CAA de BORDEAUX, 1ère chambre - formation à 3, 01/03/2018, 15BX04054, Inédit au recueil Lebon

Date :
01-03-2018
Size :
4 pages
Section :
Case law
Number :
15BX04054
Formation :
1ère chambre - formation à 3

Original text :

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Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des musulmans de Montpon-Ménestérol a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le maire de Montpon-Ménestérol a refusé de lui délivrer un permis de construire un lieu de culte sur un terrain situé au lieu-dit " Le grand charretier ".
Par un jugement n° 1401624 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Montpon-Ménestérol de réexaminer la demande de permis de construire y afférente dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 décembre 2015, le 4 avril 2016 et le 7 juillet 2016, la commune de Montpon-Ménestérol, prise en la personne de son maire, représentée par la SELARL Vesunna avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 20 octobre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol ;
3°) de mettre à la charge de l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le refus de permis de construire ne se fonde pas sur des considérations afférentes au risque incendie mais uniquement sur la sécurité des usagers de la voie publique eu égard à l'emplacement de l'accès au site ;
- si la limitation de vitesse est de 50 kilomètres/heure, il est fréquent que des riverains ne respectent pas cette limite. Il y a ainsi eu de nombreux accrochages. Si l'association soutient que le " véhicule arrivant " est à 33 mètres de l'accès au site, la distance de freinage, à une vitesse de 90 kilomètres/heure, est de 54 mètres. En outre si l'association suggère la réalisation de ralentisseurs, la commune ne dispose pas des moyens techniques et financiers nécessaires. C'est d'ailleurs au pétitionnaire qu'il incombe de présenter un projet conforme et de prévoir les mesures nécessaires pour en assurer la sécurité ;
- le risque pour la sécurité des usagers de la voie publique ne se fonde pas uniquement sur le comportement de certains automobilistes mais aussi sur le manque de visibilité. Contrairement à ce qui est indiqué dans le constat d'huissier, au niveau de l'accès au site les rues adjacentes à gauche et à droite ne sont pas visibles ;
- le risque est établi par le complément d'informations émanant de la direction départementale de l'équipement, selon lequel il est préconisé une visibilité de 40 à 50 mètres pour une vitesse d'approche de 50 kilomètres/heure alors qu'en l'espèce la visibilité est de 33 mètres ;
- en outre au regard de la fréquentation attendue, le nombre de places de stationnement prévu est insuffisant. Les véhicules ne pouvant stationner sur ces places devront stationner le long de la voie publique, or le plan local d'urbanisme interdit la réalisation d'aires de stationnement sur les voies publiques.
- si elle a accordé un permis de construire à un autre projet, ce n'est que parce que l'accès avait été déplacé, afin précisément d'assurer la sécurité ;
- l'association envisage la possibilité de construire le lieu de culte sur un autre terrain. Une modification du plan local d'urbanisme est engagée pour permettre la construction du lieu de culte sur ce terrain.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 janvier 2016 et le 23 mai 2016, l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- en appel, la commune confirme ce qu'elle avait indiqué devant le tribunal administratif en rappelant que le motif tiré de la sécurité incendie était abandonné ;
- s'agissant de la sécurité de l'accès au terrain d'assiette, ce dernier est situé dans une zone où la vitesse est limitée à 50 kilomètres/heure. Il ressort du constat d'huissier que la visibilité est à gauche d'au moins 100 mètres et à droite claire et totale. La sortie de virage étant située à 33 mètres de l'accès au terrain d'assiette et la distance de freinage à une vitesse de 50 kilomètres/heure étant de 25 mètres, la sécurité est assurée. De plus, les véhicules sont visibles avant même la sortie du virage. Selon l'avis de la direction départementale de l'équipement, l'accès offre une visibilité de 40 mètres à gauche et de plus ou moins 80 mètres à droite, ce qui est suffisant à une vitesse de 50 kilomètres/heure ;
- la commune avait déjà délivré un certificat d'urbanisme positif pour le terrain d'assiette ;
- le terrain voisin du terrain d'assiette a obtenu un permis de construire sans que ne soit opposé un risque pour la sécurité au niveau de l'accès. Si par ailleurs, le mur de clôture de cette propriété est gênant pour la visibilité, il appartenait au maire, en vertu de l'article L. 114-1 du code de la voirie routière d'interdire, lors de la délivrance du permis de construire, l'édification d'un mur de clôture ;
- la preuve des excès de vitesse allégués n'est nullement rapportée alors que ces derniers ne sont mêmes pas évoqués dans la motivation du refus de permis de construire. En tout état de cause, il incombe au maire de veiller au respect des limites de vitesse, et il peut envisager des aménagements tels que ralentisseurs ou miroirs ;
- s'agissant du nombre de places de stationnement, le règlement de la zone UB ne définit pas de règles de calcul du nombre de places, de sorte que rien ne peut être reproché à ce titre.
Par ordonnance du 12 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2016 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Montpon-Ménestérol a, par un arrêté du 24 février 2014, refusé de délivrer un permis de construire à l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol pour l'édification d'un lieu de culte sur un terrain situé au lieu-dit " Le Grand Charretier ". Il a retenu que le projet porte atteinte à la sécurité publique en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison, d'une part, de ce que la défense incendie ne pouvait être assurée et, d'autre part, que l'accès au terrain est très proche d'une courbe de la voie communale, ce qui ne permet pas d'avoir la visibilité nécessaire pour assurer la sécurité des usagers de la voie publique. Par un jugement du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a, à la demande de l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol, annulé ce refus de permis de construire aux motifs que le risque afférent à la sécurité incendie était expressément abandonné par la commune et que le risque pour les usagers de la voie publique n'était pas établi. La commune de Montpon-Ménestérol relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
3. D'une part, en appel, la commune de Montpon-Ménestérol confirme expressément l'abandon du motif lié à la sécurité incendie.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de la direction départementale des territoires de la Dordogne, qu'une visite sur place a permis de constater que l'accès à la construction débouchant sur la voie communale est positionné en sortie de courbe et offre une visibilité de 40 mètres à gauche et plus ou moins 80 mètres à droite. Il est par ailleurs constant que la vitesse est limitée dans ce secteur à 50 kilomètres/heure. Ce même service précise qu'en termes de sécurité routière, il est préconisé une distance de 45 à 50 mètres pour une vitesse d'approche de 50 kilomètres/heure. Par ailleurs, si la commune de Montpon-Ménestérol soutient que des riverains dépassent cette limitation de vitesse, cette allégation, au demeurant non établie, ne peut être prise en compte pour établir l'existence d'un risque. En outre, si la commune soutient que ce virage serait accidentogène, elle ne produit aucune pièce au soutien de cette allégation. Dans ces conditions, et alors même que la visibilité est réduite du fait de la présence d'un mur de clôture sur la parcelle voisine, le risque pour la sécurité routière, qui n'est d'ailleurs pas expressément retenu par la direction départementale des territoires, n'est pas établi.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. Aux termes de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Montpon-Ménestérol : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins engendrés par les occupations et utilisations admises dans la zone (...) doit être assuré en dehors des voies publiques ".
7. La commune de Montpon-Ménestérol sollicite à titre subsidiaire une substitution de motif en soutenant que le nombre de places de stationnement prévu par le projet est insuffisant en méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme. Contrairement à ce que soutient l'association, la circonstance que n'ait pas été prévu spécifiquement un nombre de places pour l'usage de lieu de culte ne dispense pas de rechercher l'adéquation entre le nombre de personnes fréquentant le lieu et le nombre de stationnements. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice de sécurité PC 40, que le lieu de culte projeté permettrait d'accueillir 127 personnes. Or le projet ne prévoit que la réalisation de seize places de stationnement, ce qui ne correspond manifestement pas aux besoins engendrés par le projet. Dès lors, le stationnement des véhicules utilisés pour se rendre au lieu de culte ne pourrait être intégralement assuré en dehors des voies publiques. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le maire de Montpon-Ménestérol aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif, laquelle n'a pas pour effet de priver l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol d'une garantie procédurale.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montpon-Ménestérol est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 février 2014 du maire de Montpon-Ménestérol.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Montpon-Ménestérol présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401624 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 20 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Montpon-Ménestérol présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montpon-Ménestérol et à l'association des musulmans de Montpon-Ménestérol.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 15BX04054