CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 27/11/2017, 16BX01335, Inédit au recueil Lebon
- Date :
- 27-11-2017
- Size :
- 8 pages
- Section :
- Case law
- Number :
- 16BX01335
- Formation :
- 6ème chambre - formation à 3
Original text :
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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le ministre du travail, par une décision du 8 septembre 2014 a annulé la décision du 14 février 2014 de l'inspectrice du travail refusant d'accorder à la société Perguilhem l'autorisation de licencier M. A...pour motif disciplinaire et a accordé à la société Perguilhem l'autorisation de licenciement. M. A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision.
Par un jugement n° 1402242 du 1er mars 2016 le tribunal administratif de Pau a, à la demande de M.A..., annulé la décision du 8 septembre 2014 du ministre du travail.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 19 avril 2016 sous le n° 16BX01335, le ministre du travail demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Pau.
Il soutient que :
- en considérant que l'absence de transmission à M.A..., du rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, entachait la procédure d'irrégularité, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- si ce rapport constituait un document communicable au sens de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, il n'était pas soumis à une obligation de communication dans le cadre de la procédure contradictoire, sur le fondement de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000,dès lors qu'il ne constitue qu'un document préparatoire, le fait qu'il ait été communiqué aux parties le 16 septembre 2014, soit postérieurement à la décision attaquée du 8 septembre 2014, se trouvant à cet égard sans incidence ; le principe du contradictoire implique seulement que soient communiqués au salarié, les documents fournis par l'employeur dans le cadre de sa demande d'autorisation, ou de sa présentation d'un recours hiérarchique, et en l'espèce, ce principe a été respecté ;
- par ailleurs, contrairement à ce que M. A...soutient, ses observations formulées le 13 août 2014 ont bien été prises en compte comme en atteste le 4ème considérant de cette décision ;
- M.B..., directeur général adjoint du travail au ministère du travail, bénéficiait en vertu de l'article 7 de la décision du 24 mars 2014, du ministre du travail publiée au journal officiel le 28 mars 2014, d'une délégation de signature lui permettant de signer la décision du 8 septembre 2014 ;
- M. A...a interrompu ses livraisons de gaz le 6 novembre 2013 sans en avoir informé son employeur ni obtenu son accord ;
- s'il allègue que s'il a livré seulement trois clients sur cinq, c'est parce que des clients étaient absents, il n'apporte aucun élément de preuve à cet égard ;
- l'article III du contrat de M. A...indique qu'il s'engage à respecter les dispositions conventionnelles et légales applicables en matière de temps de travail et M. A...a par ailleurs bénéficié d'une formation continue en matière de transport routier de marchandises ;
- M. A...qui a déjà fait l'objet d'un avertissement le 29 avril 2011 a commis des fautes ayant porté préjudice à son employeur, la société Perguilhem, dès lors notamment que par un courriel du 7 novembre 2013, la société Total Gaz a indiqué à la société Perguilhem, qu'elle connaissait des problèmes avec M. A...et ne souhaitait plus travailler avec lui ;
- la demande d'autorisation de licenciement de M. A...n'a pas de lien avec les mandats détenus et ne repose sur aucune discrimination.
Par un mémoire en défense enregistré au greffe le 5 décembre 2016, M. A...représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête du ministre du travail et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision du ministre est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte, à défaut de justification de la délégation de signature qui aurait été accordée à M.B..., signataire de cette décision ;
- la communication des rapports de l'administration établis dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique n'est intervenue que le 16 septembre 2014, ce qui entache la procédure d'irrégularité, au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, comme l'a jugé le tribunal administratif dans le jugement en litige ;
- la décision autorisant son licenciement est entachée d'erreur d'appréciation, dès lorsqu'en ce qui concerne les griefs d'ordre disciplinaire qui lui ont été adressés, en premier lieu, pour ce qui est du caractère incomplet des livraisons le 6 novembre 2013, il s'explique par le fait que deux des cinq clients étaient absents ; par ailleurs pour ce qui est de l'abandon de poste qui lui est reproché les 7 et 8 novembre 2013,comme l'établit l'attestation d'activité, le véhicule qui lui était attribué, ne permettait pas d'effectuer des livraisons de gaz ;
- les faits qui lui sont reprochés ont pour origine son incompréhension des modalités de calcul du temps de travail ; il pensait en effet lorsqu'il a interrompu son activité avoir dépassé la limite journalière de 8 h du temps de travail, la limite réglementaire de 90 heures sur deux semaines consécutives et la durée maximale hebdomadaire de travail de 52 heures ;
- alors qu'il est de bonne foi, son licenciement est intervenu quelques jours après l'appel formé contre un jugement prud'homal dans un conflit l'opposant à son employeur ;
- son contrat de travail est insusceptible de fonder un licenciement disciplinaire ;
- le manuel du conducteur comporte des erreurs et des imprécisions quant au repos hebdomadaire et à la durée maximale en service ;
- la décision de licenciement se fonde sur des faits anciens, et notamment un avertissement du 29 avril 2011, qui ont par ailleurs été contestés ;
- il existe une différence de traitement entre salariés, dès lors que M. C...a fait l'objet seulement d'un avertissement.
Par un mémoire du 3 janvier 2017,la société Perguilhem représentée par Me E...demande à la cour , d'annuler le jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau, de rejeter la demande de M. A...et de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si le refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail était une décision créatrice de droits dont le retrait par le ministre du travail était soumise à une procédure contradictoire, cette procédure a été en l'espèce suivie, dès lors que M. A...a été à même de présenter des observations écrites, à la suite du recours hiérarchique formé par la société contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 février 2014, M. A...ayant présenté un mémoire de dix pages, le 13 août 2014 ;
- la circonstance que le rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, n'a été communiqué à M. A...que postérieurement à la décision attaquée du 8 septembre 2014 ne constitue pas une cause d'irrégularité de cette décision dès lors qu'aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de communication de ce rapport ;
- la décision du ministre du travail n'est pas entachée d'erreur d'appréciation quant au caractère fautif des faits qui sont reprochés à M.A..., dès lors que celui-ci a interrompu sa tournée le 6 novembre 2013 et s'est trouvé en situation d'abandon de poste les 7 et 8 novembre 2013 ;
- l'ignorance alléguée par M. A...des lois et règlements applicables en matière de durée du travail ne saurait justifier son comportement, M. A...ne pouvant prétendre se trouver être le seul des 300 chauffeurs à ignorer ses obligations, alors qu'il est dans l'entreprise depuis 2006 et a bénéficié, comme les autres chauffeurs, d'une formation par un centre de formation agréé et d'une information par le biais du manuel du conducteur et des affichages dans l'entreprise ;
- M. A...est d'une mauvaise foi manifeste, faisant un amalgame entre le temps de conduite et le temps de travail ;
- quand il a arrêté son travail le 6 novembre 2013, il n'avait pas épuisé son temps de travail dès lors qu'il n'avait conduit que 46 heures depuis le 28 octobre 2013 ; il a par ailleurs omis de prendre en compte le fait que le 1er novembre 2013 n'entrait pas dans les jours pour lesquels était comptabilisé un temps de travail ou de conduite ;
- M. A...a par ailleurs bénéficié des repos de compensation prévus par les textes ;
- si M. A...produit un jugement du tribunal de police du 19 avril 2013 relatif à des dépassements de la durée maximale de travail par la société Perguilhem, il n'est pas concerné par ces dépassements ;
- contrairement à ce que M. A...soutient, la demande d'autorisation de licenciement n'a aucun lien avec la procédure engagée et perdue par M. A...devant les prud'hommes et la cour d'appel de Bordeaux, qui l'ont débouté de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires ;
- M. A...se dit victime de discrimination, et invoque à cet égard un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 18 septembre 2014, mais contrairement à ce qu'il soutient, cet arrêt n'a pas affirmé qu'il aurait été sanctionné plusieurs fois pour les mêmes faits, ni qu'il serait victime d'un acharnement ;
- si M. A...fait valoir une méconnaissance d'un principe d'égalité entre salariés, dès lors qu'un autre salarié de la société, M. C...n'a fait l'objet que d'un avertissement le 2 janvier 2013 et non d'un licenciement, l'employeur dispose de la possibilité d'individualiser les sanctions disciplinaires, alors qu'en tout état de cause M. C...n'a pas été sanctionné pour avoir interrompu son travail et n'avait jamais fait l'objet, contrairement à M.A..., de sanctions disciplinaires précédemment.
II. Par une requête enregistrée, le 27 avril 2016 sous le n° 16BX01404 et un mémoire en réplique du 3 janvier 2017, la société Perguilhem représentée par Me E...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Pau ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'oppose M. A...dans son mémoire en défense, la requête d'appel de la société était bien accompagnée du jugement attaqué et dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. A...ne peut être que rejetée ;
- si le refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail était une décision créatrice de droits dont le retrait par le ministre du travail était soumise à une procédure contradictoire, cette procédure a été en l'espèce suivie, dès lors que M. A...a été à même de présenter des observations écrites, à la suite du recours hiérarchique formé par la société contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 février 2014, M. A...ayant présenté un mémoire de dix pages, le 13 août 2014 ;
- la circonstance que le rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, n'a été communiqué à M. A...que postérieurement à la décision attaquée du 8 septembre 2014 ne constitue pas une cause d'irrégularité de cette décision dès lors qu'aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de communication de ce rapport ;
- la décision du ministre du travail n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant au caractère fautif des faits qui sont reprochés à M.A..., dans la mesure où celui-ci a interrompu sa tournée le 6 novembre 2013 et s'est trouvé en situation d'abandon de poste les 7 et 8 novembre 2013 ;
- l'ignorance alléguée par M. A...des lois et règlements applicables en matière de durée du travail ne saurait justifier son comportement, M. A...ne pouvant prétendre se trouver être le seul des 300 chauffeurs à ignorer ses obligations, alors qu'il est dans l'entreprise depuis 2006 et a bénéficié, comme les autres chauffeurs, d'une formation par un centre de formation agréé et d'une information par le biais du manuel du conducteur et des affichages dans l'entreprise ;
- M. A...est d'une mauvaise foi manifeste, faisant un amalgame entre le temps de conduite et le temps de travail ;
- quand il a arrêté son travail le 6 novembre 2013, il n'avait pas épuisé son temps de travail dès lors qu'il n'avait conduit que 46 heures depuis le 28 octobre 2013 ; il a par ailleurs omis de prendre en compte le fait que le 1er novembre 2013 n'entrait pas dans les jours pour lesquels était comptabilisé un temps de travail ou de conduite ;
- M. A...a également bénéficié des repos de compensation prévus par les textes ;
- si M. A...produit un jugement du tribunal de police du 19 avril 2013 relatif à des dépassements de la durée maximale de travail par la société Perguilhem, il n'est pas concerné par ces dépassements ;
- contrairement à ce que M. A...soutient, la demande d'autorisation de licenciement n'a aucun lien avec la procédure engagée et perdue- par M. A...devant les prud'hommes et la cour d'appel de Bordeaux, qui l'ont débouté de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires ;
- si M. A...se dit victime de discrimination, il n'invoque à cet égard qu'un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 18 septembre 2014, lequel contrairement à ce qu'il soutient, n'a pas affirmé qu'il aurait été sanctionné plusieurs fois, ni qu'il serait victime d'un acharnement ;
- par ailleurs, si M. A...fait valoir une méconnaissance d'un principe d'égalité entre salariés, dès lors qu'un autre salarié, M. C...n'a fait l'objet que d'un avertissement le 2 janvier 2013 et non d'un licenciement, l'employeur dispose de la possibilité d'individualiser les sanctions disciplinaires, alors qu'en tout état de cause M.C..., n'a pas été sanctionné pour avoir interrompu son travail et n'avait jamais fait l'objet, contrairement à M.A..., de sanctions disciplinaires précédemment.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2016, M. A...représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de la société Perguilhem et à ce que soit mise à la charge de la société Perguilhem la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que :
- la requête d'appel de la société est irrecevable, faute d'être accompagnée du jugement attaqué contrairement à ce qu'impose l'article R 412-1 du code de justice administrative ;
- la décision du ministre est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la communication des rapports de l'administration établis dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique n'est intervenue que le 16 septembre 2014, ce qui entache la procédure d'irrégularité, au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, comme l'a jugé le tribunal administratif dans le jugement en litige ;
- la décision autorisant son licenciement est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu' en ce qui concerne les griefs d'ordre disciplinaire qui lui ont été adressés, en premier lieu, pour ce qui est du caractère incomplet des livraisons le 6 novembre 2013, il s'explique par le fait que trois des cinq clients étaient absents; par ailleurs pour ce qui est de l'abandon de poste qui lui est reproché, comme l'établit l'attestation d'activité, le véhicule qui lui était attribué, ne permettait pas d'effectuer des livraisons de gaz ;
- les faits qui lui sont reprochés ont pour origine son incompréhension des modalités de calcul du temps de travail ; qu'il pensait en effet lorsqu'il a interrompu son activité avoir dépassé la limite journalière de 8 h du temps de travail, la limite réglementaire de 90 heures sur deux semaines consécutives et la durée maximale hebdomadaire de travail de 52 heures ;
- alors qu'il est de bonne foi, son licenciement est intervenu quelques jours après l'appel formé contre un jugement prud'homal dans un conflit l'opposant à son employeur ;
- son contrat de travail est insusceptible de fonder un licenciement disciplinaire ;
- par ailleurs, le manuel du conducteur comporte des erreurs et des imprécisions quant au repos hebdomadaire et à la durée maximale en service ;
- la décision de licenciement se fonde sur des faits anciens, et notamment un avertissement du 29 avril 2011, qui ont par ailleurs été contestés ;
- il existe une différence de traitement entre les salariés de la société, dès lors que M. C..., pour des faits similaires à ceux qui lui sont reprochés, a fait l'objet seulement d'un avertissement.
Par un mémoire enregistré le 27 avril 2017, le ministre du travail conclut aux mêmes fins que la société Perguilhem, et donc à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau.
Il travail indique qu'il a fait appel du jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau, par une autre requête, enregistrée à la cour sous le n° 16BX1335.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...était salarié de la société Perguilhem (dont le siège est à Lacq), employé comme chauffeur de poids lourds et livreur, depuis le 2 octobre 2006. Il avait la qualité de salarié protégé du fait de ses mandats de délégué du personnel suppléant et de représentant du personnel suppléant au comité d'entreprise. Le ministre du travail, par une décision du 8 septembre 2014 a annulé la décision du 14 février 2014 de l'inspectrice du travail refusant d'accorder à la société Perguilhem l'autorisation de licencier pour faute M. A...et a accordé cette autorisation. Le ministre du travail et la société Perguilhem, par deux requêtes distinctes, relèvent appel du jugement du 1er mars 2016 par lequel, à la demande de M.A..., le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 8 septembre 2014 du ministre du travail.
2. Les requêtes 16BX01335 et 16BX01404 sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A...à la requête d'appel de la société Perguilhem :
Sur le bien-fondé du jugement et de la décision en litige :
3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision.
4. Ainsi, le ministre chargé du travail, lorsqu'il est saisi, par l'employeur ou par le salarié, dans les conditions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - soit selon le cas l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
5. Contrairement à ce que soutiennent le ministre du travail et la société Perguilhem dans leurs requêtes d'appel, le ministre était tenu, non seulement, en vertu de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, de mettre à même M.A..., comme il l'a fait par lettre du 30 juillet 2014, dans le cadre de la procédure contradictoire, de présenter ses observations, mais également de lui communiquer l'ensemble des éléments sur lesquels il entendait fonder sa décision.
6. Dans ces conditions, dès lors que la décision en litige du 8 septembre 2014, par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de licenciement, se fonde dans son considérant 4, sur la " contre enquête ", c'est-à-dire sur le rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, ce document, très complet et très documenté, devait être communiqué à M. A...dans le cadre de la procédure contradictoire mise en oeuvre sur le fondement de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Il est constant que ce document, n'a été communiqué à M.A... que postérieurement à la décision contestée, et ne lui a donc pas été communiqué de façon utile, pour lui permettre de présenter des observations avant l'intervention de la décision autorisant son licenciement.
7. Dans ces conditions, dès lors que les éléments contenus dans le rapport du directeur régional du travail, sont au nombre de ceux qui ont fondé la décision en litige du 8 septembre 2014, M. A...était fondé à soutenir, que son droit à présenter ses observations sur un recours hiérarchique revêtant le caractère d'une garantie, la décision par laquelle le ministre du travail avait autorisé son licenciement était entachée d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre du travail et la société Perguilhem, ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 1er mars 2016, par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 8 septembre 2014 du ministre du travail accordant à la société Perguilhem l'autorisation de licencier M.A....
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Perguilhem sur le fondement de ces dispositions. Par ailleurs dans les circonstances de l'espèce, l'Etat et la société Perguilhem verseront chacun à M. A...une somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes du ministre du Travail et de la société Perguilhem sont rejetées.
Article 2 : L'Etat et la société Perguilhem verseront chacun à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...A..., à la société Perguilhem et à la ministre du travail. Copie en sera transmise à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne à la ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 16BX01335, 16BX01404
Procédure contentieuse antérieure :
Le ministre du travail, par une décision du 8 septembre 2014 a annulé la décision du 14 février 2014 de l'inspectrice du travail refusant d'accorder à la société Perguilhem l'autorisation de licencier M. A...pour motif disciplinaire et a accordé à la société Perguilhem l'autorisation de licenciement. M. A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision.
Par un jugement n° 1402242 du 1er mars 2016 le tribunal administratif de Pau a, à la demande de M.A..., annulé la décision du 8 septembre 2014 du ministre du travail.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 19 avril 2016 sous le n° 16BX01335, le ministre du travail demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Pau.
Il soutient que :
- en considérant que l'absence de transmission à M.A..., du rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, entachait la procédure d'irrégularité, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- si ce rapport constituait un document communicable au sens de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, il n'était pas soumis à une obligation de communication dans le cadre de la procédure contradictoire, sur le fondement de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000,dès lors qu'il ne constitue qu'un document préparatoire, le fait qu'il ait été communiqué aux parties le 16 septembre 2014, soit postérieurement à la décision attaquée du 8 septembre 2014, se trouvant à cet égard sans incidence ; le principe du contradictoire implique seulement que soient communiqués au salarié, les documents fournis par l'employeur dans le cadre de sa demande d'autorisation, ou de sa présentation d'un recours hiérarchique, et en l'espèce, ce principe a été respecté ;
- par ailleurs, contrairement à ce que M. A...soutient, ses observations formulées le 13 août 2014 ont bien été prises en compte comme en atteste le 4ème considérant de cette décision ;
- M.B..., directeur général adjoint du travail au ministère du travail, bénéficiait en vertu de l'article 7 de la décision du 24 mars 2014, du ministre du travail publiée au journal officiel le 28 mars 2014, d'une délégation de signature lui permettant de signer la décision du 8 septembre 2014 ;
- M. A...a interrompu ses livraisons de gaz le 6 novembre 2013 sans en avoir informé son employeur ni obtenu son accord ;
- s'il allègue que s'il a livré seulement trois clients sur cinq, c'est parce que des clients étaient absents, il n'apporte aucun élément de preuve à cet égard ;
- l'article III du contrat de M. A...indique qu'il s'engage à respecter les dispositions conventionnelles et légales applicables en matière de temps de travail et M. A...a par ailleurs bénéficié d'une formation continue en matière de transport routier de marchandises ;
- M. A...qui a déjà fait l'objet d'un avertissement le 29 avril 2011 a commis des fautes ayant porté préjudice à son employeur, la société Perguilhem, dès lors notamment que par un courriel du 7 novembre 2013, la société Total Gaz a indiqué à la société Perguilhem, qu'elle connaissait des problèmes avec M. A...et ne souhaitait plus travailler avec lui ;
- la demande d'autorisation de licenciement de M. A...n'a pas de lien avec les mandats détenus et ne repose sur aucune discrimination.
Par un mémoire en défense enregistré au greffe le 5 décembre 2016, M. A...représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête du ministre du travail et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision du ministre est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte, à défaut de justification de la délégation de signature qui aurait été accordée à M.B..., signataire de cette décision ;
- la communication des rapports de l'administration établis dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique n'est intervenue que le 16 septembre 2014, ce qui entache la procédure d'irrégularité, au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, comme l'a jugé le tribunal administratif dans le jugement en litige ;
- la décision autorisant son licenciement est entachée d'erreur d'appréciation, dès lorsqu'en ce qui concerne les griefs d'ordre disciplinaire qui lui ont été adressés, en premier lieu, pour ce qui est du caractère incomplet des livraisons le 6 novembre 2013, il s'explique par le fait que deux des cinq clients étaient absents ; par ailleurs pour ce qui est de l'abandon de poste qui lui est reproché les 7 et 8 novembre 2013,comme l'établit l'attestation d'activité, le véhicule qui lui était attribué, ne permettait pas d'effectuer des livraisons de gaz ;
- les faits qui lui sont reprochés ont pour origine son incompréhension des modalités de calcul du temps de travail ; il pensait en effet lorsqu'il a interrompu son activité avoir dépassé la limite journalière de 8 h du temps de travail, la limite réglementaire de 90 heures sur deux semaines consécutives et la durée maximale hebdomadaire de travail de 52 heures ;
- alors qu'il est de bonne foi, son licenciement est intervenu quelques jours après l'appel formé contre un jugement prud'homal dans un conflit l'opposant à son employeur ;
- son contrat de travail est insusceptible de fonder un licenciement disciplinaire ;
- le manuel du conducteur comporte des erreurs et des imprécisions quant au repos hebdomadaire et à la durée maximale en service ;
- la décision de licenciement se fonde sur des faits anciens, et notamment un avertissement du 29 avril 2011, qui ont par ailleurs été contestés ;
- il existe une différence de traitement entre salariés, dès lors que M. C...a fait l'objet seulement d'un avertissement.
Par un mémoire du 3 janvier 2017,la société Perguilhem représentée par Me E...demande à la cour , d'annuler le jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau, de rejeter la demande de M. A...et de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si le refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail était une décision créatrice de droits dont le retrait par le ministre du travail était soumise à une procédure contradictoire, cette procédure a été en l'espèce suivie, dès lors que M. A...a été à même de présenter des observations écrites, à la suite du recours hiérarchique formé par la société contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 février 2014, M. A...ayant présenté un mémoire de dix pages, le 13 août 2014 ;
- la circonstance que le rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, n'a été communiqué à M. A...que postérieurement à la décision attaquée du 8 septembre 2014 ne constitue pas une cause d'irrégularité de cette décision dès lors qu'aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de communication de ce rapport ;
- la décision du ministre du travail n'est pas entachée d'erreur d'appréciation quant au caractère fautif des faits qui sont reprochés à M.A..., dès lors que celui-ci a interrompu sa tournée le 6 novembre 2013 et s'est trouvé en situation d'abandon de poste les 7 et 8 novembre 2013 ;
- l'ignorance alléguée par M. A...des lois et règlements applicables en matière de durée du travail ne saurait justifier son comportement, M. A...ne pouvant prétendre se trouver être le seul des 300 chauffeurs à ignorer ses obligations, alors qu'il est dans l'entreprise depuis 2006 et a bénéficié, comme les autres chauffeurs, d'une formation par un centre de formation agréé et d'une information par le biais du manuel du conducteur et des affichages dans l'entreprise ;
- M. A...est d'une mauvaise foi manifeste, faisant un amalgame entre le temps de conduite et le temps de travail ;
- quand il a arrêté son travail le 6 novembre 2013, il n'avait pas épuisé son temps de travail dès lors qu'il n'avait conduit que 46 heures depuis le 28 octobre 2013 ; il a par ailleurs omis de prendre en compte le fait que le 1er novembre 2013 n'entrait pas dans les jours pour lesquels était comptabilisé un temps de travail ou de conduite ;
- M. A...a par ailleurs bénéficié des repos de compensation prévus par les textes ;
- si M. A...produit un jugement du tribunal de police du 19 avril 2013 relatif à des dépassements de la durée maximale de travail par la société Perguilhem, il n'est pas concerné par ces dépassements ;
- contrairement à ce que M. A...soutient, la demande d'autorisation de licenciement n'a aucun lien avec la procédure engagée et perdue par M. A...devant les prud'hommes et la cour d'appel de Bordeaux, qui l'ont débouté de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires ;
- M. A...se dit victime de discrimination, et invoque à cet égard un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 18 septembre 2014, mais contrairement à ce qu'il soutient, cet arrêt n'a pas affirmé qu'il aurait été sanctionné plusieurs fois pour les mêmes faits, ni qu'il serait victime d'un acharnement ;
- si M. A...fait valoir une méconnaissance d'un principe d'égalité entre salariés, dès lors qu'un autre salarié de la société, M. C...n'a fait l'objet que d'un avertissement le 2 janvier 2013 et non d'un licenciement, l'employeur dispose de la possibilité d'individualiser les sanctions disciplinaires, alors qu'en tout état de cause M. C...n'a pas été sanctionné pour avoir interrompu son travail et n'avait jamais fait l'objet, contrairement à M.A..., de sanctions disciplinaires précédemment.
II. Par une requête enregistrée, le 27 avril 2016 sous le n° 16BX01404 et un mémoire en réplique du 3 janvier 2017, la société Perguilhem représentée par Me E...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Pau ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'oppose M. A...dans son mémoire en défense, la requête d'appel de la société était bien accompagnée du jugement attaqué et dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. A...ne peut être que rejetée ;
- si le refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail était une décision créatrice de droits dont le retrait par le ministre du travail était soumise à une procédure contradictoire, cette procédure a été en l'espèce suivie, dès lors que M. A...a été à même de présenter des observations écrites, à la suite du recours hiérarchique formé par la société contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 février 2014, M. A...ayant présenté un mémoire de dix pages, le 13 août 2014 ;
- la circonstance que le rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, n'a été communiqué à M. A...que postérieurement à la décision attaquée du 8 septembre 2014 ne constitue pas une cause d'irrégularité de cette décision dès lors qu'aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de communication de ce rapport ;
- la décision du ministre du travail n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant au caractère fautif des faits qui sont reprochés à M.A..., dans la mesure où celui-ci a interrompu sa tournée le 6 novembre 2013 et s'est trouvé en situation d'abandon de poste les 7 et 8 novembre 2013 ;
- l'ignorance alléguée par M. A...des lois et règlements applicables en matière de durée du travail ne saurait justifier son comportement, M. A...ne pouvant prétendre se trouver être le seul des 300 chauffeurs à ignorer ses obligations, alors qu'il est dans l'entreprise depuis 2006 et a bénéficié, comme les autres chauffeurs, d'une formation par un centre de formation agréé et d'une information par le biais du manuel du conducteur et des affichages dans l'entreprise ;
- M. A...est d'une mauvaise foi manifeste, faisant un amalgame entre le temps de conduite et le temps de travail ;
- quand il a arrêté son travail le 6 novembre 2013, il n'avait pas épuisé son temps de travail dès lors qu'il n'avait conduit que 46 heures depuis le 28 octobre 2013 ; il a par ailleurs omis de prendre en compte le fait que le 1er novembre 2013 n'entrait pas dans les jours pour lesquels était comptabilisé un temps de travail ou de conduite ;
- M. A...a également bénéficié des repos de compensation prévus par les textes ;
- si M. A...produit un jugement du tribunal de police du 19 avril 2013 relatif à des dépassements de la durée maximale de travail par la société Perguilhem, il n'est pas concerné par ces dépassements ;
- contrairement à ce que M. A...soutient, la demande d'autorisation de licenciement n'a aucun lien avec la procédure engagée et perdue- par M. A...devant les prud'hommes et la cour d'appel de Bordeaux, qui l'ont débouté de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires ;
- si M. A...se dit victime de discrimination, il n'invoque à cet égard qu'un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 18 septembre 2014, lequel contrairement à ce qu'il soutient, n'a pas affirmé qu'il aurait été sanctionné plusieurs fois, ni qu'il serait victime d'un acharnement ;
- par ailleurs, si M. A...fait valoir une méconnaissance d'un principe d'égalité entre salariés, dès lors qu'un autre salarié, M. C...n'a fait l'objet que d'un avertissement le 2 janvier 2013 et non d'un licenciement, l'employeur dispose de la possibilité d'individualiser les sanctions disciplinaires, alors qu'en tout état de cause M.C..., n'a pas été sanctionné pour avoir interrompu son travail et n'avait jamais fait l'objet, contrairement à M.A..., de sanctions disciplinaires précédemment.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2016, M. A...représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de la société Perguilhem et à ce que soit mise à la charge de la société Perguilhem la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que :
- la requête d'appel de la société est irrecevable, faute d'être accompagnée du jugement attaqué contrairement à ce qu'impose l'article R 412-1 du code de justice administrative ;
- la décision du ministre est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la communication des rapports de l'administration établis dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique n'est intervenue que le 16 septembre 2014, ce qui entache la procédure d'irrégularité, au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, comme l'a jugé le tribunal administratif dans le jugement en litige ;
- la décision autorisant son licenciement est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu' en ce qui concerne les griefs d'ordre disciplinaire qui lui ont été adressés, en premier lieu, pour ce qui est du caractère incomplet des livraisons le 6 novembre 2013, il s'explique par le fait que trois des cinq clients étaient absents; par ailleurs pour ce qui est de l'abandon de poste qui lui est reproché, comme l'établit l'attestation d'activité, le véhicule qui lui était attribué, ne permettait pas d'effectuer des livraisons de gaz ;
- les faits qui lui sont reprochés ont pour origine son incompréhension des modalités de calcul du temps de travail ; qu'il pensait en effet lorsqu'il a interrompu son activité avoir dépassé la limite journalière de 8 h du temps de travail, la limite réglementaire de 90 heures sur deux semaines consécutives et la durée maximale hebdomadaire de travail de 52 heures ;
- alors qu'il est de bonne foi, son licenciement est intervenu quelques jours après l'appel formé contre un jugement prud'homal dans un conflit l'opposant à son employeur ;
- son contrat de travail est insusceptible de fonder un licenciement disciplinaire ;
- par ailleurs, le manuel du conducteur comporte des erreurs et des imprécisions quant au repos hebdomadaire et à la durée maximale en service ;
- la décision de licenciement se fonde sur des faits anciens, et notamment un avertissement du 29 avril 2011, qui ont par ailleurs été contestés ;
- il existe une différence de traitement entre les salariés de la société, dès lors que M. C..., pour des faits similaires à ceux qui lui sont reprochés, a fait l'objet seulement d'un avertissement.
Par un mémoire enregistré le 27 avril 2017, le ministre du travail conclut aux mêmes fins que la société Perguilhem, et donc à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau.
Il travail indique qu'il a fait appel du jugement du 1er mars 2016 du tribunal administratif de Pau, par une autre requête, enregistrée à la cour sous le n° 16BX1335.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...était salarié de la société Perguilhem (dont le siège est à Lacq), employé comme chauffeur de poids lourds et livreur, depuis le 2 octobre 2006. Il avait la qualité de salarié protégé du fait de ses mandats de délégué du personnel suppléant et de représentant du personnel suppléant au comité d'entreprise. Le ministre du travail, par une décision du 8 septembre 2014 a annulé la décision du 14 février 2014 de l'inspectrice du travail refusant d'accorder à la société Perguilhem l'autorisation de licencier pour faute M. A...et a accordé cette autorisation. Le ministre du travail et la société Perguilhem, par deux requêtes distinctes, relèvent appel du jugement du 1er mars 2016 par lequel, à la demande de M.A..., le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 8 septembre 2014 du ministre du travail.
2. Les requêtes 16BX01335 et 16BX01404 sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A...à la requête d'appel de la société Perguilhem :
Sur le bien-fondé du jugement et de la décision en litige :
3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision.
4. Ainsi, le ministre chargé du travail, lorsqu'il est saisi, par l'employeur ou par le salarié, dans les conditions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - soit selon le cas l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
5. Contrairement à ce que soutiennent le ministre du travail et la société Perguilhem dans leurs requêtes d'appel, le ministre était tenu, non seulement, en vertu de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, de mettre à même M.A..., comme il l'a fait par lettre du 30 juillet 2014, dans le cadre de la procédure contradictoire, de présenter ses observations, mais également de lui communiquer l'ensemble des éléments sur lesquels il entendait fonder sa décision.
6. Dans ces conditions, dès lors que la décision en litige du 8 septembre 2014, par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de licenciement, se fonde dans son considérant 4, sur la " contre enquête ", c'est-à-dire sur le rapport établi à l'attention du ministre par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Aquitaine, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, ce document, très complet et très documenté, devait être communiqué à M. A...dans le cadre de la procédure contradictoire mise en oeuvre sur le fondement de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Il est constant que ce document, n'a été communiqué à M.A... que postérieurement à la décision contestée, et ne lui a donc pas été communiqué de façon utile, pour lui permettre de présenter des observations avant l'intervention de la décision autorisant son licenciement.
7. Dans ces conditions, dès lors que les éléments contenus dans le rapport du directeur régional du travail, sont au nombre de ceux qui ont fondé la décision en litige du 8 septembre 2014, M. A...était fondé à soutenir, que son droit à présenter ses observations sur un recours hiérarchique revêtant le caractère d'une garantie, la décision par laquelle le ministre du travail avait autorisé son licenciement était entachée d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre du travail et la société Perguilhem, ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 1er mars 2016, par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 8 septembre 2014 du ministre du travail accordant à la société Perguilhem l'autorisation de licencier M.A....
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Perguilhem sur le fondement de ces dispositions. Par ailleurs dans les circonstances de l'espèce, l'Etat et la société Perguilhem verseront chacun à M. A...une somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes du ministre du Travail et de la société Perguilhem sont rejetées.
Article 2 : L'Etat et la société Perguilhem verseront chacun à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...A..., à la société Perguilhem et à la ministre du travail. Copie en sera transmise à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne à la ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 16BX01335, 16BX01404