation spéciale intitulé : " Participations financières de l'Etat " ; que son I prévoit que ce compte retrace : " 1° En recettes : - a) Tout produit des cessions par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ; - b) Les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'Etat qui lui sont reversés ; - c) Les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ; - d) Les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ; - e) Les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'Etat ; - f) Des versements du budget général " ; que le I de l'article 48 prévoit également que le compte retrace : " 2° En dépenses : - a) Les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'Etat ; - b) Les dotations au Fonds de réserve pour les retraites ; - c) Les augmentations de capital, les avances d'actionnaire et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'Etat ; - d) Les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de société ; - e) Les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations mentionnées au a du 1°, ainsi qu'aux c et d du présent 2° " ; que le II de l'article 48 lui affecte le solde du " Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés " n° 902-24, dont la clôture est prononcée par le cinquième alinéa du I de l'article 45 et auquel il se substitue ;
21. Considérant que les requérants formulent, à l'encontre de ce compte, deux critiques tenant, d'une part, à sa structure, et, d'autre part, à la nature des dépenses qu'il retrace ;
- Quant au caractère " mono-programme " du compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'Etat " :
22. Considérant que le compte d'affectation spéciale créé par l'article 48 de la loi déférée comporte un programme unique ;
23. Considérant que, selon les requérants, le fait que ce compte ne comporte qu'un seul programme serait " contraire à la lettre " de la loi organique relative aux lois de finances et " opposé à son esprit, notamment en matière de renforcement du droit d'amendement pour les parlementaires " ;
24. Considérant qu'en vertu de la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 7 de la même loi organique : " Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie " ; que son article 47, combiné avec les dispositions figurant à cet article 7, offre aux membres du Parlement la faculté nouvelle de présenter des amendements majorant les crédits d'un ou plusieurs programmes ou dotations inclus dans une mission, à la condition de ne pas augmenter les crédits de celle-ci ; qu'il résulte de ces dispositions que, comme le font valoir les requérants, une mission ne saurait comporter un programme unique ;
25. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article 20 de la loi organique du 1er août 2001 : " Chacun des comptes spéciaux dotés de crédits constitue une mission au sens des articles 7 et 47. Leurs crédits sont spécialisés par programme " ; que, dès lors, en l'état de la législation, les comptes spéciaux ne devraient pas comporter un programme unique ;
26. Considérant, toutefois, que la présentation du compte d'affectation spéciale critiqué et des autres missions " mono-programme " s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'une nouvelle nomenclature budgétaire ; qu'afin de laisser aux autorités compétentes le temps de procéder aux adaptations nécessaires et de surmonter les difficultés inhérentes à l'application d'une telle réforme, la mise en conformité des missions " mono-programme " et des nouvelles règles organiques pourra n'être effective qu'à compter de l'année 2007 ;
27. Considérant, ainsi, que le compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'Etat " et les nouvelles règles organiques devront être mis en conformité ; qu'il devra en être de même pour les autres comptes spéciaux, figurant dans la loi de finances pour 2006, qui ne comportent qu'un programme ;
28. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, il n'y a pas lieu, en l'état, de déclarer ces missions contraires à la Constitution ;
- Quant aux dépenses retracées par le compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'Etat " :
29. Considérant, comme il a été dit ci-dessus, que l'article 48 de la loi déférée fait figurer, parmi les dépenses retracées par le compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'Etat ", les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux cessions par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement, aux augmentations de capital, avances d'actionnaire et prêts assimilés ainsi qu'aux autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'Etat, aux achats et souscriptions de titres, parts ou droits de société ;
30. Considérant que, selon les requérants, l'inclusion, au sein des dépenses du compte, de " frais de gestion courante " liés à certaines opérations constituerait " une nouvelle violation de la loi organique relative aux lois de finances " ;
31. Considérant, en premier lieu, que la première phrase du second alinéa du I de l'article 21 précité de la loi organique du 1er août 2001, en application de laquelle a été pris l'article 48 de la loi déférée, précise que les opérations " de gestion courante " sont exclues des dépenses retracées par le compte d'affectation spéciale relatif aux participations financières de l'Etat ;
32. Considérant, en second lieu, comme il ressort des termes mêmes de l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 et des travaux parlementaires à l'issue desquels il a été adopté, qu'en exigeant que les recettes d'un compte d'affectation spéciale soient, " par nature, en relation directe " avec ses dépenses, le législateur organique a entendu limiter les possibilités de dérogation au principe de non-affectation des recettes aux dépenses ; qu'en effet, sans vouloir pour autant faire obstacle aux exigences de bonne gestion des ressources publiques, il a défini la possibilité d'affecter une recette à une dépense dans le cadre d'un compte d'affectation spéciale de façon plus restrictive que sous l'empire de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, dont l'article 25 se bornait à indiquer que " les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations financées au moyen de ressources particulières " ;
33. Considérant, toutefois, que les opérations dont l'inscription parmi les dépenses du compte est contestée, qui n'ont pas un caractère récurrent, ne peuvent être qualifiées d'opérations de gestion courante ; qu'elles sont en relation directe avec les recettes résultant des opérations de cession d'actifs, seules étant prises en charge par le compte les dépenses inhérentes à ces opérations et intrinsèquement liées à leur produit ; que leur insertion parmi les dépenses du compte est justifiée par une exigence de bonne gestion des ressources publiques ; que, dans ces conditions, le grief invoqué doit être rejeté ;
. En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale " Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route " :
34. Considérant que le I de l'article 49 de la loi déférée dispose : " Il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte d'affectation spéciale, intitulé : "Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route"... " ; qu'il prévoit que ce compte retrace, en recettes, une fraction égale à 60 % du produit des amendes perçues par la voie de " systèmes automatiques de contrôle et sanction ", dans la limite de 140 millions d'euros, et en dépenses, les coûts relatifs à ces systèmes ainsi qu'à la modernisation du fichier national du permis de conduire ; que le sixième alinéa du I fait également figurer parmi ses dépenses : " Le coût de la compensation financière versée aux établissements de crédit au titre des prêts souscrits par les personnes âgées de seize à vingt-cinq ans en vue du financement de leur formation à la conduite et à la sécurité routière " ;
35. Considérant que les recettes de ce compte ne sont pas, par nature, en relation directe avec la dépense induite par la décision des pouvoirs publics de verser aux établissements de crédit une compensation au titre des prêts souscrits en vue de faciliter le financement de la préparation au permis de conduire ; que, dès lors, a été méconnue l'exigence fixée par le I de l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 en ce qui concerne la relation qui doit exister entre les recettes et les dépenses d'un compte d'affectation spéciale ; que, par suite, il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le sixième alinéa du I de l'article 49 de la loi déférée ;
. En ce qui concerne les budgets annexes :
36. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 18 de la loi organique du 1er août 2001 : " Des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services " ; qu'aux termes de la première phrase du premier alinéa de son II : " Un budget annexe constitue une mission, au sens des articles 7 et 47 " ;
37. Considérant que le budget annexe " Journaux officiels " ne comporte qu'un programme ; que, comme il a été dit ci-dessus, une mission ne saurait comporter un programme unique ; que ce budget annexe et les nouvelles règles organiques devront être mis en conformité à compter de l'année 2007 ; que, sous cette réserve, il n'y a pas lieu, en l'état, de le déclarer contraire à la Constitution ;
- SUR L'UTILISATION DES SURPLUS DE RECETTES :
38. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du IV de l'article 66 de la loi déférée : " Pour 2006, les éventuels surplus mentionnés au 10° du I de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire " ; qu'aux termes de son dernier alinéa : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les éventuels surplus de recettes des impositions de toute nature portant sur les produits pétroliers peuvent être utilisés pour financer des dépenses " ;
39. Considérant que les règles relatives à l'utilisation des surplus mentionnés au considérant précédent ont été fixées par la loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005, qui a complété à cet effet les articles 34 et 35 de la loi organique du 1er août 2001 ; qu'ainsi, le 10° du I de cet article 34 dispose désormais que la loi de finances de l'année arrête, dans sa première partie, " les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat " ; que, par ailleurs, l'article 35 réserve aux lois de finances rectificatives la faculté de modifier en cours d'année ces modalités ;
40. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les surplus dont la loi de finances de l'année et, le cas échéant, la loi de finances rectificative, doivent déterminer les modalités d'utilisation, sont ceux qui sont susceptibles d'être constatés en fin d'exercice en retranchant au produit de l'ensemble des impositions de toutes natures établies au profit de l'Etat le total prévu par la loi de finances initiale ; que le législateur organique n'a pas entendu permettre que des règles spécifiques soient prévues pour l'utilisation du surplus constaté à partir d'une catégorie particulière de recettes ;
41. Considérant qu'il s'ensuit qu'en édictant une règle particulière pour l'utilisation du surplus de recettes résultant de la fiscalité pétrolière, quelles que soient les caractéristiques de cette dernière, le législateur a méconnu la loi organique ; que, dès lors, il y a lieu d'office de déclarer contraire à la Constitution le dernier alinéa du IV de l'article 66 de la loi déférée ;
- SUR L'IMPOSITION DES INTÉRÊTS DE PLANS D'ÉPARGNE- LOGEMENT :
42. Considérant que l'article 7 de la loi de finances met fin à l'exonération fiscale des intérêts des plans d'épargne-logement de plus de douze ans ou, s'ils ont été ouverts avant le 1er avril 1992, de ceux dont le terme est échu ; qu'aux termes du II de l'article R. 315-28 du code de la construction et de l'habitation, applicable depuis cette date : " La durée d'un plan d'épargne-logement ne peut être supérieure à dix ans. - Toutefois cette disposition ne s'applique pas aux plans d'épargne-logement qui, en vertu du contrat initial ou d'avenants à ce contrat, conclus avant le 1er avril 1992, ont une durée supérieure à dix ans. Ces plans demeurent valables jusqu'à l'expiration du contrat initial ou du dernier avenant et ne peuvent faire l'objet d'aucune prorogation... " ;
43. Considérant que, selon les requérants, la suppression de l'exonération fiscale n'est justifiée par aucun intérêt général suffisant ; qu'elle porte à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte excessive ;
44. Considérant, en premier lieu, que l'exonération fiscale prévue par le législateur pour les intérêts d'un plan d'épargne-logement ne constitue pas une clause contractuelle de ce plan ; que, par suite, le grief tiré d'une atteinte à l'économie de contrats légalement conclus manque en fait ;
45. Considérant, en second lieu, qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ;
46. Considérant, en l'espèce, que l'article 7 ne concerne que des plans d'épargne arrivés à échéance ; qu'il n'a pas d'effet rétroactif ; qu'il n'affecte donc pas une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
- SUR L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE :
47. Considérant que le I de l'article 26 de la loi déférée insère dans le code général des impôts un article 885 I quater qui instaure une exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune à concurrence des trois quarts de la valeur des parts ou actions que détiennent, dans une société, les personnes qui y exercent leur activité principale, à condition, lorsqu'il ne s'agit pas d'une société de personnes, que cette activité soit exercée " comme salarié ou mandataire social " ; que, pour ouvrir droit à cette exonération, les parts ou actions doivent rester la propriété du redevable pendant une durée minimale de six ans ; que cette exonération bénéficie également, sous la même condition de conservation de six ans, aux anciens salariés et mandataires sociaux de l'entreprise qui, lors de leur cessation de fonctions, détenaient depuis au moins trois ans les parts et actions de cette entreprise ; que le II de l'article 26 modifie l'article 885 I bis du code général des impôts afin de porter de la moitié aux trois quarts de la valeur des parts ou actions de certaines sociétés l'exonération dont bénéficient les propriétaires de ces titres lorsqu'ils s'engagent collectivement à les conserver durant au moins six ans ;
48. Considérant que, selon les requérants, cet article méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, d'une part, en procurant un " avantage fiscal exorbitant " à une nouvelle catégorie de personnes dont la situation ne diffère pas de celle des autres redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, d'autre part, en rapprochant indûment la situation des personnes engagées dans un pacte d'actionnaires de celle des personnes totalement exonérées de cet impôt à raison de leurs " biens professionnels " ; qu'ils soutiennent qu'aucune considération d'intérêt général ne peut justifier l'une ou l'autre de ces mesures ;
49. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des travaux parlementaires que, pour assurer le développement des entreprises et sauvegarder l'emploi, le législateur a entendu favoriser la stabilité du capital des sociétés ; qu'à cette fin, les dispositions contestées encouragent l'actionnariat des salariés et des mandataires sociaux, dont les titres n'entrent pas dans la catégorie des biens professionnels exonérée de l'impôt de solidarité sur la fortune en vertu de l'article 885 O bis du code général des impôts ; que, dans ce but, le nouvel avantage fiscal accordé par l'article 885 I quater vise à inciter tant les mandataires sociaux de l'entreprise et les salariés qui y exercent leurs fonctions, que ceux qui ont quitté l'entreprise pour faire valoir leurs droits à la retraite, à conserver les parts ou actions qu'ils détiennent ; qu'eu égard aux conditions posées en ce qui concerne la durée de conservation des titres et le caractère effectif du lien qui doit unir les personnes concernées aux sociétés en cause, l'exonération partielle que prévoit la disposition critiquée repose sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec les fins poursuivies par le législateur ; que doit être, dès lors, rejeté le grief tiré de la violation du principe d'égalité ;
50. Considérant, en second lieu, que le régime dérogatoire mis en place demeure distinct de celui applicable aux biens professionnels ; qu'au regard des objectifs d'intérêt général qu'il s'est assignés, le législateur, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, pouvait fixer aux trois quarts de la valeur des parts ou actions le seuil de la nouvelle exonération ;
51. Considérant que, par mesure de coordination, le législateur pouvait porter à un niveau équivalent le seuil de l'exonération applicable aux personnes collectivement engagées à conserver les titres dont elles sont propriétaires ;
52. Considérant, dès lors, que les griefs dirigés contre l'article 26 doivent être rejetés ;
- SUR L'AFFECTATION D'IMPOSITIONS À LA SÉCURITÉ SOCIALE :
53. Considérant que l'article 56 de la loi de finances affecte le produit de diverses impositions aux caisses nationales de sécurité sociale et à certains régimes particuliers en vue de compenser les allègements de cotisations sociales ;
54. Considérant que, selon les requérants, cette affectation procéderait à une débudgétisation contraire à la Constitution ; qu'elle porterait atteinte à l'information et au pouvoir de décision du Parlement ; qu'elle ne correspondrait pas à une compensation intégrale ; qu'elle méconnaîtrait les articles L.O. 111-3 et L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale qui ont pour objet " de renforcer la transparence des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale " ;
. En ce qui concerne la cohérence entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale :
55. Considérant qu'en vertu du c) du 2° du C de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale approuve, dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, le montant de la compensation mentionnée à l'annexe prévue au 5º du III de l'article L.O. 111-4 ;
56. Considérant que l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a fixé à 21,817 milliards d'euros le montant de la compensation mentionnée à l'annexe prévue au 5º du III de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale ; que le législateur a évalué à 18,9 milliards d'euros le montant du produit des impositions affectées à la sécurité sociale par l'article 56 de la loi de finances ; que, compte tenu des autres mesures de compensation prévues par la loi de finances pour 2006, l'article 56 de cette dernière est en cohérence avec l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ; qu'en tout état de cause, comme le prévoit le IV du même article 56, " en cas d'écart constaté entre le produit en 2006 des impôts et taxes affectés et le montant définitif de la perte de recettes liée aux allégements de cotisations sociales mentionnés au I pour cette même année, cet écart fait l'objet d'une régularisation, au titre de l'année 2006, par la plus prochaine loi de finances suivant la connaissance du montant définitif de la perte " ;
. En ce qui concerne le respect de la loi organique du 1er août 2001 :
57. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 : " Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 " ; que, dans sa décision du 25 juillet 2001 susvisée, le Conseil constitutionnel a interprété ces dispositions en jugeant que " la loi ne peut affecter directement à un tiers des impositions de toutes natures qu'à raison des missions de service public confiées à lui, sous la triple condition que la perception de ces impositions soit autorisée par la loi de finances de l'année, que, lorsque l'imposition concernée a été établie au profit de l'Etat, ce soit une loi de finances qui procède à cette affectation et qu'enfin le projet de loi de finances de l'année soit accompagné d'une annexe explicative concernant la liste et l'évaluation de ces impositions " ;
58. Considérant, en premier lieu, que le produit des impositions concernées sera versé par l'intermédiaire de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, établissement public national à caractère administratif, aux caisses nationales de sécurité sociale, établissements publics nationaux à caractère administratif, ainsi qu'à des régimes particuliers de sécurité sociale, lesquels assurent essentiellement la gestion d'un service public ; que la perception et l'affectation de ces impositions, qui avaient été établies au profit de l'Etat, sont respectivement autorisées par les articles 1er et 56 de la loi de finances pour 2006 ; que leur liste et leur évaluation figuraient tant à l'annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 qu'au tome I du fascicule " Evaluation des voies et moyens " annexé au projet de loi de finances pour 2006 ; que ces documents ont permis au Parlement de se prononcer en connaissance de cause sur les compensations concernées ;
59. Considérant, en second lieu, que les compensations d'exonérations ou de réductions de cotisations sociales ne sauraient être regardées comme des dépenses qui devraient, par nature, figurer au budget de l'Etat ;
60. Considérant, par suite, que les griefs dirigés contre l'article 56 de la loi de finances doivent être écartés ;
- SUR LE PLAFONNEMENT DES IMPÔTS DIRECTS :
61. Considérant que l'article 74 de la loi déférée tend à plafonner la part des revenus d'un foyer fiscal affectée au paiement d'impôts directs ; que son II insère dans le code général des impôts un nouvel article 1er aux termes duquel : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus " ; que son III crée dans le même code un nouvel article 1649-0 A qui précise les modalités d'application de ce plafonnement ;
62. Considérant que ce nouvel article 1649-0 A institue un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 60 % mentionné à l'article 1er ; que, selon son 2, sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes : - l'impôt sur le revenu ; - l'impôt de solidarité sur la fortune ; - la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférentes à l'habitation principale du contribuable, ainsi que certaines taxes additionnelles à ces taxes ; - la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable, ainsi que certaines taxes additionnelles à cette taxe ;
63. Considérant que les 4 à 7 du nouvel article 1649-0 A définissent les catégories de revenus qui entrent dans le calcul du droit à restitution ; qu'il s'agit du revenu réalisé par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions et comprenant, sous réserve de certains aménagements et exceptions, les revenus soumis à l'impôt sur le revenu nets de frais professionnels, les produits soumis à un prélèvement libératoire et les revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France ;
64. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions, en limitant la participation de certains contribuables et en définissant les capacités contributives par rapport aux seuls revenus, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ;
65. Considérant que l'article 13 de la Déclaration de 1789 dispose : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ; que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ;
66. Considérant, dès lors, que, dans son principe, l'article contesté, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
67. Considérant, s'agissant des modalités adoptées pour la mise en oeuvre de ce principe, que ni la fixation de la part des revenus au-delà de laquelle le paiement d'impôts directs ouvre droit à restitution, ni la définition des revenus entrant dans le calcul, ni la détermination des impôts directs pris en compte, ni les mesures retenues pour opérer la restitution ne sont inappropriées à la réalisation de l'objectif que s'est fixé le législateur ; que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui revient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies ;
68. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 74 n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR LE PLAFONNEMENT DE CERTAINS AVANTAGES FISCAUX :
69. Considérant que le I de l'article 78 de la loi de finances pour 2006 insère, dans la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, un II bis intitulé : " Plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu ", comportant un article 200-0 A ;
70. Considérant que le 1 de l'article 200-0 A détermine en fonction de la composition du foyer fiscal le montant du plafonnement des avantages fiscaux concernés ;
71. Considérant que le 2 du même article soumet à ce plafonnement : " - a) L'avantage en impôt procuré par la déduction au titre de l'amortissement prévue au h du 1° du I de l'article 31, pratiquée au titre de l'année d'imposition ; - b) L'avantage en impôt procuré par la déduction au titre de l'amortissement prévue à l'article 31 bis, pratiquée au titre de l'année d'imposition ; - c) L'avantage en impôt procuré par le montant du déficit net foncier défini à l'article 28, obtenu en application du deuxième alinéa du 3° du I de l'article 156, diminué de 10.700 EUR et d'une fraction des dépenses effectuées pour la restauration des logements, égale aux trois-quarts pour les immeubles situés dans une zone urbaine sensible définie au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, aux deux-tiers pour les immeubles situés dans un secteur sauvegardé et qui font l'objet des protections prévues au a du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme ou dont la modification est soumise au b du même III, et à la moitié pour les autres immeubles ; - " d) Les réductions et crédits d'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux mentionnés aux articles 199 ter, 199 quater B, 199 quater C, 199 quater F, 199 septies, 199 undecies A, 199 undecies B, 199 terdecies-0 B, 199 quindecies, 199 octodecies, 200, 200 quater A, 200 sexies, 200 octies, 200 decies, 238 bis, 238 bis-0 AB, aux 2 à 4 du I de l'article 197, des crédits d'impôt mentionnés à la section II du chapitre IV du présent titre, du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales " ;
72. Considérant que le 3 de l'article 200-0 A précise : " L'avantage en impôt procuré par les dispositifs mentionnés aux a à c du 2 est égal au produit du montant total des déductions et déficits concernés par le taux moyen défini au 4 " ;
73. Considérant que le 4 du même article définit le taux moyen mentionné au 3 comme étant " égal au rapport existant entre : - a) Au numérateur, le montant de l'impôt dû majoré des réductions et crédits d'impôt imputés avant application des dispositions du 1 et du prélèvement prévu à l'article 125 A ; - b) Au dénominateur, la somme algébrique des revenus catégoriels nets de frais professionnels soumis à l'impôt sur le revenu selon le barème défini à l'article 197 : - diminuée du montant des déficits reportables sur le revenu global dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 156, de la fraction de contribution sociale généralisée mentionnée au II de l'article 154 quinquies, des sommes visées aux 2° et 2° ter du II de l'article 156 et de celles admises en déduction en application du I de l'article 163 quatervicies ; - majorée des revenus taxés à un taux proportionnel et de ceux passibles du prélèvement mentionné à l'article 125 A " ; qu'il précise, en outre que : " Lorsque le taux déterminé selon les règles prévues aux alinéas précédents est négatif, l'avantage mentionné au 3 est égal à zéro " ;
74. Considérant que le 5 de l'article 200-0 A ajoute : " L'excédent éventuel résultant de la différence entre le montant d'avantage obtenu en application des 2 et 3 et le montant maximum d'avantage défini au 1 est ajouté au montant de l'impôt dû ou vient en diminution de la restitution d'impôt. - En cas de remise en cause ultérieure de l'un des avantages concernés par le plafonnement défini au 1, le montant de la reprise est égal au produit du montant de l'avantage remis en cause par le rapport existant entre le montant du plafond mentionné au 1 et celui des avantages obtenus en application des 2 et 3 " ;
75. Considérant que le II de l'article 78 de la loi de finances détermine les conditions dans lesquelles les investissements outre-mer visés aux articles 199 undecies A et 199 undecies B du code général des impôts, non retenus par la loi déférée, pourront ultérieurement être pris en compte dans le plafonnement prévu à l'article 200-0 A précité ; que son III modifie, après les avoir renumérotés en articles 199 unvicies et 199 duovicies, les articles 163 septdecies et 163 octodecies A du même code, relatifs respectivement aux souscriptions d'actions de sociétés qui ont pour activité exclusive le financement en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles et aux pertes en capital subies par les créateurs d'entreprise ; qu'en particulier, il transforme ces déductions du revenu global en réductions d'impôt ; que son I procède, par voie de conséquence, à des modifications de divers articles du code général des impôts ; que son V règle l'application dans le temps du plafonnement des divers avantages fiscaux en cause ;
76. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'ils font valoir, d'une part, que le choix des avantages fiscaux soumis au plafonnement ne traduit pas une différence objective de situation entre contribuables ; qu'il se réfèrent notamment aux avantages fiscaux accordés aux investissements outre-mer ; qu'ils exposent que les critères retenus sont flous, ce qui est d'autant plus inacceptable que ce dispositif est appelé à s'appliquer à tout nouveau mécanisme fiscal dérogatoire ; qu'ils ajoutent, d'autre part, que le principe d'une majoration du plafond en fonction du nombre d'enfants à charge ou de personnes membres du foyer âgés de plus de 65 ans ne repose pas sur un motif d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi ;
77. Considérant que l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration de 1789 et " la garantie des droits " requise par son article 16 ne seraient pas effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des règles qui leur sont applicables et si ces règles présentaient une complexité excessive au regard de l'aptitude de leurs destinataires à en mesurer utilement la portée ; qu'en particulier, le droit au recours pourrait en être affecté ; que cette complexité restreindrait l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles qui sont déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel " tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas " ;
78. Considérant qu'en matière fiscale, la loi, lorsqu'elle atteint un niveau de complexité tel qu'elle devient inintelligible pour le citoyen, méconnaît en outre l'article 14 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel : " Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée " ;
79. Considérant qu'il en est particulièrement ainsi lorsque la loi fiscale invite le contribuable, comme en l'espèce, à opérer des arbitrages et qu'elle conditionne la charge finale de l'impôt aux choix éclairés de l'intéressé ; qu'au regard du principe d'égalité devant l'impôt, la justification des dispositions fiscales incitatives est liée à la possibilité effective, pour le contribuable, d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable le montant de son impôt selon les diverses options qui lui sont ouvertes ;
80. Considérant, toutefois, que des motifs d'intérêt général suffisants peuvent justifier la complexité de la loi ;
81. Considérant que c'est au regard des principes ci-dessus énoncés que doit être appréciée la conformité à la Constitution de l'article 78 de la loi de finances pour 2006 ;
82. Considérant, en premier lieu, que les destinataires des dispositions en cause ne sont pas seulement l'administration fiscale, mais aussi les contribuables, appelés à calculer par avance le montant de leur impôt afin d'évaluer l'incidence sur leurs choix des nouvelles règles de plafonnement ;
83. Considérant qu'un tel calcul impliquerait notamment la conversion en réduction d'impôt des avantages se traduisant par une déduction de l'assiette du revenu imposable ; que cette conversion impliquerait le recours à un taux moyen d'imposition défini par un ratio dont le contribuable devrait évaluer par avance le numérateur et le dénominateur par référence aux nombreuses dispositions auxquelles renvoie l'article 78 ; que le calcul devrait en outre prendre en compte l'incidence des reprises, lorsque des engagements pluriannuels n'ont pu être respectés ; qu'il devrait également tenir compte des particularités que conserveraient certains régimes d'incitation fiscale spécifiques en matière d'investissement dans les entreprises ou dans l'immobilier, qu'il s'agisse des possibilités de report, de l'aménagement de leurs régimes propres incidemment réalisé par l'article 78, de l'existence future de plusieurs plafonds ou de ce qu'une partie de l'avantage échapperait au plafonnement ;
84. Considérant que la complexité de ces règles se traduit notamment par la longueur de l'article 78, par le caractère imbriqué, incompréhensible pour le contribuable, et parfois ambigu pour le professionnel, de ses dispositions, ainsi que par les très nombreux renvois qu'il comporte à d'autres dispositions elles-mêmes imbriquées ; que les incertitudes qui en résulteraient seraient source d'insécurité juridique, notamment de malentendus, de réclamations et de contentieux ;
85. Considérant que la complexité du dispositif organisé par l'article 78 pourrait mettre une partie des contribuables concernés hors d'état d'opérer les arbitrages auxquels les invite le législateur ; que, faute pour la loi de garantir la rationalité de ces arbitrages, serait altérée la justification de chacun des avantages fiscaux correspondants du point de vue de l'égalité devant l'impôt ;
86. Considérant, dans ces conditions, que la complexité de l'article 78 est, au regard des exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées, excessive ;
87. Considérant, en second lieu, que le gain attendu, pour le budget de l'Etat, du dispositif de plafonnement des avantages fiscaux organisé par l'article 78 de la loi déférée est sans commune mesure avec la perte de recettes résultant des dispositions de ses articles 74, 75 et 76 ;
88. Considérant, dès lors, que la complexité nouvelle imposée aux contribuables ne trouve sa contrepartie dans aucun motif d'intérêt général véritable ;
89. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la complexité de l'article 78 de la loi de finances pour 2006 est à la fois excessive et non justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'il y a lieu en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la saisine, de déclarer cet article contraire à la Constitution ;
- SUR LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE :
90. Considérant que l'article 85 de la loi déférée réforme le régime de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée ; que le II de cet article modifie le deuxième alinéa du I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts afin de fixer à 3,5 % le taux de plafonnement pour l'ensemble des entreprises ; que son III détermine les modalités de prise en charge par l'Etat du dégrèvement ainsi accordé ; que le A de ce III prévoit que l'Etat rembourse à chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale la différence entre, d'une part, la base servant au calcul de la cotisation de taxe professionnelle établie au titre de l'année d'imposition multipliée par le taux de référence de chaque collectivité ou établissement public, d'autre part, le montant du plafonnement déterminé selon le pourcentage de la valeur ajoutée de 3,5 % ; que, selon son B, le taux de référence est le taux le plus faible entre celui de l'année 2005, celui de l'année d'imposition et celui de l'année 2004 majoré de 5,5 % pour les communes, de 7,3 % pour les départements et de 5,1 % pour les régions ;
91. Considérant que les requérants soutiennent que cet article fait obstacle, de manière rétroactive, à la prise en compte des augmentations de taux décidées par les collectivités territoriales ; qu'ils font encore valoir qu'en répartissant les effets du plafonnement entre les différentes collectivités territoriales, les dispositions contestées organisent une forme de tutelle entre collectivités ; qu'à ce double titre, le législateur aurait méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales ; qu'ils reprochent également à l'article 85 de figer la compensation versée par l'Etat aux collectivités et de priver de tout effet utile sur le produit fiscal les hausses de taux que les collectivités territoriales pourraient décider à l'avenir, en violation du principe de leur autonomie financière ;
92. Considérant, en premier lieu, que le III de l'article 85 prévoit que le mécanisme de compensation par l'Etat du dégrèvement ne s'appliquera qu'à compter des impositions établies au titre de l'année 2007 ; qu'il n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet d'affecter les budgets des années 2005 et 2006 ; que, par ailleurs, l'interférence entre les taxes professionnelles perçues par différentes collectivités sur le territoire desquelles est établie une entreprise dont la taxe professionnelle sera plafonnée ne saurait avoir pour effet d'instaurer une tutelle entre ces collectivités ; que, par suite, ces deux griefs manquent en fait ;
93. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : " Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre " ;
94. Considérant que, pour assurer la mise en oeuvre de cette disposition, la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 a inséré dans le code général des collectivités territoriales les articles L.O. 1114-1 à L.O. 1114-4 ;
95. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, pour chacune des catégories de collectivités territoriales définies à l'article L.O. 1114-1 du même code, " la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003 " ;
96. Considérant qu'en vertu de ces dispositions organiques, le Conseil constitutionnel ne pourrait que censurer des actes législatifs ayant pour conséquence nécessaire de porter atteinte au caractère déterminant de la part des ressources propres d'une catégorie de collectivités territoriales, tel qu'il est défini par lesdites dispositions ; que, cependant, l'article contesté n'emportera pas, de son seul fait, des conséquences d'une ampleur telle que le degré d'autonomie financière d'une catégorie de collectivités territoriales se dégradera dans une proportion incompatible avec la règle fixée par l'article L.O. 1114-3 ;
97. Considérant, en tout état de cause, que l'article L.O. 1114-4 du code général des collectivités territoriales tend à garantir la pérennité de l'autonomie financière des collectivités territoriales ; qu'il prévoit à cet effet que le Gouvernement transmettra au Parlement, pour une année donnée, au plus tard le 1er juin de la deuxième année qui suit, " un rapport faisant apparaître, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources ainsi que ses modalités de calcul et son évolution " ; qu'il indique que " si, pour une catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres ne répond pas aux règles fixées à l'article L.O. 1114-3, les dispositions nécessaires sont arrêtées, au plus tard, par une loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait " ;
98. Considérant, dès lors, que, si, au vu de ce rapport, il apparaissait que, en raison de l'évolution des circonstances, et notamment par l'effet de l'article contesté, éventuellement conjugué à d'autres causes, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources d'une catégorie de collectivités territoriales devenait inférieure au seuil minimal déterminé par l'article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, il appartiendrait à la loi de finances pour la deuxième année suivant celle de ce constat d'arrêter les mesures appropriées pour rétablir le degré d'autonomie financière de cette catégorie au niveau imposé par le législateur organique ;
99. Considérant, en outre, que, si ce rapport révélait que la mesure contestée entravait la gestion d'une collectivité territoriale au point de porter à sa libre administration une atteinte d'une gravité telle que serait méconnu l'article 72 de la Constitution, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ;
100. Considérant que, sous les réserves énoncées aux deux considérants précédents, les dispositions de l'article 85 ne sont pas contraires à la Constitution ;
- SUR LA PLACE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DE FINANCES :
101. Considérant que l'article 105 de la loi déférée, qui modifie le premier alinéa de l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, tend à permettre aux conseils régionaux de déléguer à des établissements publics autres que " locaux " la gestion des avances qu'ils octroient à certaines entreprises ;
102. Considérant que l'article 148, qui modifie l'article L. 822-1 du code de l'éducation, prévoit que les biens affectés au logement des étudiants et appartenant à un établissement public pourront être transférés aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale qui s'engagent à les rénover ou à les réhabiliter, à l'instar de ceux qui appartiennent à l'Etat ;
103. Considérant que ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'Etat ; qu'elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'Etat ; qu'elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; qu'elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 ; qu'il suit de là que les articles 105 et 148 de la loi déférée ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;
104. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,Décide :
Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2006 :
le sixième alinéa du I de l'article 49,
le dernier alinéa du IV de l'article 66,
l'article 78,
l'article 105,
l'article 148.
Article 2.- Ne sont pas contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2006 :
sous les réserves énoncées aux considérants 27 et 37, les dispositions relatives aux missions " mono-programme ",
sous les réserves énoncées aux considérants 98 et 99, l'article 85,
les articles 7, 26, 56 et 74.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 2005, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.

# SAISINES:
Paris, le 26 décembre 2005
OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT
SUR LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA LOI DE FINANCES POUR 2006
La loi de finances pour 2006, adoptée le 20 décembre 2005, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de 60 députés. Les auteurs du recours mettent en cause certains aspects de la loi déférée au regard de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et articulent, en outre, différents griefs à l'encontre des articles 7, 26, 56, 74, 78 et 85 de la loi.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I / Sur le respect de la loi organique relative aux lois de finances
A/ Les auteurs du recours soutiennent que, sur différents points, la loi de finances pour 2006 ne respecterait pas les prescriptions résultant de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
Ils font valoir, en particulier, que les modifications apportées, dans le cadre de la mission Enseignement scolaire, aux modalités de prise en charge du soutien de l'Etat à certaines associations n'étaient pas justifiées, contrairement à ce qui a été soutenu par le Gouvernement lors des débats parlementaires, par les exigences résultant de la loi organique du 1er août 2001. Ils soutiennent également que le périmètre retenu pour la mission Ecologie et développement durable se révélerait contraire à l'article 7 de la loi organique ainsi qu'au principe de responsabilité des gestionnaires publics.
Les parlementaires requérants mettent aussi en cause la création du compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat, aux motifs que l'article 7 de la loi organique interdirait la création d'une mission ne comportant qu'un seul programme et que la mise en place d'une telle mission réduirait le droit d'amendement. Ils relèvent, en outre, que l'inscription en dépenses de ce compte des commissions bancaires et frais juridiques exposés à l'occasion d'opérations de cession d'actifs serait contraire aux dispositions de l'article 21 de la loi organique.
Les auteurs du recours critiquent, enfin, le fait que certains indicateurs de performance n'ont pas été définis et exposés dans les documents budgétaires transmis au Parlement, ce qui porterait atteinte aux objectifs de la loi organique relative aux lois de finances et au contrôle du Parlement.
B/ Le Gouvernement considère que ces différentes critiques ne sont pas fondées.
1/ En premier lieu, la critique adressée à la mission Enseignement scolaire ne pourra qu'être écartée comme inopérante.
Il est exact que la loi de finances pour 2006 prévoit la suppression de 399 emplois équivalents temps plein à compter du 1er juillet 2006 au titre de la mission Enseignement scolaire, dans le cadre d'une réforme du régime de mise à disposition d'agents du ministère de l'éducation nationale auprès d'organismes exerçant une mission d'intérêt général. Il est prévu de remplacer ces mises à dispositions par des détachements, répondant ainsi aux remarques formulées par l'inspection générale des finances en 2004 et par la Cour des comptes en 2005. Les suppressions d'emplois prévues en loi de finances concernent 255 emplois d'enseignants du premier degré (programme premier degré public), 127 emplois d'enseignants du second degré (programme second degré public), 15 emplois de personnels administratifs (programmes soutien) et 2 emplois de la catégorie " personnels d'accompagnement et de suivi des élèves (programme vie de l'élève). Il est parallèlement prévu d'accorder aux organismes concernés une subvention correspondant au montant des rémunérations des personnels qu'ils prendront en charge au titre du détachement. On doit indiquer que la mesure n'est pas spécifique à la mission Enseignement scolaire et qu'elle a été simultanément mise en oeuvre pour de nombreuses missions intéressant un grand nombre de ministères.
Cette mesure n'est en rien contraire aux dispositions de la Constitution ou de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Il n'est d'ailleurs pas soutenu par la saisine qu'elle le serait. Les parlementaires requérants se bornent à soutenir qu'elle ne serait pas mécaniquement impliquée par les dispositions organiques et que le Gouvernement et le Parlement auraient pu retenir d'autres modalités de prise en charge budgétaire. Cette argumentation est inopérante, dans la mesure où elle ne met pas en cause la conformité à la Constitution ou à la loi organique du dispositif adopté par le Parlement.
Au surplus, et en tout état de cause, on doit observer, ainsi qu'il a été indiqué au cours des débats parlementaires, que la mesure peut se recommander des principes qui inspirent la loi organique du 1er août 2001, en particulier ceux qui visent à renforcer l'information du Parlement et la responsabilité des gestionnaires. Il apparaît, en effet, légitime que le plafond d'emplois voté s'applique au volume des emplois concourant effectivement à la mise en oeuvre des politiques publiques considérées, sous la responsabilité directe des gestionnaires de programmes. La transformation des mises à disposition - inscrites dans le plafond d'emploi - en détachements - qui ne sont pas comptabilisés dans ce plafond - est de nature à améliorer la lisibilité du budget et l'information du Parlement sur l'utilisation effective des emplois publics ainsi qu'à renforcer la responsabilité des gestionnaires publics, dans la mesure où les emplois compris sous le plafond voté par le Parlement seront effectivement inscrits au titre des programmes auxquels ils contribuent directement. Le versement de subventions aux organismes, selon des bases indiquées dans le cadre des programmes, devrait aussi permettre de mieux apprécier les résultats de ce mode d'intervention publique et, partant, la responsabilité des gestionnaires.
2/ En deuxième lieu, le Gouvernement estime que la définition du périmètre de la mission Ecologie et développement durable n'encourt pas de reproches d'ordre constitutionnel.
Selon l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001, les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'Etat sont regroupés par mission relevant d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères. A cet égard, si les dispositions organiques prévoient la possibilité de créer des missions interministérielles, elles n'ont nullement pour effet de l'imposer au législateur financier. Il appartient à la loi de finances de créer les différentes missions sur la proposition du Gouvernement. Les dispositions organiques investissent ainsi le Gouvernement, en termes d'initiative, et le Parlement, en termes de décision finale, d'un large pouvoir d'appréciation pour créer des missions et en déterminer les contours. Ce pouvoir d'appréciation trouve, en particulier, à s'exercer lorsque la politique publique considérée a une dimension plurisectorielle, comme par exemple la prévention routière ou l'action extérieure de l'Etat ou les actions ayant un impact environnemental. L'exercice de ce pouvoir d'appréciation se traduit par des choix de présentation budgétaire qui ne paraissent susceptibles d'être contestés, en termes de constitutionnalité, que dans l'hypothèse où ils seraient manifestement erronés parce qu'affectés de graves incohérences internes.
Au cas particulier, la définition de la mission Ecologie et développement durable et de son périmètre ne peut être regardée comme étant entachée d'erreur manifeste d'appréciation. On ne peut, en effet, considérer qu'il était manifestement erroné de rattacher les actions de maîtrise des pollutions d'origine agricole, qui se traduisent notamment par des aides structurelles aux exploitations agricoles, au programme Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural et non à la mission Ecologie et développement durable. On doit d'ailleurs relever que l'imputation à une autre mission n'implique pas que la politique publique considérée ne tienne pas compte des impératifs écologiques : à cet égard, le Gouvernement a veillé à ce que des indicateurs de performance mesurent l'impact écologique de la politique menée dans le cadre du programme Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural (par exemple, l'indicateur sur la quantité d'azote maîtrisable prise en charge dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole).
Par ailleurs, on ne peut souscrire à l'idée que la règle de spécialisation des crédits ne serait pas respectée du fait que des crédits de personnels participant à des missions relevant du ministère de l'écologie seraient inscrits sur des programmes d'autres missions, notamment la mission Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ou la mission Politique des territoires. A suivre ce raisonnement, il serait impossible de prévoir que des agents d'un ministère puissent participer à la réalisation des missions d'un autre ministère, ce qui conduirait par exemple à interdire que les agents de services techniques spécialisés comme les DDE ou les DRIRE puissent participer à la mise en oeuvre de plusieurs politiques. L'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances n'a pas pour effet d'interdire à un ministère de réaliser des prestations pour le compte d'un autre. L'information du Parlement est, dans un tel cas, assurée par l'inscription des dépenses de personnel correspondant aux missions ou prestations réalisées pour le compte d'un autre ministère sur des actions spécifiques ; l'analyse du coût des actions présentée dans les projets annuels de performances reconstitue, en outre, le coût complet des actions en prenant en compte l'ensemble des crédits concourant à leur réalisation.
3/ La saisine articule, en troisième lieu, deux critiques à propos du compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat.
a) La première critique est de principe et consiste à soutenir que les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 interdiraient, dans tous les cas, la création de missions ne comportant qu'un seul programme. Cette critique prend appui sur les termes de l'article 7 de la loi organique qui disposent qu'une mission " comprend un ensemble de programmes ".
i) Le Gouvernement considère, toutefois, que cette rédaction n'interdit pas, par principe et de façon absolue, au législateur financier de décider, sur initiative gouvernementale, la création de missions ne comportant qu'un seul programme. Cette situation ne saurait, naturellement, être le cas général : il ne fait pas de doute que l'intention du législateur organique, traduite par les termes de l'article 7 de la loi, vise à la constitution de missions comportant plusieurs programmes concourant ensemble à la mise en oeuvre d'une politique publique déterminée. Mais cette intention générale n'exclut pas, selon le Gouvernement, que des missions puissent être créées en ne comportant qu'un seul programme, pour certains cas particuliers où le champ de la politique publique considérée se révèle étroitement circonscrit.
On doit noter, de ce point de vue, que l'Assemblée nationale avait, lors de la discussion en première lecture de la proposition de loi organique relative aux lois de finances, explicitement prévu qu'une mission puisse comprendre, à titre exceptionnel, un seul programme. Cette disposition a certes été ensuite modifiée lors de la discussion au Sénat et la précision explicitant qu'à titre exceptionnel une mission pourrait comporter un seul programme a été supprimée sur un amendement proposé par M. Lambert au nom de la commission. Mais cette modification a été présentée en séance comme un " amendement rédactionnel et de coordination " (Sénat, séance du 7 juin 2001). Ultérieurement et sur ce point, la rédaction de l'article 7 n'a pas connu d'autres modifications au cours des travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi organique. Les motifs exposés par l'auteur de l'amendement en séance ne donnent pas à penser que le législateur organique aurait entendu absolument imposer qu'une mission comporte nécessairement au moins deux programmes. Par ailleurs, les débats témoignent nettement de ce que le législateur organique souhaitait éviter la création de programmes artificiels. On peut déduire de ces différents éléments que la création, à titre exceptionnel, de missions ne comportant qu'un seul programme n'est pas contraire aux prévisions de la loi organique, lorsque le champ de la politique publique considérée s'avère homogène et étroitement circonscrit, sauf à ce que soit opérée une division en différents programmes qui s'avérerait purement artificielle.
On doit, au surplus, observer que, contrairement à ce que soutient le recours, la création de missions ne comportant qu'un seul programme n'a pas pour effet de priver les parlementaires de l'exercice du droit d'amendement. Il est, en effet, possible à l'Assemblée nationale et au Sénat de créer, par le vote d'amendements parlementaires, des programmes s'ils jugent nécessaire de les identifier au sein des missions concernées, à la condition que l'ouverture de crédits sur les nouveaux programmes soit gagée par la diminution des crédits prévus au titre des autres programmes de la mission. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, l'exercice de ce droit d'amendement s'est, de fait, traduit par la création d'un programme relatif au fichier national du permis de conduire au sein de la mission Contrôle et sanction des infractions au code de la route.
ii) En tout état de cause, le Gouvernement estime que les dispositions spéciales de la loi organique qui régissent spécifiquement l'affectation de certaines recettes ont pour effet de déroger, implicitement mais nécessairement, aux dispositions générales de l'article 7 relatives à la définition des missions. En particulier, l'article 18 de la loi organique prévoit que des budgets annexes peuvent retracer les opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant d'activités de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances ; il précise que chaque budget annexe constitue une mission. Dans ces conditions, on peut considérer que la loi organique, qui pose le principe d'une identité de périmètre du budget annexe et de la mission, a admis que cette mission puisse ne comporter qu'un seul programme, à chaque fois que le service de l'Etat considéré a une activité unique qui ne pourrait être segmentée en différents programmes que de façon arbitraire et artificielle. De même, l'article 21 de la loi organique prévoit que les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ; l'article 20 précise que chaque compte spécial constitue une mission. Il en va de même pour les comptes de commerce, les comptes d'opérations monétaires et les comptes de concours financier.
Or la caractéristique essentielle des budgets annexes et comptes spéciaux est qu'ils permettent l'affectation du produit d'une recette ou d'un nombre limité de recettes à une dépense spécifique ou à un nombre limité de dépenses, destinés à financer des actions concourant à une politique publique précisément définie. A l'origine de ces mécanismes, il y a la réalité de ces recettes particulières. La qualification de mission, postulée ipso facto par la loi organique, n'apparaît que seconde, contrairement à la logique qui prévaut pour le budget général. On ne doit ainsi pas perdre de vue la différence de nature qui sépare ces missions particulières de celles qui figurent au budget général. Pour le budget général, il importe de mener une réflexion préalable sur l'objet et les contours des politiques publiques et de définir en conséquence les programmes qui y concourent ; cette démarche ne peut avoir la même substance s'agissant du cas particulier de certaines affectations de recettes.
Ce régime particulier applicable de façon spécifique à ces affectations de recettes permet de considérer que le législateur financier a, à tout le moins, la faculté de ne pas constituer plusieurs programmes lorsqu'il décide de créer ces missions particulières dont le périmètre est directement défini par la loi organique. Il peut en décider ainsi lorsqu'il n'apparaît pas justifié de dissocier de façon artificielle les activités retracées dans ces comptes particuliers. Retenir une interprétation inverse se traduirait par des conséquences pratiques très négatives : risque d'un fractionnement artificiel des comptes en plusieurs programmes n'obéissant pas à une véritable logique interne ; risque symétrique de regrouper au sein d'un même compte spécial des dépenses dont la cohérence ne serait pas garantie ; incitation à l'augmentation du nombre des programmes alors que la loi organique a eu pour effet vertueux de réduire le nombre d'unités de spécialité budgétaire ; perte réelle de souplesse en gestion liée à la nécessité de répartir a priori le produit des recettes entre les dépenses.
De ce point de vue, on doit observer que la loi de finances pour 2006 n'a procédé à la création de missions ne comportant qu'un seul programme que dans le cas de ces affectations particulières de recettes. Toutes les missions du budget général comportent plusieurs programmes. Les huit missions ne comportant qu'un seul programme sont hors budget général : il s'agit du budget annexe des Journaux officiels, de trois comptes d'affectation spéciale (Développement agricole et rural, Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat, Participations financières de l'Etat) et de quatre comptes de concours financiers (Accords monétaires internationaux, Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics, Avances à l'audiovisuel public, Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés).
On doit ajouter que l'architecture du budget de l'Etat retenue dans le projet de loi de finances a fait l'objet, au préalable, de travaux conjoints entre le Gouvernement et le Parlement. Les rapports parlementaires publiés en mars 2004 (Assemblée nationale n°2161 et Sénat n°220) manifestent que les assemblées ont accepté des missions à programme unique hors budget général, alors qu'elles les ont refusées pour le budget général (cas de la mission Sécurité correspondant initialement au seul programme Police ou de la mission Conseil économique et social).
iii) Au cas particulier, le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat constitue un ensemble cohérent dont le principe résulte directement de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Il regroupe des crédits destinés à un ensemble cohérent de dépenses ayant toutes pour objet - ainsi que le rappelle le projet annuel de performance présenté en annexe au projet de loi de finances - de " veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières pour assurer le succès des opérations de cession de ces participations et contribuer au désendettement des administrations publiques ". En regard, toutes les actions sont financées par une même nature de recettes que sont les produits de cession de participations financières directes ou indirectes. Le compte a ainsi vocation à retracer de l'ensemble des opérations affectant le bilan de l'Etat par cessions ou dotations de participations financières ; le fait de rendre compte de ces opérations est par nature indivisible.
L'impossibilité pour ce compte d'être à découvert et le rythme difficilement prévisible des recettes, en raison des contraintes de marché et de la longueur du processus de cession, font qu'en pratique la gestion de plusieurs programmes au sein du compte se révèlerait artificielle et inutilement complexe. Dans la mesure où aucune règle d'affectation des recettes aux dépenses n'est pertinente a priori - réserve faite des frais de cession, l'affectation à un programme plutôt qu'à un autre d'une recette constatée en cours d'année ne pourrait qu'être arbitraire. Au plan institutionnel, l'ordonnateur du compte est le ministre chargé de l'économie et le gestionnaire responsable est le directeur général de l'Agence des participations de l'Etat, service à compétence nationale créé pour incarner et exercer les missions de l'État actionnaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement considère que le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat a pu être créé par la loi de finances en ne comportant qu'un seul programme, sans méconnaître les dispositions organiques de la loi du 1er août 2001. La critique de principe articulée par la saisine sera, en conséquence, écartée.
b) La seconde critique adressée par la saisine au compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat est ponctuelle et porte sur l'inscription, à l'article 48 de la loi de finances, en dépenses de ce compte, des commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations de cession par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ou aux augmentations de capital, investissements de nature patrimoniale de l'Etat, achats et souscriptions de titres, parts ou droits de société.
L'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 prévoit explicitement la création du compte d'affectation spéciale destiné à retracer les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat. Il exclut, certes, de ce compte les opérations qualifiées de gestion courante ; mais il a vocation à retracer les opérations qui sont financées par des recettes qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées.
Les opérations figurant sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat ne peuvent être qualifiées d'opérations de gestion courante. Elles se limitent aux commissions bancaires liées aux frais de placement, aux frais d'avocats et aux sommes versées à l'Autorité des marchés financiers à l'occasion de déclarations ou de franchissement de seuil boursiers. Les dépenses correspondantes n'ont pas un caractère récurrent et sont le contrepartie directe des opérations à caractère patrimonial dont elles sont indissociables : la cession d'actifs ne peut être considérée comme relevant de la notion d'opérations de gestion courante.
Les dépenses prises en considération sont en relation directe avec les recettes résultant des opérations de cession d'actifs. Seules sont prises en charge par le compte les dépenses directement liées aux opérations de cession et non celles qui se situent plus en amont, comme les rémunérations des banques conseil ainsi que les travaux d'étude effectués, qui sont financés sur le budget général (mission Stratégie économique et pilotage des finances publiques). Les frais de cession pris en compte sont intrinsèquement liés au produit des opérations. Ce mode de traitement est d'ailleurs analogue à celui qui est retenu en comptabilité des entreprises : les frais inhérents à une cession sont directement imputés sur la valeur comptable des éléments d'actifs cédés et non selon leur nature ; par ailleurs, le traitement fiscal du prix de vente s'entend également du prix net, déduction des frais spéciaux qui s'appliquent directement à l'opération de cession et réduisent le montant de la plus-value de cession.
On doit indiquer, au surplus, que l'imputation sur le compte d'affectation spéciale de ces opérations est de bonne gestion, dans la mesure où leur montant est difficilement prévisible car lié aux conditions de cession, que leur affichage restreindrait les marges de négociation tarifaire de l'Etat vis à vis de leurs bénéficiaires ainsi que les marges de décision pour des opérations décidées en cours d'année. En outre, on peut observer que cette présentation consolidée des opérations de cession améliore leur lisibilité et leur transparence en permettant d'établir un lien entre recettes et coûts de cession et de mesurer la qualité et l'efficacité de l'action de l'Agence des participations de l'Etat gestionnaire du compte. Si ces frais liés aux cessions ne figuraient pas au compte, le projet annuel de performances du compte perdrait sensiblement de son intérêt puisqu'il permettrait uniquement d'apprécier le montant brut des cessions - qui résulte largement de choix politiques sur le périmètre du secteur public - et les choix d'affectation du produit, sans rendre compte de la performance nette intégrant la qualité de négociation avec les intermédiaires indispensables à la bonne réalisation des opérations de cession.
4/ S'agissant, enfin, des indicateurs de performance, il faut rappeler que les objectifs et les indicateurs qui leur sont associés constituent, conformément à l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001, des éléments des projets annuels de performances qui accompagnent les annexes explicatives au projet de loi de finances.
Les travaux interministériels d'élaboration des objectifs et des indicateurs de performance ont débuté au printemps 2004. Ils ont permis de procéder à une première présentation sous forme d'avant-projets annuels de performances à l'occasion du projet de loi de finances pour 2005. La démarche engagée a entendu privilégier la mise en oeuvre d'indicateurs nouveaux et pertinents, en évitant de reprendre les indicateurs existants qui ne mesuraient pas l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique ou n'étaient pas en rapport avec les leviers d'action qui sont mis à la disposition des responsables de programmes par la loi organique du 1er août 2001. C'est pourquoi il a été décidé, avec l'accord des assemblées parlementaires, de reconstruire environ deux tiers des indicateurs. Un effort important a permis d'élaborer et de renseigner la plus grande partie de ces indicateurs pour les projets annuels de performances joints au projet de loi de finances pour 2006. Ainsi, sur 1 284 indicateurs pour les programmes du budget général, 1 118 ont été renseignés, soit 87 % ; sur l'ensemble des indicateurs des programmes du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, 88 % ont été renseignés. Les indicateurs non renseignés seront réalisés pour être joints au projet de loi de finances pour 2007.
On peut ajouter que la logique de la loi organique devrait conduire à modifier périodiquement les objectifs et à adapter en conséquence les indicateurs correspondants. Il n'est donc pas possible de procéder au renseignement exhaustif de tous les indicateurs dans chaque projet de loi de finances, dans la mesure où les nouveaux indicateurs ne disposent pas d'historique et où certains d'entre eux nécessitent un délai de mise en oeuvre.
Dans ces conditions, le Gouvernement considère que les indicateurs de performance qui figuraient dans les annexes explicatives au projet de loi de finances étaient suffisants et que la conformité à la Constitution de la loi de finances ne peut, de ce fait, être mise en cause.
II/ Sur l'article 7
A/ L'article 7, modifiant notamment le 9° bis de l'article 157 du code général des impôts, limite l'exclusion du revenu imposable des intérêts des sommes inscrites sur les plans d'épargne logement ainsi que la prime d'épargne versées aux titulaires de ces plans à la fraction des intérêts et à la prime acquises au cours des douze premières années du plan ou, pour les plans ouverts avant le 1er avril 1992, jusqu'à leur date d'échéance.
Les parlementaires requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient la liberté contractuelle en portant une atteinte à l'économie de contrats en cours qui ne serait pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant.
B/ Un tel grief ne saurait être retenu par le Conseil constitutionnel.
En adoptant la mesure considérée, le législateur n'a pas adopté de disposition législative modifiant le régime juridique des contrats conclus entre les épargnants et les établissements de crédit. Il a supprimé un avantage fiscal et décidé, dans certaines conditions, de soumettre à l'impôt sur le revenu les intérêts produits par ces plans.
Or il est toujours loisible au législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de modifier ou de supprimer un avantage fiscal qui avait été antérieurement prévu. La circonstance que cette suppression puisse avoir des conséquences indirectes sur des conventions en cours d'exécution qui avaient été conclues au vu des conditions fiscales antérieures n'est pas contraire à la Constitution. La modification de la règle fiscale, en ce qu'elle porte sur un élément extérieur au contrat, n'est pas de nature à porter atteinte à la liberté contractuelle.
La portée de la disposition législative critiquée au cas présent diffère, à cet égard, de celle de l'article 80 de la loi de finances pour 2003 qui, modifiant le code de la construction et de l'habitation, avait décidé de subordonner le versement de la prime d'épargne assortissant les plans d'épargne logement à la réalisation effective d'un prêt immobilier : cette autre disposition, dont il a été jugé qu'elle ne portait pas, eu égard à ses modalités d'application dans le temps, d'atteinte excessive à l'économie des contrats en cours (décision n°2002-464 DC du 27 décembre 2002), affectait directement le contenu des contrats. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Le grief tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle apparaît, dans ces conditions, inopérant.
III/ Sur l'article 26
A/ L'article 26 apporte deux modifications aux règles régissant l'impôt de solidarité sur la fortune. D'une part, insérant au code général des impôts un article 885 I quater, le I de l'article 26 institue une exonération d'impôt sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur, des parts ou actions de sociétés détenues par les salariés de ces sociétés, ou leurs mandataires sociaux ou les membres de sociétés de personnes qui y exercent leur activité principale. D'autre part, le II de l'article 26, modifiant l'article 885 I bis du code général des impôts, porte de 50 % à 75 % l'exonération des parts et actions détenues dans le cadre d'un pacte d'actionnaires.
Les auteurs du recours soutiennent que ces différentes dispositions seraient contraires au principe d'égalité.
B/ Le Gouvernement considère que les critiques adressées à ces deux dispositifs ne sont pas fondées. On peut observer, de façon liminaire, que les dispositions des paragraphes I et II de l'article 26, si elles mettent en oeuvre des vecteurs différents adaptés aux particularités des publics visés (pacte d'actionnaires pour les actionnaires familiaux et engagement individuel de conservation pour les actionnaires salariés), prévoient des conditions analogues et peuvent se recommander du même motif d'intérêt général tenant à la stabilité du capital des entreprises.
1/ S'agissant, en premier lieu, de l'exonération des parts et actions détenues par les salariés, visée au I de l'article 26, on doit souligner que le législateur a eu pour objectif de soutenir l'actionnariat salarié et de fidéliser le personnel cadre et dirigeant de l'entreprise, contribuant ainsi à la stabilité du capital des sociétés considérées et, partant, à leur pérennité.
Ce motif d'intérêt général a déjà été pris en considération par le Conseil constitutionnel pour admettre la conformité à la Constitution de dispositions analogues instituant une exonération partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune pour des titres faisant l'objet d'un engagement de conservation sous forme de pactes d'actionnaires (décision n°2003-477 DC du 31 juillet 2003).
Ces considérations sont transposables en l'espèce, s'agissant du cas particulier des actionnaires salariés. Le législateur a entendu traiter la situation particulière des salariés qui sont actionnaires de leur entreprise, c'est-à-dire ceux dont le sort est lié à l'entreprise avec une intensité plus forte que les autres actionnaires. Cette affectio societatis particulière qui marque les rapports des salariés actionnaires avec leur entreprise a des incidences sur le développement des entreprises. On doit spécialement souligner la réalité et le rôle joué par cet actionnariat salarié dans la stabilité du capital des entreprises, rôle qui peut notamment se manifester lors de tentatives de prise de contrôle. Les effets négatifs des prises de contrôle par des capitaux d'origine extérieure sur le niveau de l'activité économique et de l'emploi en France ne sont plus à démontrer, comme l'ont montré les nombreux exemples cités durant les débats parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 1er août 2003 sur l'initiative économique. Encourager le développement de cette forme d'actionnariat salarié est de nature à remédier à la faiblesse de l'actionnariat des entreprises françaises, qu'il s'agisse de grandes ou de petites entreprises, cotées ou non.
Le législateur a estimé qu'il convenait, pour renforcer la stabilité du capital et la pérennité des entreprises, de conférer un avantage particulier aux salariés des entreprises pour les titres qu'ils détiennent. Cette mesure vise à appréhender tous les types de détention des parts ou actions, qu'il s'agisse de la détention directe (titres de l'entreprise dans laquelle le salarié travaille et détenus sur un compte titres), indirecte (cas du salarié détenant des titres de la société mère cotée et travaillant dans une sous-filiale) ou par le biais d'un instrument de gestion collective (parts de FCPE à hauteur des actifs investis dans l'entreprise ou l'une des entreprises du groupe auquel appartient le salarié). A cet égard, la mesure permet d'aligner le régime fiscal au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des titres détenus dans un FCPE sur le régime en vigueur à l'impôt sur le revenu : il serait, en effet, paradoxal que les actions de l'entreprise placées dans un FCPE échappent à l'impôt sur le revenu mais soient taxées à l'impôt sur la fortune alors que ce dernier impôt est, tout comme l'impôt sur le revenu, un impôt annuel. Par ailleurs, cette mesure spécifique tient compte de ce que le dispositif existant relatif aux pactes d'actionnaires s'avère inadapté pour cette catégorie particulière d'actionnaires : il est, en effet, difficile de conclure entre actionnaires salariés un engagement collectif de conservation à hauteur de 20 % ou 34% des titres, selon que l'entreprise est ou non cotée, et d'y associer un dirigeant qui, pour sa part, bénéficie dans la plupart des cas d'une exonération de 100% au titre des biens professionnels.
On doit aussi souligner que le législateur a subordonné cette exonération à de strictes conditions, qui garantissent qu'elle sera effectivement mise en oeuvre conformément au motif d'intérêt général qui la justifie. Il faut remarquer que l'exonération n'est que partielle, qu'elle est exclusive de tout autre avantage susceptible d'être accordé pour ces titres. Le contribuable doit conserver les titres correspondants au minimum pendant six ans ; seuls des événements énumérés par la loi, affectant la vie de la société hors l'intervention du bénéficiaire, sont susceptibles de rompre sans conséquence l'obligation de conservation des titres ; dans tous les autres cas de non-respect de cette condition, les droits exonérés seront imposés, l'intérêt de retard étant dû. Enfin, le lien entre les titres et la société doit être constamment assuré, y compris pour les filiales, en cas d'investissement par l'intermédiaire d'un organisme de placement collectif ou encore après le départ en retraite de l'investisseur.
2/ En second lieu, la modification apportée par le II de l'article 26 au régime des titres ayant fait l'objet d'un engagement de conservation, renforce l'avantage qui a été institué en 2003 afin d'inciter à la constitution de pactes d'actionnaires permettant de garantir la stabilité du capital des entreprises, notamment familiales. Ce dispositif a été jugé conforme à la Constitution, compte tenu du motif d'intérêt général poursuivi (décision n°2003-477 DC du 31 juillet 2003).
Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation du montant pertinent des avantages fiscaux à caractère incitatif, le législateur a estimé qu'il convenait de majorer le montant de l'exonération en le portant aux trois quarts de la valeur des actions. On doit observer que le nouveau montant est cohérent avec celui qui a été fixé par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises pour ce qui concerne l'abattement prévu à l'article 787 B du code général des impôts pour les droits de mutation sur les transmissions d'entreprise : la loi du 2 août 2005 a porté cet abattement de 50 % à 75 % ; il apparaissait dès lors logique de procéder au relèvement du montant fixé, pour l'impôt de solidarité sur la fortune, à l'article 885 I bis du code général des impôts, les deux dispositifs étant d'inspiration commune.
Il est vrai que le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée, a relevé que l'avantage accordé en 2003 était d'un montant limité à la moitié de la valeur des parts et actions. Pour autant, le Gouvernement estime qu'en portant le montant de l'avantage à 75 % de la valeur des parts et actions, le législateur n'a pas adopté une mesure ayant pour effet de rendre le dispositif contraire à la Constitution. On doit souligner, à cet égard, que le montant demeure différent de celui fixé par le code général des impôts pour les biens professionnels, circonstance qui avait été relevée par le Conseil constitutionnel ; il est analogue à celui fixé par l'article 885 H du code général des impôts pour les biens donnés à bail à long terme et les parts de groupements fonciers agricoles. Il faut noter, aussi, que les conditions tenant à la stabilité du capital et à la direction de l'entreprise sont demeurées inchangées.
Dans ces conditions, il apparaît que la modification apportée par le II de l'article 26 de la loi déférée n'a pas pour effet d'entraîner une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques.
IV/ Sur l'article 56
A/ L'article 56 de la loi de finances procède à l'affectation de différents impôts et taxes aux régimes de sécurité sociale pour financer les mesures d'allègement général des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires prévues par différents textes législatifs.
Les parlementaires requérants soutiennent que le choix effectué par le législateur constituerait une débudgétisation contraire à la Constitution et aux dispositions des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Ils font valoir, en outre, que la compensation résultant de l'article 56 ne serait pas intégrale.
B/ Ces différents griefs seront écartés.
1/ Il est vrai que les règles d'unité et d'universalité budgétaire font obstacle à ce que des dépenses qui présentent par nature le caractère de dépenses permanentes de l'Etat ne soient pas prises en charge par le budget de l'Etat (décision n°94-351 DC du 29 décembre 1994). Mais cette conséquence ne s'impose qu'aux dépenses qui incombent à l'Etat par nature et non à celles qu'il n'assume que par détermination de la loi : ainsi des dépenses d'intérêt public qui ne constituent pas par nature des charges permanentes de l'Etat peuvent être transférées à d'autres organismes sans méconnaître les principes d'unité et d'universalité budgétaire (décision n°95-369 DC du 28 décembre 1995 ; décision n°98-405 DC du 29 décembre 1998 ; décision n°99-422 DC du 21 décembre 1999).
Au cas présent, le financement de certaines mesures d'allègement de cotisations sociales ne constitue pas, par nature, une charge incombant à l'Etat. Ce dernier ne peut être conduit à assumer cette charge que par l'effet de dispositions législatives ayant prévu que des allègements de charges feraient l'objet d'une compensation.
Les allégements de cotisations patronales de sécurité sociale constituent des baisses de prélèvements obligatoires. Si le législateur peut décider que leur financement sera, au moins pour partie, assuré par l'Etat, il n'est pas tenu de le faire. Par nature, il ne s'agit pas d'une dépense incombant à l'Etat. Il paraît, par ailleurs, légitime - si le législateur entend apporter des recettes aux régimes de sécurité sociale pour compenser cette baisse de prélèvements - qu'une baisse de prélèvements obligatoires soit financée par un transfert de prélèvements obligatoires de l'Etat à la sécurité sociale.
En pratique, les allégements de charges se traduisent par un moindre versement de la part des entreprises aux URSSAF ; au plan économique, les cotisations sociales s'apprécient au regard de leur montant net des éventuels allégements. Ce qui conduit à caractériser les allégements comme une moindre recette pour les régimes de sécurité sociale, et comme une moindre dépense pour les entreprises, et non comme une dépense par nature de l'Etat. Les allègements de charges, parce qu'ils sont liés à des prélèvements obligatoires, présentent un caractère d'automaticité qui les distingue très nettement des dépenses budgétaires, dont le quantum varie en fonction de choix d'intervention définis par les gestionnaires publics. C'est dans cette logique, ainsi qu'il a été indiqué au cours des travaux parlementaires et qu'en témoigne le rapport mentionné au IV de l'article 56, que sont à l'étude des perspectives d'évolution visant à ce que soient directement intégrés, à l'avenir, les allègements généraux dans le barème des cotisations sociales.
Il est exact que le financement des allègements de cotisations sociales ne sera pas suivi à l'aide d'objectifs et d'indicateurs des projets annuels de performance du budget de l'Etat. Mais la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a prévu que soient annexés au projet de loi de financement des programmes de qualité et d'efficience, portant sur les dépenses comme sur les recettes de la sécurité sociale, appelés à jouer un rôle analogue. L'efficacité des mesures d'allègements de cotisations sociales y sera traitée. Ces programmes de qualité et d'efficience seront pour la première fois annexés au projet de loi de financement pour 2008, avec une préfiguration lors du projet de loi de financement pour 2007.
Il convient, enfin, de souligner que l'inscription du financement de ces mesures comme dépenses budgétaires de l'Etat a été temporaire. Le financement des mesures d'allègement a été pris en charge par le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) entre 2001 et 2003. Le budget de l'Etat a assuré de manière transitoire le financement de ces mesures pour les exercices 2004 et 2005, permettant ainsi de gérer la montée en charge du dispositif fusionné de réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale qui se substitue progressivement aux mesures préexistantes d'allégements généraux. La création du FOREC n'a pas été jugée contraire à la Constitution (décision n°99-422 DC du 21 décembre 1999).
Ainsi, le Gouvernement considère qu'il était loisible au législateur financier de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 pour décider l'affectation à des caisses et régimes de sécurité sociale, qui sont en charge d'un service public, de produits d'impôts et taxes pour financer les mesures d'allègement de charges sociales.
2/ En second lieu, il convient de rappeler que la compensation des allègements de charges sociales ne résulte d'aucune exigence d'ordre constitutionnel ou organique.
C'est une loi ordinaire n°94-637 du 25 juillet 1994 qui a introduit à l'article L 131-7 du code de la sécurité sociale un principe de compensation par l'Etat des mesures d'exonération de cotisations de sécurité sociale. La loi n°2004-810 du 13 août 2004 a ultérieurement aménagé la portée de ces dispositions. Il a été reconnu qu'il pouvait être dérogé à cette règle législative par la loi, sans que soit méconnue aucune exigence constitutionnelle (décision n°2004-508 DC du 16 décembre 2004).
L'intervention de la loi organique du 2 août 2005 n'a pas eu davantage pour effet d'instituer une règle de fond imposant la compensation des allègements de charges sociales : le IV de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale se borne à prévoir que, désormais, seules des lois de financement de la sécurité sociale pourront créer ou modifier des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations sociales non compensées ; cette règle organique modifie, pour l'avenir, le partage entre le domaine de compétence de la loi ordinaire et celui de la loi de financement de la sécurité sociale pour instituer des allègements non compensés. Par ailleurs, le 5° du III de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale impose que soient décrits, dans une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle donnent lieu des mesures d'allègement de charges. Ces différentes dispositions n'ont pas pour effet d'imposer, à titre de règle de fond à caractère organique, la compensation intégrale des allègements de charge.
Les exigences organiques tenant à la présentation et au contenu des lois de financement de la sécurité sociale ont été respectées. L'article 24 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 approuve le montant de 21,817 milliards d'euros de compensation qui intègre les recettes fiscales affectées par la loi de finances, l'annexe 5 au projet de loi de financement a détaillé les modalités de financement par l'Etat des pertes de recettes et l'annexe C à la loi présente les agrégats de recettes par catégorie et fait clairement apparaître le changement du mode de financement des allègements généraux de cotisations sociales à partir de 2006.
V/ Sur l'article 74
A/ L'article 74 de la loi de finances pour 2006, insérant un article 1er et un article 1649-0 A au code général des impôts, institue un plafonnement des impôts directs, en prévoyant que les impôts directs payés par un contribuable ne pourront être supérieurs à 60 % de son revenu.
Les députés saisissants soutiennent que ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité et méconnaîtraient les exigences constitutionnelles résultant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
L'article 74 de la loi de finances instaure, au profit de chaque contribuable, un droit à restitution des impositions directes pour la fraction de ses revenus perçus l'année précédant celle du paiement des impositions. Les impositions directes retenues sont l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et les impôts locaux afférents à l'habitation principale du contribuable. Le droit à restitution est exercé sur demande du contribuable ; il se traduira par le reversement de la fraction des impositions qui excède 60 % du revenu, effectué de façon globale sans venir en diminution d'un impôt en particulier. On doit observer qu'il est légitime d'inclure l'impôt de solidarité sur la fortune dans le champ des impôts directs soumis au plafonnement : cet impôt a pour objet de frapper la capacité contributive que confère la détention d'un patrimoine au travers les revenus en espèces ou en nature procurés par ces biens ; le lien avec les revenus, en raison notamment du taux et du caractère annuel de l'impôt, a été reconnu par le Conseil constitutionnel (décision n°81-133 DC du 30 décembre 1981 ; décision n°98-405 DC du 29 décembre 1998).
Une telle mesure de plafonnement n'est pas sans précédents. Elle vise à s'assurer que la somme des différents impôts directs devant être acquittés par les contribuables au titre d'une année déterminée n'excède pas leurs capacités contributives. Loin de méconnaître l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle tend au contraire à en garantir le respect, en évitant que la charge globale des impôts directs ne présente un caractère confiscatoire par rapport aux revenus disponibles pour les acquitter. Il peut, en effet, advenir que le montant des impositions locales afférentes à l'habitation principale, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur le patrimoine atteigne une proportion très importante du revenu annuel disponible des contribuables, voire même le dépasse. De telles situations peuvent se présenter parce que les impositions foncières locales ou l'imposition du patrimoine peuvent être dues alors que les biens considérés ne produisent pas de revenus en espèces et que les contribuables perçoivent de faibles revenus. Ce peut être le cas, par exemple, de contribuables aux revenus modestes qui ont à acquitter des taxes foncières et d'habitation d'un montant conséquent sur leur habitation, de conjoints survivants qui connaissent une baisse sensible de revenus à la suite du décès, des salariés, agriculteurs, artisans, créateurs d'entreprise dont les revenus chutent au cours d'une année donnée, ou encore de contribuables qui détiennent un patrimoine non productif de revenus en espèces ou un patrimoine, notamment immobilier, dont la valeur s'est appréciée rapidement de façon disproportionnée.
La mesure ne porte pas davantage atteinte au principe d'égalité. Les contribuables qui sont appelés à verser des contributions fiscales pour un montant global excédant 60 % de leur revenu disponible au titre d'une année déterminée ne sont pas dans la même situation que la généralité des contribuables. On doit noter que le plafonnement vaut indistinctement pour tous ceux qui se trouvent dans cette situation, quels que soient les impôts directs qu'ils acquittent et quel que soit le poids relatif de chacun de ces impôts. En instituant une règle spécifique applicable à ces contribuables placés dans une situation particulière, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité.
VI/ Sur l'article 78
A/ L'article 78 de la loi déférée décide le plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu, en indiquant que le total de différents avantages énumérés ne peut pas procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 8 000 EUR ou 13 000 EUR pour les foyers dont l'un des membres est invalide ou handicapé, ces plafonds étant majorés de 1 000 EUR par enfant à charge ou par membre du foyer âgé de plus de soixante cinq ans. L'article 78 énumère les avantages soumis à ce plafonnement et détermine les modalités de calcul de l'impôt.
Les auteurs du recours font valoir que ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité.
B/ Le Gouvernement estime que ce grief devra être écarté.
Il appartient au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer l'assiette et le taux des impositions de toute nature, dans le respect notamment de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du principe constitutionnel d'égalité. Le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte, pour des motifs d'intérêt général, des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux reposant sur des critères objectifs et rationnels en fonction de l'objectif poursuivi. Dans le cadre de sa compétence, le législateur peut, sans méconnaître la Constitution, modifier ou supprimer des avantages fiscaux antérieurement accordés (V. par exemple la décision n°94-358 DC du 26 janvier 1995 ou la décision n°97-395 DC du 30 décembre 1997).
Le cumul de différents avantages fiscaux peut conduire, dans certaines situations, à réduire de façon importante le montant de l'impôt sur le revenu, au risque d'atténuer très sensiblement la progressivité du barème de l'impôt. C'est afin d'éviter que l'impact global d'un cumul d'avantages ne réduise la progressivité de l'impôt au-delà de ce que justifie l'intérêt général que le législateur a décidé, par l'article 78 de la loi déférée, de soumettre certains de ces avantages fiscaux à une règle de plafonnement global. Dans son principe, une telle mesure, décidée par le législateur dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, ne soulève pas de critiques en termes constitutionnels.
Le Gouvernement estime, en outre, que les modalités retenues en l'espèce par le législateur ne sont pas contestables. En particulier, il considère que le législateur a pu décider de soumettre au plafonnement non pas l'ensemble des avantages fiscaux mais seulement certains d'entre eux, dès lors que les critères de sélection des avantages pris en compte sont objectifs et rationnels : ont été retenus les avantages qui manifestent des choix actifs de la part des contribuables, pour lesquels ils sont en situation d'arbitrage. On doit observer que le législateur a pris soin de fixer le niveau du plafond global de telle façon que l'avantage maximal de chacun des dispositifs pris isolément ne soit pas affecté : la réforme maintient ainsi au contribuable une véritable marge de choix entre différents avantages fiscaux.
Par ailleurs, le dispositif adopté par le législateur ne paraît pas soulever de difficultés particulières de mise en oeuvre pour les contribuables. Le législateur a énuméré la liste des avantages concernés par le plafonnement ; le dispositif a de plus été conçu avec le souci de simplifier les obligations déclaratives en retenant des éléments d'ores et déjà portés sur la déclaration de revenus ou ses annexes. Les contribuables disposent au moment où ils souhaitent procéder à de nouvelles dépenses des informations nécessaires au calcul du plafonnement : en fonction de leur situation familiale, ils connaissent le plafond qui leur est applicable ; ils connaissent aussi leur taux moyen d'imposition. Pour chaque avantage dont ils bénéficient ou souhaitent bénéficier, ils peuvent calculer, conformément aux méthodes habituelles, la baisse d'impôt correspondante : elle est toujours égale à un montant fixe ou au montant de la dépense multiplié par un taux (celui de l'avantage fiscal ou son taux moyen). Il suffit ensuite d'additionner ces différentes baisses d'impôt et de constater si cette somme atteint ou non le plafond.
Pour séparer les avantages fiscaux soumis au plafond global de ceux qui n'y sont pas soumis, l'article 78 de la loi de finances a opéré la distinction suivante. Entrent dans le champ du plafonnement les avantages qui encouragent les contribuables à procéder à des investissements ou des dépenses qui se traduisent pourtant par une contrepartie sous forme de retour sur investissement ou de prestation ; c'est le cas des investissements mobiliers ou immobiliers qui bénéficient d'une aide fiscale, de l'acquisition de parts de SOFICA ou de sociétés non cotées, des frais de garde des jeunes enfants. N'entrent en revanche pas dans le champ du plafonnement les avantages fiscaux accordés à raison d'une activité professionnelle (prime pour l'emploi, crédit d'impôt formation par exemple), ceux qui sont accordés à raison d'une situation subie (réductions d'impôt au titre de la prestation compensatoire ou pour hébergement en établissement de long séjour, crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes âgées ou handicapées) ou à raison d'astreintes particulières (charges foncières et déficits afférents aux monuments historiques), ceux qui ne se traduisent pas par des contreparties (réductions d'impôt au titre du mécénat).
Cette ligne de partage repose sur des motifs objectifs et rationnels en rapport avec l'objet du dispositif de plafonnement, qui est de limiter l'impact global résultant du cumul de différents avantages fiscaux, dans l'hypothèse où la mise en oeuvre de ces avantages traduit des choix volontaires d'investissement ou de prestations. De ce point de vue, les avantages fiscaux qui sont accordés à raison de la situation, notamment professionnelle, ou de l'état du contribuable, qui ne traduisent pas d'initiative de sa part, ne correspondent pas à un arbitrage entre plusieurs options ; les avantages correspondants ont, dès lors, pu être exclus du plafonnement sans méconnaître le principe d'égalité.
Un sort particulier a été, en l'état, réservé aux investissements réalisés dans des collectivités d'outre-mer : le législateur a envisagé qu'ils puissent être inclus dans le plafond après la transmission au Parlement du rapport prévu à l'article 38 de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer mais, dans l'attente de ce rapport, il n'a pas soumis les avantages fiscaux correspondants au plafond institué par l'article 78. Ce choix prend en considération la situation particulière des collectivités d'outre-mer dans la République. Il se recommande de l'intérêt général qui s'attache au développement économique de ces collectivités. Le Gouvernement estime que ce motif d'intérêt général permet de considérer que l'exclusion du plafonnement des avantages liés aux investissements outre-mer ne traduit pas une rupture caractérisée du principe d'égalité.
On peut ajouter, pour répondre à des critiques ponctuelles avancées par la saisine, que l'exonération pour les travaux d'été des étudiants a pour objectif de favoriser de premières expériences professionnelles et de faciliter l'insertion des étudiants dans la vie professionnelle ; compte tenu de cet objectif, il a paru logique d'aligner le traitement de cet avantage sur celui dont bénéficient les apprentis, en vertu de l'article 81 bis du code général des impôts, ou les jeunes de moins de 26 ans qui prennent un emploi dans un secteur en pénurie de main d'oeuvre, en vertu de l'article 200 decies du même code. L'exclusion des cotisations versées à un plan d'épargne retraite populaire est justifiée par le régime fiscal dont elles bénéficient qui se caractérise par un différé d'imposition : l'avantage accordé " à l'entrée " sous la forme d'une déduction des cotisations du revenu imposable a pour contrepartie l'imposition " à la sortie " des rentes correspondantes. L'avantage fiscal n'étant en quelque sorte que temporaire, il ne serait pas justifié de le prendre en compte dans le plafonnement global, alors que l'imposition portera in fine sur le montant total des rentes. Le relèvement du plafond à raison des charges de famille apparaît, enfin, justifié parce que certains des avantages fiscaux soumis au plafonnement tiennent compte de la composition des foyers fiscaux (crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, crédit d'impôt pour frais de garde des jeunes enfants) et que, de façon générale, il appartient au législateur en matière d'impôt sur le revenu de prendre en compte les charges incombant aux foyers fiscaux (V. par exemple la décision n°2000-437 DC du 19 décembre 2000).
Le Gouvernement estime ainsi que le dispositif de l'article 78, qui s'attache à éviter des atteintes excessives à la progressivité de l'impôt, n'est pas contraire au principe d'égalité ni à aucun autre principe à valeur constitutionnelle.
VII/ Sur l'article 85
A/ L'article 85 de la loi de finances pour 2006 a pour objet essentiel, modifiant l'article 1647 B sexies du code général des impôts, de modifier les règles relatives au plafonnement de la taxe professionnelle, en instituant pour les redevables un plafonnement réel fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. Il détermine également les conditions dans lesquelles les dégrèvements accordés en conséquence de ce plafonnement seront pris en charge par l'Etat.
Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions créeraient une inégalité de traitement entre les entreprises, qu'elles porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ainsi qu'aux règles relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales résultant de l'article 72-2 de la Constitution.
B/ Ces différentes critiques devront être écartées.
L'article 85 généralise à toutes les entreprises le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. Pour les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, il demeure fixé à 1% de 2002 à 2006 et sera porté à 1,5 % pour les impositions établies à compter de 2007, ce taux ayant été choisi par référence au taux de la cotisation minimale. Il modifie les modalités de calcul de la cotisation plafonnée qui n'est plus calculée par référence au taux de 1995, mais par référence au taux de l'année d'imposition. Cette mesure mettra fin à des situations d'imposition observées aujourd'hui, qui se traduisent parfois par des prélèvements pouvant atteindre 10 % de la valeur ajoutée ; au total, elle limitera la pression fiscale pour environ 200 000 entreprises.
Le législateur a décidé que le nouveau dégrèvement serait intégralement pris en charge par l'Etat, sauf pour la partie de la cotisation plafonnée qui correspond à la hausse des taux d'imposition votée par les collectivités territoriales au-delà d'un taux de référence fixé par la loi. Pour leur part, le B et le C du II de l'article 85 pérennisent et aménagent le dispositif qui permet aux entreprises de bénéficier d'un dégrèvement pour investissements nouveaux à raison des immobilisations corporelles neuves éligibles aux dispositions de l'article 39 A du code général des impôts.
1/ En premier lieu, le Gouvernement considère qu'un mécanisme de plafonnement de la taxe professionnelle au niveau de 3,5 % de la valeur ajoutée ne porte pas atteinte au principe d'égalité devant l'impôt. Les entreprises qui seraient appelées à acquitter un impôt supérieur à ce seuil élevé ne sont, en effet, pas placées dans la même situation que les autres entreprises ; en outre, ce mécanisme de plafonnement vaut à l'égard de toutes les entreprises autres que les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers ; il tend à éviter que certaines d'entre elles, en raison des règles d'assiette de l'impôt, acquittent un impôt, mesuré en termes de valeur ajoutée, très supérieur à d'autres. On doit ajouter que le principe d'un tel plafonnement n'est pas nouveau ; les modalités retenues par l'article 85 ne traduisent pas, par elles-mêmes, d'atteinte au principe d'égalité.
2/ En deuxième lieu, s'agissant du principe de libre administration des collectivités territoriales résultant de l'article 72 de la Constitution, il convient de rappeler qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, d'en déterminer les principes fondamentaux.
Il appartient de même au législateur de fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, même s'agissant d'impositions locales. L'article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, précise certes que la loi peut autoriser les collectivités locales à fixer l'assiette et le taux de certaines impositions de toute nature. Mais ces dispositions ne prévoient qu'une faculté et ne traduisent pas une obligation de nature constitutionnelle ; elles précisent, en outre, qu'il appartient au législateur de déterminer les limites en deçà desquelles les collectivités territoriales peuvent fixer l'assiette et le taux de certains impôts.
Dans ce cadre constitutionnel, on ne peut reprocher au législateur de porter atteinte à la libre administration des collectivités territoriales lorsqu'il décide, dans l'exercice de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, d'aménager le régime de la taxe professionnelle en fixant un plafonnement au produit de cet impôt et en déterminant les modalités de prise en charge de la dépense fiscale correspondante. Sans doute la jurisprudence du Conseil constitutionnel antérieure à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a-t-elle énoncé que les modifications apportées par la loi au régime des impositions locales ne sauraient avoir pour effet de diminuer les ressources des collectivités territoriales ou de réduire la part des recettes fiscales dans ces ressources, au point d'entraver leur libre administration (décision n°98-405 DC du 29 décembre 1998 ; décision n°2000-432 DC du 12 juillet 2000 ; décision n°2000-442 DC du 28 décembre 2000) ; mais cette jurisprudence avait admis que le législateur puisse réduire, voire supprimer, certaines ressources fiscales des collectivités territoriales sans porter atteinte au principe de libre administration. A fortiori doit-il en aller de même pour des dispositions législatives qui se bornent à aménager le régime applicable à une imposition locale, sans notamment remettre en cause le principe de la fixation du taux par les collectivités territoriales ni même affecter le produit résultant du dynamisme des bases d'imposition.
En l'espèce, on doit souligner que l'article 85 n'a pas d'effet direct sur les bases ou sur le taux de la taxe professionnelle. Les collectivités territoriales demeurent libres de fixer le taux de la taxe dans les limites générales fixées par le législateur ; elles percevront, en outre, le produit afférent à l'évolution des bases d'imposition. La perte de ressources qui pourrait résulter du mécanisme compensateur mis en place par le législateur n'est qu'éventuelle, en ce qu'elle dépend de la politique de taux qui sera adoptée ; elle présente, en outre, un caractère limité et prévisible. Elle est estimée à environ 0,4 % des recettes des quatre impôts directs locaux ; elle pourrait certes être plus élevée pour certaines collectivités, mais les mécanismes de réfaction introduits par amendements du Sénat ont pour objet d'atténuer ces situations particulières : c'est le cas pour les établissements de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique qui ne perçoivent que de la taxe professionnelle, pour lesquels une réfaction de 50 % sur la participation a été décidée si le pourcentage de bases plafonnées est supérieur à 50 % ; c'est le cas aussi des collectivités dont la part de bases plafonnées excède de 10 points le pourcentage constaté au niveau national et dont le poids de la participation est supérieur à 2 % de leurs impôts directs locaux, pour lesquelles a été instituée une réfaction de 20 % à 50 % avec un barème progressif en fonction de l'écart entre le produit de taxe professionnelle par habitant local et ce produit constaté au niveau national.
On doit, enfin, préciser que, contrairement à ce qui est soutenu, la réforme résultant de l'article 85 de la loi déférée ne présente aucun caractère rétroactif. Le nouveau dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2007 et régira, pour la première fois, l'imposition due au titre de l'année 2007. La circonstance que le législateur tire pour l'avenir des conséquences de situations passées ne consiste pas à faire une application rétroactive de règles nouvelles. Au demeurant, on doit observer que le législateur a veillé à limiter l'impact éventuel de la prise en compte de ces situations passées, en prenant en considération le taux 2005 - soit le dernier connu avant le vote de la loi -, un taux de 2004 majoré de 5,5 % pour les communes, 7,3 % pour les départements et de 5,1 % pour les régions ou le taux de l'année d'imposition, la loi prévoyant que serait retenu le plus faible de ces trois taux.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que les dispositions critiquées de l'article 85 de la loi de finances pour 2006 ne peuvent être jugées contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales.
3/ Les dispositions de l'article 85 ne traduisent pas davantage d'atteinte aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution.
En premier lieu, aucune disposition constitutionnelle n'impose au législateur de prévoir que l'adoption de dispositions législatives réduisant le produit de certaines ressources fiscales des collectivités territoriales devrait impérativement s'accompagner d'une compensation. Le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution exige une compensation en cas de transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales ; il prévoit par ailleurs l'attribution de ressources en cas de création ou d'extension de compétences obligatoires. Mais il n'impose pas de compensation directe en cas de modification des règles fiscales ayant pour effet de réduire le montant des ressources propres de certaines catégories de collectivités territoriales.
Le troisième alinéa de l'article 72-2 précise toutefois que le montant des recettes fiscales et autres ressources propres des collectivités territoriales doit représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. Les conditions de mise en oeuvre de cette règle ont été définies par la loi organique n°2004-758 du 29 juillet 2004 qui a, en particulier, précisé que la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté, pour chaque catégorie de collectivités, au titre de l'année 2003, à savoir 60,8 % pour les communes, 58,6 % pour les départements et 39,5 % pour les régions. Compte tenu de l'évolution de la fiscalité locale et des transferts de fiscalité, ces ratios ont augmenté après 2003. La loi organique a déterminé, par son article 5 ajoutant un article LO 1114-4 au code général des collectivités territoriales, les modalités selon lesquelles les dispositions nécessaires seraient adoptées si la part constatée des ressources propres descendait en dessous du seuil de l'année 2003.
L'impact de l'article 85 de la loi de finances sur le niveau des ressources propres de chaque catégorie de collectivités n'est pas tel que le seuil de l'année 2003 ne serait plus respecté. La réforme de la taxe professionnelle résultant de la loi de finances n'affecte, en effet, que très faiblement le ratio des ressources propres : les simulations sur les ressources 2003 effectuées pour l'élaboration du projet de loi de finances montraient, compte non tenu de l'évolution des bases d'imposition, que les ratios de ressources propres devraient diminuer de 0,03 point pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale, de 0,18 point pour les départements et de 0,94 point pour les régions. Le taux effectif sera plus faible que celui estimé par ces simulations, dans la mesure où le Parlement a réduit l'impact de la disposition sur les ressources des collectivités en amendant le texte du projet de loi par l'insertion de mécanismes de réfaction et la possibilité de prendre en compte des taux différents. Il peut être estimé désormais, après ces amendements, à 0,004 % pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale, de 0,023 % pour les départements et de 0,606 % pour les régions.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que l'intervention de l'article 85 de la loi de finances pour 2006 ne saurait être jugée contraire à l'article 72-2 de la Constitution.
Pour ces différentes raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi de finances pour 2006. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
2 rue de Montpensier
75001 Paris
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi de finances pour 2006.
Sur le respect des principes de la loi organique relative aux lois de finances
A titre liminaire, il convient de rappeler que la loi de finances pour 2006 est la première présentée et examinée par le Parlement selon la totalité des modalités définies par la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001.
Cette loi organique répond à plusieurs objectifs majeurs, l'amélioration de la gestion publique par la responsabilisation des gestionnaires, l'extension du pouvoir de contrôle et d'initiative budgétaire du Parlement et en définitive une meilleure lisibilité des enjeux, des choix et des débats budgétaires.
La loi organique constitue un instrument qui permet de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Les lois de finances conformément à l'article 1er de la loi organique déterminent " pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte ".
L'article 6 de la loi organique précise explicitement, que les lois de finances décrivent " pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'Etat ". Les lois de finances ne sont que le moyen de mise en oeuvre d'une politique. Par conséquent, il appartient au législateur de respecter les règles issues de la loi organique et de ne pas les détourner, de ne pas les utiliser pour justifier telle ou telle disposition de la loi de finances.
Force est de constater que plusieurs dispositions contenues dans la loi de finances pour 2006 ne respectent pas les règles issues de la loi organique. De ce point de vue plusieurs exemples méritent d'être signalés.
1/ La mission " enseignement scolaire " et les postes mis à disposition par le ministère de l'Education nationale
L'article 7 de la loi organique prévoit que les crédits de l'Etat sont regroupés par mission, qu'une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie et qu'un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auxquels sont associés des objectifs précis. Cet article pose clairement le principe de la spécialisation des crédits par programme ou par dotation, à côté de l'unité de vote qui est celle de la mission.
Par ailleurs, les dépenses de personnel doivent être clairement identifiées au sein de chaque programme. L'objectif d'amélioration de la gestion publique et de responsabilisation des gestionnaires a conduit à ce choix particulier concernant les emplois publics.
Le gouvernement a procédé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006 à la suppression de 800 postes d'enseignants mis à disposition dans les associations participant au système éducatif et a prévu pour les associations concernées le versement d'une subvention équivalente. Une dotation au titre des dépenses en personnel a ainsi été remplacée par une dépense d'intervention. Le ministre de l'Education nationale a notamment justifié ce choix par la nécessité d'adaptation aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances.
Lors de son audition par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2005, le ministre s'est, d'une certaine façon, retranché derrière les dispositions de la loi organique pour justifier les décisions du gouvernement de supprimer un nombre important d'emplois budgétaires. Il s'agit d'un détournement de procédure qui consiste à utiliser la loi organique comme un élément justifiant une décision de caractère politique.
Au sein de la mission " enseignement scolaire ", l'action 01 " pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives et de recherche " du programme 214 " soutien de la politique de l'éducation nationale " regroupe les crédits de personnel d'administration centrale et des services déconcentrés concourant à cette action et les crédits d'intervention sous forme de subventions à ces associations.
Rien n'interdit au gouvernement d'inscrire au sein de ce programme les dépenses de personnel correspondant aux postes mis à disposition. Le gouvernement n'a pas fait un tel choix pour répondre à son souci de voir réduit le nombre d'emplois budgétaires, et non pour respecter les principes de la loi organique.
Les emplois mis à disposition peuvent tout à fait être maintenus au sein des dépenses de personnel du programme 214. Au contraire, en agissant ainsi le gouvernement aurait davantage respecter l'esprit de la loi organique selon lequel les emplois doivent être clairement identifiés pour mesurer la réalité du concours qu'ils apportent à la réalisation des politiques publiques, en l'occurrence les actions de soutien et de réinsertion scolaires. Ces postes mis à disposition concourent effectivement à la mise en oeuvre de ce programme au sens de l'article 7 de la loi organique.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que les crédits de personnel correspondant à des " opérateurs " tel que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) sont présentés dans le cadre des documents budgétaires relatifs aux missions à l'exercice desquelles ces opérateurs concourent.
2/ La mission " écologie et développement durable "
Les règles de spécialisation des crédits prévues par l'article 7 de la loi organique ne sont pas respectées pour la mission " écologie et développement durable ".
De nombreux crédits permettant la mise en oeuvre des objectifs de la mission qui regroupe les politiques en faveur de la protection de l'environnement et de la prévention des risques naturels se trouvent dispersés dans d'autres missions : " agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ", " politique des territoires " et " transport ". Ces crédits sont présentés dans les documents budgétaires comme destinés à financer des actions menées en soutien du ministère chargé de l'environnement pour la mise en oeuvre de certaines de ses politiques. Cette pratique est contraire à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances.
Au sein du programme 154 " gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement durable " de la mission " agriculture, pêche, forêt et développement durable ", on recense 67 762 856 euros et 1 000 emplois équivalent temps plein qui concourent à l'application d'actions relevant directement des objectifs assignés à la mission " écologie et développement durable " et du domaine de compétences du ministère chargé de l'environnement.
A titre d'exemple, on peut citer des crédits de l'action 01 " soutien aux territoires et aux acteurs ruraux " qui contribuent au plan de prévention des risques naturels, des crédits de l'action 04 " modernisation des exploitations et maîtrise des pollutions " qui viennent financer le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, des crédits de l'action 07 qui permettent aux directions départementales de l'agriculture et de la forêt de mener des missions de contrôle et d'instruction administrative dans le domaine de l'eau et des milieux naturels pour le compte du ministère chargé de l'environnement.
En application du principe de spécialisation des crédits par missions et par programmes, ces crédits relevant du ministère chargé de l'environnement devraient figurer dans la mission " écologie et développement durable ".
Le principe de spécialisation implique en effet qu'un programme comprend les crédits destinés à mettre en oeuvre des actions relevant d'un même ministère. Il apparaît à la lecture des documents budgétaires qu'une même action regroupe des crédits destinés au fonctionnement de directions d'administration centrale et de services déconcentrés qui effectuent des missions pour le compte de plusieurs ministères.
Le non respect du principe de spécialisation remet en cause le principe de responsabilisation des gestionnaires publics. En effet, la logique de la loi organique implique qu'un responsable de gestion soit désigné pour chaque programme.
Compte tenu des règles de fongibilité entre les actions d'un même programme, ce non respect du principe de spécialisation peut conduire le gestionnaire concerné à privilégier le respect des actions correspondant à la politique de la mission à laquelle ce programme appartient, plutôt que le respect d'actions regroupant des crédits pour la réalisation d'objectifs de la politique d'une autre mission.
Un gestionnaire public y est d'autant plus incité que les objectifs et indicateurs associés au programme, qui permettront au Parlement de juger de la qualité de sa gestion, ne font référence qu'aux finalités du programme et de la mission à laquelle appartient directement l'action en cause, et non pas à d'autres programmes contenus dans la mission " écologie et développement durable ".
Les mêmes observations peuvent être formulées pour des crédits figurant au sein de la mission " politique des territoires " et de la mission " transport ", dont l'application relève de la mission " écologie et développement durable ".
Ainsi, l'action 3 du programme 113 de la mission " politique des territoires " vise à apporter un soutien opérationnel au ministère chargé de l'environnement pour la mise en oeuvre de certaines de ces politiques. Les directions départementales de l'équipement et le service de la navigation assurent des missions dans le domaine de la prévention des risques naturels et technologiques. L'action 13 du programme 217 de la mission " transport " comporte des crédits destinés directement à la politique du ministère de l'environnement.
La définition de la maquette budgétaire relève de la compétence exclusive du gouvernement, mais en choisissant de décalquer le découpage administratif pour définir les actions de chaque programme, il nuit en l'occurrence aux objectifs de lisibilité des enjeux et des choix budgétaires et contrevient au principe de la loi organique de responsabilisation des gestionnaires publics.
En effet la plus grande latitude laissée aux gestionnaires dans l'utilisation des crédits, qui conduit notamment à un niveau relativement " souple " de spécialisation des crédits (au niveau des programmes, et non pas à un niveau beaucoup plus fin et détaillé comme c'était le cas dans le cadre de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959) va intrinsèquement de pair avec la nécessité pour lui de " rendre des comptes " sur son respect des objectifs fixés à l'aide des indicateurs de résultat.
L'inscription au sein d'un programme de crédits destinés en réalité à une autre mission et d'autres programmes risque donc in fine de conduire à ce que ces crédits soient mobilisés au profit de la réalisation des seuls objectifs et indicateurs explicitement associés au programme en question. Leur destination " théorique ", présentée dans les documents budgétaires, ne trouverait ainsi aucune traduction réelle en exécution.
3/ Le compte d'affectation spéciale " participations financières de l'Etat "
A/ Les comptes d'affectation spéciale constituent, aux termes de l'article 19 de la loi organique relative aux lois de finances, une catégorie de comptes spéciaux.
L'article 20 de la loi organique précise au II que " chacun des comptes spéciaux dotés de crédits constitue une mission au sens des articles 7 et 47. Leurs crédits sont spécialisés par programme ".
Le deuxième alinéa du I de l'article 21 dispose que " Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale ".
Pour répondre à cette exigence, la maquette budgétaire proposée par le gouvernement à travers la loi de finances a mis en place le compte des participations, qui prend la suite du compte n°902-24 " Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés ", supprimé en première partie de la loi de finances pour 2006, à l'article 33.
Ce compte retrace l'ensemble des opérations de l'" Etat actionnaire ", et notamment l'ensemble des opérations de privatisations ou d'ouverture du capital, conformément à l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
L'article 48 de la loi de finances déférée dispose que ce compte retrace :
En recettes :
tout produit des cessions par l'Etat de titres ou parts de sociétés détenues directement,
le produit des cessions de titres détenus indirectement,
les reversements de dotations en capital, ou les liquidations,
les remboursements d'avances d'actionnaires,
les remboursements de créances liées à d'autres interventions financières patrimoniales,
des versements du budget général,
En dépenses :
les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement des établissements publics de l'Etat
les augmentations de capital, avances d'actionnaires et prêts assimilés, et les autres investissements de nature patrimoniale de l'Etat,
les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de sociétés,
les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais directement liés aux opérations de cessions ou achats de titres,
les dotations aux fonds de réserve des retraites.
Cette dernière affectation a été introduite à l'Assemblée nationale par amendement du groupe socialiste, accepté par la commission des finances et par le gouvernement.
La définition des dépenses et recettes retracées par le compte d'affectation spéciale à l'article 48 ne correspond pas à la structuration retenue en programmes pour la mission que constitue ce compte au sein de la maquette budgétaire.
Une telle correspondance n'est pas exigée par la loi organique. En revanche, le fait que la mission ainsi mise en place ne comporte qu'un seul programme est une violation directe de la lettre comme de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances.
B/ La mission que constitue le compte d'affectation spéciale n'est en effet constituée que d'un seul programme n°731 " Participations financières de l'Etat ".
La rédaction de l'article 7 de la loi organique ne laisse place à aucun doute quant à l'impossibilité pour la loi de finances de prévoir des missions ne comportant qu'un seul programme. Le second alinéa de cet article dispose en effet qu' " Une mission comprend un ensemble de programmes concourrant à une politique publique définie ".
Contraire à la lettre de la loi organique, la mise en place de missions monoprogramme est également opposée à son esprit, notamment en matière de renforcement du droit d'amendement pour les parlementaires. La mise en place de missions " monoprogramme " interdit en effet aux parlementaires toute réorientation des crédits au sein d'une même mission. Ce faisant, elle prive de tout droit d'amendement les parlementaires.
Le choix effectué par la loi organique relative aux lois de finances d'une structuration en missions et programmes répond en effet à la volonté d'articuler l'application de l'article 40 de la Constitution avec le respect et la volonté manifeste de renforcement du droit d'amendement pour les parlementaires.
L'article 47 de la loi organique définit de plus la notion de charge publique au niveau de la mission, en prévoyant que l'application de l'article 40 de la Constitution rend irrecevable tout amendement d'origine parlementaire qui accroîtrait la charge publique que représente une mission. Ainsi, des amendements de redéploiement des crédits entre les différents programmes constituant une mission, seront, à supposer qu'ils se " compensent " et que le solde des amendements ne conduise pas à une hausse du total des crédits retracés par la mission, jugés recevables.
Vous avez validé cette formulation en considérant que " le dix-huitième alinéa de l'article 34 et le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution habilitent la loi organique, pour le vote des lois de finances, à assimiler la " mission " à la " charge " mentionnée à l'article 40 de la Constitution " (considérant 97 de la décision 2001-448 DC du 25 juillet 2001).
Dès lors, et a contrario, en ne prévoyant et en n'acceptant aucune subdivision de la mission en programmes distincts, la loi de finances pour 2006 restreint de manière disproportionnée le droit d'amendement des parlementaires.
Le rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur les crédits de la mission " Participations financières de l'Etat ", Michel Diefenbacher, constatait ainsi que les parlementaires se trouvent privés totalement de leur droit d'amendement. Il note (p. 8 du rapport) que " Le fait qu'une mission ne comporte qu'un seul programme ne paraît pas conforme à la lettre de l'article 7 de la LOLF, même s'agissant de missions hors budget général. Cette configuration réduit à néant le droit d'amendement en matière de transferts de crédits ".
En effet, la répartition des crédits du programme entre les différentes actions n'est qu'indicative, et ne peut faire l'objet d'amendement.
Ce choix ne peut être accepté notamment en matière d'affectation des recettes de privatisation, car les parlementaires doivent avoir la possibilité d'arbitrer entre le désendettement de l'Etat, la mise en réserve de fonds pour faire face aux engagements sociaux de long terme, et sa politique d'actionnariat propre notamment les dotations en capital au profit des entreprises publiques.
Il est d'autant plus regrettable qu'il n'a pas permis, durant la discussion du projet de loi de finances, aux parlementaires de tirer la conséquence de l'amendement " de nomenclature " adopté à l'initiative du groupe socialiste à l'article 48, qui ouvrait pourtant une nouvelle possibilité d'affectation au sein des dépenses du compte d'affectation, à destination du Fonds de réserve des retraites.
Ce refus du gouvernement est d'autant plus critiquable que rien ne s'oppose à l'identification, à travers des programmes différenciés, de ces affectations très différentes des crédits.
Il est évident que s'agissant de crédit évaluatifs, la création de programmes distincts aura pour effet principal d'indiquer au gouvernement, en gestion, la proportion relative de crédits effectivement disponibles sur le compte d'affectation spéciale qui devront aller aux différents programmes, et non le montant précis devant leur être alloué en exécution.
Il n'en reste pas moins qu'il doit revenir au Parlement de se prononcer sur cette répartition, et non pas de se contenter d'une présentation en actions qui n'a d'autre valeur qu'indicative.
C/ Enfin, il apparaît que l'inclusion par l'article 48, au sein des dépenses, des " commission bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations mentionnées au a) du 1°, ainsi qu'aux b) et c) du 2°" constitue une nouvelle violation de la loi organique relative aux lois de finances.
L'identification, pour un total de 150 millions d'euros, des " prestations de services " correspondant notamment aux commissions bancaires liées aux opérations de privatisations n'est en effet pas conforme à l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances. Le choix du gouvernement d'inclure dans l'action n°5 du programme " Prestations de services " ces frais juridiques doit être remis en cause.
On peut se référer à cet égard, comme l'a d'ailleurs fait le député Jean-Pierre Balligand lors de l'examen en séance du Compte d'affectation spéciale, en indiquant que vous seriez appelé à trancher cette question en dernier ressort, à l'analyse de l'article 21 réalisée notamment par les services ayant participé à la rédaction de la loi organique relative aux lois de finances :
" Le compte de gestion des participations financières ne devra retracer que des opérations de nature patrimoniale, à l'exclusion de toute opération courante. Au contraire, le compte n°902-24 finance des dépenses courantes afférentes aux ventes de titres, parts ou droits de société : commission aux établissements financiers chargés de la vente et du placement des titres, frais de communication, rémunération des prestations des banques conseil, frais juridiques, etc. En 2000, ces dépenses se sont élevées à 85,9 millions d'euros. Ce dispositif n'est guère transparent et a été maintes fois critiqué par la Cour des comptes. Il est vraisemblable que le législateur organique a été sensible aux observations répétées de la Cour. Quelles qu'aient été ses motivations profondes, il ressort de ses travaux que les frais de gestion courante seront désormais entièrement imputés sur le budget général, une fois tenu compte de l'effet des conventions de partage de frais(...) ".
Ainsi, il conviendrait que ces dépenses courantes soient prises en charge directement par le budget général.
Le respect des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances conduit à censurer toute disposition contraire à l'article 7 de cette loi qui viserait à la mise en place d'une mission comptant moins de 2 programmes, et, en ce qui concerne plus spécifiquement le compte des participations financières de l'Etat, l'inclusion de dépenses courantes en son sein.
4/ Le transfert de recettes fiscales à la sécurité sociale
L'article 56 de la loi déférée vise à modifier la manière dont est compensée aux régimes de sécurité sociale la charge de financer la politique d'allégements généraux de cotisations sociales pesant sur les salaires.
En réalité, comme le souligne sans ambiguïté le rapporteur général du Sénat, le gouvernement s'est par ce biais accordé une " commodité budgétaire " que le rapport décrit de façon très claire :
" Votre rapporteur général tient à souligner que, avant de répondre à une logique de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, la mesure prévue par le présent article constitue un expédient permettant le respect apparent de la norme de stabilité des dépenses de l'Etat en volume. En effet, elle aboutit à exclure une dépense très dynamique, puisqu'elle doit évoluer spontanément de 17,1 milliards d'euros en 2005, à 18,9 milliards d'euros ".
Ce faisant, le gouvernement, qui a fait de la norme d'évolution de la dépense publique un des critères fondamentaux d'appréciation de la politique budgétaire, cherche manifestement à déformer la réalité de l'information donnée aux parlementaires.
Ce choix est d'autant plus contestable qu'il conduit à dégrader très sensiblement la qualité de l'information disponible pour juger de l'efficacité d'une politique publique d'une ampleur très importante.
Le Parlement, auquel l'inscription au sein de la mission " Travail et emploi " des crédits correspondant à la dotation budgétaire de 18,9 milliards d'euros au titre de la compensation des allégements aurait permis de juger, en fonction des objectifs et indicateurs que le gouvernement devrait produire à cet effet, de l'efficacité d'une dépense massive et très dynamique, se trouve ainsi privé de cette possibilité.
Aucun objectif, aucun indicateur de résultat ne sera plus en effet disponible dans le cadre des futursprojets de loi de finances pour juger de l'efficacité de la dépense.
Pourtant, les dépenses en question se rattachent de façon directe à une politique économique de l'Etat, en l'occurrence sa politique de l'emploi, et non aux missions de la sécurité sociale. C'est pourtant ce lien entre missions fondamentales de la sécurité sociale et nature des dépenses transférées qui a notamment permis jusqu'ici au Conseil constitutionnel de juger non contraire à la Constitution des opérations précédentes de débudgétisation.
Qui plus est, le niveau de cette compensation est contestable. En effet, si le respect de règles de valeur législative ne s'impose par définition pas au législateur financier, c'est en revanche le cas pour les règles de nature organique. La portée de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale s'en trouve sensiblement réduite, puisque le fait qu'une loi prévoit que tout transfert de charges opéré entre l'Etat et les régimes et organismes de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés pendant toute la durée de son application ne s'oppose en rien à ce qu'une autre loi déroge à ce principe.
C'est le cas ici puisque le dispositif voté ne prévoit pas une compensation intégrale, notamment pas dès la deuxième année, mais seulement une obligation d'information du Parlement sur l'existence d'un écart éventuel. La " clause de revoyure "prévue aux IV et V de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale introduit par cet article, n'impose en effet pour l'avenir que la production de rapports en 2008 et 2009 analysant les éventuels écarts entre recettes affectées et perte de recette résultant des allégements de charges. Un écart supérieur à 2 % conduirait à l'intervention d'une commission indépendante devant statuer sur d'éventuelles mesures d'ajustement.
Le gouvernement a volontairement écarté des amendements déposés lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale visant à assurer une compensation intégrale. De même, l'introduction d'une référence à un écart de 2 % signale clairement sa volonté qu'il ne soit pas procédé à un quelconque ajustement pour un écart qu'il juge " minime ".
Le 5° du III de l'article L. 111-4 du code de la sécurité sociale introduit par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale dispose notamment que doivent être énumérées en annexe à la loi de financement "l'ensemble des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l'assiette ou d'abattement sur l'assiette de ces cotisations et contributions, présentant les mesures nouvelles introduites au cours de l'année précédente et de l'année en cours ainsi que celles envisagées pour l'année à venir et évaluant l'impact financier de l'ensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu, les moyens permettant d'assurer la neutralité de cette compensation pour la trésorerie desdits régimes et organismes ainsi que l'état des créances. Ces mesures sont ventilées par nature, par branche et par régime ou organisme ".
Le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition " combinée avec le c) du 2° du C du I de l'article L.O. 111-3, prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale approuve, dans sa partie relative aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, le montant total des compensations allouées aux organismes de sécurité sociale au titre des réductions et exonérations de cotisations sociales et de recettes affectées ; que cette disposition est destinée à renforcer la transparence des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale en établissant un lien entre la loi de finances, dans le cadre de laquelle la compensation devient effective, et la loi de financement de la sécurité sociale ; que, toutefois, sa portée doit être interprétée au regard des dispositions du IV de l'article L.O. 111-3, qui réservent aux lois de financement la possibilité de mettre en oeuvre de telles mesures sans compensation ".
Il apparaît dès lors que le dispositif particulier introduit par les IV et V de l'article déféré contrevient tant aux principes organiques ainsi introduits, qu'à l'interprétation qui en est faite par le Conseil constitutionnel.
En rendant " optionnel " le mécanisme de compensation compte tenu de l'écart constaté, et en renvoyant à une commission indépendante sa détermination et d'éventuelles mesures de compensation, l'article contrevient à ces dispositions.
Il faut également noter que les modalités de compensation pour le moins " hétéroclites " introduites par l'article déféré sont en contradiction avec la volonté, soulignée par le Conseil constitutionnel dans son considérant cité ci-dessus " de renforcer la transparence des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale ".
Pour l'ensemble de ces raisons, cet article ne pourra qu'être censuré.
5/ Les indicateurs de performance
De façon générale, le nombre d'indicateurs de performance non renseignés dans les documents budgétaires transmis au Parlement et détaillant les crédits de chacune des missions est inacceptable et remet en cause la qualité même de l'autorisation parlementaire.
Cette défaillance est en contradiction directe avec l'esprit même de la loi organique relative aux lois de finances.
Le gouvernement, qui à de nombreuses reprises à appelé les parlementaires à ne pas se focaliser uniquement sur la progression - souvent négative - des crédits d'une année sur l'autre pour se consacrer à l'étude de la performance et des résultats prive ainsi le Parlement de la capacité d'exercer son contrôle sur l'efficacité des politiques menées et la réalisation, par les responsables de programmes, de leurs objectifs.
Comment juger en effet la performance quand les indicateurs qui permettent de l'évaluer ne sont pas construits ou pas renseignés ?
Cette absence de renseignement des indicateurs met à mal l'autorisation parlementaire et aura des conséquences dommageables également lors de la discussion du projet de loi de règlement pour l'année 2006.
La responsabilisation des gestionnaires publics voulue par la loi organique doit trouver une contrepartie constante dans la nécessité pour eux de s'engager sur des objectifs précis accompagnés des indicateurs permettant d'en mesurer l'achèvement.
A défaut, la qualité du contrôle parlementaire sortirait amoindrie et non renforcée de la réforme. En effet, le relèvement sensible du niveau de spécialisation des crédits dans le cadre de la nouvelle loi organique ouvre aux gestionnaires publics des latitudes nouvelles lors de l'exécution.
Sous peine d'interdire tout contrôle du Parlement sur l'exécution, il est indispensable que les moyens permettant de juger cette exécution lui soient fournis. Ce n'est pas le cas dès lors que des indicateurs ne sont pas définis ou pas renseignés.
Cette situation, évoquée lors de la discussion de plusieurs missions, qu'il s'agisse de la mission " sécurité " ou de la mission " développement et régulation économiques ", n'a malheureusement pas conduit le gouvernement à produire des documents budgétaires complétés en cours d'examen de la loi de finances. Au total, le Parlement n'a pas pu se prononcer en toutes connaissance de cause.
Sur le respect de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et du principe d'égalité devant les charges publiques
1/ Le plafonnement des impôts directs
A/ L'article 74 de la loi de finances pour 2006 prévoit un dispositif de plafonnement des impôts directs. Le I de cet article crée un droit selon lequel les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60% de ses revenus. Le législateur a souhaité faire de ce plafonnement un principe de portée générale qui s'applique à la totalité de notre droit fiscal en le faisant figurer à l'article 1er du code général des impôts. Cette volonté ressort très clairement des travaux parlementaires.
Le II de l'article critiqué crée un article 1649-0 A du code général des impôts qui prévoit les impôts directs concernés, le revenu à prendre en compte, le mécanisme de restitution au contribuable en cas de dépassement du plafond aux différents collecteurs concernés, notamment l'Etat et les collectivités territoriales.
Au delà de la portée symbolique de la place du plafonnement à l'article 1er du code général des impôts, l'ensemble du droit fiscal se trouve ainsi totalement bouleversé. Tous les articles du code général des impôts qui définissent l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature en application de l'article 34 de la Constitution, et en particulier les articles relatifs aux impôts directs, se trouvent désormais sous la dépendance directe de ce principe de plafonnement.
En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt les règles d'appréciation des facultés contributives, une telle appréciation ne devant pas entraîner de rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques.
En l'occurrence, il ne s'agit pas avec cet article d'apprécier pour un impôt donné les facultés contributives. Il ne s'agit pas non plus de créer un simple avantage fiscal relatif à un impôt donné. Il s'agit de considérer par principe que la contribution directe prise dans son ensemble de chaque citoyen au bon fonctionnement des administrations et des services publics ne peut pas dépasser un certain niveau.
En prévoyant qu'un contribuable ne peut pas payer plus d'un certain pourcentage de ses propres revenus au titre des impôts directs, le législateur méconnaît en réalité l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et ainsi le principe d'égalité devant les charges publiques. Cette méconnaissance est renforcée par le fait que le principe du plafonnement devient la pierre angulaire du code général des impôts.
B/ L'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 prévoit que la contribution commune indispensable au financement des dépenses d'administration et au fonctionnement des services publics, " doit être répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Le plafonnement prévu à l'article 1er du code général des impôts tel qu'il résulte de l'article critiqué, conduit donc à ce qu'un contribuable bénéficie d'une réduction de son imposition directe dès lors que la somme des contributions dues à ce titre dépasserait 60% de ses revenus.
Un contribuable dont la somme des impôts directs atteindrait 20%, voire même 59%, de ses revenus paierait effectivement cette somme, alors qu'un contribuable dont la somme des impôts directs atteindrait 70% ou 80% de ses revenus ne paierait plus qu'une somme égale à 60% de ses revenus. Dans le premier cas, le montant des impôts directs dépend effectivement des revenus servant ainsi à mesurer les facultés contributives. Dans le deuxième cas, le plafonnement vient finalement réduire de façon fictive les revenus, donc les capacités contributives, et ainsi la contribution directe dans son ensemble.
En conséquence, ce contribuable ne participe plus au financement des administrations et des services publics en fonction de ses véritables facultés mais en fonction de facultés réduites et limitées par la loi. Cette diminution de la contribution concerne aussi bien le financement des services de l'Etat que celui des services des collectivités territoriales.
La loi crée ainsi une différence de traitement entre des contribuables qui revient à limiter pour certains contribuables leur participation au financement de tous les services publics. Certains contribueraient effectivement sur la base de leurs revenus d'autres sur des revenus limités, et ce sans aucune justification en rapport avec l'objet et la finalité de la contribution publique.
C/ Par ailleurs, dans la mesure où le plafonnement des impôts directs est calculé en référence aux seuls revenus des contribuables, ceci implique que chaque impôt direct visé au II de l'article critiqué voit son montant plafonné en fonction d'une assiette qui n'est pas nécessairement celle sur laquelle il est calculé. Tel est le cas notamment de l'impôt de solidarité sur la fortune, des taxes foncières et de la taxe d'habitation.
Les facultés contributives ne sont pas limitées aux seuls revenus. Le patrimoine en constitue un élément au même titre que les revenus. En plafonnant les impôts directs en fonction des seuls revenus, le législateur donne une définition pour le moins limitée des capacités contributives.
Le plafonnement, fixé à l'article 1er du code général des impôts, peut à tout moment être adapté par une augmentation ou une diminution du pourcentage de revenus. Une forme d'instabilité de la notion de capacités contributives est ainsi instituée. En fixant avec précision un pourcentage de revenus correspondant à la limite supérieure de la somme des impôts directs que peut payer chaque contribuable, le législateur confère à la répartition nécessairement équitable entre les contribuables du financement des administrations et des services publics un caractère pour le moins aléatoire.
Il va ainsi bien au-delà de ses compétences fixées par la Constitution. Il ne se contente pas de fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. En effet, il donne une définition limitée et restrictive de la notion de capacités contributives et soumet le financement des charges publiques à un principe de portée générale dont l'application effective peut varier régulièrement.
D/ Il ne s'agit pas avec ce plafonnement de créer une déduction du revenu imposable ou une réduction d'impôt afin d'accorder aux contribuables un avantage lié à un objet précis, mais uniquement d'affirmer, et ce dès l'article 1er du code général des impôts, que la contribution publique doit être limitée en fonction des revenus.
Vous avez régulièrement reconnu que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux pour des motifs d'intérêt général. Vos décisions récentes en la matière ont concerné séparément des avantages au titre de l'impôt sur le revenu ou encore au titre l'impôt de solidarité sur la fortune.
Dans tous les cas, vous avez reconnu que ces avantages avaient pour objet d'inciter les contribuables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, à condition que les règles fixées soient justifiées au regard des objectifs en question (décision n° 2003-477 DC du 31 juillet 2003 sur la loi relative à l'initiative économique, décision n°2002-464 DC du 27 décembre 2002 sur la loi de finances pour 2003).
Le plafonnement proposé par l'article critiqué ne saurait être considéré comme un tel avantage fiscal. Il ne s'agit en aucune façon d'un dispositif pour inciter les contribuables à adopter tel ou tel comportement dans un but d'intérêt général. Il s'agit au contraire d'accorder une réduction de contribution relative à plusieurs impôts directs dans le seul but de réduire l'imposition globale.
On cherche en vain le comportement d'intérêt général que le législateur veut voir adopté par les contribuables en leur octroyant un tel avantage fiscal.
Pour toutes ces raisons, l'article 74, et notamment le I qui instaure le principe de plafonnement, ne peut qu'être censuré.
2/ Le plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu
A/ L'article 78 de la loi de finances pour 2006 introduit un plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu, par la rédaction d'un article 200-00 A du code général des impôts.
Cet article dispose que le total des avantages fiscaux soumis au plafonnement ne peut procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieur à 8 000 euros ou 13 000 euros pour les foyers dont l'un des membres au moins est titulaire de la carte d'invalidité. Ce montant est majoré de 1 000 euros par enfant à charge ou par personne âgée de plus de 65 ans membre du foyer. Ce plafonnement s'appliquera à compter de l'imposition des revenus de 2006.
Cet article énumère ensuite les dispositifs fiscaux soumis à ce plafond.
Le projet de loi initial prévoyait également un article 200-0 A définissant parallèlement un plafond spécifique pour les dispositifs fiscaux dérogatoires applicables aux investissements Outre-mer. Ce dispositif a été supprimé, et remplacé à l'initiative de l'Assemblée nationale par un article sans véritable portée juridique prévoyant que " les conditions dans lesquelles (ces) investissements (...) pourront être pris en compte dans le plafonnement (...) seront fixées après la transmission par le gouvernement à l'Assemblée nationale d'un rapport d'évaluation " de la loi de programme pour l'Outre-mer.
Le dispositif proposé par l'article 200-00 A du code général des impôts ne respecte pas le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques car il traite de façon différenciée des contribuables se trouvant dans des situations objectivement identiques, sans lien avec un motif d'intérêt général ou l'objet de la loi.
Ceci résulte directement du critère retenu pour le choix des dispositifs soumis ou non au plafonnement, et de son caractère vague et imprécis. Ni le dispositif voté, ni l'exposé des motifs ne donnent à cet égard de définition permettant cette distinction.
B/ Seul le dossier de présentation du projet de loi de finances indique que ne seraient soumis au plafonnement que les dispositifs instituant " des avantages fiscaux à caractère économique afférents à un investissement du contribuable, et ceux ayant pour contrepartie une prestation dont bénéficie le contribuable ".
A l'inverse, ne seraient pas soumis au plafonnement :
" les dispositifs d'investissement clos ",
" les dispositifs compensant des astreintes particulières ",
" les avantages visant à éliminer une double imposition ",
" les avantages correspondant à une activité professionnelle ",
" les dispositifs visant à encourager des versements sans contrepartie ",
" les avantages correspondant à des situations subies par le contribuable ",
" les revenus exonérés ou charges déductibles liés à la situation du contribuable ".
La simple lecture de cette énumération suffit à démontrer le peu de portée juridique des critères retenus. La référence à des astreintes particulières, à des situations de double imposition, à des dispositifs " clos " peut être recevable. Parallèlement, la référence aux versements " sans contrepartie " définit un motif d'intérêt général pouvant justifier un traitement différent.
On peut également admettre que des contribuables bénéficiant d'avantages liés à une activité professionnelle se trouvent dans une situation objectivement différente de celle de contribuables bénéficiant d'avantages correspondant à une dépense de caractère personnel.
Mais, au regard de l'objet de la loi qui est ici, aux termes de l'exposé des motifs, de limiter le bénéfice cumulé dont peuvent bénéficier certains contribuables en multipliant les dispositifs auxquels ils ont recours, la référence à " des situations subies par les contribuables " et plus encore à la simple " situation du contribuable " ne peuvent constituer des différences suffisamment objectives pour justifier un traitement différent.
Le critère de soumission au plafond a été résumé notamment par le rapporteur général du Sénat (p. 130 du rapport). Il s'agirait ainsi de soumettre au plafonnement uniquement les " avantages fiscaux qui sont la conséquence d'une situation choisie par le contribuable ".
Pourtant, cette distinction entre des situations subies d'une part, et des situations choisies d'autre part, ne présente aucun caractère de clarté. De plus, son application en l'espèce est largement faussée dès l'origine du dispositif général de plafonnement.
Il apparaît clairement que des dispositifs fiscaux dérogatoires qui correspondent très directement à des " situations choisies par le contribuable " n'ont pas été retenus pour être soumis au mécanisme de plafonnement. Ces dispositifs ont ainsi été considérés comme des avantages correspondant à des situations subies, ou comme des revenus exonérés et des charges déductibles liés à la situation du contribuable.
C/ S'agissant d'un dispositif appelé, semble-t-il, à être applicable à tout nouveau mécanisme fiscal dérogatoire qui pourrait être mis en place, un tel flou n'est pas acceptable, puisqu'il revient à assimiler des situations manifestement choisies par le contribuable à des situations subies pouvant ainsi être exclues du dispositif de plafonnement.
Il vous appartient de préciser dès aujourd'hui l'application qui doit être faite du principe d'égalité devant les charges publiques à ce dispositif de plafonnement. A défaut de l'édiction d'une jurisprudence précise, cette question ne manquerait pas en effet d'alimenter pour l'avenir un doute quant à la constitutionnalité de toute intégration ou non dans le dispositif de plafonnement d'un nouvel avantage fiscal.
L'atteinte au principe d'égalité est en effet manifeste dès lors que l'on prend en considération les dispositifs précisément exclus du plafonnement en vertu de la catégorie relevant de la " situation subie " du contribuable.
Ainsi, sont exclus au titre des " situations subies du contribuable " aussi bien les " indemnités de départ à la retraite ", ou les pensions de " retraite mutualiste du combattant ", que les " rémunérations de jobs d'été des étudiants " ou surtout " les cotisations ou primes versées au plan d'épargne retraite populaire ".
Le choix pour un étudiant membre du foyer fiscal d'un contribuable d'exercer un " job d'été " est totalement libre et volontaire, et ne peut être présenté comme une situation donnée ou " subie " par un contribuable.
C'est surtout le cas pour les cotisations ou primes versées par un contribuable au titre de la retraite par capitalisation.
Les plans d'épargne retraite populaire (PERP) sont des instruments d'épargne privée qui n'ont aucun caractère obligatoire pour le contribuable. L'affirmation contraire reposerait sur l'idée que les contribuables n'ont plus d'autre choix que de recourir à l'assurance privée pour compenser la dégradation du taux de remplacement servi par le régime de retraite par répartition dans les années à venir.
L'article 163 quatervicies du Code général des impôts dispose que sont déductibles du revenu net global, les cotisations ou primes versées par chaque membre du foyer fiscal aux PERP. Cette déduction est limitée à la différence entre une fraction égale à 10 % des revenus d'activités professionnelles - dans la limite de 8 fois ou 10 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale - et le montant cumulé des cotisations et primes perçues dans le cadre de mécanismes professionnels collectifs.
Cette définition du plafond applicable à l'avantage fiscal attaché à l'épargne retraite individuelle souligne notamment le caractère subsidiaire de ce choix de placement individuel, non seulement au regard du régime général des retraites par répartition, mais également au regard de mécanismes " collectifs " organisés au sein des entreprises.
Le caractère " obligatoire " des cotisations est pourtant l'interprétation que semblait vouloir proposer le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale en affirmant qu'" il faut bien considérer que le fait de vieillir est une sujétion à laquelle nul n'échappe... et cela justifie que l'on épargne l'épargne retraite ! " (3ème séance du 18 novembre 2005).
En réalité, un contribuable bénéficiant d'un avantage fiscal au titre de placements dans des fonds d'investissement se trouve dans une situation rigoureusement identique à celle d'un autre choisissant d'investir ses liquidités dans un plan d'épargne retraite. Il n'y a donc aucune raison de considérer qu'il devrait dans un cas voir plafonné l'avantage fiscal attaché à son investissement, et dans un autre non.
Enfin, le choix, opéré à l'Assemblée nationale, de supprimer toute référence opérante aux avantages fiscaux accordés aux investissements Outre-mer annihile toute portée d'ensemble au critère permettant de déterminer si un avantage est plafonné ou non. Dès lors, la rupture d'égalité est manifeste entre les contribuables.
Le respect du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques commande donc d'annuler les restrictions infondées au principe du plafonnement des avantages fiscaux non liées à une différence objective de situation des contribuables ou à un motif d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi.
D/ Enfin, le principe d'une majoration de 1 000 euros du plafond de 8 000 (ou 13 000 euros) en fonction du nombre d'enfants à charge ou de personnes membres du foyer âgés de plus de 65 ans doit également être censuré.
En effet, conformément à votre jurisprudence, la mise en oeuvre de plafonds tenant compte de la situation familiale ne serait justifiée que si l'objet de la loi était de prendre en compte la situation des familles. Tel n'est pas le cas. L'objet de la loi est en effet la limitation des avantages fiscaux pouvant être attribués à un foyer fiscal.
Il est à noter que les effets du quotient familial, qui vise à prendre en compte, au nom d'un principe d'égalité horizontale, les charges particulières découlant du nombre de personnes composant le foyer du contribuable, ne sont en aucun cas remis en cause par l'existence du mécanisme de plafonnement.
Ainsi, l'existence de telles majorations pour enfant à charge porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. Cette violation a sans doute été pressentie par le rapporteur général au Sénat, puisque celui-ci indique (p. 163 de son rapport) que " la familialisation du plafond ne s'impose pas : dans l'impôt sur le revenu, la prise en compte de personnes à charges de fait normalement au travers du quotient familial, et rien ne justifierait de démultiplier à l'excès ce mécanisme au moyen d'un plafonnement à géométrie variable. " Il ajoute que l'augmentation de 250 euros, votée par l'Assemblée nationale, de la majoration de 750 euros proposée initialement par le gouvernement " n'appelle pas de commentaire particulier au vu de sa relative modicité ; on comprendrait mal pourquoi le fait d'avoir des personnes à charge devrait renforcer significativement le potentiel de défiscalisation ".
3/ L'exonération au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des parts ou actions détenues dans le cadre d'un engagement collectif de conservation
L'article 26 de la loi déférée modifie dans son II l'article 885 I bis du Code général des impôts en disposant que l'exonération au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune dont bénéficient dans certaines conditions les parts ou actions d'une société détenues dans le cadre d'un engagement collectif de conservation serait portée de la moitié à 75 % de la valeur totale de ces titres.
Ce relèvement du taux à 75 % conduit à une égalisation progressive des conditions faites à deux catégories de contribuables pourtant placés dans des situations totalement différentes au regard de l'impôt.
En effet, on s'approche ainsi d'une exonération totale d'impôt de solidarité sur la fortune, qui n'est ouverte qu'au bénéfice des biens professionnels.
Sont en effet totalement exonérées, aux termes de l'article 885 O bis, les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés à la condition que leur propriétaire soit directement en charge de l'exécutif de la société, par exemple en tant que président, directeur général ou président des organes d'administration, et qu'il détienne en parallèle au moins 25% des titres de la société.
C'est d'ailleurs ce qu'avait exposé le ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et des Professions, Renaud Dutreil, précisément à l'occasion d'une proposition identique de modification de l'article 885 I du Code général des impôts, pour expliquer le refus du relèvement du taux de d'exonération de 50 à 75 % proposé ici.
" Le sujet de l'ISF a été abordé dans la loi pour l'initiative économique. Nous avons alors expérimenté un nouveau dispositif : le pacte d'actionnaires, destiné aux actionnaires minoritaires et les faisant bénéficier d'un abattement de 50 %. A l'époque, le Gouvernement avait déjà envisagé un abattement de 75 %, mais une analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous avait conduits à abandonner cette idée. Le Conseil en effet, pour appliquer le principe d'égalité devant l'impôt, compare les différents dispositifs fiscaux et les motifs qui les ont inspirés. En matière d'ISF, des exonérations proches de 100 % sont consenties à ceux qui ont la responsabilité de l'entreprise : les dirigeants, exposés de plein fouet aux risques économiques. Le taux de 75 % était trop voisin alors que la situation du bénéficiaire d'un pacte d'actionnaires est très différente de celle du dirigeant de l'entreprise : un actionnaire minoritaire ne gère pas le risque économique ! Proposer des avantages fiscaux comparables pouvait donc comporter un risque. Or, à l'époque, notre souci était que ce dispositif franchisse toutes les étapes, y compris l'examen par le Conseil constitutionnel, et c'est pourquoi nous avons retenu le taux de 50 %". (3ème séance du mercredi 6 juillet 2005).
C'est donc en toute connaissance de cause que le gouvernement et la majorité ont adopté une disposition dont ils jugent la constitutionnalité dans le meilleur des cas douteuse.
En effet, dans votre décision n°2003-477 DC du 31 juillet 2003, vous jugiez, au considérant 13, que le taux de 50 % de l'exonération consentie était une condition de la conformité du dispositif proposé à la Constitution :
" Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires que le législateur a entendu garantir la stabilité du capital des entreprises, notamment familiales, et, partant, leur pérennité ; que l'avantage fiscal accordé tend à inciter les actionnaires minoritaires, qui ne bénéficient pas de l'exonération des biens professionnels prévue par l'article 885 O bis du code général des impôts, à conserver les parts et actions qu'ils détiennent ; qu'eu égard aux conditions posées quant à la stabilité du capital et à la direction de l'entreprise et à son montant limité à la moitié de la valeur des parts et actions, contrairement à ce que prévoit l'article 885 O bis pour les biens professionnels, cet avantage ne peut être regardé comme entraînant une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques ; ".
Le II de cet article n'étant aujourd'hui modifié qu'au regard de ce taux d'exonération, sans nouveau motif d'intérêt général susceptible de justifier une rupture du principe d'égalité, il ne pourra donc être que censuré.
La censure s'étendra également au I de l'article 26 qui introduit un dispositif totalement distinct du précédent, prévoyant une exonération à hauteur de 75 % de leur valeur, des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social, ou y exerce son activité principale lorsque la société est une société de personnes soumise à l'impôt sur le revenu visée aux articles 8 à 8 ter.
En réalité, cet article conduit à procurer un avantage fiscal exorbitant - parfois équivalent à plusieurs centaines de milliers d'euros, à des personnes placées dans une situation qui ne diffère en rien de celle des autres redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune. En effet, l'avantage est ouvert en dehors de toute considération de la nature de " bien professionnel " des titres concernés. Les justifications par analogie qui avaient pu être données à l'introduction des dispositifs visant à l'article 885 I bis les " pactes d'actionnaires " ne sont pas recevables en l'espèce.
Par ailleurs, il visera des mandataires sociaux comme des salariés qui n'exerceraient plus aucune fonction dans les entreprises visées, et qui se trouvent donc dans la situation de tout investisseur possédant des titres de ladite société et qui accepteraient, toutes choses égales par ailleurs, de s'engager à conserver les titres pendant une durée minimale de 6 ans comme le suppose le dispositif voté.
Ceci conduit notamment à ce qu'un contribuable puisse bénéficier de l'exonération proposée à raison de titres de plusieurs entreprises dans lesquelles il aurait exercé au cours de sa carrière son activité principale.
Sur le respect des articles 72 et 72-2 de la Constitution
Le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée
L'article 85 de la loi de finances pour 2006 prévoit un plafonnement de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée. Le I de cet article complète notamment l'article 1647 B sexies du code général des impôts pour instituer un seuil de plafonnement unique et généralisé à toutes les entreprises fixé à 3,5% de la valeur ajoutée. Le II de cet article définit les modalités de prise en charge par l'Etat au profit des collectivités territoriales et des établissements de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre du dégrèvement accordé aux entreprises en application du plafonnement.
Ainsi, le dégrèvement est pris en charge par l'Etat à concurrence de la différence entre, d'une part, la base servant au calcul de la cotisation de taxe professionnelle au titre de l'année d'imposition au profit de chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale multiplié par le taux de référence de chaque collectivité ou établissement public et, d'autre part, le montant du plafonnement déterminé en application du pourcentage de la valeur ajoutée de 3,5%.
Le taux de référence de chaque collectivité ou établissement public s'entend du taux le plus faible entre le taux de 2004 majoré d'un certain pourcentage selon la catégorie de collectivité concernée, ou le taux de l'année d'imposition considérée. Le taux de 2004 sera ainsi majoré pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de 5,5%, celui pour les départements de 7,3%, celui pour les régions de 5,1%.
L'introduction d'un taux de référence théorique constitué par le taux de l'année 2004 majoré résulte des débats à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, dans le cadre de la commission mixte paritaire, et lors de l'examen en séance des conclusions de la commission mixte paritaire, en réponse aux nombreuses interrogations des parlementaires sur le degré d'autonomie fiscale qui résultait de la proposition initiale du gouvernement d'un taux de référence constitué du taux de 2004 ou du taux de l'année d'imposition s'il était inférieur.
L'objet recherché par cet article est légitime puisqu'il s'agit de limiter le poids d'un impôt qui pèse directement sur l'investissement des entreprises. Il porte cependant atteinte de façon induite au principe d'égalité devant l'impôt entre les contribuables locaux.
En effet en plafonnant le montant de la taxe professionnelle due par l'entreprise à 3,5% de la valeur ajoutée et en fixant un taux de référence qui aboutit à ce que toute mesure nouvelle de hausse du taux prise après 2004 (ou après 2005 dans certaines conditions) ne porte que sur les entreprises non plafonnées, l'article 85 aboutit à créer une inégalité de traitement entre les entreprises, en pesant notamment sur les petites entreprises qui ne disposent pas de marges aussi fortes que les grandes entreprises en matière d'optimisation fiscale.
Cette inégalité résulte de ce que le mécanisme de plafonnement est indépendant de l'assiette de l'impôt, les bases d'imposition de la taxe professionnelle étant constituées par les immobilisations des établissements de l'entreprise sur le territoire de chaque collectivité concernée et non sur l'ensemble de la valeur ajoutée de l'entreprise.
Il en résulte que, compte tenu de leur mode de production, des choix opérés quant à la gestion du personnel (les salaires étant retenus pour le calcul de la valeur ajoutée et donc le plafonnement, mais exclus de la base pour la taxe professionnelle depuis 2003), des entreprises ayant une valeur ajoutée identique peuvent, en fonction de la nature et du volume de leurs immobilisations, être taxées de manière différente (de la même façon que des entreprises ayant des immobilisations identiques peuvent être ou non soumises au plafonnement).
Si ces situations résultent pour partie de l'évolution du plafonnement de la taxe professionnelle au fil des années, l'article 85 modifie sensiblement l'économie du régime applicable puisque chaque hausse de taux fera entrer de nouvelles entreprises dans le champ des entreprises plafonnées, réduisant d'autant l'assiette de la taxe, en faisant porter une charge de plus en plus lourde sur les entreprises disposant d'une forte valeur ajoutée.
Cette situation sera renforcée par le fait que l'on observe aujourd'hui de grandes disparités quant aux effets territoriaux du plafonnement. Selon les indications évoquées lors des travaux au Sénat en première lecture, on observe que le " pourcentage de bases plafonnées se situe entre 3 % et 99 % selon les communes, entre 30 % et 72 % selon les départements et entre 38 % et 71 % selon les régions. "
Cette inégalité de traitement des entreprises devant l'impôt se doublera d'une inégalité pesant sur les ménages, puisque, du fait de la liaison des taux d'imposition en matière de fiscalité directe locale et du caractère d'impôt de répartition des taxes foncières et de la taxe d'habitation, la hausse des impositions sur les ménages devra être proportionnelle à celle appliquée à la taxe professionnelle.
Au-delà de cette atteinte au principe d'égalité devant l'impôt, les modalités de prise en charge du dégrèvement au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, méconnaissent les principes de libre administration des collectivités territoriales et d'autonomie financière fixés par les articles 72 et 72-2 de la Constitution.
La volonté du gouvernement, telle qu'exprimée dans l'exposé des motifs de l'article, d'éviter la prise en charge par l'Etat des hausses de taux lorsqu'elles s'appliquent à des entreprises plafonnées, a conduit à mettre en place un mécanisme qui dès l'année prochaine prive les collectivités territoriales de ressources supplémentaires de taxe professionnelle et rend fictive la faculté de voter le taux de taxe professionnelle.
Les troisième et cinquième alinéas de l'article 72 énoncent le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il résulte de ces deux alinéas d'une part, que, dans des conditions prévues par la loi, les collectivités s'administrent librement par des conseils élus, et que d'autre part, aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre.
Les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 72-2 de la Constitution énoncent les principes d'autonomie financière des collectivités locales. Il résulte de la combinaison de ces trois alinéas, d'une part, que les recettes fiscales font partie des ressources propres dont les collectivités peuvent disposer librement dans des conditions fixées par la loi et que les recettes fiscales s'entendent du produit des impositions de toute nature dont la loi autorise les collectivités à en fixer l'assiette, le taux ou le tarif, et d'autre part, que les ressources propres représentent pour chaque catégorie de collectivités une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.
1/ L'atteinte au principe de libre administration
L'article critiqué est donc présenté comme un moyen de réduire l'imposition locale pesant sur les entreprises. Une des questions posées au législateur est celle de savoir à qui revient la prise en charge de la différence entre la cotisation de taxe professionnelle et le plafond en fonction de la valeur ajoutée. Pour la première année d'application du dispositif, comme pour les années suivantes, la réponse est sans ambiguïté.
Le coût que représente la réforme est pris en charge d'une part par l'Etat, et d'autre part par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale. Le gouvernement a ainsi mis en avant la notion de " ticket modérateur " des collectivités territoriales pour justifier un tel mécanisme de prise en charge. Ainsi, le mécanisme de détermination du dégrèvement ne tient pas compte des taux effectivement et réellement votés par les différentes collectivités en 2005.
A/ Vous avez régulièrement précisé les conditions permettant d'éviter une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales dans l'hypothèse où l'Etat décidait du dégrèvement d'un impôt local.
Votre jurisprudence en la matière concilie les dispositions de l'article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus dans des conditions déterminées par la loi et les dispositions de l'article 34 de la Constitution selon lesquelles d'une part la loi détermine les principes fondamentaux de cette libre administration, des compétences et des ressources de collectivités territoriales, et que d'autre part elle fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
Votre décision n°2000-432 DC du 12 juillet 2000 sur la loi de finances rectificative pour 2000 portait notamment sur cette conciliation à propos de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. De même, votre décision n°98-405 DC du 29 décembre 1998 sur la loi de finances pour 1999 exposait les moyens de cette conciliation entre le principe de libre administration et l'article 34 de la Constitution à propos de la suppression progressive de la part de la taxe professionnelle reposant sur la masse salariale des entreprises.
Dans les deux cas, vous avez considéré que les réductions d'impôt local proposées n'avaient pas pour effet de restreindre les ressources globales des collectivités ou de réduire la part de leurs recettes fiscales au point d'entraver leur libre administration notamment car le montant de la compensation prévue correspondait la première année d'application à la perte de recettes pour chaque collectivité locale et que par la suite cette compensation suivait des règles d'évolution favorables aux collectivités.
Cette stricte égalité, la première année d'application du dégrèvement d'impôt local, n'est possible que si pour chaque collectivité, la compensation est calculée à partir du taux de l'impôt local en question voté l'année précédant l'application du dispositif de dégrèvement. C'est ce que prévoyaient les dispositions relatives à la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation comme celles relatives à la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle.
Tel n'est pas le cas pour la compensation prévue par l'article critiqué. De plus, le mode d'évolution retenu pour la compensation au-delà de la première année d'application du dégrèvement est peu dynamique. Cette évolution est uniquement liée à l'évolution des bases de taxe professionnelle, alors que pour les deux mesures que vous avez eu à juger en 1998 et en 2000 la compensation était indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
B/ Le choix fait pour déterminer la compensation versée par l'Etat aux collectivités territoriales, revient en effet à ne pas tenir compte des votes des taux de taxe professionnelle que les collectivités ont effectués l'an dernier. Au contraire, le gouvernement a explicitement fait le choix d'une référence fondée sur les taux votés en 2004 pour pénaliser les collectivités qui ont augmenté leur taux de taxe professionnelle en 2005.
Cette motivation a constamment été rappelée par le gouvernement et le rapporteur général lors des débats à l'Assemblée nationale en première lecture comme lors de l'examen des travaux de la commission mixte paritaire entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Il s'agit avec une référence excluant explicitement les taux votés en 2005 de ne pas prendre en compte des " comportements excessifs ", voire " irresponsables ".
Cette stigmatisation des choix faits en 2005 par des assemblées élues porte directement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le manque à gagner pour les collectivités locales dès l'an prochain est d'au moins 215 millions d'euros.
Le mécanisme retenu prenant en compte le taux de 2004 majoré d'un pourcentage d'évolution correspondant à l'augmentation moyenne passée des taux de taxe professionnelle par catégorie de collectivité institue des inégalités entre les collectivités selon qu'elles ont augmenté leur taux de taxe professionnelle d'un niveau inférieur ou supérieur au taux moyen de leur catégorie.
Il pénalise les collectivités qui ont augmenté leur taux de taxe professionnelle en 2005 et ont ainsi augmenté la cotisation de taxe professionnelle des entreprises situées sur leur territoire au-delà du plafond de 3,5% de la valeur ajoutée. N'est pris en compte pour le calcul de la compensation du dégrèvement que le manque à gagner résultant des effets de 2004 majoré d'un taux moyen, pas le manque à gagner effectif de l'année 2005.
Il pénalise les collectivités en ne tenant pas compte du vote de taux qu'elles ont effectué au cours de l'année 2005. Pourtant, elles ne pouvaient pas avoir connaissance des modalités de prise en charge d'une mesure de plafonnement décidée quelques mois après, ni du fait que le taux voté en 2005 ne serait pas pris en compte pour le calcul de la compensation de l'Etat.
De plus, le choix des modalités de calcul de la compensation est contraire à la pratique selon laquelle une décision de dégrèvement d'un impôt local par l'Etat est sans effet pour les collectivités la première année d'application.
La ponction qui est ainsi faite pénalise les collectivités en fonction du choix qu'elles ont fait d'augmenter leur taux de taxe professionnelle en 2005. Elles n'auraient subi aucune perte si la compensation était calculée sur la base des taux de 2005. De ce point de vue, le principe de libre administration des collectivités territoriales est directement mis en cause.
Le gouvernement a fourni pendant le débat parlementaire des éléments chiffrés qui permettent d'éclairer les effets du plafonnement et des modalités de prise en charge du dégrèvement.
Un exemple permet d'illustrer ces effets. Une commune qui dispose de 60% de bases de taxe professionnelle faisant déjà en 2006 l'objet du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, dispose donc par voix de conséquence de 40% de bases de taxe professionnelle qui ne font pas l'objet de ce plafonnement.
Si cette commune augmente son taux de taxe professionnelle en 2006, le produit fiscal supplémentaire qu'elle pourra obtenir représentera 40% de l'augmentation totale. En effet, l'augmentation du taux sera sans effet sur les bases déjà plafonnées. La liberté de voter les taux de taxe professionnelle devient fictive et ainsi le principe de libre administration.
Mais plus grave, la compensation sera calculée à partir du taux le plus faible entre le taux de 2005 et le taux de 2004 majoré par un pourcentage fixé par catégorie de collectivité. Le plafonnement de la taxe professionnelle va entraîner une réduction relative des ressources résultant de cette taxe et répartir la charge du dégrèvement entre l'Etat et les collectivités territoriales. L'article critiqué revient en pratique à déterminer une règle de répartition du poids des dégrèvements entre l'Etat et les collectivités territoriales qui modifie les ressources propres des collectivités sur la base d'un dispositif de caractère rétroactif.
Vous avez régulièrement considéré que si le principe de non rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qu'en matière répressive, il est toujours possible pour le législateur d'adopter des dispositions nouvelles permettant de ne pas faire application des prescriptions précédemment édictées à condition de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles (décision n°95-369 DC du 28 décembre 1995).
La mesure de plafonnement adoptée et surtout les modalités de calcul de la prise en charge par l'Etat et les collectivités territoriales du dégrèvement n'apportent pas les garanties suffisantes en la matière. Son impact financier est en effet estimé dès la première année d'application à au moins 215 millions d'euros.
Quelle que soit l'évolution du coût de la réforme pour les collectivités au cours des années ultérieures, elle conduit la première année d'application, en raison de son caractère rétroactif, à priver les collectivités d'une part importante de ressources propres, d'autant plus importantes que cette part dépend de décisions prises sur les taux de taxe professionnelle dans la méconnaissance des modalités de prise en charge d'une mesure de plafonnement décidée ultérieurement.
C/ L'article critiqué organise également une forme de tutelle des collectivités locales les unes sur les autres. En effet, les effets du plafonnement sont répartis entre les différentes collectivités territoriales, indépendamment de leurs propres choix fiscaux.
Il a pour effet de faire entrer dans le champ du plafonnement de la taxe professionnelle des entreprises du fait de la décision d'une seule collectivité territoriale qui, par la fixation de son nouveau taux d'imposition, pourrait faire franchir à l'entreprise le seuil du plafonnement et enclencherait le mécanisme de répartition du dégrèvement. L'augmentation du taux communal de taxe professionnelle peut conduire au plafonnement de l'entreprise sans que le département ou la région concernée n'ait fait varier son propre taux.
Compte tenu du mode de calcul du taux de référence prévu au B du II, une collectivité qui ne mobiliserait pas en totalité la marge de manoeuvre prévue par le législateur pourrait donc être malgré tout concernée par les effets du plafonnement, dès lors que les autres collectivités auraient porté leur taux d'imposition à un niveau tel que le plafonnement serait mis en oeuvre.
En organisant ainsi un effet induit de la décision d'une collectivité territoriale sur la capacité de décision des autres collectivités territoriales en ce qui concerne leurs ressources fiscales, cette mesure est donc également contraire aux dispositions de l'article 72 de la Constitution qui dispose qu'" aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ".
2/ L'atteinte au principe d'autonomie financière
A/ La loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales a défini, en application du troisième alinéa de la Constitution la notion de part déterminante. Ainsi pour chaque catégorie de collectivités, la part de ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003. Cette définition résulte directement de votre décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004. Autrement dit, les ressources propres, au premier rang desquelles se trouvent les recettes fiscales, représentent une part déterminante, pour chaque collectivité de l'ensemble des ressources, à condition que cette part ne soit pas inférieure à celle constatée en 2003.
Votre décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004 est venue apporter une garantie importante aux collectivités territoriales. Vous avez en effet censuré une disposition, qui prévoyait que la part des ressources propres par catégorie de collectivité était déterminante au sens de l'article 72-2 de la Constitution lorsqu'elle garantissait la libre administration des collectivités, du fait de sa portée normative incertaine.
Cette décision résulte directement de la nécessité faite par le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution de définir précisément une part minimale de ressources propres pour chaque catégorie de collectivité territoriale.
Elle donne au principe d'autonomie financière une valeur constitutionnelle qui ne peut se résumer à une simple tautologie. Au contraire, il s'agit de protéger les collectivités territoriales en fixant un seuil minimal de ressources propres et donc de leur garantir une certaine autonomie sur le plan financier.
On peut considérer que la part de ressources propres est déterminante si elle permet à la collectivité territoriale d'assurer la continuité des services publics locaux et de faire face en toutes circonstances à des besoins nouveaux et imprévus. Il s'agit donc d'une notion de réalité et non d'un simple principe théorique, d'où la nécessité faite par la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales d'une définition précise d'un seuil minimal en dessous duquel la part de ressources propres ne serait plus déterminante au sens de l'article 72-2 de la Constitution.
B/ La prise en charge par l'Etat du plafonnement proposé de taxe professionnelle n'apporte pas cette garantie. Elle ne protège pas, loin s'en faut, la marge de manoeuvre financière des collectivités territoriales.
L'article LO 1114-2 a défini précisément les ressources propres, en citant explicitement le produit des impositions de toutes natures dont la loi autorise les collectivités à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont la collectivité fixe le taux ou une part d'assiette locale, en citant également le produit des redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations d'urbanisme, les produits financiers, les dons et les legs.
En application du premier alinéa de l'article LO 1114-3, pour chaque catégorie de collectivités, la part de ressources propres est le résultat du rapport entre le montant des ressources propres et le montant de la totalité des ressources, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondants au financement des compétences transférées à titre expérimental, ou mises en oeuvre par délégation et des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie.
Le ratio d'autonomie est ainsi défini par le rapport entre d'une part les ressources propres et d'autre part la totalité des ressources, c'est-à-dire principalement la somme des ressources propres et les dotations. C'est ce rapport qui ne peut donc être inférieur au niveau constaté au titre de l'année 2003, en application de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Vous avez reconnu que le législateur organique avait entendu en adoptant une définition suffisamment large des ressources propres, éviter que la part de ressources propres soit condamnée à perdre son caractère déterminant, conscient en cela des évolutions potentielles du ratio d'autonomie. En adoptant une définition plus restreinte, par exemple limitée aux impôts dont les collectivités locales fixent l'assiette et/ou le taux, vous estimiez que le risque d'une contradiction à très court terme entre le principe de subsidiarité et le principe de compensation était très fort.
Vous avez considéré qu'il était nécessaire de lever cette contradiction, qui résulte du fait que la décentralisation se traduit par un transfert de compétences assorti d'un transfert de dotations d'Etat et, à titre souvent subsidiaire, d'impôts affectés. En conséquence, le transfert de compétences conduit en effet à accroître de façon continue le dénominateur du ratio d'autonomie.
Les ressources propres ne suivent pas la même évolution. Au contraire, leur croissance est généralement plus faible que celle de l'ensemble des ressources, et au total, le ratio d'autonomie tend à diminuer au fil du temps en fonction des transferts de compétences et de ressources associées, qui ne sont pas des ressources propres.
Dans ces conditions, il convient donc, au législateur de veiller en toutes circonstances à ce que le ratio d'autonomie ne diminue à un point tel qu'il pourrait perdre son caractère déterminant, à savoir devenir inférieur à celui de 2003.
C/ Le plafonnement de taxe professionnelle proposé met pourtant en place un dispositif implacable qui finalement conduira progressivement à faire passer, pour de nombreuses collectivités locales ou établissements publics de coopération intercommunale, ce rapport en dessous du niveau de 2003, en contradiction avec la volonté de protéger les collectivités locales, et ainsi méconnaître le principe d'autonomie financière strictement encadré par votre jurisprudence récente.
Il accélère ainsi la dégradation continue du ratio d'autonomie par catégorie de collectivité, sauf à considérer que viendraient se substituer au produit de taxe professionnelle, que ne recevraient plus les collectivités en raison du plafonnement, de nouveaux impôts locaux, afin de compenser la faiblesse relative du numérateur du ratio d'autonomie.
Aucune proposition en ce sens n'est formulée par le projet de loi de finances. En tout état de cause une telle conséquence serait par ailleurs en contradiction avec l'objet de la loi, à savoir la limitation de l'impôt local.
La réforme proposée pénalise toutes les collectivités territoriales et tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. La peine infligée est d'autant plus massive et son échéance proche que la collectivité concernée, ou l'établissement public de coopération intercommunale, dispose de bases de taxe professionnelle faisant déjà l'objet de la mesure de plafonnement.
Il y a autant de situations particulières qu'il y a de collectivités et d'établissements publics de coopération. Ces situations dépendent du nombre d'entreprises situées sur le territoire de la collectivité ou de l'établissement public, de la structure des ces entreprises, de leur secteur d'activité et de leur valeur ajoutée, et bien entendu des taux de taxe professionnelle auquel elles ont été imposées.
Les simulations fournies par le gouvernement de manière tardive et parcellaire montrent ainsi une diversité de situations. Certaines collectivités ou certains établissements publics de coopération intercommunale, disposent aujourd'hui d'un pourcentage de bases de taxe professionnelle plafonnées pouvant aller jusqu'à 80%, voire plus. Au fur et à mesure des décisions de hausse des taux de l'imposition locale, le pourcentage de bases plafonnées est appelé à augmenter, limitant, voire supprimant, toute marge de manoeuvre. En revanche, compte tenu des modalités de prise en charge par l'Etat du plafonnement, la compensation versée aux collectivités est figée.
De fait, pour une commune dont 40% des bases de taxe professionnelle sont plafonnées une augmentation du taux de taxe professionnelle de 1 point conduit à un produit fiscal en augmentation de 0,6 point seulement. D'année en année, le pourcentage de bases plafonnées augmentant avec les éventuelles augmentations de taux de taxe professionnelle, le produit fiscal supplémentaire que l'on peut attendre d'une augmentation de 1 point du taux de taxe professionnelle est de plus en plus faible. Dans certains cas, au bout de quelques années, il peut même s'avérer être nul.
Au total, la dégradation continue du ratio d'autonomie par catégorie de collectivité est véritablement accélérée.
D/ Le pouvoir de fixer librement les taux des impôts locaux se trouve très fortement contraint. Les collectivités ne disposent progressivement que d'une liberté fictive. Mais surtout, le numérateur du ratio d'autonomie augmentera beaucoup moins vite avec un tel dispositif de plafonnement de taxe professionnelle que sans.
En effet, parmi les ressources propres, la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales a fait figurer le produit des impositions de toute nature dont elles fixent le taux. La loi organique fait donc explicitement référence au produit. La description du mécanisme de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée indique que ce produit augmente en proportion du pourcentage des bases non plafonnées et non en pourcentage de l'augmentation des taux. Dans certains cas, le produit fiscal de taxe professionnelle pourrait très bien ne plus augmenter.
En revanche, ce mécanisme de plafonnement ne vient pas limiter de la même façon l'évolution du dénominateur du ratio d'autonomie. En application du principe de subsidiarité et de compensation des compétences transférées, le dénominateur peut connaître une évolution rapide et importante et ainsi entraîner une diminution du ratio d'autonomie par catégorie de collectivité à un niveau tel que l'on ne puisse plus parler de part déterminante pour les ressources propres au sens de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Bien entendu, le raisonnement ainsi présenté ne peut être généralisé à toutes les situations que peuvent connaître les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale. D'autres cas peuvent se présenter. Ainsi, de nouvelles entreprises, dont la cotisation de taxe professionnelle est inférieure au plafond de valeur ajoutée peuvent s'implanter sur le territoire de telle ou telle collectivité, lui permettant de retrouver une autonomie plus grande sur le plan financier et lui redonnant une plus grande liberté dans la fixation du taux de taxe professionnelle en adéquation avec le produit qu'elle est en droit d'attendre.
De même une collectivité a toujours la possibilité de réduire le taux de taxe professionnelle avec pour conséquence de réduire le pourcentage de bases de taxe professionnelle plafonnées situées sur son territoire. De même des fermetures d'entreprises ont une influence sur le niveau des ressources propres.
Quoi qu'il en soit, vous avez indiqué dans votre décision sur la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales que, dans tous les cas, le législateur devait protéger les collectivités de l'évolution inévitablement défavorable du ratio d'autonomie.
Il apparaît cependant clairement, compte tenu des simulations fournies par le gouvernement au Parlement, que dans de très nombreux cas, et très rapidement, le plafonnement de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée va accélérer la diminution du ratio d'autonomie. En l'occurrence, le législateur n'a pas pris les garanties suffisantes pour que la part de ressources propres reste déterminante au sens de l'article 72-2 de la Constitution, telle que vous l'avez précisé en statuant sur la loi organique relative à l'autonomie des collectivités territoriales.
En conclusion, il convient de signaler que les simulations sur les effets de la réforme, fournies par le gouvernement pendant le débat parlementaire, n'ont manifestement pas permis au Parlement de se prononcer en toute connaissance de cause. En effet, dans un premier temps, la commission des finances de l'Assemblée nationale a reçu des simulations anonymes pour les communes, les départements et les régions. Dans un second temps, ces simulations sont devenues identifiables seulement pour les départements et les régions, mais les parlementaires ont pu noter des différences de chiffres entre les deux séries de simulations.
Quant aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, le ministre a refusé jusqu'à la dernière extrémité que des simulations non anonymes soient fournies au Parlement, arguant du nécessaire respect du " secret fiscal " qui, en l'état, ne pouvait en aucun cas être opposé de façon légitime aux parlementaires.
Ces simulations ont finalement été distribuées de façon très tardive et partielle aux parlementaires. Leur exactitude reste jusqu'à ce jour, sujette à caution, puisqu'il apparaît que des chiffres discordants ont été fournis, en parallèle, aux représentants des associations de collectivités territoriales. Par ailleurs, faute d'une information sur le niveau des bases plafonnées, les communes et les établissements de coopération intercommunale sont dans l'impossibilité d'établir leur budget pour l'année 2006 dans des conditions normales.
Pour ces raisons, l'article 85 ne peut être que censuré.
Sur le non respect de la liberté contractuelle
L'imposition des intérêts perçus sur les plans d'épargne logement
L'article 7 de la loi déférée met en place une imposition des intérêts perçus sur les plans d'épargne logement de plus de 10 ans à compter du 1er janvier 2006.
Les plans d'épargne logement font explicitement l'objet d'un contrat entre la personne physique épargnante et l'établissement de crédit, constaté par un acte écrit. Les stipulations de ce contrat doivent respecter un certain nombre de règles tenant notamment au montant initial de versement, fixé par arrêté à 225 euros, de versements annuels d'un montant minimal de 540 euros qui peuvent être fixés à des niveaux supérieurs par le contrat.
La durée du contrat ne peut être inférieure à 4 ans pour les contrats conclus après le 31 mars 1992, et ne peut être supérieure à 10 ans. Le retrait de fonds ne peut être partiel : il entraîne de plein droit la résiliation du contrat. Le montant maximal du prêt est de 92 000 euros.
Les sommes ainsi épargnées portent intérêt à un taux fixé par arrêté actuellement à 2,5% par an pour toute la durée de vie du plan. Les intérêts perçus ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu en application du 9° bis de l'article 157 du code général des impôts.
Adopté à l'initiative du Sénat, avec avis favorable du gouvernement, l'article déféré soumet les intérêts perçus sur un PEL, conclu après le 1er janvier 1992, et de plus de 12 ans, à l'impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2006. En réalité, cette fiscalisation s'appliquerait donc à des contrats ayant fait l'objet, contractuellement, d'une prorogation décidée de concert entre l'épargnant et l'établissement de crédit.
Cette prorogation contractuelle reposait jusqu'à ce jour de façon évidente sur l'existence de l'avantage fiscal accordé au titre de l'article 157 du Code général des impôts.
En effet, un PEL ainsi prorogé ne peut plus faire l'objet de nouveaux versements et la rémunération est limitée aux intérêts servis par les établissements de crédits. Le montant des droits à prêts liés au PEL, ainsi que celui de la prime d'épargne logement servie par l'Etat (celle-ci étant conditionnée, pour les PEL souscrits à compter du 12 décembre 2002, à la souscription d'un prêt immobilier) peuvent ainsi être conservés dans la perspective d'un projet immobilier ou pour être transmis à un ou plusieurs ayants droit.
Il est bien sûr loisible au législateur, comme vous le rappelez régulièrement d'adopter des dispositions nouvelles permettant dans certaines conditions de ne pas faire application des prescriptions qu'il avait antérieurement édictées dès lors qu'il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles.
Ce principe général s'applique notamment en matière fiscale. Vous avez ainsi considéré qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit à la loi de revenir sur une exonération fiscale acquise sous l'empire d'une loi antérieure ou d'en réduire la durée.
Toutefois, la modification du droit fiscal aurait en l'espèce un impact direct sur l'économie du contrat conclu entre l'épargnant et l'établissement de crédit.
Dès lors, conformément à votre jurisprudence, rappelée notamment dans la décision 98-401 DC du 10 juin 1998, le législateur ne saurait porter atteinte à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte contraire aux exigences constitutionnelles découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sauf à ce que cette atteinte soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant.
En l'espèce, aussi bien le rapporteur général du Sénat que le gouvernement n'ont pas évoqué de tel motif d'intérêt général. Le rapport de la commission des finances du Sénat se contente en effet de noter que la non fiscalisation actuellement accordée représenterait " une anomalie coûteuse pour les finances de l'Etat : les intérêts défiscalisés, perçus au-delà de 10 ans, n'ont aucune incidence sur les droits à prêt, et donc sur l'investissement dans le logement des épargnants. Le PEL devient alors une réserve d'épargne défiscalisée, sans risques et sans projet. Il paraît donc souhaitable d'imposer à l'impôt sur le revenu e les intérêts qui seront perçus, à compter du 1er janvier 2006, sur les PEL de plus de 10 ans " (rapport général, n° 99, Tome II, Fascicule II, volume 1, page 45).
Devant l'absence de motif d'intérêt général pouvant justifier qu'il soit porté atteinte à l'économie des contrats conclus entre épargnants et établissements publics, qui reposait notamment sur l'existence d'une incitation fiscale continue au placement dans des PEL, le Conseil constitutionnel ne pourra que censurer cette disposition.