CAA de DOUAI, 3ème chambre - formation à 3, 05/10/2017, 17DA00313, Inédit au recueil Lebon

Date :
05-10-2017
Size :
3 pages
Section :
Case law
Number :
17DA00313
Formation :
3ème chambre - formation à 3

Original text :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui renouveler un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1603486 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2017, M.C..., représenté par Me D... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 février 2017 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MC..., ressortissant algérien né le 18 avril 1989, est entré en France le 29 septembre 2013 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant ; qu'après avoir échoué en 2013-2014 dans ses études de master en électronique, électrotechnique automatique informatique industrielle à l'université de Reims, il a validé cette formation en 2014-2015 ; qu'après avoir été admis à s'inscrire en 2015-2016 en master 2 à l'université du Havre, il a renoncé à cette formation et a intégré une 3ème année de licence informatique ; qu'après orientation par cette dernière université vers l'année spéciale en informatique de l'IUT du Havre, il a validé son semestre ; qu'en sa qualité d'étudiant, il était autorisé à travailler comme vendeur à temps partiel ; qu'il relève appel du jugement du 2 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui renouveler son titre de séjour au motif que ses propos et son comportement devaient être regardés comme constitutifs d'une menace pour l'ordre public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public " ; que si la situation des algériens est régie de manière complète par l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968 et les avenants qui l'ont modifié, aucune disposition de cet accord ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien et, en conséquence de l'inviter à quitter le territoire en se fondant sur un motif tiré de la menace à l'ordre public ;
3. Considérant que la décision contestée est fondée sur une déclaration faite par M. C... sur son lieu de travail, le 15 novembre 2015, soit quarante-huit heures seulement après les graves attentats perpétrés à Paris, aux termes de laquelle il reconnait avoir déclaré, à propos de leurs auteurs : " Oui, je viens de là bas et je les soutiens " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ces propos provocateurs ont été prononcés dans un contexte de vive tension entre le requérant et ses collègues de travail, ceux-ci le pointant du doigt, en mentionnant ses origines qui, selon eux, le rendaient complice des auteurs des attentats ; que cette déclaration constitue le seul élément reproché à M.C... ; qu'il est constant qu'aucune procédure pénale n'a été intentée à son encontre et qu'il n'a, en outre, fait l'objet d'aucune mesure d'assignation à résidence dans le cadre de la procédure d'état d'urgence ; que, si, la préfète de la Seine-Maritime soutient néanmoins que " le comportement de M. C...a attiré l'attention des services ", elle ne produit aucune note des services de renseignement ou élément d'information au soutien de cette allégation à caractère général, malgré l'invitation qui lui a été faite par le requérant, tant en première instance qu'en appel ; que, si, M. C...a été licencié pour faute grave par son employeur le 7 décembre 2015, suite à ces propos, il est constant qu'une procédure est en cours devant le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui, après échec de la procédure de conciliation, a renvoyé cette affaire à l'audience du 20 mars 2018 ; qu'il est enfin constant, qu'en dépit de la menace alléguée pour l'ordre public, dans le contexte particulier de l'état d'urgence, qui aurait nécessairement justifié une réaction très rapide de l'administration, la préfète de la Seine-Maritime n'a pris la décision contestée que le 8 juin 2016, puis ne l'a notifiée que le 15 juin 2016, alors que M. C...s'était présenté à la préfecture dès le 18 février 2016, soit près de quatre mois auparavant, dans le cadre de la procédure normale de renouvellement de son titre de séjour ; que, dès lors, la préfète de la Seine-Maritime a entaché son arrêté du 8 juin 2016 d'une erreur manifeste d'appréciation ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour contenue dans l'arrêté du 8 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
7. Considérant que l'annulation, pour le motif susmentionné, de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime, implique seulement que la demande de carte de séjour temporaire de M. C...soit réexaminée ; qu'ainsi, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C...de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 février 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 8 juin 2016 de la préfète de la Seine-Maritime est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de réexaminer la situation de M. C...dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour
Article 4 : L'Etat versera à M. C...une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°17DA00313
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N°"Numéro"