CAA de DOUAI, 3ème chambre - formation à 3, 05/10/2017, 17DA00413, Inédit au recueil Lebon
- Date :
- 05-10-2017
- Size :
- 6 pages
- Section :
- Case law
- Number :
- 17DA00413
- Formation :
- 3ème chambre - formation à 3
Original text :
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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...B...et Mme H...B...néeC..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Lille, sauf à poser, avant dire-droit, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne sur la qualité de travailleur salarié, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 7 juin 2016 par lesquels la préfète du Pas-de-Calais a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à la préfète du Pas-de-Calais de leur délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de leur situation après les avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement nos 1607515, 1607513 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé les annulations demandées, a fait injonction à la préfète du Pas-de-Calais de délivrer à M. et Mme B...un titre de séjour, a mis une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2017, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 février 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme B...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2004/38 CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les observations de Me A...G..., représentant M. et MmeB....
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° (...) " et qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 de ce code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 5132-1 du code du travail : " L'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en oeuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement. / L'insertion par l'activité économique, notamment par la création d'activités économiques, contribue également au développement des territoires. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, du 15 septembre 2014 au 14 septembre 2016, M. B...a bénéficié de contrats de travail dans le cadre d'activités d'adaptation à la vie active, au sein d'un organisme mettant en oeuvre l'insertion professionnelle par l'activité économique ; qu'il était ainsi titulaire d'un tel contrat, à la date des arrêtés du 7 juin 2016 en litige, par lesquels la préfète du Pas-de-Calais lui a refusé, ainsi qu'à son épouse, la délivrance d'un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, ces contrats de travail, qui s'inscrivent dans une politique sociale ayant pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de s'insérer professionnellement dans l'activité économique, ne peuvent être regardés comme constituant l'exercice d'une activité professionnelle au sens des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, pour estimer que M. B...ne pouvait se prévaloir d'un droit au séjour en vertu de ces dispositions et, par voie de conséquence, que son épouse ne le pouvait pas davantage sur le fondement des dispositions du 4° du même article, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas méconnu ces dispositions ; qu'en outre, pour assortir les refus de délivrance de titre de séjour opposés aux intéressés d'une obligation de quitter le territoire français, cette autorité n'a pas davantage méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 de ce code, qui font obstacle au prononcé d'une telle mesure d'éloignement à l'égard de ressortissants de l'Union européenne qui peuvent se prévaloir d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 de ce code ; que la préfète du Pas-de-Calais est, dès lors, fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille a retenu à tort la méconnaissance de ces dispositions pour annuler ses arrêtés du 7 juin 2016 refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme B...et leur faisant obligation de quitter le territoire français ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Lille et en cause d'appel ;
Sur la légalité des refus de séjour :
5. Considérant que les arrêtés du 7 juin 2016 en litige, par lequel la préfète du Pas-de-Calais a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeB..., ont été signés par M. F... D..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques de la préfecture du Pas-de-Calais ; que, par un arrêté n° 2015-10-158 du 22 décembre 2015, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, lequel est disponible sur le site internet de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais avait donné à M. D... délégation à l'effet de signer notamment les décisions relatives au séjour des ressortissants étrangers ; que, par suite, le moyen tiré par M. et Mme B...de ce que la décision leur refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;
6. Considérant que M. et MmeB..., qui allèguent être entrés ensemble sur le territoire français au cours du mois de mai 2010, font état de la présence auprès d'eux de leurs sept enfants mineurs, qui sont respectivement scolarisés en lycée, collège, et en école primaire et maternelle, ce dont il n'est toutefois attesté qu'à compter de l'année scolaire 2012-2013 ; qu'ils se prévalent, en outre, de la présence régulière sur le territoire français de plusieurs membres de leur famille, à savoir de la plupart de leurs enfants majeurs, nés de précédentes unions, ainsi que de plusieurs frères de MmeB... ; qu'il est toutefois constant que M. et MmeB..., qui font tous deux l'objet d'une décision de refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, se trouvent, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, en situation de séjour irrégulier sur ce territoire ; qu'en outre, les intéressés, qui sont tous deux des ressortissants roumains, n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales proches dans leur pays d'origine, où ils ont habituellement vécu au moins jusqu'à l'âge respectivement de quarante-quatre et trente-neuf ans ; que M. et Mme B...n'établissent pas, ni d'ailleurs n'allèguent, que des circonstances particulières feraient, dans ces conditions, obstacle à ce qu'ils puissent, le cas échéant, se réinstaller avec leurs enfants dans ce pays pour y reconstituer leur vie familiale, ni que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité ; que, par suite et eu égard notamment à la durée, à la supposer établie, et aux conditions du séjour de M. et MmeB..., les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour n'ont pas porté, en dépit des efforts d'intégration dont font état les intéressés et dont témoigneraient les cours de langue française qu'ils ont suivi, à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises, ni n'ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre et dans ces circonstances, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. et MmeB..., qui ne font état d'aucune perspective précise d'insertion professionnelle en dépit des contrats d'insertion dont a bénéficié M. B...et de l'appui apporté par Pôle emploi aux recherches de son épouse, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle des intéressés ;
7. Considérant qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, s'agissant de la possibilité pour M. et Mme B...de reconstituer leur vie familiale avec leurs enfants mineurs dans leur pays d'origine et de ce qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est même allégué, que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité, pour refuser aux intéressés la délivrance d'un titre de séjour, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, ni n'a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
9. Considérant que la délégation de signature mentionnée au point 5 habilitait notamment M.D..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques de la préfecture du Pas-de-Calais, à signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que par suite, le moyen tiré par M. et Mme B...de ce que les décisions prononçant une telle mesure d'éloignement à leur égard auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs des arrêtés du 7 juin 2016 en litige que ceux-ci énoncent notamment que M. et MmeB..., qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se trouvent dans la situation, prévue par les dispositions de l'article L. 511-3-1 de ce code, que ces motifs reproduisent, autorisant le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français ; que ces même motifs précisent, en outre, les raisons pour lesquelles, eu égard à leur absence d'attaches sur le territoire français, ainsi qu'à leur situation familiale et professionnelle, cette mesure ne portera pas au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi rédigés, ces motifs, qui révèlent que la préfète du Pas-de-Calais a tenu compte de la réalité de la situation de M. et MmeB..., alors même qu'ils ne prennent pas expressément position sur l'intégralité des critères non-limitativement énumérés par les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle s'est assurée de ce qu'aucune circonstance tirée de cette situation ne faisait obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français, doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour prendre une telle mesure à l'égard de chacun des intéressés ; que, par suite et en dépit des erreurs de visa que comporteraient les arrêtés contestés, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont suffisamment motivées au regard de l'exigence posée par ces dispositions ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 11, que la préfète du Pas-de-Calais ne se serait pas livrée à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. et Mme B...avant de leur faire obligation de quitter le territoire français ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que le moyen tiré de ce que les décisions obligeant M. et Mme B...à quitter le territoire français devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation des refus de séjour sur le fondement desquels elles ont été prises ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de ce que les décisions faisant obligation à M. et MmeB... de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la directive 2004/38 CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, dont l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a assuré la transposition en droit interne, doit, en tout état de cause, être écarté ;
15. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, les moyens tirés de ce que les décisions faisant obligation à M. et MmeB... de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que, pour prononcer ces mesures d'éloignement, la préfète du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celles-ci sur la situation personnelle des intéressés doivent être écartés ;
16. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de ce que les décisions faisant obligation à M. et Mme B...de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 février 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé ses arrêtés du 7 juin 2016 pris à l'égard de M. et MmeB... ; qu'il suit de là que les demandes présentées par ces derniers devant le tribunal administratif de Lille doivent, de même, par voie de conséquence, que les conclusions qu'ils présentent en cause d'appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 février 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et MmeB... devant ce tribunal et les conclusions qu'ils formulent en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. E... B..., à Mme H...B...néeC..., ainsi qu'à Me A...G....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.
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N°17DA00413
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...B...et Mme H...B...néeC..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Lille, sauf à poser, avant dire-droit, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne sur la qualité de travailleur salarié, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 7 juin 2016 par lesquels la préfète du Pas-de-Calais a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à la préfète du Pas-de-Calais de leur délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de leur situation après les avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement nos 1607515, 1607513 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé les annulations demandées, a fait injonction à la préfète du Pas-de-Calais de délivrer à M. et Mme B...un titre de séjour, a mis une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2017, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 février 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme B...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2004/38 CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les observations de Me A...G..., représentant M. et MmeB....
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° (...) " et qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 de ce code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 5132-1 du code du travail : " L'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en oeuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement. / L'insertion par l'activité économique, notamment par la création d'activités économiques, contribue également au développement des territoires. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, du 15 septembre 2014 au 14 septembre 2016, M. B...a bénéficié de contrats de travail dans le cadre d'activités d'adaptation à la vie active, au sein d'un organisme mettant en oeuvre l'insertion professionnelle par l'activité économique ; qu'il était ainsi titulaire d'un tel contrat, à la date des arrêtés du 7 juin 2016 en litige, par lesquels la préfète du Pas-de-Calais lui a refusé, ainsi qu'à son épouse, la délivrance d'un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, ces contrats de travail, qui s'inscrivent dans une politique sociale ayant pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de s'insérer professionnellement dans l'activité économique, ne peuvent être regardés comme constituant l'exercice d'une activité professionnelle au sens des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, pour estimer que M. B...ne pouvait se prévaloir d'un droit au séjour en vertu de ces dispositions et, par voie de conséquence, que son épouse ne le pouvait pas davantage sur le fondement des dispositions du 4° du même article, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas méconnu ces dispositions ; qu'en outre, pour assortir les refus de délivrance de titre de séjour opposés aux intéressés d'une obligation de quitter le territoire français, cette autorité n'a pas davantage méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 de ce code, qui font obstacle au prononcé d'une telle mesure d'éloignement à l'égard de ressortissants de l'Union européenne qui peuvent se prévaloir d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 de ce code ; que la préfète du Pas-de-Calais est, dès lors, fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille a retenu à tort la méconnaissance de ces dispositions pour annuler ses arrêtés du 7 juin 2016 refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme B...et leur faisant obligation de quitter le territoire français ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Lille et en cause d'appel ;
Sur la légalité des refus de séjour :
5. Considérant que les arrêtés du 7 juin 2016 en litige, par lequel la préfète du Pas-de-Calais a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeB..., ont été signés par M. F... D..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques de la préfecture du Pas-de-Calais ; que, par un arrêté n° 2015-10-158 du 22 décembre 2015, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, lequel est disponible sur le site internet de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais avait donné à M. D... délégation à l'effet de signer notamment les décisions relatives au séjour des ressortissants étrangers ; que, par suite, le moyen tiré par M. et Mme B...de ce que la décision leur refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;
6. Considérant que M. et MmeB..., qui allèguent être entrés ensemble sur le territoire français au cours du mois de mai 2010, font état de la présence auprès d'eux de leurs sept enfants mineurs, qui sont respectivement scolarisés en lycée, collège, et en école primaire et maternelle, ce dont il n'est toutefois attesté qu'à compter de l'année scolaire 2012-2013 ; qu'ils se prévalent, en outre, de la présence régulière sur le territoire français de plusieurs membres de leur famille, à savoir de la plupart de leurs enfants majeurs, nés de précédentes unions, ainsi que de plusieurs frères de MmeB... ; qu'il est toutefois constant que M. et MmeB..., qui font tous deux l'objet d'une décision de refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, se trouvent, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, en situation de séjour irrégulier sur ce territoire ; qu'en outre, les intéressés, qui sont tous deux des ressortissants roumains, n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales proches dans leur pays d'origine, où ils ont habituellement vécu au moins jusqu'à l'âge respectivement de quarante-quatre et trente-neuf ans ; que M. et Mme B...n'établissent pas, ni d'ailleurs n'allèguent, que des circonstances particulières feraient, dans ces conditions, obstacle à ce qu'ils puissent, le cas échéant, se réinstaller avec leurs enfants dans ce pays pour y reconstituer leur vie familiale, ni que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité ; que, par suite et eu égard notamment à la durée, à la supposer établie, et aux conditions du séjour de M. et MmeB..., les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour n'ont pas porté, en dépit des efforts d'intégration dont font état les intéressés et dont témoigneraient les cours de langue française qu'ils ont suivi, à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises, ni n'ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre et dans ces circonstances, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. et MmeB..., qui ne font état d'aucune perspective précise d'insertion professionnelle en dépit des contrats d'insertion dont a bénéficié M. B...et de l'appui apporté par Pôle emploi aux recherches de son épouse, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle des intéressés ;
7. Considérant qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, s'agissant de la possibilité pour M. et Mme B...de reconstituer leur vie familiale avec leurs enfants mineurs dans leur pays d'origine et de ce qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est même allégué, que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité, pour refuser aux intéressés la délivrance d'un titre de séjour, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, ni n'a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
9. Considérant que la délégation de signature mentionnée au point 5 habilitait notamment M.D..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques de la préfecture du Pas-de-Calais, à signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que par suite, le moyen tiré par M. et Mme B...de ce que les décisions prononçant une telle mesure d'éloignement à leur égard auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs des arrêtés du 7 juin 2016 en litige que ceux-ci énoncent notamment que M. et MmeB..., qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se trouvent dans la situation, prévue par les dispositions de l'article L. 511-3-1 de ce code, que ces motifs reproduisent, autorisant le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français ; que ces même motifs précisent, en outre, les raisons pour lesquelles, eu égard à leur absence d'attaches sur le territoire français, ainsi qu'à leur situation familiale et professionnelle, cette mesure ne portera pas au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi rédigés, ces motifs, qui révèlent que la préfète du Pas-de-Calais a tenu compte de la réalité de la situation de M. et MmeB..., alors même qu'ils ne prennent pas expressément position sur l'intégralité des critères non-limitativement énumérés par les dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle s'est assurée de ce qu'aucune circonstance tirée de cette situation ne faisait obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français, doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour prendre une telle mesure à l'égard de chacun des intéressés ; que, par suite et en dépit des erreurs de visa que comporteraient les arrêtés contestés, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont suffisamment motivées au regard de l'exigence posée par ces dispositions ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 11, que la préfète du Pas-de-Calais ne se serait pas livrée à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. et Mme B...avant de leur faire obligation de quitter le territoire français ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que le moyen tiré de ce que les décisions obligeant M. et Mme B...à quitter le territoire français devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation des refus de séjour sur le fondement desquels elles ont été prises ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de ce que les décisions faisant obligation à M. et MmeB... de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la directive 2004/38 CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, dont l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a assuré la transposition en droit interne, doit, en tout état de cause, être écarté ;
15. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, les moyens tirés de ce que les décisions faisant obligation à M. et MmeB... de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que, pour prononcer ces mesures d'éloignement, la préfète du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celles-ci sur la situation personnelle des intéressés doivent être écartés ;
16. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de ce que les décisions faisant obligation à M. et Mme B...de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 février 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé ses arrêtés du 7 juin 2016 pris à l'égard de M. et MmeB... ; qu'il suit de là que les demandes présentées par ces derniers devant le tribunal administratif de Lille doivent, de même, par voie de conséquence, que les conclusions qu'ils présentent en cause d'appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 février 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et MmeB... devant ce tribunal et les conclusions qu'ils formulent en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. E... B..., à Mme H...B...néeC..., ainsi qu'à Me A...G....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.
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N°17DA00413