CAA de DOUAI, 2ème chambre - formation à 3, 28/03/2017, 15DA00603, Inédit au recueil Lebon
- Date :
- 28-03-2017
- Size :
- 11 pages
- Section :
- Case law
- Number :
- 15DA00603
- Formation :
- 2ème chambre - formation à 3
Original text :
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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H...L..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser une somme de 225 409,60 euros en réparation de l'entier préjudice qu'elle avait subi résultant de l'absence de surveillance obstétricale dont elle a fait l'objet et qui lui a fait perdre une chance d'éviter une éclampsie et des séquelles neurologiques et de mettre à la charge du centre hospitalier de Seclin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser la somme de 133 415,11 euros au titre de ses débours, éventuellement à proportion de la perte de chance, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de son premier mémoire avec capitalisation des intérêts et la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge du centre hospitalier de Seclin, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1300945 du 11 février 2015, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à la demande de Mme L...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 avril 2015 et les 12 juin 2015 et 23 décembre 2015, le centre hospitalier de Seclin, représenté par Me D...K..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme L...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce qu'ils l'ont condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai une somme de 33 800,47 euros ainsi qu'à lui rembourser les arrérages à échoir d'une rente d'invalidité dans la limite de 50 990,15 euros ;
- Mme L...n'a subi aucun préjudice professionnel dès lors qu'elle a perçu un montant d'indemnités journalières et de rente d'invalidité supérieur à sa perte de revenus ;
- la créance de la caisse primaire d'assurance maladie au titre des indemnités journalières et de la rente d'invalidité doit s'imputer sur le montant du préjudice professionnel mis à sa charge et qu'il ne peut être condamné à verser à la caisse une somme supérieure à l'évaluation de ce chef de préjudice ;
- s'agissant des frais liés au handicap et des préjudices personnels, les évaluations retenues par les premiers juges sont excessives.
Par des mémoires, enregistrés les 5 août 2015, 8 février 2016 et 21 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, représentée par Me C...J..., conclut à la condamnation du centre hospitalier de Seclin à lui verser la somme de 169 098,07 euros, éventuellement à proportion de la perte de chance, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et les sommes de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 14 août 2015, Mme L..., représentée par Me I...B..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que le centre hospitalier de Seclin soit condamné à lui verser une somme de 225 409,60 euros et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Seclin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis en condamnant le centre hospitalier de Seclin à réparer son entier préjudice, à charge pour ce dernier de former une action récursoire contre le co-auteur du dommage, alors qu'elle ne demandait la condamnation du centre hospitalier que pour sa part de responsabilité qu'elle estime être de 50 % ;
- le taux de perte de chance doit être fixé à 75 % ;
- les différents chefs de préjudice doivent être réévalués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me M...G...substituant Me I...B...pour Mme L....
1. Considérant que Mme L...épouseA..., a consulté le 28 juillet 2008 une gynécologue-obstétricienne du centre hospitalier de Seclin où elle était suivie pour sa grossesse ; que cette praticienne a prescrit un dosage de protéinurie dont le résultat lui est parvenu le 31 juillet 2008 ; qu'au vu du résultat de cet examen, la praticienne a demandé, le 31 juillet 2008, à Mme L...d'effectuer une protéinurie de 24 heures qui a été réalisée le lendemain par un laboratoire d'analyses médicales situé à Somain et qui a révélé une protéinurie de 8,35g par 24 heures ; que les résultats de cet examen ont été envoyés par courrier simple à la patiente et au praticien hospitalier ; que Mme L...a été admise le 5 août 2008 à 23h35 aux urgences du centre hospitalier de Seclin en raison de céphalées, d'une barre épigastrique, d'oedèmes et d'une protéinurie importante ; que l'intéressée a été prise en charge le 6 août 2008 à 0h17 pour un accouchement par césarienne en urgence pour pré-éclampsie et a donné naissance à un enfant de sexe féminin en bonne santé ; que toutefois, elle a présenté à 3h53 en salle de réveil un épisode convulsif bref associé à une poussée hypertensive ; que le bilan biologique réalisé à 3h58 a mis en évidence un " Hellp Syndrome " ; que Mme L...a été tranférée à 6h00 dans le service de réanimation du centre hospitalier de Tourcoing où elle est restée jusqu'au 11 août 2008 avant d'être transférée jusqu'au 19 août dans le service de maternité du même établissement ; que, à sa sortie de ce service, Mme L...présentait un syndrome de Claude Bernard Horner gauche ; que l'intéressée sera de nouveau hospitalisée au service de neurologie du centre hospitalier de Tourcoing du 28 au 31 août 2008 pour suspicion de dissection de la carotide interne gauche ; que Mme L...a saisi le 9 septembre 2010 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Nord-Picardie qui a diligenté une expertise et a rendu son avis le 30 novembre 2011, estimant, d'une part, que le comportement de la gynécologue-obstétricienne du centre hospitalier de Seclin et celui du laboratoire d'analyses médicales n'avaient pas été conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science, dès lors que le praticien hospitalier n'avait pas sollicité dans les plus brefs délais l'hospitalisation de Mme L...alors qu'elle présentait les signes d'une pré-éclampsie et que le laboratoire d'analyses médicales n'avait pas immédiatement transmis les résultats de la protéinurie de 24 heures qui étaient pathologiques et, d'autre part, que le syndrome vasculaire rénal présenté par Mme L...avait entraîné une perte de chance d'éviter la survenue d'une éclampsie et des séquelles neurologiques évalués à 75 % dont 50 % étaient imputables au centre hospitalier de Seclin et 25 % au laboratoire d'analyses médicales ; que l'assureur du centre hospitalier de Seclin a refusé d'indemniser les préjudices de Mme L...et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosoomiales (ONIAM), dont la substitution à l'assureur défaillant avait été sollicitée, a rejeté la demande de l'intéressée ; que le centre hospitalier de Seclin relève appel du jugement du 11 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit aux demandes de Mme L...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ; que Mme L..., par la voie de l'appel incident, demande une meilleure indemnisation de ses différents chefs de préjudice ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les co-auteurs du dommage pourraient former entre eux ; que la victime peut également ne demander à chaque co-auteur que la réparation de la fraction du dommage correspondant à la part de responsabilité qu'il encourt personnellement en fonction de son implication dans la réalisation des préjudices subis par la victime ;
3. Considérant que les premiers juges ont estimé que Mme L...demandait la condamnation du centre hospitalier de Seclin à réparer son entier préjudice et qu'il incombait seulement au centre hospitalier, s'il s'y croyait fondé, d'engager une action récursoire contre le laboratoire d'analyses médicales, co-auteur du dommage ; que Mme L...soutient que les premiers juges ont ainsi statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis, dès lors qu'elle demandait que le centre hospitalier de Seclin ne soit condamné à réparer que la fraction du dommage correspondant à sa part de responsabilité à raison de ses fautes, l'intéressée ayant d'ailleurs introduit une instance devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir la condamnation du laboratoire d'analyses médicales à raison des fautes commises par ce dernier ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande présentée aux premiers juges par Mme L...tendait à la condamnation du centre hospitalier de Seclin à réparer uniquement la fraction du dommage correspondant à sa part de responsabilité ; que, par suite, en condamnant le centre hospitalier de Seclin à réparer l'entier préjudice de Mme L...épouseA..., les premiers juges ont statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis ; que, dans cette mesure, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour est seulement saisie, par la voie de l'effet dévolutif, du bien-fondé du jugement en tant que le tribunal s'est prononcé sur les conclusions expressément présentées par Mme L...telles qu'elles sont rappelées au point précédent ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Seclin :
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'hospitalisation de Mme L...était devenue indispensable le 31 juillet 2008, date à laquelle le praticien du centre hospitalier de Seclin a eu connaissance du taux de protéinurie de l'intéressée qui, associé, à une prise de poids rapide de la patiente et des oedèmes constatés au niveau des membres inférieurs, révélait de manière certaine une pré-éclampsie ; qu'ainsi, l'absence de traitement du syndrome vasculo-rénal présenté par Mme L...en fin de grossesse, qui a évolué vers une pré-éclampsie puis vers une éclampsie quatre heures après l'extraction foetale constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Seclin ; que, toutefois, il ressort du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que deux anomalies dans la prise en charge de Mme L...peuvent être relevées ; qu'en effet, si le praticien du centre hospitalier de Seclin se devait d'hospitaliser l'intéressée dès le 31 juillet 2008, le laboratoire d'analyses médicales se devait de communiquer immédiatement, dès le 2 août 2008, les résultats de la protéinurie à la maternité par tout moyen de son choix ; qu'au regard de ces éléments, il y a lieu de fixer la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin à 50 % ;
Sur l'évaluation des préjudices :
8. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'absence de prise en charge du syndrome vasculo-rénal présenté par Mme L...lui a fait perdre une chance d'éviter les risques de survenue d'une éclampsie et des séquelles neurologiques ; que l'éclampsie est survenue quatre heures après l'extraction foetale alors que la tension artérielle était stabilisée et que l'intéressée ne présentait aucune pathologie gestationnelle avant l'examen du 28 juillet 2008 ; qu'il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance à 75 % ; qu'ainsi, compte tenu de la part de responsabilité retenue au point 7 la faute commise par le centre hospitalier de Seclin engage sa responsabilité à hauteur de 37,5 % de ses conséquences dommageables ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
10. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai justifie avoir exposé pour le compte de son assurée, MmeL..., des dépenses de santé en lien avec la faute commise par le centre hospitalier de Seclin comprenant des frais d'hospitalisation pour la période du 5 au 19 août 2008, des frais médicaux et pharmaceutiques pour la période du 31 juillet 2008 au 23 février 2011 et des frais de transport pour la journée du 9 août 2008 pour une somme de totale de 20 330,51 euros ; qu'il y a lieu, compte tenu du taux de la perte de chance et de la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin retenus, de fixer le préjudice correspondant à la somme de 7 623,94 euros ;
S'agissant des frais liés au handicap :
11. Considérant que les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation indiquent que Mme L...a bénéficié de l'aide journalière à domicile de sa mère pendant deux mois et demi et que l'intéressée " fait valoir " une aide nécessaire d'une heure par jour pendant un an ; que Mme L...ne produit aucun document démontrant qu'elle a effectivement reçu l'aide d'une tierce personne au-delà de deux mois et demi pendant la période du 1er septembre 2008 au 1er septembre 2009 ; que l'attestation de sa mère indique d'ailleurs qu'elle a aidé sa fille pendant un mois à compter du 8 août 2008 et celle de sa belle mère qu'elle l'a aidée pendant environ trois mois après l'hospitalisation ; que, par suite, il y a lieu de retenir que la requérante a bénéficié de l'aide d'une tierce personne d'une heure par jour pendant deux mois et demi ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant des frais liés à cette aide, sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, en les fixant à la somme de 981,30 euros ; que compte tenu du taux de perte de chance et de la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin retenus, il y a lieu d'allouer à Mme L... la somme de 367,98 euros ;
S'agissant des préjudices professionnels de Mme L...:
12. Considérant d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime, d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;
14. Considérant que pour se conformer en l'espèce aux règles rappelées ci-dessus, il appartient au juge, pour la période postérieure à la consolidation, au titre de laquelle Mme L... a bénéficié d'une rente d'invalidité, de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par l'intéressée, en raison de la faute du centre hospitalier de Seclin entraînait des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension d'invalidité qui lui a été versée, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels après consolidation et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de perte de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au capital représentatif de la pension ;
Sur les pertes de revenus antérieurs à la date de consolidation :
15. Considérant qu'il est constant que si Mme L...a été placée en arrêt de travail à compter du 6 octobre 2008 jusqu'au 5 juillet 2010, cet arrêt de travail est directement imputable à la faute commise par le centre hospitalier de Seclin ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Nord-Picardie, que l'intéressée a ensuite repris son activité professionnelle de conseillère clientèle dans une entreprise d'assurances dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; qu'au cours de cette période d'interruption totale et partielle d'activité comprise entre le 6 octobre 2008 et le 3 mars 2011, date de consolidation de son état, Mme L...qui pouvait espérer compte tenu de son revenu annuel perçu au titre de l'année 2007, primes incluses, de 18 381,04 euros, percevoir des revenus de son travail à hauteur de 45 952,6 euros, n'a perçu que 28 514,21 euros et a ainsi subi une perte de gains professionnels de 17 438,39 euros ;
Sur les pertes de gains professionnels après la date de consolidation :
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme L...n'a pu exercer son activité professionnelle à temps complet entre le 3 mars 2011, date de consolidation de son état de santé et le 4 mars 2014, date à laquelle elle a bénéficié d'un congé parental d'une année ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'évaluation neuropsychologique du 17 mars 2011 produit par l'intéressée, que le tableau neuropsychologique était toujours dominé par des difficultés au niveau des capacités attentionnelles et qu'il persistait de légers troubles sur le plan de la mémoire épisodique verbale, des fonctions exécutives et du langage ; que, par suite, la limitation d'activité de l'intéressée à compter du 3 mars 2011 et jusqu'au 4 mars 2014 était imputable à la faute commise par le centre hospitalier de Seclin ; que, pendant cette période, Mme L...qui pouvait espérer percevoir des revenus de son travail à hauteur de 55 143,12 euros, compte tenu de son revenu de référence, n'a perçu que 48 549,78 euros et a ainsi subi une perte de gains professionnels de 6 593,34 euros ; qu'en revanche, après le 4 mars 2014, Mme L...n'apporte aucun élément démontrant l'existence d'une perte de revenus futurs et l'impossibilité pour elle d'exercer à temps plein son activité professionnelle ; qu'elle ne fournit notamment aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle exerce son activité à la suite du congé parental qui lui a été accordé ;
S'agissant de l'incidence professionnelle :
17. Considérant que Mme L...invoque un préjudice résultant d'une perte de chance de promotion professionnelle en raison de ses difficultés de concentration, d'attention et de mémoire en lien avec la faute commise par le centre hospitalier de Seclin ; que s'il résulte du rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'état de santé de l'intéressée ne nécessite aucun reclassement professionnel et qu'il n'existe pas de preuve objective pour affirmer qu'elle ne peut plus exercer à temps plein son activité professionnelle antérieure et si l'intéressée ne produit aucun document permettant d'établir qu'elle aurait pu bénéficier d'une promotion professionnelle avant son accouchement, il résulte toutefois de l'instruction que le 22 septembre 2011, Mme L...s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour une durée de cinq ans au motif que les possibilités d'obtenir ou de conserver son emploi étaient réduites en raison de son handicap lié à ses difficultés de concentration, d'attention et de mémoire ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du montant de ce chef de préjudice en l'évaluant à 10 000 euros ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice professionnel de Mme L... s'élève à 34 031,73 euros ; qu'en conséquence, compte tenu du taux de perte de chance et de la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin retenus, ce dernier ne peut être tenu à verser une somme supérieure à 12 761,90 euros au titre de ce chef de préjudice ;
19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les prestations sociales versées à Mme L... au titre du préjudice professionnel causé par la faute du centre hospitalier de Seclin ont été de 26 745,89 euros d'indemnités journalières sur la période avant consolidation et pour la période après consolidation de 20 524,53 euros au titre la pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, soit un total de 47 270,42 euros ; qu'en conséquence, le préjudice professionnel de Mme L...a été entièrement compensé par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ; que, par suite, l'intéressée ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de chef de préjudice ;
20. Considérant que les indemnités journalières et les prestations d'invalidité versées par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai excédent le montant cumulé du préjudice professionnel ; qu'en conséquence, la somme de 12 761,90 euros correspondant à la totalité du préjudice professionnel à la charge du centre hospitalier de Seclin doit être mise à ce titre à la charge de ce dernier et entièrement allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, sans que la caisse puisse obtenir le remboursement du surplus des prestations d'indemnités journalières et d'invalidité qu'elle a versées ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
S'agissant des préjudices temporaires :
21. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme L...a subi, avant la consolidation de son état de santé, fixée au 3 mars 2011, un déficit fonctionnel temporaire évalué à 100 % pour la période du 6 au 12 septembre 2008, puis à 45 % pour la période du 13 septembre 2008 au 5 juillet 2010 et, enfin, à 25 % pour la période du 6 juillet 2010 au 3 mars 2011 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour elle de son déficit fonctionnel temporaire incluant son préjudice sexuel, compte tenu du taux de perte de chance retenu et de la part du centre hospitalier de Seclin, en l'évaluant à 2 500 euros ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ont fixé les souffrances endurées par Mme L...à 4/7 en tenant compte de son hospitalisation initiale, des différents soins reçus, des suites douloureuses de l'accouchement tant sur un plan moral que physique, de la nécessité pour elle de devoir passer des examens traumatisants, des différentes séances de rééducation, des douleurs en réanimation et de sa souffrance morale notamment due à son incapacité de s'occuper de son enfant comme elle aurait pu le souhaiter dans les moments qui ont suivi l'accouchement ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces souffrances en les indemnisant à hauteur de 3 100 euros, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus ;
23. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte du rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que le préjudice esthétique résultant de la paralysie faciale avec syndrome de Claude Bernard Horner gauche et des troubles de la motricité des membres inférieurs pendant la durée de son hospitalisation a été évalué à 3/7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus, à 1 000 euros ;
S'agissant des préjudices permanents :
24. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport des experts précités que Mme L... demeure atteinte, depuis la date de consolidation de son état de santé alors qu'elle était âgée de 33 ans, d'un déficit fonctionnel permanent de 18 % prenant en compte les troubles cognitifs, des troubles de l'attention, de la concentration et de la mémoire, ainsi que les conséquences du retentissement psychique ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à celle-ci, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus, une somme de 9 500 euros ;
25. Considérant, en deuxième lieu, que les experts désignés par la commission précitée ont estimé que le préjudice esthétique permanent de Mme L...devait être fixé à 2/7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus, à 700 euros ;
26. Considérant enfin, que si Mme L...estime avoir subi un préjudice d'agrément qu'elle évalue à 1 000 euros et fait valoir que la pratique de certains sports est difficilement envisageable, il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que cela est d'ailleurs indiqué dans le rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que l'intéressée ne pratiquait aucune activité sportive ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;
27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Seclin doit être condamné à verser à MmeL..., la somme totale de 17 167,98 euros ; qu'il doit également être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai la somme de 20 385,84 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
28. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 20 385,84 euros, à compter du 11 mars 2013, ainsi qu'elle le demande dans son mémoire enregistré à cette date devant le tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 mars 2013 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 11 mars 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
29. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) " ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai a droit à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par lesdites dispositions ; que le centre hospitalier de Seclin lui versera à ce titre la somme de 1 055 euros telle que prévue par les dispositions de l'arrêté susvisé du 26 décembre 2016 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Seclin, une somme de 1 000 euros à verser à Mme L...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter la demande présentée à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300945 du tribunal administratif de Lille du 11 février 2015 est annulé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Seclin à réparer l'entier préjudice de Mme L...et non la seule fraction du dommage correspondant à sa part de responsabilité.
Article 2 : Le centre hospitalier de Seclin est condamné à verser à Mme L...une somme de 17 167,98 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Seclin est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai une somme de 20 385,84 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2013. Les intérêts échus à la date du 11 mars 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le centre hospitalier de Seclin versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai la somme de 1 055 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Le surplus du jugement n° 1300945 du tribunal administratif de Lille du 11 février 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 à 4 du présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier de Seclin versera à Mme L...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Seclin, à Mme H...L...épouse A...et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme F...E..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. N...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
2
N°15DA00603
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H...L..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser une somme de 225 409,60 euros en réparation de l'entier préjudice qu'elle avait subi résultant de l'absence de surveillance obstétricale dont elle a fait l'objet et qui lui a fait perdre une chance d'éviter une éclampsie et des séquelles neurologiques et de mettre à la charge du centre hospitalier de Seclin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser la somme de 133 415,11 euros au titre de ses débours, éventuellement à proportion de la perte de chance, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de son premier mémoire avec capitalisation des intérêts et la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge du centre hospitalier de Seclin, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1300945 du 11 février 2015, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à la demande de Mme L...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 avril 2015 et les 12 juin 2015 et 23 décembre 2015, le centre hospitalier de Seclin, représenté par Me D...K..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme L...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce qu'ils l'ont condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai une somme de 33 800,47 euros ainsi qu'à lui rembourser les arrérages à échoir d'une rente d'invalidité dans la limite de 50 990,15 euros ;
- Mme L...n'a subi aucun préjudice professionnel dès lors qu'elle a perçu un montant d'indemnités journalières et de rente d'invalidité supérieur à sa perte de revenus ;
- la créance de la caisse primaire d'assurance maladie au titre des indemnités journalières et de la rente d'invalidité doit s'imputer sur le montant du préjudice professionnel mis à sa charge et qu'il ne peut être condamné à verser à la caisse une somme supérieure à l'évaluation de ce chef de préjudice ;
- s'agissant des frais liés au handicap et des préjudices personnels, les évaluations retenues par les premiers juges sont excessives.
Par des mémoires, enregistrés les 5 août 2015, 8 février 2016 et 21 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, représentée par Me C...J..., conclut à la condamnation du centre hospitalier de Seclin à lui verser la somme de 169 098,07 euros, éventuellement à proportion de la perte de chance, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et les sommes de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 14 août 2015, Mme L..., représentée par Me I...B..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que le centre hospitalier de Seclin soit condamné à lui verser une somme de 225 409,60 euros et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Seclin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis en condamnant le centre hospitalier de Seclin à réparer son entier préjudice, à charge pour ce dernier de former une action récursoire contre le co-auteur du dommage, alors qu'elle ne demandait la condamnation du centre hospitalier que pour sa part de responsabilité qu'elle estime être de 50 % ;
- le taux de perte de chance doit être fixé à 75 % ;
- les différents chefs de préjudice doivent être réévalués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me M...G...substituant Me I...B...pour Mme L....
1. Considérant que Mme L...épouseA..., a consulté le 28 juillet 2008 une gynécologue-obstétricienne du centre hospitalier de Seclin où elle était suivie pour sa grossesse ; que cette praticienne a prescrit un dosage de protéinurie dont le résultat lui est parvenu le 31 juillet 2008 ; qu'au vu du résultat de cet examen, la praticienne a demandé, le 31 juillet 2008, à Mme L...d'effectuer une protéinurie de 24 heures qui a été réalisée le lendemain par un laboratoire d'analyses médicales situé à Somain et qui a révélé une protéinurie de 8,35g par 24 heures ; que les résultats de cet examen ont été envoyés par courrier simple à la patiente et au praticien hospitalier ; que Mme L...a été admise le 5 août 2008 à 23h35 aux urgences du centre hospitalier de Seclin en raison de céphalées, d'une barre épigastrique, d'oedèmes et d'une protéinurie importante ; que l'intéressée a été prise en charge le 6 août 2008 à 0h17 pour un accouchement par césarienne en urgence pour pré-éclampsie et a donné naissance à un enfant de sexe féminin en bonne santé ; que toutefois, elle a présenté à 3h53 en salle de réveil un épisode convulsif bref associé à une poussée hypertensive ; que le bilan biologique réalisé à 3h58 a mis en évidence un " Hellp Syndrome " ; que Mme L...a été tranférée à 6h00 dans le service de réanimation du centre hospitalier de Tourcoing où elle est restée jusqu'au 11 août 2008 avant d'être transférée jusqu'au 19 août dans le service de maternité du même établissement ; que, à sa sortie de ce service, Mme L...présentait un syndrome de Claude Bernard Horner gauche ; que l'intéressée sera de nouveau hospitalisée au service de neurologie du centre hospitalier de Tourcoing du 28 au 31 août 2008 pour suspicion de dissection de la carotide interne gauche ; que Mme L...a saisi le 9 septembre 2010 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Nord-Picardie qui a diligenté une expertise et a rendu son avis le 30 novembre 2011, estimant, d'une part, que le comportement de la gynécologue-obstétricienne du centre hospitalier de Seclin et celui du laboratoire d'analyses médicales n'avaient pas été conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science, dès lors que le praticien hospitalier n'avait pas sollicité dans les plus brefs délais l'hospitalisation de Mme L...alors qu'elle présentait les signes d'une pré-éclampsie et que le laboratoire d'analyses médicales n'avait pas immédiatement transmis les résultats de la protéinurie de 24 heures qui étaient pathologiques et, d'autre part, que le syndrome vasculaire rénal présenté par Mme L...avait entraîné une perte de chance d'éviter la survenue d'une éclampsie et des séquelles neurologiques évalués à 75 % dont 50 % étaient imputables au centre hospitalier de Seclin et 25 % au laboratoire d'analyses médicales ; que l'assureur du centre hospitalier de Seclin a refusé d'indemniser les préjudices de Mme L...et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosoomiales (ONIAM), dont la substitution à l'assureur défaillant avait été sollicitée, a rejeté la demande de l'intéressée ; que le centre hospitalier de Seclin relève appel du jugement du 11 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit aux demandes de Mme L...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ; que Mme L..., par la voie de l'appel incident, demande une meilleure indemnisation de ses différents chefs de préjudice ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les co-auteurs du dommage pourraient former entre eux ; que la victime peut également ne demander à chaque co-auteur que la réparation de la fraction du dommage correspondant à la part de responsabilité qu'il encourt personnellement en fonction de son implication dans la réalisation des préjudices subis par la victime ;
3. Considérant que les premiers juges ont estimé que Mme L...demandait la condamnation du centre hospitalier de Seclin à réparer son entier préjudice et qu'il incombait seulement au centre hospitalier, s'il s'y croyait fondé, d'engager une action récursoire contre le laboratoire d'analyses médicales, co-auteur du dommage ; que Mme L...soutient que les premiers juges ont ainsi statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis, dès lors qu'elle demandait que le centre hospitalier de Seclin ne soit condamné à réparer que la fraction du dommage correspondant à sa part de responsabilité à raison de ses fautes, l'intéressée ayant d'ailleurs introduit une instance devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir la condamnation du laboratoire d'analyses médicales à raison des fautes commises par ce dernier ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande présentée aux premiers juges par Mme L...tendait à la condamnation du centre hospitalier de Seclin à réparer uniquement la fraction du dommage correspondant à sa part de responsabilité ; que, par suite, en condamnant le centre hospitalier de Seclin à réparer l'entier préjudice de Mme L...épouseA..., les premiers juges ont statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis ; que, dans cette mesure, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour est seulement saisie, par la voie de l'effet dévolutif, du bien-fondé du jugement en tant que le tribunal s'est prononcé sur les conclusions expressément présentées par Mme L...telles qu'elles sont rappelées au point précédent ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Seclin :
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'hospitalisation de Mme L...était devenue indispensable le 31 juillet 2008, date à laquelle le praticien du centre hospitalier de Seclin a eu connaissance du taux de protéinurie de l'intéressée qui, associé, à une prise de poids rapide de la patiente et des oedèmes constatés au niveau des membres inférieurs, révélait de manière certaine une pré-éclampsie ; qu'ainsi, l'absence de traitement du syndrome vasculo-rénal présenté par Mme L...en fin de grossesse, qui a évolué vers une pré-éclampsie puis vers une éclampsie quatre heures après l'extraction foetale constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Seclin ; que, toutefois, il ressort du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que deux anomalies dans la prise en charge de Mme L...peuvent être relevées ; qu'en effet, si le praticien du centre hospitalier de Seclin se devait d'hospitaliser l'intéressée dès le 31 juillet 2008, le laboratoire d'analyses médicales se devait de communiquer immédiatement, dès le 2 août 2008, les résultats de la protéinurie à la maternité par tout moyen de son choix ; qu'au regard de ces éléments, il y a lieu de fixer la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin à 50 % ;
Sur l'évaluation des préjudices :
8. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'absence de prise en charge du syndrome vasculo-rénal présenté par Mme L...lui a fait perdre une chance d'éviter les risques de survenue d'une éclampsie et des séquelles neurologiques ; que l'éclampsie est survenue quatre heures après l'extraction foetale alors que la tension artérielle était stabilisée et que l'intéressée ne présentait aucune pathologie gestationnelle avant l'examen du 28 juillet 2008 ; qu'il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance à 75 % ; qu'ainsi, compte tenu de la part de responsabilité retenue au point 7 la faute commise par le centre hospitalier de Seclin engage sa responsabilité à hauteur de 37,5 % de ses conséquences dommageables ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
10. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai justifie avoir exposé pour le compte de son assurée, MmeL..., des dépenses de santé en lien avec la faute commise par le centre hospitalier de Seclin comprenant des frais d'hospitalisation pour la période du 5 au 19 août 2008, des frais médicaux et pharmaceutiques pour la période du 31 juillet 2008 au 23 février 2011 et des frais de transport pour la journée du 9 août 2008 pour une somme de totale de 20 330,51 euros ; qu'il y a lieu, compte tenu du taux de la perte de chance et de la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin retenus, de fixer le préjudice correspondant à la somme de 7 623,94 euros ;
S'agissant des frais liés au handicap :
11. Considérant que les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation indiquent que Mme L...a bénéficié de l'aide journalière à domicile de sa mère pendant deux mois et demi et que l'intéressée " fait valoir " une aide nécessaire d'une heure par jour pendant un an ; que Mme L...ne produit aucun document démontrant qu'elle a effectivement reçu l'aide d'une tierce personne au-delà de deux mois et demi pendant la période du 1er septembre 2008 au 1er septembre 2009 ; que l'attestation de sa mère indique d'ailleurs qu'elle a aidé sa fille pendant un mois à compter du 8 août 2008 et celle de sa belle mère qu'elle l'a aidée pendant environ trois mois après l'hospitalisation ; que, par suite, il y a lieu de retenir que la requérante a bénéficié de l'aide d'une tierce personne d'une heure par jour pendant deux mois et demi ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant des frais liés à cette aide, sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, en les fixant à la somme de 981,30 euros ; que compte tenu du taux de perte de chance et de la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin retenus, il y a lieu d'allouer à Mme L... la somme de 367,98 euros ;
S'agissant des préjudices professionnels de Mme L...:
12. Considérant d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime, d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;
14. Considérant que pour se conformer en l'espèce aux règles rappelées ci-dessus, il appartient au juge, pour la période postérieure à la consolidation, au titre de laquelle Mme L... a bénéficié d'une rente d'invalidité, de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par l'intéressée, en raison de la faute du centre hospitalier de Seclin entraînait des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension d'invalidité qui lui a été versée, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels après consolidation et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de perte de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au capital représentatif de la pension ;
Sur les pertes de revenus antérieurs à la date de consolidation :
15. Considérant qu'il est constant que si Mme L...a été placée en arrêt de travail à compter du 6 octobre 2008 jusqu'au 5 juillet 2010, cet arrêt de travail est directement imputable à la faute commise par le centre hospitalier de Seclin ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Nord-Picardie, que l'intéressée a ensuite repris son activité professionnelle de conseillère clientèle dans une entreprise d'assurances dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; qu'au cours de cette période d'interruption totale et partielle d'activité comprise entre le 6 octobre 2008 et le 3 mars 2011, date de consolidation de son état, Mme L...qui pouvait espérer compte tenu de son revenu annuel perçu au titre de l'année 2007, primes incluses, de 18 381,04 euros, percevoir des revenus de son travail à hauteur de 45 952,6 euros, n'a perçu que 28 514,21 euros et a ainsi subi une perte de gains professionnels de 17 438,39 euros ;
Sur les pertes de gains professionnels après la date de consolidation :
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme L...n'a pu exercer son activité professionnelle à temps complet entre le 3 mars 2011, date de consolidation de son état de santé et le 4 mars 2014, date à laquelle elle a bénéficié d'un congé parental d'une année ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'évaluation neuropsychologique du 17 mars 2011 produit par l'intéressée, que le tableau neuropsychologique était toujours dominé par des difficultés au niveau des capacités attentionnelles et qu'il persistait de légers troubles sur le plan de la mémoire épisodique verbale, des fonctions exécutives et du langage ; que, par suite, la limitation d'activité de l'intéressée à compter du 3 mars 2011 et jusqu'au 4 mars 2014 était imputable à la faute commise par le centre hospitalier de Seclin ; que, pendant cette période, Mme L...qui pouvait espérer percevoir des revenus de son travail à hauteur de 55 143,12 euros, compte tenu de son revenu de référence, n'a perçu que 48 549,78 euros et a ainsi subi une perte de gains professionnels de 6 593,34 euros ; qu'en revanche, après le 4 mars 2014, Mme L...n'apporte aucun élément démontrant l'existence d'une perte de revenus futurs et l'impossibilité pour elle d'exercer à temps plein son activité professionnelle ; qu'elle ne fournit notamment aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle exerce son activité à la suite du congé parental qui lui a été accordé ;
S'agissant de l'incidence professionnelle :
17. Considérant que Mme L...invoque un préjudice résultant d'une perte de chance de promotion professionnelle en raison de ses difficultés de concentration, d'attention et de mémoire en lien avec la faute commise par le centre hospitalier de Seclin ; que s'il résulte du rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'état de santé de l'intéressée ne nécessite aucun reclassement professionnel et qu'il n'existe pas de preuve objective pour affirmer qu'elle ne peut plus exercer à temps plein son activité professionnelle antérieure et si l'intéressée ne produit aucun document permettant d'établir qu'elle aurait pu bénéficier d'une promotion professionnelle avant son accouchement, il résulte toutefois de l'instruction que le 22 septembre 2011, Mme L...s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour une durée de cinq ans au motif que les possibilités d'obtenir ou de conserver son emploi étaient réduites en raison de son handicap lié à ses difficultés de concentration, d'attention et de mémoire ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du montant de ce chef de préjudice en l'évaluant à 10 000 euros ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice professionnel de Mme L... s'élève à 34 031,73 euros ; qu'en conséquence, compte tenu du taux de perte de chance et de la part de responsabilité du centre hospitalier de Seclin retenus, ce dernier ne peut être tenu à verser une somme supérieure à 12 761,90 euros au titre de ce chef de préjudice ;
19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les prestations sociales versées à Mme L... au titre du préjudice professionnel causé par la faute du centre hospitalier de Seclin ont été de 26 745,89 euros d'indemnités journalières sur la période avant consolidation et pour la période après consolidation de 20 524,53 euros au titre la pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, soit un total de 47 270,42 euros ; qu'en conséquence, le préjudice professionnel de Mme L...a été entièrement compensé par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ; que, par suite, l'intéressée ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de chef de préjudice ;
20. Considérant que les indemnités journalières et les prestations d'invalidité versées par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai excédent le montant cumulé du préjudice professionnel ; qu'en conséquence, la somme de 12 761,90 euros correspondant à la totalité du préjudice professionnel à la charge du centre hospitalier de Seclin doit être mise à ce titre à la charge de ce dernier et entièrement allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, sans que la caisse puisse obtenir le remboursement du surplus des prestations d'indemnités journalières et d'invalidité qu'elle a versées ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
S'agissant des préjudices temporaires :
21. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme L...a subi, avant la consolidation de son état de santé, fixée au 3 mars 2011, un déficit fonctionnel temporaire évalué à 100 % pour la période du 6 au 12 septembre 2008, puis à 45 % pour la période du 13 septembre 2008 au 5 juillet 2010 et, enfin, à 25 % pour la période du 6 juillet 2010 au 3 mars 2011 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour elle de son déficit fonctionnel temporaire incluant son préjudice sexuel, compte tenu du taux de perte de chance retenu et de la part du centre hospitalier de Seclin, en l'évaluant à 2 500 euros ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ont fixé les souffrances endurées par Mme L...à 4/7 en tenant compte de son hospitalisation initiale, des différents soins reçus, des suites douloureuses de l'accouchement tant sur un plan moral que physique, de la nécessité pour elle de devoir passer des examens traumatisants, des différentes séances de rééducation, des douleurs en réanimation et de sa souffrance morale notamment due à son incapacité de s'occuper de son enfant comme elle aurait pu le souhaiter dans les moments qui ont suivi l'accouchement ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces souffrances en les indemnisant à hauteur de 3 100 euros, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus ;
23. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte du rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que le préjudice esthétique résultant de la paralysie faciale avec syndrome de Claude Bernard Horner gauche et des troubles de la motricité des membres inférieurs pendant la durée de son hospitalisation a été évalué à 3/7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus, à 1 000 euros ;
S'agissant des préjudices permanents :
24. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport des experts précités que Mme L... demeure atteinte, depuis la date de consolidation de son état de santé alors qu'elle était âgée de 33 ans, d'un déficit fonctionnel permanent de 18 % prenant en compte les troubles cognitifs, des troubles de l'attention, de la concentration et de la mémoire, ainsi que les conséquences du retentissement psychique ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à celle-ci, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus, une somme de 9 500 euros ;
25. Considérant, en deuxième lieu, que les experts désignés par la commission précitée ont estimé que le préjudice esthétique permanent de Mme L...devait être fixé à 2/7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, compte tenu du taux de perte de chance et de la part du centre hospitalier de Seclin retenus, à 700 euros ;
26. Considérant enfin, que si Mme L...estime avoir subi un préjudice d'agrément qu'elle évalue à 1 000 euros et fait valoir que la pratique de certains sports est difficilement envisageable, il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que cela est d'ailleurs indiqué dans le rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que l'intéressée ne pratiquait aucune activité sportive ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;
27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Seclin doit être condamné à verser à MmeL..., la somme totale de 17 167,98 euros ; qu'il doit également être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai la somme de 20 385,84 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
28. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 20 385,84 euros, à compter du 11 mars 2013, ainsi qu'elle le demande dans son mémoire enregistré à cette date devant le tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 mars 2013 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 11 mars 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
29. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) " ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai a droit à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par lesdites dispositions ; que le centre hospitalier de Seclin lui versera à ce titre la somme de 1 055 euros telle que prévue par les dispositions de l'arrêté susvisé du 26 décembre 2016 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Seclin, une somme de 1 000 euros à verser à Mme L...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter la demande présentée à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300945 du tribunal administratif de Lille du 11 février 2015 est annulé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Seclin à réparer l'entier préjudice de Mme L...et non la seule fraction du dommage correspondant à sa part de responsabilité.
Article 2 : Le centre hospitalier de Seclin est condamné à verser à Mme L...une somme de 17 167,98 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Seclin est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai une somme de 20 385,84 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2013. Les intérêts échus à la date du 11 mars 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le centre hospitalier de Seclin versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai la somme de 1 055 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Le surplus du jugement n° 1300945 du tribunal administratif de Lille du 11 février 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 à 4 du présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier de Seclin versera à Mme L...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Seclin, à Mme H...L...épouse A...et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme F...E..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. N...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00603