CAA de NANTES, 2ème chambre, 31/05/2017, 15NT03278, Inédit au recueil Lebon

Date :
31-05-2017
Size :
4 pages
Section :
Case law
Number :
15NT03278
Formation :
2ème chambre

Original text :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, enregistrée le 30 octobre 2013, M. D...C...G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours exercé contre la décision des autorités consulaires françaises à Addis-Abeba du 2 avril 2013 rejetant la demande de visa de long séjour présentée par son épouse et ses sept enfants en qualité de membres de famille de réfugié ainsi que la décision des autorités consulaires.
Par une seconde requête, enregistrée le 27 mars 2014, M. D... C...G..., a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 27 novembre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de visa de long séjour présentée par son épouse et ses sept enfants.
Par un jugement n° 1308404-1402615 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2013 et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. C... G....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2015, M. D...C...G..., représenté par Me Renard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à son épouse et à ses sept enfants, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, d'enjoindre au ministre de procéder à un nouvel examen des demandes de visa de long séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser au conseil de M. C... G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation en retenant que les documents d'état civil qui ont été présentés étaient apocryphes et en refusant de reconnaître la possession d'état ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C...G...n'est fondé.
M. C...G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2015
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...G..., ressortissant somalien né en 1980, est entré en France en juillet 2009 et s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 janvier 2010 ; qu'il a demandé le bénéfice d'un regroupement familial pour son épouse et sept enfants ; que, par une décision du 29 mars 2013, les autorités consulaires françaises à Addis-Abeba ont refusé de délivrer les visas d'entrée et de long séjour ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé par M. C...G...contre la décision consulaire ; que M. C...G...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2015 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur : Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que, par un courrier du 30 août 2013, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a communiqué à M. C...G...les motifs de la décision contestée ; que ce courrier, après avoir visé les dispositions de l'article L.211-2 et le 8° de l'article L.314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décrit les considérations de fait sur lesquelles la décision contestée repose, à savoir que les documents d'état civil présentés comportent des incohérences qui leur ôtent tout caractère probant et qui ne permettent pas d'établir le lien familial entre les demandeurs et l'auteur de la demande de regroupement familial et que la production de ces pièces relève au surplus d'une intention frauduleuse ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et aux enfants mineurs d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent afin de mener une vie familiale normale ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public ; qu'au nombre des motifs d'ordre public de nature à fonder légalement le refus de délivrance du visa sollicité, figure la circonstance que les documents produits pour établir l'identité du demandeur et son lien familial avec le réfugié seraient, notamment en raison de leur caractère frauduleux, dépourvus de valeur probante ; qu'en outre, si l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile charge notamment l'office français de protection des réfugiés et apatrides de la mission d'authentification des actes et documents qui lui sont soumis par les réfugiés et apatrides, la mission ainsi confiée à cet établissement public est sans rapport avec la responsabilité qui incombe aux autorités consulaires de s'assurer de la véracité des renseignements produits devant elles à l'appui des demandes de visa d'entrée et de séjour en France ; que, par suite, si M. C...G...se prévaut de l'enregistrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de son mariage avec Mme H...B..., cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les autorités consulaires procèdent à une vérification de l'acte de mariage et des actes de naissance produits à l'appui des demandes de visa en vue d'établir les liens familiaux allégués ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les différentes pièces produites par M. C... G...présentent des anomalies ; qu'ainsi si l'intéressé a déclaré à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que Mme H...B..., qu'il présente comme son épouse, serait née à Bula Sharey, quartier de Mogadiscio, le passeport de l'intéressée mentionne qu'elle est née à Wanlawein (Somalie), ville distante de 90 kilomètres ; qu'aucun des actes de naissance des enfants ne comporte de numéro de registre et ne mentionne le nom du père ; que l'acte de naissance de la jeune F...porte une mention signée antérieurement à sa naissance ; que les actes de naissance des jeunes Ismaïl et Salma n'ont été dressés que trois ans après leur naissance alors que celui de Zuweys n'est pas daté ; que les annotations et signatures apposées sur les traductions des actes de naissance et sur celui de Mme H...B..., établies à 26 ans d'intervalle, sont graphologiquement identiques ; qu'il n'est pas contesté enfin que le même timbre fiscal a été photocopié et apposé sur l'ensemble des certificats de naissance ; que du fait de ces anomalies, qui ne sauraient s'expliquer par les seuls dysfonctionnements que pourraient rencontrer les services de l'état civil somalien, les pièces produites par M. C...G...ne permettent pas d'établir le lien familial qui l'unit avec les demandeurs des visas ; que, par suite, en retenant ce motif, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'article 311-14 du code civil dispose que " la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance des enfants " ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation au moyen de la possession d'état entre un enfant mineur étranger et une personne ayant obtenu le statut de réfugié ne peut être accueillie que si la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant admettait un mode de preuve comparable ; qu'en outre, l'article 311-1 du code civil énonce que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ; que l'article 311-2 du même code ajoute que " la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque " ; que, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la loi somalienne admettait un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état à la date de naissance de chacun des enfants et, d'autre part, et en tout état de cause, que les pièces produites par le requérant ne sont pas de nature à établir une possession d'état continue, publique et non équivoque à leur égard ;
7. Considérant, enfin, qu'à défaut d'établissement du lien familial, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. C...G...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
9. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...G...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C...G...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2017.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03278