CAA de DOUAI, 2ème chambre - formation à 3, 28/03/2017, 15DA00226, Inédit au recueil Lebon

Date :
28-03-2017
Size :
6 pages
Section :
Case law
Number :
15DA00226
Formation :
2ème chambre - formation à 3

Original text :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Les Amandiers des Jassines a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.
Par un jugement n° 1107686 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 février 2015, 7 mai et 29 juin 2015 et 8 mars 2016, la SCI Les Amandiers des Jassines, représentée par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 décembre 2014 ;
2°) de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle afin qu'elle se prononce sur la compatibilité des dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts avec l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
3°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, les dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- à titre subsidiaire, la SARL Immo Location Tourisme, à qui elle a donné à bail les locaux dont elle est propriétaire, offre à ses clients des prestations para-hôtelières lui permettant d'être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- les dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts n'exigent pas que les prestations qu'elles visent soient effectivement rendues, mais seulement que le loueur en meublé dispose des moyens nécessaires pour les assurer en cas de demande des clients, ce qui ressort également de l'instruction n° 3 A-2-03 du 30 avril 2003 ;
- les prestations de petit déjeuner peuvent être servies et ont d'ailleurs été servies pendant la période vérifiée ;
- les prestations de nettoyage étaient offertes aux clients qui le souhaitaient ;
- la prestation d'accueil de la clientèle était réalisée ;
- l'interprétation des dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts retenue par les premiers juges conduit à une méconnaissance du principe de sécurité juridique ;
- les rehaussements conduisent ses associés au bord de la ruine financière ;
- l'administration fiscale, en revenant sur sa position exprimée dans l'instruction n° 3-A-2-03 du 30 avril 2003, a méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;
- inclure les prestations hôtelières prévues par les dispositions du b du 4 de l'article 261 du code général des impôts dans le forfait d'hébergement constituerait un délit pénal au sens de l'article L. 122-1 du code de la consommation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 avril 2015, 15 juin 2015 et 12 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle relativement à la compatibilité des dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts avec l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la consommation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la SCI Les Amandiers des Jassines a donné en location à la SARL Immo Location Tourisme, suivant bail commercial du 17 juillet 2006, une propriété située à Lacoste (84) destinée à la location meublée ; que la SCI Les Amandiers des Jassines a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a, par proposition de rectification du 1er décembre 2009, remis en cause l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers perçus de la SARL Immo Location Tourisme au motif que cette dernière société ne réalisait pas des prestations para-hôtelières dans les conditions définies au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ; que la SCI Les Amandiers des Jassines relève appel du jugement du 22 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Les Amandiers des Jassines a soumis les loyers perçus de la SARL Immo Location tourisme à la taxe sur la valeur ajoutée en application du c) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ; qu'ainsi, son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée est subordonné à la réalisation, par la SARL Immo Location Tourisme, de prestations para-hôtelières dans les conditions définies au b) du 4° du même article sur la période en litige ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 135 de la directive du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes (...) / l) l'affermage et la location de biens immeubles. / 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper (...) " ; que ces dispositions imposent aux Etats membres de maintenir en dehors du champ de l'exonération prévue en ce qui concerne notamment les locations de logements meublés celles d'entre elles qui correspondent à des opérations d'hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières ; que les critères, fixés par les Etats membres, utiles à la distinction entre location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à disposition d'un tel logement dans des conditions l'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle " ; que les critères retenus par ces dispositions, liés à la présence de prestations additionnelles définies avec suffisamment de précision par la loi, sont pertinents pour établir une distinction entre ce qui relève de l'hébergement dans le secteur hôtelier et ce qui n'en relève pas, dans la mesure où l'hébergement hôtelier se caractérise précisément par la fourniture de telles prestations additionnelles ; qu'en outre, en exigeant que trois de ces prestations additionnelles soient fournies pour que la location soit regardée comme correspondant à un hébergement hôtelier, ces dispositions ne peuvent avoir pour effet d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés ou garnis assimilables à un hébergement hôtelier, dès lors que les entreprises du secteur hôtelier exercent toujours au moins trois de ces prestations ; qu'enfin, les critères retenus ne font pas l'objet d'une interprétation et d'une application restrictive, dès lors qu'il n'est pas exigé que les prestations additionnelles aient été matériellement effectuées, mais seulement que le loueur dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes de ses clients de fourniture de ces prestations ; qu'en conséquence, contrairement à ce que soutient la société requérante, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, les dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts sont compatibles avec les objectifs de l'article 135 de la directive du 26 novembre 2006 dès lors qu'elles garantissent que ne soient exonérés du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée que des assujettis dont l'activité ne remplit pas les fonctions essentielles des entreprises hôtelières ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la SCI Les Amandiers des Jassines soutient que la SARL Immo Location Tourisme dispose des moyens nécessaires pour assurer, dans des conditions similaires à celles proposées par des établissements hôteliers, l'ensemble des prestations prévues au b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts et notamment la réception de la clientèle, le nettoyage régulier des locaux et le petit déjeuner, la fourniture de linge de maison n'ayant quant à elle jamais été remise en cause par l'administration fiscale ;
6. Considérant, d'une part, que la SCI Les Amandiers des Jassines soutient que la SARL Immo Location Tourisme était en mesure de proposer le service du petit déjeuner dans des conditions comparables à celles proposées par des établissements hôteliers ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que pour toute la période vérifiée, seule une facture du 24 juin 2007 indique " 2 chambres d'hôtes avec petits déjeuners ", des viennoiseries ayant également été achetées le même jour ; que si une autre facture du 28 avril 2007 mentionne l'achat de produits nécessaires à la confection de petits déjeuners, l'administration fiscale a relevé l'absence de stocks de denrées périssables à l'actif des bilans souscrits au titre des exercices clos pendant la période vérifiée ; que si ces circonstances ne s'opposent pas, en elles-mêmes, à ce que la SARL Immo Location Tourisme soit en mesure de proposer la prestation de petit déjeuner, l'administration fiscale soutient également, sans être contestée, que les associés résidaient en Saône-et-Loire, à plus de quatre cents kilomètres du lieu d'hébergement et que la SARL Immo Location Tourisme ne disposait d'aucun salarié ou gestionnaire sur place ; qu'en outre, la société requérante ne conteste pas davantage que le site " Luberon Web " sur lequel le bien immobilier était offert à la location mentionne comme seule prestation accessoire, la fourniture du linge de maison et ne fait aucune mention de la possibilité de bénéficier d'une prestation de petit déjeuner ; que les contrats de locations ne font d'ailleurs pas mention de la fourniture possible de cette prestation alors que l'état descriptif de la maison joint à ces contrats mentionne au contraire que les locataires bénéficient d'une cuisine équipée comprenant notamment une cafetière, un mixeur et un presse agrume ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Immo Location Tourisme ait été en mesure de proposer une prestation de petit déjeuner à ses clients dans les mêmes conditions que celles offertes par le système hôtelier ;
7. Considérant, d'autre part, que pour apprécier si le nettoyage des locaux est assuré dans des conditions comparables à celles proposées par des établissements hôteliers, il convient seulement d'apprécier si le loueur en meublé dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes des clients ; qu'ainsi, la circonstance que seules cinq factures sur la période vérifiée fassent apparaître une prestation de nettoyage ne saurait établir que la SARL Immo Location Tourisme ne proposait pas un tel service dans des conditions comparables à celles proposées par des établissements hôteliers ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'absence de personnel sur place et la distance entre le lieu d'hébergement et le domicile des associés de la société rendaient impossible la fourniture de ménage à tout moment à la demande des locataires ; qu'aucun contrat de sous-traitance avec une entreprise locale pour le nettoyage des locaux n'a été produit ; que si la SCI Les Amandiers des Jassines se prévaut d'une attestation du responsable d'une entreprise de nettoyage, ce dernier indique que la SARL Immo Location Tourisme l'aurait contacté en mars 2007 pour réaliser des prestations de nettoyage à la demande pendant les seuls mois estivaux de juillet et d'août ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté que les contrats de location prévoient que les propriétaires peuvent réclamer, au locataire, à son départ, des frais de nettoyage qui résulteraient du manque d'entretien des locaux loués ; que, dans ces conditions, la SARL Immo Location Tourisme ne peut être regardée comme ayant mis à la disposition de sa clientèle des prestations de nettoyage régulières dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements du système hôtelier ;
8. Considérant, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la réalisation de la prestation d'accueil, que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a jugé que la SARL Immo Location Tourisme ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions du b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts et, en conséquence, que la SCI Les Amandiers des Jassines ne pouvait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable : " Il est interdit (...) de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit " ; que, contrairement à ce que soutient la SCI Les Amandiers des Jassines, la circonstance que la SARL Immo Location Tourisme serait en mesure de fournir trois des quatre prestations prévues au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts n'implique nullement, pour les clients, l'obligation de souscrire à ces prestations ; que, par suite, ces dispositions du code général des impôts n'impliquent pas qu'un prestataire de services hôteliers ou para-hôteliers se trouverait en situation de devoir commettre un " délit pénal " pour s'y conformer ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que la SCI Les Amandiers des Jassines ne peut utilement se prévaloir de la situation de grande précarité financière dans laquelle les rehaussements auraient conduit ses associés pour contester le bien-fondé de l'imposition litigieuse ; qu'il leur appartient seulement, s'ils s'y croient fondés, de se prévaloir de cette situation à l'appui d'une demande de remise gracieuse ;
11. Considérant, enfin, que la SCI Les Amandiers des Jassines n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des énonciations de l'instruction 3 A-2-03 du 30 avril 2003, qui ne contiennent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ; que la société n'est pas davantage fondée à soutenir qu'en remettant en cause, lors du contrôle, l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers perçus de la SARL Immo Location Tourisme, l'administration fiscale n'aurait pas respecté les énonciations de sa propre doctrine et aurait ainsi méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Amandiers des Jassines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Les Amandiers des Jassines est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Amandiers des Jassines et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C...B..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00226