CAA de NANTES, 3ème chambre, 08/12/2017, 16NT01700, Inédit au recueil Lebon

Date :
08-12-2017
Size :
5 pages
Section :
Case law
Number :
16NT01700
Formation :
3ème chambre

Original text :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions des 27 et 28 novembre 2014 par lesquelles le président du conseil général du Loiret a, respectivement, retiré son agrément d'assistante familiale et prononcé son licenciement.
Par un jugement n° 1500352 du 24 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2016 MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mars 2016 ;
2°) d'annuler les décisions des 27 et 28 novembre 2014 par lesquelles le président du conseil général du Loiret a, respectivement, retiré son agrément d'assistante familiale et prononcé son licenciement ;
3°) d'enjoindre au président du conseil général du Loiret de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 24 mai 2014, date de son éviction du service, et de reconstituer sa carrière à compter de cette date ;
4°) de mettre à la charge du département du Loiret la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont admis que la décision lui retirant son agrément était fondée sur un entretien n'ayant fait l'objet d'aucun compte-rendu et dont elle avait contesté la teneur ; cette décision est, dès lors, insuffisamment motivée ;
- la décision contestée du 27 novembre 2014 lui retirant son agrément est irrégulière faute d'avoir été précédée, en méconnaissance des droits de la défense, de la communication de l'avis rendu le 13 novembre 2014 par la commission consultative paritaire départementale ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure, le président du conseil général du Loiret ayant, par la décision contestée du 27 novembre 2014, abrogé et non retiré la décision du 24 juin 2014 de retrait de son agrément, laissant ainsi subsister un acte illégal entre cette dernière date et le 27 novembre suivant ;
- la décision contestée est, pour les mêmes motifs, entachée de détournement de pouvoir ;
- elle est également entachée d'erreur de fait, les griefs formulés à son encontre, qu'elle a toujours niés, n'étant pas établis ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision de licenciement du 28 novembre 2014 doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de celle lui retirant son agrément.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2016 le département du Loiret, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête, à ce que les pièces n° 12 et 13 produites par Mme A...soient écartées des débats et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., substituant MeE..., représentant le département du Loiret.
1. Considérant que MmeA..., née en 1960, était titulaire d'un agrément en qualité d'assistante familiale délivré par le conseil général du Loiret le 26 juin 2006 et renouvelé le 13 mai 2011 pour l'accueil à son domicile de trois enfants mineurs ; que le 26 octobre 2012, le service de la protection de l'enfance et de la famille a alerté le président de ce conseil général sur les conditions d'accueil de ces enfants ; qu'après avoir saisi le Procureur de la République le
30 octobre suivant, le président du conseil général a décidé le 9 novembre 2012 de suspendre l'agrément de Mme A...pour une durée de quatre mois, les trois enfants placés à son domicile étant alors confiés à une autre famille d'accueil ; que cette mesure de suspension a été maintenue par une décision du 22 février 2013 qui a été annulée par un jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 mars 2014 ; que, par un jugement du tribunal correctionnel de Montargis du 12 février 2014 confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 3 mars 2015, Mme A...et son époux ont été reconnus coupables de violences sur mineur de 15 ans pour la période du 29 octobre 2009 au 1er juillet 2012 ; que, par une décision du 27 novembre 2014, le président du conseil général du Loiret a retiré à Mme A...son agrément d'assistante familiale puis, par une décision du 28 novembre suivant, a prononcé son licenciement ; que Mme A...relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) " ; que la décision du 27 novembre 2014 retirant son agrément d'assistante familiale à Mme A...comporte l'énoncé des considérations de droit qui en constituent le fondement et indique que " lors d'un entretien en date du 30 avril 2014, bien qu'elle le nie depuis, Mme B...A...a reconnu avoir eu des attitudes éducatives inadaptées notamment par la pratique de brimades corporelles (...) " ; que cette décision précise que son agrément lui est retiré pour le motif suivant : " impossibilité de garantir la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de 21 ans accueillis [à son] domicile (...) du fait d'attitudes éducatives inadaptées et de maltraitance de type brimades corporelles : pompes, mises à genoux... Faits reconnus lors d'un entretien en date du 30 avril 2014. " ; que la décision contestée, qui satisfait à l'exigence énoncée par l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, est, dès lors, suffisamment motivée, la circonstance selon laquelle Mme A...aurait contesté la teneur de l'entretien du 30 avril 2014, dont il n'aurait pas été dressé de compte-rendu, demeurant... ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte d'aucun texte et notamment pas des dispositions du code de l'action sociale et des familles réglementant la profession d'assistante familiale que l'avis que rend la commission consultative paritaire départementale avant un retrait d'agrément devrait être communiqué à l'intéressé ; que si Mme A...soutient cependant que l'absence de communication de cet avis rendu le 13 novembre 2014 a porté atteinte aux droits de la défense, il ressort des pièces du dossier que la requérante a été mise à même, préalablement à la décision litigieuse, de prendre connaissance des griefs formulés à son encontre, qu'elle a pu utilement contester, et a été entendue à deux reprises par cette commission sur les faits qui lui étaient reprochés ; que, dans ces conditions et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue à la suite d'une procédure irrégulière et en méconnaissance du principe général des droits de la défense ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'agrément de Mme A...a fait l'objet d'un premier retrait par une décision du 24 juin 2014 contestée par la requérante devant le tribunal administratif d'Orléans ; que si le recours a été rejeté par un jugement n° 1402759 du 24 mars 2016, le président du conseil général du Loiret a, dans l'intervalle, décidé de procéder à une nouvelle convocation de Mme A...devant la commission consultative paritaire départementale aux fins d'infirmer ou de confirmer la décision de retrait d'agrément ainsi prise ; que par la décision contestée du 27 novembre 2014, cette autorité a finalement de nouveau procédé au retrait de l'agrément concerné après avoir abrogé sa décision du 24 juin 2014 ; que cette dernière décision n'étant pas créatrice de droits, le président du conseil général du Loiret pouvait ainsi légalement procéder à son abrogation ; que, contrairement à ce que soutient MmeA..., cette démarche n'est pas irrégulière et ne révèle aucun détournement de pouvoir affectant la décision contestée, dès lors notamment que le département du Loiret disposait dès le 24 juin 2014 des éléments lui permettant de décider légalement de retirer son agrément à MmeA... au vu des griefs formulés à son encontre ; que les premiers juges ont, par suite, écarté à bon droit ces deux moyens ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil général de s'assurer que les conditions d'accueil par un assistant familial garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la note établie le
26 octobre 2012 par les services de la protection de l'enfance et de la famille du département du Loiret et du compte-rendu des entretiens menés avec les enfants accueillis par MmeA..., que ceux-ci ont fait l'objet de sa part et de celle de son mari de diverses brimades physiques et morales ; qu'il leur était ainsi imposé à titre de punition de faire des pompes, de se maintenir sur les genoux avec les mains sur la tête jusqu'à ressentir de la douleur ou de recopier des lignes pendant des heures ; qu'ils ont également été ponctuellement contraints de dormir par terre ou d'attendre à l'extérieur de la maison sous la pluie ; que les méthodes d'éducation de Mme A...étaient particulièrement rigides, les enfants ne disposant par exemple que d'un temps restreint pour manger leur repas et faisant l'objet de certaines privations ; que Mme A...a, pour ces motifs dont la matérialité a été établie, été condamnée à une peine d'emprisonnement avec sursis pour violences sur mineur de 15 ans par un jugement du tribunal correctionnel de Montargis du 12 février 2014 ensuite confirmé par la cour d'appel d'Orléans le 3 mars 2015 ; que si Mme A... soutient que ni le médecin des enfants ni leurs professeurs n'ont jamais fait état de suspicion de mauvais traitement, il ressort du compte-rendu de l'entretien mené avec ces enfants que ceux-ci, qui ne s'étaient pas plaints auparavant, hésitaient en réalité à se confier aux services de la protection de l'enfance et de la famille ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que les griefs retenus à son encontre ne seraient pas établis, ni que la décision de procéder au retrait de son agrément serait entachée d'une erreur d'appréciation ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont écarté ces deux moyens ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte des énonciations des points 2 à 6 du présent arrêt que la décision du 27 novembre 2014 retirant son agrément à Mme A...n'est pas illégale ; que la requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir, par un unique moyen, que la décision du 28 novembre 2014 portant licenciement devrait être annulée par voie de conséquence de celle du 27 novembre 2014 ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être également rejetées ;
Sur les conclusions du département du Loiret tendant à ce que certaines pièces soient écartées des débats :
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative prévoit que : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes. (...) " ; que le juge administratif est ainsi tenu sur le fondement de ces dispositions de joindre au dossier les éléments d'information spontanément produits par une partie et de statuer au vu de ces pièces après en avoir ordonné la communication pour en permettre la discussion contradictoire ; qu'il ne ressort pas de l'examen des pièces n° 12 et 13 produites par MmeA..., consistant en un certificat médical faisant état de la bonne santé des enfants accueillis et un bulletin de note de l'un de ces enfants, qu'elles devraient être écartées des débats ; que, dans ces conditions, les conclusions du département du Loiret tendant à cette fin doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Loiret qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le département du Loiret, en mettant à la charge de Mme A...la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A...versera la somme de 1 000 euros au département du Loiret en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du département du Loiret tendant à ce que certaines pièces soient écartées des débats sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB... A... et au département du Loiret.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2017, où siégeaient :
- M. Coiffet, président de chambre,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2017.
Le rapporteur,
B. MassiouLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. Laurent
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01700