CAA de NANTES, 1ère chambre, 01/02/2018, 16NT01115, Inédit au recueil Lebon

Date :
01-02-2018
Size :
5 pages
Section :
Case law
Number :
16NT01115
Formation :
1ère chambre

Original text :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Thé'or a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices et périodes correspondant aux années 2008, 2009 et 2010.
Par le jugement n° 1501068 du 2 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er avril 2016, la SARL Thé'or, représentée par Mes Aurus et Jenvrin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de lui attribuer les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que le service ne mentionne pas les années au titre desquelles auraient été constatés les manquements justifiant le rejet de la comptabilité et qu'il n'est pas possible de justifier le solde d'un compte courant ;
- sa comptabilité est régulière compte tenu, notamment, de ce qu'il n'est pas possible déterminer les reproches faits par le service faute de mention de ce que le report à nouveau du compte courant de M. A...au 1er janvier 2004 et les reports déficitaires sont justifiés ; l'administration n'ayant formulé aucune critique sur l'année 2007, où la majorité du déficit a été créée, le déficit 2007 ne devrait pas être annulé ;
- la réintégration comme passif injustifié du solde créditeur du compte courant de M. A... au titre de chacun des exercices vérifiés n'est pas fondée dès lors qu'elle a fourni l'état de ce compte courant indiquant un report à nouveau de 29 664 euros et que neuf pièces ont été retrouvées permettant de justifier la majorité des crédits de l'exercice 2002 et 2003.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande présentée sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales est irrecevable en l'absence de litige né et actuel sur les intérêts moratoires ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Thé'or, dont le siège social est situé dans le Loiret et dont Mme C...A...était la gérante associée et son mari, M. B...A..., associé, exploitait un fonds de commerce de bijouterie dans une galerie marchande à Saran (Loiret) sous l'enseigne commerciale " Le Temple d'Or " ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 en matière d'impôt sur les sociétés, étendue au 30 mars 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à la suite de laquelle elle s'est vu notifier des rappels en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2008 à 2010 par une proposition de rectification du 2 novembre 2011, les redressements étant notifiés selon la procédure de taxation d'office au titre des deux premières années en application du 2° de l'article L. 66 du livre des procédure fiscales ; qu'elle relève appel du jugement du 2 février 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010 pour un montant total de 115 282 euros ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile, mais que sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
3. Considérant que la SARL Thé'or soutient que la proposition de rectification est insuffisamment motivée en fait dès lors qu'elle fait état d'anomalies générales de la comptabilité pour les exercices 2004 à 2007 sans mentionner les exercices concernés ; qu'il résulte toutefois des termes de cette proposition que le service a notamment refusé l'imputation sur les résultats des années 2008 à 2010 d'un report à nouveau débiteur de 103 396 euros, constaté à la clôture de l'exercice 2007 et résultant d'exercices prescrits ; qu'après avoir rappelé qu'une société n'apportait pas la preuve de la réalité des déficits nés au cours d'exercices prescrits dès lors que sa comptabilité comportait de graves irrégularités lui ôtant toute valeur probante, la proposition de rectification, quand bien même elle ne précise pas chaque écriture comptable concernée, mentionne sept irrégularités constatées dans la comptabilité présentée depuis l'exercice clos en 2004, en relevant que certaines d'entre elles ont perduré sur plusieurs exercices, et indique les exercices concernés ; que sa motivation était ainsi de nature à permettre à la SARL Thé'or de formuler ses observations de façon entièrement utile, ce que celle-ci a d'ailleurs fait ; qu'à supposer même, ainsi que le soutient la société requérante, que l'administration ne pouvait lui demander de justifier le solde d'un compte courant, une telle circonstance, qui a trait au bien-fondé de l'imposition, est sans incidence sur l'obligation de motivation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les irrégularités dans la comptabilité :
4. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts applicable : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. " ; qu'une société n'apporte pas la preuve de la réalité des déficits nés au cours d'exercices prescrits en se prévalant d'une comptabilité comportant de graves irrégularités lui ôtant toute valeur probante ; que la charge de la preuve de ces irrégularités incombe à l'administration ;
5. Considérant que le service a refusé l'imputation sur les résultats des années 2008 et 2009, l'exercice 2010 étant bénéficiaire, d'un déficit reportable de 103 396 euros constaté à la clôture de l'exercice 2007 et résultant des exercices prescrits clos en 2004, 2005, 2006 et 2007 compte tenu des graves irrégularités ayant entaché la comptabilité au cours de ces exercices ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 2 novembre 2011 et de la réponse aux observations du contribuable du 23 décembre 2011, que l'administration a notamment estimé qu'aucun achat de marchandises provenant des fournisseurs " LTO 87 " et " LTO 45 " n'avait été comptabilisé au compte stock de marchandises de 2004 à 2006, que les comptes de produits avaient été crédités des sommes dues par la société " LTO 87 " puis débités des mêmes sommes en fin d'exercice sans justification, qu'il était impossible de retrouver le mode de paiement d'un article donné, qu'il existait un " compte courant ", sans autre précision, sur lequel étaient effectués en cours d'année des retraits par carte bancaire et ne présentant aucun solde au 1er janvier 2004, que divers comptes débiteurs-créditeurs ouverts au nom de " Jean d'Or " et " LTO 87 " faisaient l'objet d'écritures de régularisation au 31 décembre de l'exercice libellées " pour bonne imputation " ou " pour règlement factures " ou faisaient état de virements non retrouvés en comptabilité, ou, enfin, que la société ne possédait aucun compte caisse malgré des ventes en espèces, mais utilisait un compte d'attente fonctionnant comme une caisse ;
6. Considérant que si la SARL Thé'or doit être regardée comme soutenant qu'elle justifie de la traçabilité des modes de paiement, elle se borne à renvoyer, sans autre précision, à une " pièce n° 8 " constituée du journal des ventes et du journal de caisse du 1er juillet 2010, du journal des ventes du mois de juillet 2010 ainsi que d'une synthèse du mois de juillet 2010 et d'un document retraçant les " mouvements de caisse " ; que ces éléments ne peuvent toutefois être utilement invoqués dès lors que le rejet de la comptabilité n'a été retenu que pour annuler les déficits des exercices prescrits clos en 2004, 2005, 2006 et 2007 ; que, par ailleurs, contrairement à ce que la société requérante allègue, le service n'a pas remis en cause l'existence d'un " report à nouveau " en ce qui concerne le compte courant d'associé dont était titulaire M. A...mais celui de l'autre compte courant ouvert sur lequel elle n'apporte aucun élément ; que, contrairement à ses allégations, une société est en mesure de justifier le solde d'un compte courant par la différence entre la somme des écritures ayant affecté le débit et le crédit de ce compte ; que si la société soutient également qu'elle justifie de " la majorité " des crédits figurant au compte courant de M. A... fondant le report à nouveau de 29 664 euros au 1er janvier 2004, elle n'apporte aucun élément de nature à établir le bien-fondé de ses allégations en se bornant à produire, sans les assortir au surplus d'explications, quelques bordereaux de remise de chèque à son bénéfice, un unique relevé de compte bancaire de M. et Mme A...et des relevés de ses comptes bancaires mentionnant des opérations de crédit du compte courant réalisées en 2002 et 2003 sans aucune justification de l'origine de ces sommes ; qu'en outre, le bordereau produit daté du " 22/06/03 " porte sur des chèques enregistrés le 26 février 2003, ce qui ne permet pas d'admettre sa force probante ; que la SARL Thé'or, qui se borne pour le surplus à une critique d'ordre général tenant à l'imprécision des années au titre desquelles les griefs formulés se rattachent, n'apporte ainsi aucun élément de nature à remettre en cause les constatations du service démontrant de graves irrégularités dans la comptabilité, de nature à ôter à celle-ci sa valeur probante, notamment au titre des années 2004 à 2007 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a estimé que la comptabilité n'était pas de nature à justifier les déficits reportés ;
7. Considérant que si la SARL Thé'or soutient que l'administration n'a formulé dans la proposition de rectification aucune réserve sur les opérations de l'année 2007 et que, par suite, le déficit constaté au cours de cette année n'a pas été formellement annulé, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que le service a rejeté la comptabilité de cette année dans son intégralité ;
En ce qui concerne la réintégration d'un passif injustifié :
8. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré au résultat imposable des années 2008 à 2010, en tant que passif injustifié, les montants de 43 039 euros, 19 137 euros et 19 000 euros, correspondant au solde créditeur du compte courant ouvert dans les écritures au nom de M. B...A..., faute pour la société d'apporter la preuve que M. A...avait effectivement acquitté les sommes ou les créances au lieu et place de la SARL Thé'or, ce qui aurait justifié l'inscription des sommes correspondantes au crédit du compte courant ; que, contrairement aux allégations de la société requérante, et ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, une société est en mesure de justifier le solde d'un compte courant par la différence entre la somme des écritures ayant affecté le débit et le crédit de ce compte ; que la SARL Thé'or n'apporte aucun élément de nature à justifier les montants en cause en se bornant à se prévaloir des éléments également évoqués au point 6 du présent arrêt et qui, relatifs aux années 2002 et 2003, sont sans incidence sur les passifs concernés ou à des critiques d'ordre général tenant à l'imprécision des années au titre desquelles les griefs formulés par le service se rattachent ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a estimé que les montants de 43 039 euros, 19 137 euros et 19 000 euros portés au compte courant de M. A...constituaient un passif injustifié et les a réintégrés au résultat imposable des années 2008, 2009 et 2010 ;
Sur les autres conclusions :
10. Considérant, d'une part, que la SARL Thé'or ne présente aucun moyen à l'appui de ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, ni de moyens propres aux pénalités appliquées ;
11. Considérant, d'autre part, qu'à la date à laquelle la SARL Thé'or a saisi la cour de conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, il n'existait aucun litige né et actuel entre le comptable responsable d'un remboursement et la SARL Thé'or, qui n'a formulé aucune réclamation relative au paiement de ces intérêts ; que le contentieux n'a pas davantage été lié en cours d'instance, l'administration n'ayant pas contesté devant la cour le principe ou le montant des intérêts demandés et ayant, au contraire, opposé une fin de non-recevoir à ces conclusions ; que, par suite, il y a lieu d'accueillir cette fin de non-recevoir ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Thé'or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et n'est pas recevable à demander le versement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Thé'or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Thé'or et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er février 2018.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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