Loi de financement de la sécurité sociale pour 2003
- Date :
- 12-12-2002
- Size :
- 43 pages
- Section :
- Legislation
- Source :
- 2002-463
- Result :
- Non conformité partielle
Original text :
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 3 décembre 2002 et par un mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 2002, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, M. Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Jean DELOBEL, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS, Albert FACON, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Armand JUNG, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Michel LEFAIT, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Patrick LEMASLE, Bruno LE ROUX, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Louis-Joseph MANSCOUR, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Christophe PAYET, Germinal PEIRO, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE et Guy LENGAGNE, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution,
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 7 et 10 décembre 2002 ;
Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 11 décembre 2002 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;1. Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ; qu'ils contestent plus particulièrement, en tout ou partie, ses articles 2, 7, 13, 20, 21, 23, 31, 42, 43, 49, 50, 51, 56 et 59 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DÉFÉRÉE :
En ce qui concerne la sincérité des prévisions de recettes figurant aux articles 20 et 21 :
2. Considérant qu'en application du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 20 de la loi déférée établit, pour 2003, par catégorie, les prévisions de recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ; que l'article 21 fixe les prévisions révisées des mêmes recettes pour 2002 ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que, "présentant des prévisions irréalistes", ces articles méconnaîtraient l'exigence de sincérité ; qu'en particulier, leurs prévisions reposeraient sur des hypothèses de croissance économique surestimées, faute de prendre en compte les évolutions constatées au cours des trois premiers trimestres de l'année 2002 ; qu'ils invoquent à cet égard la révision en baisse des recettes fiscales de l'Etat de l'année 2002 par le projet de loi de finances rectificative déposé au Parlement, ainsi que la diminution des mêmes recettes résultant d'un amendement à la loi de finances pour 2003 actuellement en cours de discussion ; qu'ils font en outre référence à l'engagement pris par le Gouvernement de déposer un projet de loi de financement rectificative "au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la commission des comptes de printemps montreraient un décalage significatif avec les objectifs fixés" ;
4. Considérant qu'il ressort des éléments soumis au Conseil constitutionnel, comme des travaux parlementaires relatifs aux lois de finances en cours de discussion au Parlement, que les ajustements de recettes fiscales ci-dessus mentionnés, au demeurant d'ampleur limitée, résultent d'évolutions propres à certains impôts d'Etat, sans que les hypothèses économiques générales fondant les prévisions soient remises en cause ni pour 2002, ni pour 2003 ; qu'il n'apparaît pas, au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet dont est issue la loi déférée, comme lors de son adoption, et compte tenu des aléas inhérents aux prévisions de recettes figurant aux articles 20 et 21, que ces prévisions soient entachées d'une erreur manifeste ;
5. Considérant que l'engagement pris par le Gouvernement de déposer au cours de l'année 2003, si nécessaire, un projet de loi de financement rectificative est conforme à l'exigence de sincérité et aux dispositions du II de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne la sincérité des objectifs de dépenses d'assurance maladie fixés par les articles 49, 50 et 51 :
6. Considérant qu'en application du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 49 fixe à 123,5 milliards d'euros, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2003 ; que l'article 51 révise cet objectif pour 2002 en le portant à 116,7 milliards d'euros ; que l'article 50 est relatif à l'objectif propre à la branche maladie, maternité, invalidité et décès, qu'il fixe à 136,35 milliards d'euros ;
7. Considérant qu'il est allégué que les objectifs ainsi déterminés pour les dépenses d'assurance maladie seraient manifestement sous-estimés ; qu'en particulier, l'objectif national pour 2003 mentionné à l'article 49 ne pourrait qu'être dépassé "au regard des causes structurelles de la croissance des dépenses de santé" ; que la loi déférée ne comporterait aucune mesure de maîtrise de ces dépenses justifiant l'infléchissement sensible de sa progression par rapport à l'objectif révisé pour 2002 ;
8. Considérant que les objectifs dont la sincérité est contestée ont été déterminés en tenant compte des dépenses réelles observées en 2001 et au début de l'année 2002 ; que, pour prévoir la progression de ces dépenses sur l'ensemble de l'année 2002 et en 2003, ont été pris en considération à la fois l'effet différé de mesures acquises, celui des dispositions de la présente loi, ainsi que l'incidence d'engagements déjà souscrits ; qu'il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que ces estimations seraient entachées d'erreur manifeste ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi déférée doivent être rejetés ;
- SUR L'ARTICLE 13 :
10. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code de la sécurité sociale les articles L. 245-13 à L. 245-13-6 en vue d'instituer, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, une "cotisation sur les bières fortes" due à raison de la livraison aux consommateurs de bières d'une teneur en alcool supérieure à 8,5 degrés ; que le montant de cette cotisation est fixé à 200 euros par hectolitre ;
11. Considérant que les requérants reprochent à cette mesure de porter atteinte au principe d'égalité ;
12. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
13. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires que la cotisation créée par la loi déférée tend, comme le précise expressément le nouvel article L. 245-13 du code de la sécurité sociale, à limiter la consommation des bières à haute teneur en alcool "en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé", en particulier celle des jeunes ; qu'au regard de l'objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
SUR L'ARTICLE 43 :
14. Considérant que l'article 43 de la loi déférée a pour principal objet de modifier les conditions de remboursement des dépenses exposées par les assurés sociaux pour l'achat de médicaments figurant dans un "groupe générique" au sens des dispositions du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
15. Considérant que le I de l'article 43 modifie l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale en vue de limiter au prix de la spécialité générique la plus chère du même groupe la prise en charge de telles dépenses par l'assurance maladie, tant lorsqu'un médicament appartenant à ce groupe a été délivré à l'assuré conformément à une prescription libellée en dénomination commune que lorsque le pharmacien a remplacé la spécialité prescrite par une autre spécialité du même groupe dans le cadre du pouvoir de substitution qu'il tient de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique ;
16. Considérant que les dispositions nouvelles du 3° du I de l'article 43 permettent que la base de remboursement des médicaments appartenant à un même groupe générique soit limitée à un "tarif forfaitaire de responsabilité" arrêté par les ministres de la santé et de la sécurité sociale après avis du Comité économique des produits de santé institué par l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale ; que, selon les requérants, ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité et méconnaîtraient les exigences constitutionnelles relatives à la santé ;
17. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
18. Considérant que le tarif forfaitaire de responsabilité instauré par l'article 43 de la loi déférée a pour objet de limiter les dépenses de l'assurance maladie et concourt par suite à préserver l'équilibre financier de la sécurité sociale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ;
19. Considérant que ce tarif conduira à rembourser de façon uniforme les patients atteints de la même affection auxquels est prescrit un médicament d'un groupe générique déterminé ; qu'ainsi, les dispositions en cause, qui n'ont pas directement pour effet de créer des différences entre assurés sociaux, ne sont pas contraires, par elles-mêmes, au principe d'égalité ;
20. Considérant, toutefois, qu'en laissant à la charge du patient la partie du prix du médicament délivré excédant le tarif forfaitaire de responsabilité, les dispositions critiquées conduiront à faire varier la fraction remboursée du prix d'un médicament selon le coût de celui qui aura effectivement été délivré au sein d'un groupe générique déterminé ; que, de ce fait, l'institution du tarif forfaitaire de responsabilité peut créer, de manière indirecte, des différences entre assurés sociaux selon que ceux-ci auront ou non été en mesure de se faire prescrire ou délivrer un médicament générique ;
21. Considérant qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de prévoir les modalités d'une information précise de l'ensemble des assurés sociaux quant aux principes généraux du nouveau système de remboursement des médicaments et quant à la possibilité de se faire prescrire ou délivrer un médicament dont le prix soit égal à la base de remboursement ou le plus voisin de celle-ci ; qu'il revient en outre aux autorités administratives compétentes d'accompagner la mise en oeuvre du nouveau système de remboursement par des actions de formation des professionnels de santé à l'usage des spécialités génériques, de contribuer à l'élaboration de "bonnes pratiques" en ce qui concerne la prescription de médicaments génériques par les médecins, ainsi que d'encourager l'exercice par les pharmaciens du pouvoir de substitution qu'ils détiennent en vertu de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique ;
22. Considérant, enfin, qu'il appartiendra aux auteurs de l'arrêté prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi déférée, de fixer le tarif forfaitaire de responsabilité de telle sorte que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel la Nation "garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé" ;
23. Considérant que, sous ces réserves, les dispositions de l'article 43 de la loi déférée ne sont pas contraires à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 59:
24. Considérant que l'article 59 a pour objet de porter de 30 % à 60 % la part des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales au titre des majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants ;
25. Considérant que, dans leur mémoire complémentaire, les requérants soutiennent que cette disposition ne serait conforme ni à l'exigence d'une politique de solidarité envers les familles résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, ni au principe de l'autonomie des branches découlant du 3° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; qu'ils reprochent en outre à cet article de rompre l'égalité entre les familles au détriment de celles qui ont des enfants à charge et au bénéfice de celles qui en ont eu ;
26. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de 1946 : "La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" ; que, selon son onzième alinéa : "Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence" ;
27. Considérant que l'existence de branches de la sécurité sociale est reconnue par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, si l'autonomie financière des branches ne constitue pas, par elle-même, un principe de valeur constitutionnelle, le législateur ne saurait décider des transferts de ressources et de charges entre branches tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions ;
28. Considérant, d'une part, que les majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants s'analysent comme un avantage familial différé qui vise à compenser, au moment de la retraite, les conséquences financières des charges de famille ; que le transfert de charges critiqué ne méconnaît donc pas, par lui-même, le principe d'autonomie de la branche famille ;
29. Considérant, d'autre part, qu'eu égard au montant du transfert de charges critiqué, qui ne représente qu'un faible pourcentage de l'ensemble des dépenses de la branche famille prévues au titre de l'objectif fixé par l'article 60, l'article 59 ne remet pas en cause les exigences constitutionnelles qui s'attachent, en vertu du Préambule de la Constitution de 1946, à l'exercice des missions de cette branche et ne porte pas non plus atteinte à l'égalité entre familles selon qu'elles élèvent des enfants ou qu'elles l'ont fait dans le passé ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre l'article 59 doivent être écartés ;
- SUR LA PRÉSENCE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE :
31. Considérant que les députés auteurs de la saisine font grief aux dispositions des articles 2, 7, 31, 42 et 56, ainsi que du II de l'article 23, d'être étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
32. Considérant qu'aux termes du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution : "Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; que le premier alinéa de l'article 47-1 dispose : "Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique" ;
33. Considérant qu'aux termes du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1996 susvisée, qui constitue la loi organique prévue par les articles 34 et 47-1 de la Constitution :
"Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :
"1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
"2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;
"3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
"4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
"5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources" ;
34. Considérant que le III du même article dispose en son premier alinéa : "Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale" ;
En ce qui concerne l'article 2 :
35. Considérant que l'article 2 de la loi déférée complète l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en créant une délégation parlementaire dénommée "Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé" ; qu'en vertu des termes mêmes de l'article contesté, cette nouvelle délégation a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique "afin de contribuer au suivi des lois de financement de la sécurité sociale" ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 2 ne sont pas étrangères au domaine ouvert aux lois de financement de la sécurité sociale par le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne les articles 7 et 31 :
36. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi déférée : "Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie" ; qu'en vertu du premier alinéa de son article 31 : "Lorsqu'il agrée ou approuve les accords, conventions, annexes et avenants mentionnés aux articles L. 162-1-13, L. 162-14-1 et L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale adresse aux commissions compétentes du Parlement un rapport sur la cohérence de ces accords, conventions, annexes et avenants avec l'objectif prévu au 4° du I de l'article L.O. 111-3 dudit code" ;
37. Considérant, en premier lieu, que les rapports dont il s'agit ne doivent être ni annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni nécessairement déposés en même temps que lui ; qu'ainsi, les articles 7 et 31 ne méconnaissent pas les prescriptions du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution qui réservent à la loi organique le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le Parlement vote la loi de financement de la sécurité sociale ;
38. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'objet même de ces rapports que les dispositions critiquées tendent à améliorer le contrôle par le Parlement de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'elles trouvent dès lors leur place dans la loi déférée en vertu du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il n'en est pas de même, en revanche, du second alinéa de l'article 31 aux termes duquel : "Copie de ce rapport est adressée au conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés" ; que cet alinéa doit être déclaré contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 23 :
39. Considérant que le I de l'article 23 de la loi déférée complète les missions du Fonds pour la modernisation des établissements de santé en le chargeant de financer des audits de la gestion et de l'organisation de l'ensemble des activités des établissements de santé ; qu'il prévoit que des recommandations de gestion hospitalière seront élaborées à partir des résultats des audits et diffusées auprès de ces établissements ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu améliorer la gestion et l'organisation des hôpitaux ; que les effets attendus de ces audits seront de nature à influer de façon significative sur l'équilibre général de l'assurance maladie ; qu'ainsi, le I de l'article 23 n'est pas étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale tel qu'il est fixé par le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
40. Considérant qu'en excluant du droit à communication institué par la loi du 17 juillet 1978 susvisée les rapports d'audit mentionnés ci-dessus, le II de l'article 23 tend à assurer la confidentialité et, par suite, la sincérité et la qualité de ces rapports ; qu'il est donc inséparable du I ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il ne trouve pas sa place dans la loi déférée ;
En ce qui concerne l'article 42 :
41. Considérant que l'article 42 de la loi de financement a pour objet de reporter du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2006 l'échéance avant laquelle doivent être conclues les "conventions tripartites" prévues à l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles et dont seulement un dixième environ a été signé à ce jour ; qu'il aura pour effet d'étaler sur trois années supplémentaires la progression des charges incombant à l'assurance maladie en raison de la médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes ; que, par son impact sur l'équilibre du financement de l'assurance maladie en 2003, il entre dans le champ de compétence de la loi de financement de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne l'article 56 :
42. Considérant que l'article 56 comporte trois séries de dispositions relatives à la branche "accidents du travail et maladies professionnelles" du régime général de la sécurité sociale ; que chacune de ces trois séries de dispositions est séparable des deux autres ;
43. Considérant que les IV, V et VI de l'article 56 tendent à doter cette branche d'une "convention d'objectifs et de gestion" ; que, par leur objet et leurs effets attendus, ces dispositions sont de nature à affecter de façon significative l'équilibre financier du régime général ;
44. Considérant que le VII du même article institue, pour la branche, un conseil de surveillance dont le président et plusieurs membres sont des parlementaires en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il concourt ainsi à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;
45. Considérant, en revanche, que le II du même article prévoit que les membres de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, choisis jusqu'alors par les membres du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, seront désormais directement désignés par les organisations professionnelles et syndicales représentatives ; que ces dispositions, ainsi que celles du I et du III qui en sont indissociables, n'ont pour effet ni d'affecter directement l'équilibre financier du régime général, ni d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles ne peuvent figurer dans une telle loi et doivent être déclarées non conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 28, 30 et 32 :
46. Considérant que l'article 28 de la loi déférée permet aux praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale à l'hôpital de percevoir leurs honoraires "directement" et non plus seulement "par l'intermédiaire de l'administration de l'hôpital" ; que l'article 30 substitue, au chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, l'appellation "contrats de pratique professionnelle" à celle de "contrats de bonne pratique" ; que l'article 32 change la dénomination du service du contrôle médical de l'assurance maladie et redéfinit ses missions sans en modifier la substance ;
47. Considérant qu'aucune de ces dispositions n'affecte de manière significative l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ; qu'aucune d'entre elles n'améliore non plus le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles doivent être déclarées non conformes à la Constitution comme étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
48. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,Décide :
Article premier :
Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 28, 30 et 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ainsi que le second alinéa de son article 31 et les I, II et III de son article 56.
Article 2 :
L'article 43 de la même loi est déclaré conforme à la Constitution sous les réserves énoncées aux considérants 21 et 22.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
# SAISINES:
I. Sur l'article 13
Pour tenter de sauver cet article, le gouvernement prétend, d'une part, que le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas atteint, et d'autre part, que les produits dont il s'agit présentent un danger particulier au motif qu'ils sont consommés fréquemment par certaines personnes en même temps que des drogues.
L'argumentation est pour le moins stupéfiante.
D'abord, le gouvernement se méprend sur la portée de l'argumentation des saisissants. La rupture d'égalité dont il est question ne se réalise pas entre les consommateurs mais entre les différentes produits dès lors que la consommation immodérée de toute bière, à l'instar de toute boisson alcoolique, a les mêmes effets néfastes sur la santé.
Le gouvernement feint, en réalité, de ne pas voir que la violation du principe d'égalité se double ici d'une méconnaissance du droit à la protection de la santé. En l'absence de critères objectifs et rationnels, l'article critiqué, menaçant l'intérêt général invoqué comme but de la loi, ne pourra échapper à la censure.
Il importe, à cet instant, de rappeler que le but expressément prévu par l'article critiqué est bien de taxer plus lourdement un produit au motif que sa consommation immodérée est dangereuse pour la santé. Or, il est acquis que la consommation sans modération de toute boisson alcoolique est dangereuse pour la santé, soit directement soit par ses effets induits sur le comportement de l'individu. Du point de vue de la santé publique, la politique a consisté, depuis plusieurs années, à lutter contre la consommation excessive de boissons alcooliques sans chercher à établir des distinctions entre elles. Il s'agit, en particulier, d'éviter de donner le signe public que telle ou telle boisson serait plus ou moins dangereuse, au risque sinon de légitimer certaines consommations massives.
Il convient de noter, à cet égard, que dans l'article L. 3321-1 du code de la santé publique les bières appartiennent toutes au 2° groupe, sans que des distinction soient établies entre elles.
Plus encore, l'article L. 3323-2 dudit code limite strictement la publicité de l'ensemble des boissons alcooliques et n'opère pas davantage une telle différenciation ; pour la simple et bonne raison, dont le troisième alinéa de l'article L. 3323-4 suivant renvoi l'écho précis, que l'abus de tout alcool est dangereux pour la santé.
Le plus grave est, qu'au cas présent, l'article en cause, au prétendu objectif de santé publique, risque de menacer toute une politique construite depuis de longues années. La distinction critiquée laisse, en effet, entendre que certains produits sont intrinsèquement moins dangereux que d'autres. Le risque est celui d'un glissement vers d'autres bières ou d'autres boissons alcooliques qui seront consommées tout aussi abusivement avec les mêmes effets dangereux pour la santé. On préfère imaginer, à cet instant, que ce glissement n'est pas souhaité par certains. Quand le législateur de 1990 veut lutter contre le fléau de l'alcoolisme, il prend soin d'adopter une démarche globale dans l'espoir que le message sanitaire sera clair : tout consommation immodérée de toute boisson alcoolique est dangereuse pour la santé. Rompre cette logique serait désastreux du point de vue de la santé publique.
Cet article s'inscrit, en réalité, à la suite de la litanie des amendements dits " buvettes ", et nul ne peut ignorer que son lien avec les préoccupations de santé publique est artificiel. L'historique de cette disposition, illustré par les travaux parlementaires et certains amendements venus l'enrichir avant de disparaître, en témoigne malheureusement.
Ensuite, il est frappant de constater que le gouvernement a tenté de faire disparaître l'article en cause. Au cours de la lecture devant le Sénat, monsieur le ministre de la Santé a longuement argumenté pour démontrer que l'article méconnaissait le droit communautaire, et constituait une mesure discriminatoire (Sénat, Séance du 19 novembre 2002). Il a d'ailleurs été suivi par la Haute Assemblée qui avait supprimé l'article.
Certes, les arguments tirés du droit communautaire sont ici sans pertinence. Il demeure que si le gouvernement n'a pas souhaité, pour des raisons politiques, utiliser l'argument constitutionnel, sa critique se fonde également sur l'existence d'une distinction de nature discriminatoire.
Le principe d'égalité tel que dégagé par votre jurisprudence sera tout aussi efficace pour invalider un article dont l'effet pervers aboutira, au surplus, à méconnaître le droit à la protection de la santé.
Enfin, on voudra pour dernière preuve de la faiblesse de l'argumentation du gouvernement, l'assertion selon laquelle cette taxation supplémentaire serait justifiée dès lors que la consommation de ces produits s'accompagne de l'usage de produits stupéfiants.
L'allusion est commode. Elle est choquante.
Du point de vue constitutionnel, on peine cependant à en comprendre la portée. Dès lors que le dispositif querellé vise l'usage immodéré des bières de plus de 8,5 % vol., il n'apparaît pas que les stupéfiants soient visés. Le gouvernement n'ayant pas fait connaître, à ce jour, son projet de taxer lesdits produits, même indirectement, on s'étonne du lien ainsi établi.
On s'interroge aussi sur les sources épidémiologiques à l'origine du dire.
Il est certain que l'article critiqué a établi une distinction sans critères objectifs et rationnel au regard du but énoncé : la consommation immodérée d'alcool. Bien au contraire, traiter un tel fléau avec une mesure pleine d'arrières pensées ne peut que conduire à des effets opposés à la protection de la santé.
La censure ne pourra qu'intervenir.
II. Sur l'article 43
Cet article qui se trouve au coeur du dispositif de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 fait l'objet d'une défense paradoxale de la part du gouvernement. Dans ses observations, il ne prétend pas que le mécanisme ainsi institué va fonctionner de manière objective et rationnelle, mais qu'il " repose sur des hypothèses vraisemblables de comportement des professionnels de santé " (page 8 des observations du gouvernement).
Il s'ensuit que le gouvernement admet, implicitement mais nécessairement, le caractère aléatoire de la mise en oeuvre du dispositif critiqué. Au regard des exigences du principe d'égalité, surtout lorsqu'il se rattache au droit à la protection sociale, une telle incertitude ne peut être admise.
Afin d'éviter tout malentendu sur la portée du grief, les auteurs de la saisine rappellent qu'ils sont favorables, pour d'évidentes raisons, au développement des médicaments génériques, sujet auquel ils ont fortement contribué, et à une authentique responsabilisation de tous les acteurs du système de santé. Il faut, cependant, que le dispositif choisi soit suffisamment précis et encadré pour garantir l'égalité devant la protection sociale.
La décision citée par le gouvernement mérite, à cet égard, tout l'intérêt. Saisi de la loi créant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées, vous avez considéré que " pour assurer le respect de ces principes, il incombe au législateur de prévenir par des dispositions appropriées la survenance de ruptures caractérisées d'égalité dans l'attribution de la prestation spécifique dépendance, allocation d'aide sociale qui répond à l'exigence de solidarité nationale " (Décision n° 96-387 DC du 21 janvier 1997, considérant 11).
En l'espèce, il ressort des propres observations du gouvernement que le dispositif critiqué n'est entouré d'aucune des garanties nécessaires pour éviter la survenance de ruptures caractérisées du principe d'égalité. Car, on croit comprendre à la lecture de la décision précitée que les dispositions appropriées doivent relever d'un encadrement législatif ou réglementaire permettant de pallier, par avance et au titre de mécanismes objectifs et rationnels, les risques de traitements divergents des assurés sociaux.
Or, dans le cas présent, les seules garanties que le gouvernement veut bien concéder appartiennent à la catégorie des " hypothèses vraisemblables ".
Dans la fable du prescripteur, du pharmacien et du patient, il est donc supposé que le médecin n'aura pas de raisons particulières pour délivrer un médicament princeps plutôt qu'un générique, que le pharmacien ne verra pas d'intérêt commercial à délivrer à son client fidèle une spécialité, et que tout patient aura une connaissance acquise suffisante de l'économie du système de santé.
Dans la réalité, ces hypothèses semblent ignorer que le colloque singulier se nouant entre le médecin et son patient échappe parfois à la rationalité pure. Face, par exemple, à une personne âgée habituée depuis plusieurs années à prendre les mêmes médicaments dont la présentation leur est familière et dont la couleur est aisément repérable parmi plusieurs pilules, le médecin, au titre d'un souci compréhensible, préfèrera maintenir la prescription selon les modes habituels.
Dans la réalité, le pharmacien, outre l'hypothèse précédente qu'il peut aussi rencontrer, pourra, par exemple, se trouver en situation de rupture de stock du médicament générique substituable à la spécialité princeps prescrite. Le cas n'est pas rare et d'autant plus gênant lorsqu'il s'agit d'une officine située en zone rurale. Dans cette dernière hypothèse, l'éloignement géographique de l'officine du domicile de certains patients et la rotation des stocks rendent la situation plus que possible.
Dans la réalité, le travail d'éducation à la santé n'est pas encore achevé, et il n'est pas certain que tout le monde soit à égalité face à la connaissance de l'univers des génériques. Quand le gouvernement annonce dans ses observations en réponse que des campagnes seront organisées, sans en préciser leur date, il reconnaît, à juste titre, que la connaissance du sujet par les citoyens n'est pas encore suffisamment acquise.
On le voit, les hypothèses vraisemblables évoquées par le gouvernement montrent que le mécanisme critiqué ne prévoit pas les règles objectives et rationnelles qui assureront une égalité de tous devant le droit à la protection sociale. L'encadrement effectif du dispositif pour empêcher les ruptures caractérisées d'égalité n'existant pas, ou, à tout le moins, se révélant insuffisant, il s'ensuit que les exigences constitutionnelles sont méconnues.
III. Sur le paragraphe II de l'article 23
Le paragraphe II de l'article 23 qui modifie l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 entrerait dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale au motif, selon le gouvernement, que la non communicabilité des rapports d'audit des établissements de santé, comme c'est déjà le cas pour les documents préalables aux rapports d'accréditation, assurerait la confiance et la coopération desdits établissements. Cette confiance des établissements de santé contribuerait, croit-on comprendre, directement à l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
Un tel raisonnement ne pourra prospérer tant le paragraphe II de l'article 23 est dépourvu de lien avec les lois de financement de la sécurité sociale.
D'une part, si l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 exclu déjà certains documents du droit d'accès aux documents administratifs, c'est parce qu'il s'agit de documents préalables, et que cette exclusion est classique pour les documents préparatoires. En l'occurrence, il s'agit des rapports d'audit et leur portée n'est pas la même. Le rapport d'accréditation est d'ailleurs communicable.
D'autre part, et surtout, il est difficile de voir en quoi l'impossibilité d'accès des citoyens à ces documents affecterait la confiance des établissements de santé, et en quoi cela pourrait avoir un effet direct sur l'équilibre financier des régimes de bases obligatoires. L'audit dont s'agit est une obligation pour les établissements de santé. La confiance et la coopération ne pourront qu'être mieux servis par la transparence.
Ce paragraphe II de l'article 23 est donc totalement indifférent à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
Enfin, et pour toutes ces raisons, il est certain que le paragraphe II de l'article 23 est séparable du paragraphe I de l'article, dès lors qu'il n'en fixe pas les principes et que la mise en oeuvre du dispositif de contrôle des établissements de santé ne dépend en rien de cet ajout.
La séparabilité du paragraphe II par rapport à l'ensemble de l'article est donc incontestable et sa censure acquise.
IV. Sur l'article 56 et particulièrement son paragraphe II
Le gouvernement explique longuement que cette disposition a pour objet de doter la branche accidents du travail et maladies professionnelles d'une convention d'objectifs et de gestion et d'en confier le suivi à un conseil de surveillance, contribuant ainsi directement à l'équilibre financier des régimes de base obligatoires et facilitant le contrôle du Parlement. Mais le gouvernement n'aborde qu'indirectement la question de la composition de ce conseil de surveillance. Mesurant cependant la fragilité constitutionnelle du mécanisme, il tente, implicitement, de le sauver de la censure en insistant sur le caractère inséparable des dispositions de l'article critiqué (cf. page 16 des observations en réponse).
Or, on ne peut sérieusement soutenir que ce nouveau mode de désignation des membres du conseil de surveillance, soit donc directement par les organisations syndicales et patronales représentatives et non plus en lien avec le Conseil d'administration de la CNAMTS, affecte directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou le contrôle du Parlement à cet égard.
Le fond de ce paragraphe II de l'article 56 a été clairement, et sans fausse pudeur, explicité par MM. les rapporteurs des Commissions parlementaires compétentes. Cette partie là de l'article 56 est donc singulièrement indifférente au regard d'une politique de convention d'objectifs et de gestion pluriannuelle.
C'est pourquoi, ensuite, il est certain que ce paragraphe II est séparable du reste de l'article. Ainsi que le permet l'article L. 227-2 actuel du code de la sécurité sociale, le Conseil d'administration pourrait jouer un rôle utile à l'égard des conventions d'objectif et de gestion et l'institution de ce conseil de surveillance n'est en rien indispensable à la mise en oeuvre du mécanisme.
L'invalidation est certaine.
Par ces motifs, et tous autres à déduire, suppléer ou ajouter même d'office, les auteurs de la saisine persiste de plus fort dans leurs demandes.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du Conseil Constitutionnel, à l'expression de notre considération la plus haute.
I. Sur l'article 1 bis
Il a été créé par cet article (article 2 de la " petite loi ") une délégation parlementaire dénommée Office Parlementaire d'évaluation des politiques de santé dont la mission est d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique, afin d'éclairer ses décisions.
Au-delà de l'aspect toujours intéressant des initiatives tendant à affirmer la nécessité d'informer au mieux la représentation nationale sur les sujets relevant de sa compétence, il apparaît que cet Office enlève aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat l'une de leurs missions et non des moindres.
Par ailleurs, il reste que la création de ce nouvel Office est étrangère au champ des lois de financement de la sécurité sociale. Sont ainsi méconnus les articles 34 et 47-1 de la Constitution, et ensemble l'article L.O. 111-3 III du code de la sécurité sociale.
Nul ne conteste, en effet, que cette nouvelle délégation n'a qu'un lien distant avec l'amélioration du contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale au sens de la loi organique définissant leur champ d'application.
On ne saurait mieux dire, à cet égard, que le rapporteur de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Monsieur Alain Vasselle, indiquant au titre d'un raisonnement implacable : " Aussi, pour ne pas encourir la censure du Conseil Constitutionnel, les auteurs de l'amendement ont-ils dû insister sur la mission de contrôle de l'application des lois de financement qui serait dévolue à l'Office " (voir Sénat, Rapport n° 58, page 16 et 17), prenant soin de souligner, en outre, que " la nature du nouvel Office apparaît dès lors ambiguë et il peut être fait grief au dispositif de confondre non pas tant l'évaluation et le contrôle, notion souvent proche dans la pratique, que plus précisément l'évaluation prospective des choix et le contrôle de l'application d'une politique " (Rapport précité).
Concluant ces développements en faisant valoir qu'il " n'est pas douteux que le choix de débattre de cette question à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas un élément de clarification " (ibid.), monsieur le rapporteur indiquait que la Commission proposait la suppression de cet article.
Le Sénat a suivi sa commission et supprimé l'article. Pourtant, la Commission mixte paritaire a fait le choix inverse de rétablir cette disposition nonobstant le vice d'inconstitutionnalité l'entachant et connu de tous.
Toutefois, l'article, tel que rétabli par la Commission mixte paritaire, ne comprend plus la précaution rédactionnelle prise par l'Assemblée Nationale en première lecture, mais qui ne trompait personne, constituée par la mention : " notamment dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale ". Dès lors, l'article en cause ne peut même plus se revendiquer d'un rattachement rédactionnel, même fictif, à l'amélioration du contrôle des lois de financement de la sécurité sociale par le Parlement. De façon, pour le moins paradoxale, la Commission mixte paritaire a donc opté pour rétablir une rédaction, sachant qu'elle serait contraire à la Constitution.
La version finalement retenue de l'article critiqué met en pleine lumière constitutionnelle sa nature étrangère aux articles 34, 47-1 C et L.O. 111-3 III du code de la sécurité sociale.
Cette rédaction définitive ne pourra échapper à la censure.
II. Sur l'article 41
Cet article (article 59 de la " petite loi ") prévoit que la part de prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales (ci-après : CNAF) des dépenses mentionnées au 5° de l'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale est égale à une fraction fixée à 60 % pour l'année 2003. Il s'agit donc de porter à 60 % le pourcentage des majorations de pension pour enfants remboursées par la CNAF au FSV, soit le franchissement d'une étape supplémentaire par rapport au plan de marche annoncé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il en résulte que pour l'année 2003, la branche famille va devoir assumer, à ce titre, un financement supplémentaire de 945 millions d'euros, soit un transfert total de 1,89 milliards d'euros.
Une telle disposition ne peut échapper à la censure dès lors qu'elle méconnaît, d'une part, les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, et d'autre part, le principe d'égalité entre les familles.
En premier lieu, il est acquis que l'article critiqué méconnaît les 10ème et 11ème alinéa du Préambule de 1946 aux termes desquels, " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ", et " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".
Certes, vous avez eu l'occasion de juger que la prise en charge ainsi organisée n'était pas, en soi, contraire à la Constitution (Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, considérants 21 à 28, Rec. page 190). Vous avez cependant, dès l'année suivante, précisé que si l'existence des branches de la sécurité sociale est reconnue par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale et si l'autonomie financière des branches ne constitue pas, par elle-même, un principe de valeur constitutionnelle, le législateur ne saurait, toutefois, décider de transferts de ressources et de charges entre branches tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions (Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérants 61 à 65).
Autrement dit, il importe que le législateur ne décide pas de transferts d'une ampleur telle que serait compromise la réalisation des objectifs des branches, entraînant dès lors une atteinte aux 10ème et 11ème alinéa du Préambule de 1946 (cf. sur ce point et de façon très explicite, le commentaire de la décision du 18 décembre 2001 paru dans Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 12).
Au cas présent, il est peu de dire que l'ampleur du transfert ainsi décidé est manifestement excessif et ne pourra que menacer l'équilibre de gestion des branches concernées, et, partant de là, l'accomplissement de leur mission. Le législateur n'aura donc pas tenu compte des limites constitutionnelles que la jurisprudence la plus récente avait ainsi énoncée.
La Commission des Affaires Sociales du Sénat avait pris soin, à cet égard, de pointer la difficulté majeure qui résulterait de l'entrée en vigueur de cette disposition. Dans son rapport sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, monsieur le rapporteur relève qu'aujourd'hui, " la branche famille prend donc en charge le financement d'une partie de la majoration de pension pour enfants, prestation relevant initialement de l'assurance vieillesse puis prise en charge, au titre de la solidarité, par la FSV.
Mais, a contrario, pour des raisons anecdotiques liées à la nécessité de bouclages financiers conjoncturels, l'allocation de parent isolé (API), prestation familiale historique, est inscrite au budget général.
Enfin, le FSV est mis à contribution pour apurer la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de retraite, mission tout à fait étrangère à sa raison d'être et à sa place au sein des lois de financement qui ne traitent que des régimes de base.
En résumé, au terme de trois ans de manipulation des flux financiers, l'Etat finance une prestation familiale, la CNAF finance une prestation de solidarité vieillesse et le FSV prend en charge la dette de l'Etat.
Aussi, votre commission a-t-elle jugé urgent de permettre un retour au bon sens dans la détermination des missions de chacun. " (Rapport, n° 58, pages 165 et 166).
Proposant une modification substantielle de l'article, le rapporteur notait que ce faisant, " la branche famille serait ainsi garantie contre une nouvelle progression de sa contribution au titre des majorations de pension pour enfants, progression au demeurant irréaliste d'un point de vue financier et fragile d'un point de vue constitutionnel. " (ibid.).
Indépendamment des appréciations politiques portées sur les politiques publiques conduites dans les années précédentes, il s'avère que la Commission des affaires sociales du Sénat a clairement souligné que l'article 41 aboutissait, eu égard à l'ampleur du transfert opéré et venant s'ajouter à d'autres, à mettre manifestement en cause la poursuite des missions des branches. On passera, à cet instant, sur le grief que l'on pourrait relever à propos de l'intelligibilité de la loi, y compris pour ses destinataires principaux. On retiendra, en revanche, que le rejet de l'amendement substantiel proposé par le Sénat confirme, a fortiori, la méconnaissance des exigences constitutionnelles portées par le Préambule de 1946, affectant en conséquence la disposition querellée d'un vice rédhibitoire.
Vice d'autant plus certain qu'il est doublé d'une violation patente du principe d'égalité.
En second lieu, il s'avère que la fragilité constitutionnelle du dispositif soulignée par la Commission des affaires sociales du Sénat résulte également d'une méconnaissance manifeste des limites posées par votre jurisprudence.
Ainsi, à propos de l'article 60 de la loi de financement pour 2002 qui faisait passer la prise en charge de 15 à 30 %, vous avez jugé " qu'eu égard au montant limité du transfert de charges critiqué, l'article 60 ne porte pas atteinte à l'égalité entre les familles selon qu'elles élèvent ou qu'elles l'ont fait dans le passé... " (Décision du 18 décembre 2001, précitée, considérant 65).
Un commentateur particulièrement autorisé pouvait alors relever que le Conseil avait, dans ces conditions, implicitement admis le caractère opérant du grief, avant d'ajouter : " mais, en l'espèce (passage de 15 % à 30 % de la prise en charge), le seuil n'est pas dépassé " (voir Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 12, commentaire de la décision du 18 décembre 2001).
Au cas présent, force est de constater que le seuil a été largement dépassé, passant de 30 % à 60 %. C'est, à l'évidence, le sens de l'analyse du Sénat, et, pour tout dire, le bon sens. Il est certain que l'article critiqué a franchi la limite constitutionnellement établie au titre du principe d'égalité et que la jurisprudence avait pris soin d'évoquer pour tenter de pallier à tout excès futur.
L'excès étant cependant arrivé, le temps de la censure est venu.
Par ces motifs et tous autres à déduire ou ajouter, même d'office, les auteurs de la saisine persistent de plus fort dans leurs demandes.I / Sur l'article 2
A/ L'article 2 de la loi déférée prévoit la création d'une délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. Composé de douze députés et douze sénateurs, l'office a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique.
Selon les parlementaires requérants, la création de l'office priverait les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat de l'une de leurs missions et serait étrangère au domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale.
B/ Cette argumentation n'est pas fondée.
En premier lieu, la critique selon laquelle la création de l'office priverait les commissions permanentes des assemblées de certaines de leurs missions ne résiste pas à l'examen. L'article 2 de la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet de substituer une nouvelle délégation parlementaire aux six commissions permanentes mentionnées à l'article 43 de la Constitution, qui demeurent exclusivement compétentes pour ce qui touche à la procédure législative elle-même. Il se borne à ajouter à la liste des délégations parlementaires déjà instituées, résultant notamment de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 plusieurs fois modifiée, un office destiné à éclairer les assemblées sur les conséquences des choix de santé publique.
En second lieu, s'ils ne sont à l'évidence pas réservés aux lois de financement de la sécurité sociale, ces choix de politique de santé publique s'effectuent notamment dans ce cadre.
D'une part, en effet, les lois de financement de la sécurité sociale ont pour objet, ainsi que le prévoit le 1° du I de l'article L.O 111-3 du code de la sécurité sociale, d'approuver les orientations de la politique de santé. Ces orientations sont contenues dans le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale conformément à l'article L.O. 111-4 du même code.
D'autre part, les lois de financement de la sécurité sociale concourent directement ou indirectement à la mise en oeuvre des politiques de santé, par l'effet des dispositions qu'elles comportent et qui s'appliquent à la branche maladie ou qui sont relatives à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), que ce soit, par exemple, dans le domaine du médicament, de l'accès aux soins - en ville et dans le secteur hospitalier -, de la prévention ou de la thérapeutique. Peu des mesures prises par le législateur dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale, en raison de leur incidence directe sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base et qui affectent l'assurance maladie, sont dépourvues de portée sanitaire. Le caractère annuel et le contenu des lois de financement de la sécurité sociale en font un instrument privilégié de mise en oeuvre des politiques de santé.
Il est donc légitime que le Parlement décide de se doter d'un instrument lui permettant d'apprécier la validité des décisions et objectifs pris dans le domaine de la santé dans le cadre, en particulier, des LFSS. Ces politiques se prêtant extrêmement difficilement à un contrôle, stricto sensu, de leur application, c'est par le biais de l'évaluation que le Parlement peut satisfaire à la mission qui lui est dévolu par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
L'ensemble des informations qui seront ainsi fournies lui permettront L'Office parlementaire créé par les dispositions de l'article 2 constituera pour le Parlement un outil lui permettant de contrôler par lui-même les conséquences, sur le plan sanitaire, des choix opérés dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi ces dispositions permettront-elles, conformément aux dispositions du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, d'améliorer, sous cet aspect, le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
II/ Sur l'article 59
A/ L'article 59 fixe à 60 %, pour l'année 2003, la part prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales des dépenses mentionnées au 5° de l'article L.223-1 du code de la sécurité sociale. Il s'agit des dépenses supportées par le Fonds de solidarité vieillesse au titre des majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants, prévues au a) du 3° et au 6° de l'article L.135-2 du même code.
L'article L.223-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, prévoit le versement par la Caisse nationale d'allocations familiales au Fonds de solidarité vieillesse d'un montant égal aux dépenses de celui-ci au titre de ces majorations de pension. L'article 59 de la loi déférée a pour effet de limiter à 60 % de ce montant la part effectivement prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales en 2003. Cette part, tout en restant inférieure à celle qui découlerait de la pleine application des seules dispositions de l'article L.223-1 du code de la sécurité sociale, sera ainsi supérieure à celle qu'ont prévue, à hauteur de 15 % pour 2001 et 30 % pour 2002, respectivement, le III de l'article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 puis l'article 60 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Les auteurs du recours soutiennent qu'en portant à 60 % la part du coût des majorations de pension accordées en raison du nombre d'enfants prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales, le législateur aurait méconnu les termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lesquels la Nation " assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " et " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ". Ils font valoir à cet égard que, par son ampleur, le transfert de charges opéré menacerait " l'équilibre de gestion des branches concernées ". Ils soutiennent également que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
1) Le Conseil constitutionnel a, par ses décisions n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 et n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, jugé que le principe de la prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales du coût des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants n'était pas contraire à la Constitution.
Il a, en particulier, été relevé que les majorations de pensions pour enfants devaient s'analyser comme " un avantage familial différé qui vise à compenser, au moment de la retraite, les conséquences financières des charges de famille ", ce qui a conduit le Conseil à écarter le grief tiré d'une atteinte à l'autonomie des branches de la sécurité sociale. D'ailleurs, le Conseil, tout en relevant que l'existence de branches de la sécurité sociale est reconnue par une norme de rang organique, a précisé que l'autonomie financière des branches ne constitue pas par elle-même un principe de valeur constitutionnelle.
2) La décision du 18 décembre 2001 a certes posé une limite aux transferts de ressources et de charges entre branches, qui ne doivent pas être " tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions ".
Mais, en l'espèce et à l'évidence, il ne peut être sérieusement soutenu que la réalisation des objectifs de la branche famille, voire son existence, serait compromise ou que seraient remises en cause les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de ses missions, dès lors que l'équilibre financier de cette branche n'est pas menacé.
En effet, le rapport adopté en septembre 2002 par la commission des comptes de la sécurité sociale a prévu en 2003 pour la Caisse nationale d'allocations familiales, à laquelle incombe l'intégralité des dépenses de la branche, des dépenses d'un montant de 46,290 milliards d'euros et des recettes de 47,965 milliards d'euros, soit un solde positif de 1,675 milliards d'euros. Ces prévisions incluent la prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales de 30 % du coût des majorations de pension pour enfants, soit 945 M euros. L'article 59 de la loi déférée a pour effet d'accroître cette charge de 945 M euros, et ainsi de réduire à 730 M euros l'excédent des comptes de la Caisse nationale d'allocations familiales en 2003. Mais, compte tenu aussi des effets de l'article 58 de la loi déférée, dont les dispositions prévoient la création d'une allocation forfaitaire par enfant à la charge de la Caisse nationale d'allocations familiales, et de l'article 14, prévoyant un versement de la Caisse de remboursement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale au profit, notamment, de la Caisse nationale d'allocations familiales, l'excédent devrait s'élever en définitive à 912 M euros. Le coût total des majorations de pension pour enfants pris en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales représentera un peu moins de 4 % des dépenses de la Caisse.
3) Enfin, si le Conseil constitutionnel a vérifié, à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, que le transfert de charges critiqué ne portait pas atteinte, eu égard à son montant, " à l'égalité entre familles selon qu'elles élèvent des enfants ou qu'elles l'ont fait dans le passé " (décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001), cette décision n'a pas aux yeux du Gouvernement la portée que lui prêtent les députés auteurs de la saisine.
L'importance du transfert par rapport au coût total des majorations de pension, exprimée en pourcentage de ce coût, n'a pas d'incidence sur la situation relative des familles qui élèvent des enfants, bénéficiaires des allocations familiales, et des familles ayant élevé des enfants, bénéficiaires, à leur retraite, des majorations de pension. Elle n'affecte, en effet, par elle-même ni le principe ni le montant des prestations servies à ces deux catégories de familles.
Ce n'est que dans le cas où le financement des majorations de pension, comparé à l'ensemble des dépenses de la branche famille, mobiliserait les ressources de la branche famille au profit des familles ayant élevé des enfants à un point tel que devraient être réduites les prestations servies aux familles élevant des enfants, que l'on pourrait envisager que soit méconnue l'égalité entre ces deux catégories de familles.
Or, comme on l'a vu, la prise en charge des majorations pour enfants ne représentera en 2003 que 4 % des dépenses de la Caisse nationale d'allocations familiales, et les comptes de la Caisse resteront excédentaires de 912 M euros, en dépit de l'accroissement de cette prise en charge par rapport à l'année précédente. Le niveau des prestations servies aux familles bénéficiant des prestations de la branche famille, qui est encore amélioré par les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, n'est ainsi pas affecté par l'article 59 de la loi déférée. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne pourra qu'être écarté.
Le Gouvernement estime ainsi qu'aucun des griefs articulés par le mémoire complémentaire des députés saisissants n'est de nature à justifier la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions déférées.
I / Sur la sincérité des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses
A/ L'article 20 de la loi déférée détermine, pour 2003, les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement, conformément à ce que prescrit le 2° du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. L'article 21 procède, pour sa part, à la révision des recettes, par catégories, pour 2002.
Les articles 49 et 50 déterminent, quant à eux, par application des 3° et 4° du I de l'article LO 111-3 du même code, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base et l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants pour l'année 2003. L'article 51 adopte l'objectif de dépenses d'assurance maladie révisé pour 2002.
Les auteurs de la saisine contestent le réalisme des prévisions de croissance du produit intérieur brut et d'évolution de la masse salariale sur lesquelles se fondent les prévisions de recettes figurant à l'article 20 et soutiennent que ces prévisions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation qui affecterait la sincérité de la loi de financement. Ils soutiennent, de même, que la révision des recettes pour 2002 figurant à l'article 21 serait erronée parce qu'elle n'intégrerait pas les évolutions économiques constatées au cours du troisième trimestre de l'année 2002. Ils invoquent au soutien de leur argumentation, d'une part, le dépôt par le gouvernement d'un amendement tendant à réviser le montant des prévisions de recettes du budget de l'Etat lors de la discussion de la loi de finances pour 2003 ainsi que le projet de loi de finances rectificatives pour 2002, et, d'autre part, les termes du rapport annexé à la loi déférée qui évoquent l'éventualité de la présentation d'un projet de loi de financement rectificative au cours de l'année 2003.
Les députés requérants soutiennent, en outre, que les objectifs de dépenses arrêtés par les articles 49, 50 et 51 seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation, en soulignant que les taux d'évolution fixés par la loi de financement seraient inférieurs à la progression réelle des dépenses, sans que la loi n'ai adopté de mesures de maîtrise des dépenses permettant d'atteindre ces objectifs.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1) Il faut d'abord rappeler que la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale ne peut être mise en cause, au regard du principe de sincérité, que si les prévisions faites par le Gouvernement traduisent une mauvaise évaluation manifeste, certaine et volontaire, dénaturant l'exercice par le Parlement de ses prérogatives. Ce n'est que dans cette mesure que pourrait être contestée, au plan juridique, la constitutionnalité de la loi de financement.
La fiabilité des prévisions peut, sans doute, donner lieu à des débats d'experts ainsi qu'à des appréciations politiques variées. Mais d'éventuelles divergences d'appréciation ne sauraient, par elles-mêmes, emporter de conséquences juridiques : elles relèvent de l'appréciation politique à laquelle se livre le Parlement et ne mettent pas en cause la conformité à la Constitution de la loi, sauf à ce que les termes du débat aient été faussés par des prévisions manifestement et sciemment inexactes.
C'est pourquoi, comme le reconnaît d'ailleurs la saisine, le Conseil constitutionnel s'en tient en la matière à un contrôle d'erreur manifeste d'appréciation, prenant en considération les aléas inhérents à l'évaluation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses (décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001). D'ailleurs, ainsi que l'indique le Conseil dans cette décision, s'il apparaissait en cours d'année que les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base étaient remises en cause, il appartiendrait alors au Gouvernement de soumettre au Parlement les ajustements nécessaires dans une loi de financement rectificative, voire dans la loi de financement de l'année suivante. C'est bien souligner que, par nature, l'exercice prévisionnel expose à devoir procéder à des ajustements, en raison des aléas qui lui sont inhérents.
2) En l'espèce, les prévisions de recettes sur lesquelles le Gouvernement s'est fondé pour établir le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne peuvent être regardées comme entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Le Gouvernement s'est, en effet, fondé sur des projections étayées par des travaux d'experts, qui sont cohérentes avec celles qui ont été retenues pour l'établissement du projet de loi de finances pour 2003. Elles se fondent sur une croissance du produit intérieur brut de 1,2% en 2002 et de 2,5% pour 2003. La masse salariale du secteur marchand non agricole augmenterait de 3,7% en 2002 et de 4,1% en 2003, avec une progression de l'emploi salarié de 0,7% en 2002 et de 1,1% en 2003, ainsi qu'une progression du salaire moyen de 2,9% ces deux années. Les dernières informations disponibles ne remettent pas en cause ces prévisions économiques. La production industrielle a certes décéléré et les derniers comptes trimestriels, publiés le 22 novembre 2002, font état d'un certain ralentissement de l'activité en France au troisième trimestre (+0,2% après 0,4% au deuxième). Mais pour autant, la masse salariale conserve une bonne tenue : l'emploi salarié marchand a progressé de 0,2% au troisième trimestre, la progression du salaire mensuel de base est restée par ailleurs soutenue, sur un rythme annualisé d'environ 2,5% au troisième trimestre ; avec une progression de la masse salariale dans l'ensemble de l'économie de 0,8% au troisième trimestre et de 3,6% sur un an, les comptes trimestriels attestent aussi de la vigueur persistante des revenus salariaux. La consommation des ménages reste également vigoureuse : les derniers comptes trimestriels indiquent qu'elle a progressé de 0,7% au troisième trimestre, après 0,4% au deuxième, ce qui porte l'acquis de croissance pour 2002 à 1,7% (pour une prévision de 1,8% sur l'ensemble de l'année) ; la consommation en produits manufacturés a de surcroît fortement augmenté en octobre (+1,0%, soit 2,3% sur un an).
Les prévisions de croissance sur lesquelles repose la loi de financement de la sécurité sociale ne peuvent ainsi pas être qualifiées d'irréalistes.
En outre, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les ajustements de recettes fiscales qui figurent au projet de loi de finances rectificative pour 2002 et ceux qui ont été introduits, par coordination, au stade de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances pour 2003, ne traduisent pas de changement dans l'appréciation de la conjoncture macroéconomique.
Les ajustements du projet de loi de finances rectificative pour 2002 présentent un caractère essentiellement technique et tiennent à des baisses de rentrées fiscales liées à la structure des entreprises, au destockage de produits pétroliers, à l'infléchissement de la part des importations dans l'assiette de la TVA, ainsi qu'à une baisse de l'impôt sur le revenu. Ces révisions limitées, qui ne portent que sur 0,6% des recettes fiscales nettes de l'Etat en 2002 et 0,3% en 2003, ne remettent pas en cause le diagnostic porté sur la conjoncture économique au cours de l'année 2003. En toute hypothèse, ces révisions de recettes du budget de l'Etat n'ont pas de conséquences sur la prévision des recettes de la sécurité sociale pour 2003.
En outre, les parlementaires requérants apparaissent particulièrement mal fondés à mettre en exergue l'engagement pris par le Gouvernement de présenter une loi de financement rectificative au cours de l'année 2003 si des ajustements significatifs des prévisions de recettes devaient être envisagés. Cet engagement ne saurait être regardé comme l'aveu du caractère erroné des prévisions sur lesquelles est établie la loi déférée. Il témoigne simplement de la volonté du Gouvernement, dans le cas où des aléas viendraient démentir certaines des prévisions votées par le Parlement, d'en tirer rapidement les conséquences en soumettant au législateur un projet de loi de financement rectificative, conformément à ce qu'exigent le II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
3) En ce qui concerne la détermination des objectifs de dépenses, notamment l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), il convient de rappeler que ces objectifs ne constituent pas des enveloppes budgétaires limitatives. Il ne s'agit pas d'un montant maximum de dépense, mais d'un seuil défini en fonction de choix de santé publique au delà duquel des mécanismes de régulation des dépenses doivent être mis en oeuvre. Les dépassements qui ont pu être observés dans le passé ne peuvent donc remettre en cause le principe de ces objectifs.
En tout état de cause, on observera que le taux de croissance de l'ONDAM a été fixé par la loi déférée à 5,3%, soit à un niveau supérieur au taux de croissance du produit intérieur brut envisagé pour l'année 2003, alors que les lois de financement de la sécurité sociale adoptées ces dernières années avaient fixé des taux d'évolution plus restrictifs s'agissant de cet objectif : il était de 4% pour la loi de financement pour l'année 2002, de 2,6% pour la loi de financement pour 2001 et de 2,9% pour la loi de financement pour 2000. L'appréciation qui a conduit le Parlement à adopter, pour 2003, le taux de croissance de 5,3% pour l'ONDAM ne peut ainsi être regardée comme manifestement erronée.
II/ Sur l'article 13
A/ L'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 institue, au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, une cotisation perçue sur les bières dont la teneur en alcool est supérieure à 8,5°. Le montant de cette cotisation, qui est recouvrée comme en matière de contributions indirectes, a été fixé à 200 euros par hectolitre.
Selon les parlementaires requérants, cette cotisation supplémentaire méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'elle traiterait différemment des produits se trouvant objectivement dans une situation semblable au regard du but poursuivi par la loi.
B/ Une telle argumentation ne peut qu'être écartée.
Il faut rappeler, en premier lieu, qu'il est toujours loisible au législateur d'instituer une cotisation de cet ordre et d'en affecter le produit à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Il appartient au législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer l'assiette de cette contribution. C'est ce qu'il a fait en l'espèce en instituant une cotisation sur les seules bières fortes, en raison des risques que comporte, pour la santé, l'usage immodéré de ces produits.
Il sera fait observer, en deuxième lieu, que le principe d'égalité devant les charges publiques n'est nullement mis en cause par la disposition adoptée par le Parlement. En effet, tous les consommateurs des produits taxés seront soumis au même prélèvement, déterminé en fonction des quantités consommées. Et il ne peut être valablement soutenu qu'une atteinte au principe d'égalité pourrait résulter des choix librement effectués par les consommateurs de se tourner vers telle ou telle catégorie de produits.
Il faut souligner, en troisième lieu, le caractère particulièrement nocif des bières fortes qui ont été spécifiquement visées par le législateur. Les effets de la consommation des bières de plus de 8,5° sont, en effet, nettement plus préoccupants pour la santé publique que celles des bières à taux d'alcool plus faible. On constate, de surcroît, que la consommation de ces bières fortes est fréquemment, chez certaines catégories de consommateurs, accompagnée de la prise de produits stupéfiants.
En instituant une cotisation spécifique sur ces boissons, le législateur a entendu, comme il l'a expressément exposé, remédier à un problème de santé publique spécifique, lié à la consommation fréquente de produits qui présentent une dangerosité particulière.
III/ Sur l'article 43
A/ L'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a pour objet de modifier et de compléter les dispositions du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique relatives aux médicaments génériques, afin d'inciter à la consommation de ces produits et contribuer ainsi à la maîtrise des dépenses de santé.
L'article 43 adopte, en premier lieu, une nouvelle formule de prise en charge par l'assurance maladie lorsque le pharmacien délivre un médicament sur présentation d'une prescription libellée en dénomination commune, ou lorsque le pharmacien substitue un médicament du même groupe générique à la spécialité prescrite. Dans ces deux cas, aux formules précédentes qui imposaient soit le respect d'un écart maximum déterminé par rapport au prix de la spécialité la moins chère du même groupe générique, soit le respect d'un écart de prix maximum par rapport au prix de la spécialité prescrite, la loi déférée substitue une nouvelle formule selon laquelle la prise en charge par l'assurance maladie du médicament délivré ne doit pas excéder celle du médicament générique le plus cher du groupe générique concerné.
L'article 43 prévoit, en deuxième lieu, la possibilité d'instaurer par arrêté ministériel, après avis du Comité économique des produits de santé, un tarif forfaitaire de remboursement identique pour tous les médicaments appartenant à un même groupe générique. Le patient aura ainsi le choix, à l'intérieur d'un groupe générique, entre des médicaments dont le prix correspond au forfait, auquel cas il ne supportera que le ticket modérateur, et des médicaments dont le prix est supérieur au forfait, ce qui le conduira à acquitter la différence.
L'article institue, en troisième lieu, une nouvelle définition des groupes génériques en l'élargissant à des groupes ne comprenant pas, pour des raisons historiques, de spécialité princeps, comme par exemple l'aspirine.
Les auteurs du recours soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient les termes du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, garantissant à tous la protection de la santé, et qu'elles porteraient atteinte au principe d'égalité. Ils relèvent que le mécanisme institué pourrait avoir pour résultat de ne plus garantir un égal accès aux soins, au détriment des patients qui ne se seront pas vus prescrire de médicaments génériques par le médecin ni proposer de produits de substitution par le pharmacien.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
1) Il sera rappelé, en premier lieu, que la jurisprudence laisse au législateur un large pouvoir d'appréciation pour la mise en oeuvre des termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Le Conseil constitutionnel reconnaît ainsi qu'il incombe au législateur, comme d'ailleurs au pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence, de déterminer, dans le respect des principes posés par le Préambule, les modalités concrètes de leur mise en oeuvre (par exemple décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 ; décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990 ; décision n° 93-325 DC du 13 août 1993).
Il est ainsi loisible au législateur de choisir les modalités qui lui paraissent les plus appropriées à cette mise en oeuvre. Il lui est, de même, loisible à tout moment d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors qu'il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles (par exemple décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 ; décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 ; décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001).
En adoptant de nouvelles dispositions relatives à la prise en charge des médicaments par l'assurance maladie, le législateur a fait usage de ce pouvoir d'appréciation sans porter atteinte au respect des principes posés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
L'objet de ces dispositions est d'inciter à la consommation de médicaments génériques dans le but, d'intérêt général, de maîtriser les dépenses de santé. L'usage de médicaments génériques, qui par hypothèse ont les mêmes propriétés que les médicaments princeps, ne peut être regardé comme portant directement atteinte au droit à la protection de la santé. Les modalités de prise en charge des dépenses de santé par la sécurité sociale, qui sont diverses et qui résultent de la conciliation, par le Parlement et le Gouvernement, des différents intérêts généraux dont ils ont la responsabilité, ne peuvent davantage, et par elles-mêmes, être regardées comme portant atteinte aux principes posés par le Préambule de 1946.
Tel est le cas pour la disposition prévoyant que le remboursement peut être limité à un tarif forfaitaire de responsabilité pour les médicaments figurant dans un groupe générique. Il incombera aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, intervenant après l'avis du Comité économique des produits de santé, de veiller, sous le contrôle du juge de la légalité, à ce que la fixation de ce tarif de responsabilité n'ait pas pour effet de mettre en cause le respect des dispositions du Préambule (décision n° 91-296 DC du 29 juillet 1991).
On peut, au demeurant, relever que des forfaits de remboursement figurent déjà dans le droit positif. Ils concernent, par exemple, de nombreux dispositifs médicaux pour lesquels le prix de vente est libre et déconnecté du tarif servant de base au remboursement. D'ailleurs, pour les médicaments dont le prix demeure réglementé, et à la différence de ce qui peut advenir pour certains dispositifs médicaux, l'assuré aura la certitude de pouvoir disposer de produits dont le prix sera égal au forfait.
2) Il est vrai que, pour assurer le respect des principes posés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, il incombe au législateur de prévenir, par des mesures appropriées, la survenance de ruptures caractérisées d'égalité entre les assurés sociaux (décision n° 96-287 du 21 janvier 1997).
Mais, en l'espèce, le dispositif adopté par le législateur n'emporte pas d'atteinte caractérisée au principe d'égalité.
Il faut préciser, d'abord, que le fonctionnement du dispositif repose sur des hypothèses vraisemblables de comportement des professionnels de santé. Le médecin, sauf demande expresse du patient, n'a pas de raisons particulières de prescrire un médicament princeps plutôt que de prescrire en dénomination commune. Le pharmacien n'a pas davantage d'intérêt, notamment financier, à délivrer des médicaments princeps plutôt que des médicaments génériques : sa marge est, en effet, fixée à un niveau identique en montant quel que soit le médicament du groupe générique qu'il vend et le taux des remises qu'il peut obtenir des fournisseurs est, de même, identique ; son intérêt commercial est, dans ces conditions, de proposer au patient les médicaments qui laissent à sa charge le montant le plus faible possible.
Il faut relever, ensuite, que l'objet du dispositif est d'inciter les patients eux-mêmes à la consommation de médicaments génériques, dans le souci de maîtriser les dépenses de santé. En année pleine, les économies attendues de la mesure peuvent être évaluées à 750 Meuros. D'autres dispositifs ont déjà été mis en place pour inciter les professionnels de santé à prescrire ou délivrer des médicaments génériques, notamment la convention nationale des médecins généralistes de juin 2002 qui engage les médecins à prescrire en dénomination commune ou en génériques. La responsabilisation des assurés sociaux complète ce dispositif d'intérêt général, de façon qu'ils ne soient pas les seuls acteurs du système qui demeurent indifférents à la maîtrise des dépenses de santé. A cette fin, le Gouvernement a prévu d'accompagner la mise en oeuvre du dispositif de campagnes d'information et de communication à destination des patients, comme des prescripteurs et des pharmaciens.
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le mécanisme institué par l'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 emporte des ruptures caractérisées du principe d'égalité. Au demeurant, il faut souligner que ces dispositions répondent à un but d'intérêt général de maîtrise des dépenses de santé.
IV/ Sur le rattachement de certaines dispositions au domaine des lois de financement de la sécurité sociale
A/ Plusieurs dispositions de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2003 auraient, selon les requérants, été adoptées en méconnaissance des règles résultant de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui régissent le domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Il est ainsi soutenu que les dispositions de l'article 7, du II de l'article 23, des articles 31, 42 et 56 de la loi déférée seraient étrangères à ce domaine, dans la mesure où elles n'affecteraient pas directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ni n'amélioreraient le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
B/ Ces critiques appellent de la part du Gouvernement les remarques suivantes.
1) L'article 7 de la loi déférée prévoit que le Gouvernement transmettra, chaque année, au Parlement un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Selon les parlementaires requérants, cet article serait étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale et empièterait, de surcroît, sur le domaine réservé au législateur organique.
Ces griefs ne sont pas fondés.
D'une part, ainsi qu'il résulte du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, les lois de financement de la sécurité sociale peuvent comporter des dispositions améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Tel est précisément l'objet de l'article 7 de la loi de financement pour 2003.
A cet égard, il faut relever que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) constitue un élément essentiel des lois de financement de la sécurité sociale. Le rapport que la disposition critiquée impose au Gouvernement de remettre au Parlement est de nature à permettre à ce dernier de mieux appréhender les motifs qui conduisent à la détermination de l'objectif de dépenses et ses justifications au regard des besoins de santé. Il permet ainsi d'améliorer le contrôle du Parlement sur cet aspect central des lois de financement.
D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, la production de ce rapport ne peut être regardée comme l'une des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale dont la liste est déterminée par l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale. Le législateur organique a précisé la liste des documents qui doivent, à peine d'irrégularité, figurer en annexe des projets de loi de financement. La disposition critiquée de l'article 7 n'a pas une telle portée : elle n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer au Gouvernement de produire une nouvelle annexe aux projets de lois de finances, mais se borne à lui imposer, dans le but d'améliorer le contrôle du Parlement, de transmettre chaque année à ce dernier des éléments d'information importants sur l'ONDAM. La disposition ne peut ainsi être regardée comme relevant du domaine de compétence du législateur organique.
2) L'objet du paragraphe II de l'article 23 de la loi déférée doit être précisément mesuré.
Au delà des apparences, la réécriture de l'article 1er de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 se borne à ajouter les rapports d'audit des établissements de santé à la liste des documents qui échappent au droit d'accès aux documents administratifs garantis par cette loi. Les " documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé prévu à l'article L 6113-6 du code de la santé publique " ne sont mentionnés dans cette réécriture que pour des raisons de lisibilité et de compréhension. Ils sont déjà exclus, en droit positif, du champ d'application de la loi du 17 juillet 1978 depuis l'intervention de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
Le II de l'article 23 ne modifie donc le droit en vigueur qu'en ce qu'il ajoute les rapports d'audit des établissements de santé à la liste des exclusions. Cette exclusion pouvait valablement figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elle n'est, en effet, pas dissociable des dispositions figurant au I du même article 23 instituant la mission d'expertise et d'audit hospitaliers et prévoyant son financement par le fonds de modernisation des établissements de santé créé par l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Or la légitimité de l'insertion des dispositions du I de l'article 23 dans une loi de financement de la sécurité sociale n'apparaît pas contestable, et n'est d'ailleurs pas contestée par le recours. Le dispositif d'expertise et d'audit présente, en lui-même, un intérêt essentiel pour la maîtrise des dépenses de santé. Il sera financé par les régimes obligatoires d'assurance maladie au travers leur contribution du fonds de modernisation des établissements de santé. Dans le cadre du plan gouvernemental " Hôpital 2007 ", les dépenses du fonds affectées aux missions d'expertise mentionnées au I de l'article 23 sont évaluées à hauteur de 15 Meuros par an. En outre, les économies qui peuvent être attendues d'un meilleur fonctionnement des établissements de santé sont particulièrement importantes. A titre d'exemple, on peut noter que le rapport de l'inspection générale des affaires sociales de 1998 sur la fonction achat dans les établissements de santé évaluait à 5% en moyenne les économies susceptibles de résulter d'une meilleure organisation des établissements, ce qui représenterait une économie de l'ordre de 500 Meuros.
La précision apportée par le paragraphe II de l'article 23 n'est pas séparable des dispositions du paragraphe I. La réussite d'une démarche d'audit et d'expertise suppose de gagner l'adhésion et la confiance des établissements de santé qui se soumettront aux audits, afin de bénéficier de leur participation active à l'analyse de leur fonctionnement. L'absence de communication des rapports d'audit vise à garantir cette confiance et la qualité de cette coopération. C'est ce même souci qui avait conduit le législateur à exclure du champ d'application de la loi du 17 juillet 1978, par la loi du 12 avril 2000, les documents préalables aux rapports d'accréditation des établissements de santé.
3) L'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a pour objet d'imposer au ministre chargé de la sécurité sociale d'adresser au Parlement, lorsqu'il agrée ou approuve des conventions passées avec les professions de santé en vertu du code de la sécurité sociale, un rapport sur la cohérence de ces conventions avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).
Cette disposition contribue à améliorer l'information du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale et trouve ainsi place dans une loi de financement, conformément à ce que permet le III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
L'information transmise au Parlement lui permettra, en effet, d'apprécier la cohérence avec l'ONDAM des mécanismes de régulation conventionnelle approuvés par l'autorité ministérielle. L'accord-cadre interprofessionnel entre l'assurance maladie et le centre national des professions de santé, régi par l'article L 162-1-13 du code de la sécurité sociale, les conventions passées avec les différentes professions de santé en vertu de l'article L 162-14-1 et leurs avenants tarifaires visés à l'article L 162-14-2, constituent le cadre principal des engagements financiers de l'assurance maladie en matière de soins de ville et des contreparties attendues des professions de santé. Il s'agit ainsi d'éléments déterminants pour le respect de l'ONDAM. Une information à leur égard apparaît, dès lors, contribuer à l'amélioration de l'information du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
4) L'article 42 de la loi déférée a pour objet de reporter au 31 décembre 2005 ou 2006 l'échéance avant laquelle doivent être signées les conventions tripartites visées à l'article L 313-12 du code de l'action sociale et des familles.
Cet article du code de l'action sociale et des familles conditionne l'accueil d'un nombre de personnes âgées dépendantes supérieur à un seuil fixé par décret à la signature d'une convention tripartite entre l'établissement assurant l'hébergement des personnes âgées, l'autorité de tarification - le préfet ou l'agence régionale d'hospitalisation - et le président du conseil général. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait fixé initialement au 31 décembre 2003 l'échéance avant laquelle ces conventions devaient être signées.
Or, on constatait, au mois de juin 2002, que seulement 763 conventions avaient été signées sur les 8.000 qui étaient prévues. Le respect de l'échéance initialement prévue impliquerait d'accroître considérablement le rythme des signatures et comporterait ainsi le risque que soient signées des conventions qui n'atteindraient pas leur objectif.
Ce report de l'échéance permet aussi d'étaler sur deux années supplémentaires la montée en charge financière de la médicalisation des établissements. Il évite de devoir verser, en 2003, le solde du plan de médicalisation et permet de reporter aux années 2004 et 2005 le versement des dernières tranches annuelles de ce plan.
Ce report peut ainsi figurer dans la loi déférée parce que cette disposition affecte directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année 2003.
La modification de l'article 5 de la loi du 20 juillet 2001, à laquelle procède corrélativement le paragraphe II de l'article 42, se borne à tirer les conséquences, en termes de coordination, de la modification apportée par le paragraphe I à l'article L 313-12 du code de l'action sociale et des familles. Les deux paragraphes de l'article 42 ne sont donc pas dissociables.
5) L'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a pour objet de doter la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale d'une convention d'objectifs et de gestion, d'en confier le suivi à un conseil de surveillance et de réformer les règles de nomination des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui, outre ses missions actuelles, aura désormais celle d'approuver la convention.
L'insertion dans la loi déférée de ces dispositions, qui forment un dispositif d'ensemble, peut être admise au regard des termes de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. D'une part, elles affectent directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année 2003 ; d'autre part, elles contribuent à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement.
a) L'objet principal de l'article 56 est de prévoir la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. La conclusion de telles conventions est prévue par l'article L 227-1 du code de la sécurité sociale pour chacune des branches de la sécurité sociale, à l'exception jusqu'ici de cette seule branche.
Ces conventions d'objectifs et de gestion déterminent des objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement dont disposent les branches et les organismes et les actions mises en oeuvre à ces fins par chacun des signataires. Elles précisent notamment les objectifs liés à la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la gestion du risque, le service des prestations ou le recouvrement des cotisations et des impôts affectés, les règles de calcul et d'évolution des budgets de gestion administrative et, s'il y a lieu, des budgets de contrôle médical, d'action sanitaire et sociale et de prévention. Elles prévoient les indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés à la définition des objectifs, ainsi que des procédures d'évaluation contradictoire des résultats obtenus au regard des objectifs fixés.
Depuis que la passation de ces conventions a été prévue, en 1996, leur mise en oeuvre a permis d'encadrer l'évolution des dépenses de chacune des branches concernées et de réaliser d'importantes économies par rapport à l'évolution qui pouvait être prévue en l'absence de cette réforme des modes de gestion des branches concernées.
Le IV de l'article 56, en complétant l'article L.227-1 du code de la sécurité sociale, permettra la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dont on peut attendre un effet positif important pour l'équilibre financier de la branche, compte tenu des sommes en cause. Pour l'année 2003, les dépenses prévues pour cette branche sont évaluées à 9,4 milliards d'euros.
La convention des accidents du travail et maladies professionnelles aura notamment pour objet de réformer le mode de calcul des cotisations, dont la Cour des comptes a souligné dans son récent rapport sur cette branche qu'il était inutilement complexe et coûteux. Elle permettra aussi une gestion financière pluriannuelle de certains fonds. En particulier, le Gouvernement souhaite définir de façon pluriannuelle les conditions d'évolution du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui regroupe les moyens consacrés par la branche à la prévention. Le budget annuel concerné est de l'ordre de 330 Meuros.
L'impact de l'article 56 sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base est donc certain.
b) Dès lors que pour la branche accidents du travail et maladie professionnelles, en vertu de l'article L.221-4 du code de la sécurité sociale, les compétences de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sont exercées par la commission accidents du travail et maladies professionnelles, le V et le VI de l'article 56 adaptent le texte des articles L.227-2 et L.227-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir la signature de la convention d'objectifs et de gestion de la branche et des contrats pluriannuels de gestion qui en assurent la mise en oeuvre au niveau régional par le président de la commission.
Le suivi des conventions d'objectifs et de gestion nécessite une instance distincte du conseil d'administration, chargée d'effectuer un bilan régulier : c'est le rôle des conseils de surveillance institués par l'article L 228-1 du code de la sécurité sociale. C'est pourquoi le VII de l'article 56 prévoit la création d'une telle instance pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme pour les autres branches du régime général.
L'efficacité de l'instrument de régulation et de rationalisation que représentent les conventions d'objectifs et de gestion tient aussi à leurs conditions d'élaboration, qui accroissent les responsabilités des administrateurs des organismes passant contrat avec l'Etat quant à la prévision des évolutions de la branche et à la maîtrise de son équilibre financier. Pour chaque branche aujourd'hui dotée d'une convention d'objectifs et de gestion, celle-ci est approuvée par une instance propre à cette branche, le conseil d'administration de la caisse nationale gérant la branche. Il n'en irait pas de même pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, administrée par une commission dont les membres sont aujourd'hui désignés par le conseil d'administration de la CNAMTS (art. L.221-5 du code de la sécurité sociale), si le II de l'article 56 ne prévoyait désormais la désignation directe par les partenaires sociaux de leurs représentants au sein de cette commission comme pour les conseils d'administration des caisses nationales. Le I de l'article, qui rend applicable à la commission les règles de désignation et d'exercice de mandat des membres des conseils d'administration des caisses nationale, tire directement les conséquences du II.
En outre, en mettant en place l'ensemble de ce dispositif, l'article 56 contribue à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
L'article L.228-1 prévoit en effet que chaque conseil de surveillance comprend des parlementaires et est présidé par l'un d'entre eux, désigné d'un commun accord par les deux Assemblées. Cette participation aux conseils de surveillance permet aux parlementaires d'examiner régulièrement, au cours de l'année, l'évolution de l'activité et de la situation financière de chacune des branches de la sécurité sociale. Les conseils de surveillance transmettent, de plus, par l'intermédiaire de leur président, parlementaire, un avis au Parlement sur l'application de la convention d'objectifs et de gestion. En outre, la convention prévoira, pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, la mise en place d'un appareil statistique détaillé qui permettra un meilleur suivi de l'objectif de dépenses fixé en loi de financement et une analyse de son évolution.
Pour ces raisons, les dispositions de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui constituent les éléments inséparables d'un dispositif d'ensemble, ne sont pas étrangères au domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale.
En définitive, aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter le recours dont il est saisi.
LO 111-3 du code de la sécurité sociale. D'une part, elles affectent directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année 2003 ; d'autre part, elles contribuent à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement.
a) L'objet principal de l'article 56 est de prévoir la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. La conclusion de telles conventions est prévue par l'article L 227-1 du code de la sécurité sociale pour chacune des branches de la sécurité sociale, à l'exception jusqu'ici de cette seule branche.
Ces conventions d'objectifs et de gestion déterminent des objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement dont disposent les branches et les organismes et les actions mises en oeuvre à ces fins par chacun des signataires. Elles précisent notamment les objectifs liés à la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la gestion du risque, le service des prestations ou le recouvrement des cotisations et des impôts affectés, les règles de calcul et d'évolution des budgets de gestion administrative et, s'il y a lieu, des budgets de contrôle médical, d'action sanitaire et sociale et de prévention. Elles prévoient les indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés à la définition des objectifs, ainsi que des procédures d'évaluation contradictoire des résultats obtenus au regard des objectifs fixés.
Depuis que la passation de ces conventions a été prévue, en 1996, leur mise en oeuvre a permis d'encadrer l'évolution des dépenses de chacune des branches concernées et de réaliser d'importantes économies par rapport à l'évolution qui pouvait être prévue en l'absence de cette réforme des modes de gestion des branches concernées.
Le IV de l'article 56, en complétant l'article L.227-1 du code de la sécurité sociale, permettra la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dont on peut attendre un effet positif important pour l'équilibre financier de la branche, compte tenu des sommes en cause. Pour l'année 2003, les dépenses prévues pour cette branche sont évaluées à 9,4 milliards d'euros.
La convention des accidents du travail et maladies professionnelles aura notamment pour objet de réformer le mode de calcul des cotisations, dont la Cour des comptes a souligné dans son récent rapport sur cette branche qu'il était inutilement complexe et coûteux. Elle permettra aussi une gestion financière pluriannuelle de certains fonds. En particulier, le Gouvernement souhaite définir de façon pluriannuelle les conditions d'évolution du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui regroupe les moyens consacrés par la branche à la prévention. Le budget annuel concerné est de l'ordre de 330 Meuros.
L'impact de l'article 56 sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base est donc certain.
b) Dès lors que pour la branche accidents du travail et maladie professionnelles, en vertu de l'article L.221-4 du code de la sécurité sociale, les compétences de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sont exercées par la commission accidents du travail et maladies professionnelles, le V et le VI de l'article 56 adaptent le texte des articles L.227-2 et L.227-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir la signature de la convention d'objectifs et de gestion de la branche et des contrats pluriannuels de gestion qui en assurent la mise en oeuvre au niveau régional par le président de la commission.
Le suivi des conventions d'objectifs et de gestion nécessite une instance distincte du conseil d'administration, chargée d'effectuer un bilan régulier : c'est le rôle des conseils de surveillance institués par l'article L 228-1 du code de la sécurité sociale. C'est pourquoi le VII de l'article 56 prévoit la création d'une telle instance pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme pour les autres branches du régime général.
L'efficacité de l'instrument de régulation et de rationalisation que représentent les conventions d'objectifs et de gestion tient aussi à leurs conditions d'élaboration, qui accroissent les responsabilités des administrateurs des organismes passant contrat avec l'Etat quant à la prévision des évolutions de la branche et à la maîtrise de son équilibre financier. Pour chaque branche aujourd'hui dotée d'une convention d'objectifs et de gestion, celle-ci est approuvée par une instance propre à cette branche, le conseil d'administration de la caisse nationale gérant la branche. Il n'en irait pas de même pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, administrée par une commission dont les membres sont aujourd'hui désignés par le conseil d'administration de la CNAMTS (art. L.221-5 du code de la sécurité sociale), si le II de l'article 56 ne prévoyait désormais la désignation directe par les partenaires sociaux de leurs représentants au sein de cette commission comme pour les conseils d'administration des caisses nationales. Le I de l'article, qui rend applicable à la commission les règles de désignation et d'exercice de mandat des membres des conseils d'administration des caisses nationale, tire directement les conséquences du II.
En outre, en mettant en place l'ensemble de ce dispositif, l'article 56 contribue à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
L'article L.228-1 prévoit en effet que chaque conseil de surveillance comprend des parlementaires et est présidé par l'un d'entre eux, désigné d'un commun accord par les deux Assemblées. Cette participation aux conseils de surveillance permet aux parlementaires d'examiner régulièrement, au cours de l'année, l'évolution de l'activité et de la situation financière de chacune des branches de la sécurité sociale. Les conseils de surveillance transmettent, de plus, par l'intermédiaire de leur président, parlementaire, un avis au Parlement sur l'application de la convention d'objectifs et de gestion. En outre, la convention prévoira, pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, la mise en place d'un appareil statistique détaillé qui permettra un meilleur suivi de l'objectif de dépenses fixé en loi de financement et une analyse de son évolution.
Pour ces raisons, les dispositions de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui constituent les éléments inséparables d'un dispositif d'ensemble, ne sont pas étrangères au domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale.
En définitive, aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter le recours dont il est saisi.I. Sur l'absence de sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003
I.1. Sur les articles 8 et 9
L'article 8 de la loi déférée établit pour l'année 2003 les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement. Quant à l'article 9, il fixe pour 2002 les prévisions révisées de recettes par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires créés pour concourir à leur financement.
Ces articles doivent être analysés comme présentant des prévisions irréalistes, conduisant, dès lors, à ce que la loi en cause méconnaisse le principe constitutionnel de sincérité tel qu'il s'impose, selon les termes de votre jurisprudence, aux lois de financement de la sécurité sociale (Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, considérants 16 à 19 ; Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérants 5 et 6).
Certes, votre jurisprudence ne paraît envisager de censure que dans l'hypothèse d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure, notamment, où existent des aléas inhérents à de telles évaluations ainsi que des incertitudes particulières relatives à l'évolution de l'économie dans certaines périodes (Décision du 18 décembre, précitée, considérant 6). Il faut donc en déduire que dans le cas où le gouvernement et le Parlement disposent d'informations objectives et rationnelles dont ils ne tiennent volontairement pas compte pour fixer les prévisions pertinentes, l'erreur manifeste ne peut qu'être relevée, avec toutes conséquences.
Il se trouve qu'en l'occurrence, l'erreur manifeste d'appréciation ne peut faire de doute. Elle résulte d'un faisceau d'indices éclairé par les propres déclarations et énonciations du gouvernement qui, face aux évolutions de l'économie nationale comme mondiale, a sciemment sous-estimé le ralentissement de la croissance avec toutes ses conséquences sur l'évolution de la masse salariale et, partant de là, sur les comptes sociaux.
Ainsi, le gouvernement se fonde sur une base de croissance de 2,5 % du produit intérieur brut pour l'année 2003. Pourtant, il est acquis que les résultats économiques dûment constatés depuis le début de l'année civile 2002, et particulièrement ceux du troisième trimestre, ont conduit le même gouvernement, par la voix du ministre de l'économie et des finances, à nuancer cette estimation. Autrement dit, le chiffre de la croissance retenu pour fonder l'équilibre des finances sociales du pays est désormais minoré, et en tout état de cause, pour demeurer une hypothèse souhaitable, n'est absolument pas réaliste.
La même estimation erronée doit être constatée s'agissant des prévisions de recettes révisées que porte l'article 9. Il est patent que cet article n'intègre aucune des évolutions économiques constatées au troisième trimestre de l'année 2002.
Il ne s'agit donc plus de prévisions rationnellement déterminées, mais d'une approche ignorant volontairement les évolutions probables voire déjà constatées. En l'espèce, il ne s'agit pas de prévisions soumises à des aléas inhérents à l'exercice ou aux incertitudes particulières. Cette loi de financement, d'ailleurs présentée comme étant de transition, est fondée sur des estimations qui font l'impasse sur l'évolution de la croissance revue à la baisse au regard des informations tangibles dont disposent les experts.
Cette analyse est illustrée par, au moins, deux éléments.
D'une part, le gouvernement a présenté, dans le cadre de la discussion au Sénat du projet de loi de finances pour 2003, un amendement (n° I-225) destiné à revoir à la baisse les prévisions de recettes pour un montant de 700 millions d'euros. Dans le même ordre d'idée, il apparaît que le projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté lors du Conseil des Ministres du 20 novembre 2002, admet que par rapport aux évaluations révisées pour l'année 2002 et associées au projet de loi de finances pour 2003, les recettes fiscales nettes devraient enregistrer une moins value estimée à 1,5 milliard d'euros.
Il résulte de ces éléments chiffrés et objectifs que les estimations reprises par les articles 8 et 9 de la loi critiquée se fondent sur des hypothèses nécessairement erronées car ne prenant pas en compte les informations disponibles sur l'état de l'économie nationale.
D'autre part, il est patent que le gouvernement ne cherche à masquer cette insincérité que pour la forme. Pour s'en convaincre encore plus, il suffit de se reporter au Rapport sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale figurant en annexe à la présente loi. Le point 5.1. de ce rapport est, en effet, très éclairant. Intitulé " S'engager pour la crédibilité des objectifs ", ce paragraphe est l'occasion pour le gouvernement de prendre " l'engagement de présenter au Parlement au début du mois de mai un projet de loi de financement rectificative, au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la commission des comptes de printemps montreraient un décalage significatif avec les objectifs fixés dans la loi de financement pour 2003 " (page 36 du Rapport annexé).
Cette présentation constitue une annonce préalable, sans portée normative, des évolutions réelles et déjà connues des prévisions critiquées, et donc, implicitement mais nécessairement, montre que le gouvernement n'ignore rien du caractère irréaliste des chiffres sur lesquels il fonde les mesures portées par ce texte. L'insincérité ne peut pas être plus flagrante qu'au travers l'annonce d'une loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour pallier aux insuffisances qui interviendront en raison de cette sur-estimation de la croissance ; sur-estimation dont on ne peut plus douter qu'elle est sciemment organisée.
On ne se laissera pas surprendre, à cet égard, par la formulation du rapport précité qui sonne comme un écho direct à votre jurisprudence selon laquelle il appartiendrait au gouvernement, si les conditions de l'équilibre financier des régimes obligatoires de bases de la sécurité sociale étaient remises en cause, de soumettre au Parlement les ajustements nécessaires dans une loi de financement rectificative (Décision du 18 décembre 2001, considérant n° 6, préc.).
On voit trop bien que ce faisant, le gouvernement tente, par avance mais vainement, d'éviter une censure pour violation du principe de sincérité. La réalité est simple : le gouvernement sachant que les chiffres servant de base à la loi critiquée sont manifestement erronés, prépare le terrain pour une loi de financement rectificative. La manoeuvre est habile mais, paradoxalement, éclaire l'erreur commise quant aux prévisions fixées par les articles 8 et 9 en cause. Dans ces conditions, la reconnaissance par le gouvernement d'une moindre croissance pour 2002 confirme le caractère irréaliste de sa prévision initialement annoncée pour l'année 2003, et partant de là, de l'évolution de la masse salariale pour cette même année.
L'invalidation pour manquement au principe de sincérité est donc inévitable.
I.2. Sur les articles 32, 33 et 34
Il en va de même concernant les articles de la loi fixant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ci-après : ONDAM). Objectif que vous soumettez également à votre contrôle au titre du principe de sincérité (Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, cons. 45 et 46).
Or, il ne peut faire de doute que cet objectif est, au cas présent, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La progression proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est de 5,3 % par rapport à l'année 2002. Il s'agit d'un taux de progression inférieur à la progression réelle, et constatée, des dépenses d'assurance maladie enregistrée au cours des trois dernières années. Pour 2000 et 2001, celle-ci a été de 5,6 % et de 7,2 % pour 2002. Le rapporteur au Sénat reconnaît, à cet égard, que le taux de l'ONDAM retenu pour 2003 est sensiblement inférieur à celui constaté pour 2002 (Sénat, Rapport de Monsieur Alain Vasselle, n° 58, page 72). Le gouvernement a donc fixé un objectif dont il sait, et notamment au regard des causes structurelles de la croissance des dépenses de santé également constatées dans les pays de l'OCDE, qu'il sera dépassé. Monsieur le Ministre de la Santé n'en fait pas mystère si l'on veut bien comprendre le sens à peine caché de ses déclarations, lors de son audition devant la Commission des affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée Nationale (Assemblée Nationale, Rapport n° 330, Tome I, 2ème partie, page 25).
En outre, et à cette occasion, monsieur le ministre de la santé a pris soin d'indiquer qu'un " collectif sanitaire et social " sera présenté au premier semestre 2003 en cas d'écart significatif entre les prévisions et les objectifs annoncés (Rapport, n° 330, idem). Présentée au terme d'un raisonnement insistant sur la croissance structurelle des dépenses de santé, une telle annonce démontre que le gouvernement sait avoir déterminé un taux de progression de l'ONDAM particulièrement irréaliste.
Dans ces conditions économiques, sociales et structurelles connues et reconnues, le gouvernement, en déterminant un taux de progression pour 2003 inférieur de près de 2 % à celui constaté pour l'année 2002, a donc fixé sciemment un ONDAM certes " souhaitable " mais non sérieux (voir Audition de monsieur le Ministre, Rapport précité, page 25).
Il est d'autant moins sérieux que la loi querellée ne comporte aucune mesure de nature à maîtriser lesdites dépenses d'assurance maladie. Comme le gouvernement l'a énoncé et revendiqué, il s'agit d'une loi de transition. Dans ces conditions, on comprend qu'il n'y a aucune disposition de nature à modifier sérieusement la structure des dépenses de santé, prises en ses différents agrégats, et donc aucune raison objective et rationnelle pour que la croissance structurelle de ces dépenses puisse diminuer par rapport à 2002. La minoration de l'évolution de l'ONDAM est donc consciente et ne peut être admise.
De tous ces chefs, la méconnaissance du principe de sincérité est certaine.
II. Sur l'article 4 bis
Cet article prévoit une cotisation spéciale assise sur les bières dites fortes, en " raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé ". Une telle sur-taxation méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'elle aboutit à traiter différemment des produits se trouvant objectivement dans une situation semblable au regard du but poursuivi par la loi.
La lutte contre l'alcoolisme et ses ravages mérite une action incessante et la plus vigoureuse possible, mais ne saurait conduire à servir de prétexte à une mesure dont la finalité semble quelque peu étrangère au but de santé publique tel qu'affiché. Il apparaît, en effet, à la lecture du motif figurant dans la loi que les bières destinées à subir la sur-taxation dont il s'agit ne sont pas dans une situation particulière au regard des risques d'alcoolisme. Ainsi, quand l'article critiqué indique que cette cotisation supplémentaire est perçue " en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé ", il est permis de dire que l'usage immodéré de toute boisson alcoolique entraîne non seulement un risque d'ivresse immédiat, mais également un risque de dépendance à ce type de substance, et de comportements dangereux tels ceux liés à la conduite automobile.
En outre, force est d'admettre qu'une bière titrant un degré d'alcool de 6 ou 7 degré consommé de façon immodéré produira les mêmes effets que ceux visés par l'article critiqué. De surcroît, le risque est grand, pour ne pas dire certain, que cette mesure par son effet mécanique, voulu, de renchérissement du coût d'achat des produits visés entraîne un glissement de consommation vers des produits moins onéreux et dont les conséquences sur la santé, et en particulier celle des jeunes, sera aussi préjudiciable. On peut même considérer que la consommation de boissons dont le degré d'alcool est moins fort conduit à une consommation plus importante aux fins de trouver les sensations que certains cherchent au travers de ces boissons.
Les travaux parlementaires ont montré que le but recherché n'était pas celui indiqué dans l'article critiqué, y compris par le vote d'un sous-amendement à l'Assemblée Nationale tendant à exonérer de cette cotisation les bières de même caractéristique mais de production locale. Certes cet amendement a disparu au cours de la navette, mais il illustre la volonté qui se trouve derrière cette disposition. Encore une fois, pour les auteurs de la saisine, la lutte contre ce fléau que représente l'alcoolisme mérite mieux qu'une telle mesure.
De ces chefs, la censure ne pourra qu'intervenir.
III. Sur l'article 27
L'article présentement critiqué a pour objet d'organiser un régime de remboursement du médicament selon des modalités particulières. Désormais, l'assuré social bénéficiera d'un remboursement sur la base d'un tarif forfaitaire, encore appelé " tarif de responsabilité ", destiné, prétend-on, à responsabiliser les assurés sociaux. Si la maîtrise des dépenses de santé repose, et nul n'en disconvient, sur la responsabilisation de l'ensemble des intéressés, y compris donc des assurés sociaux et par la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse d'éducation à la santé, il demeure qu'une telle mesure méconnaît les dixième et onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 au titre duquel le droit à la santé est garanti pour tous et ensemble le principe de solidarité qui va de pair, et partant de là, le principe d'égalité.
Votre jurisprudence a eu l'occasion de faire application de ces normes de valeur constitutionnelle. A plusieurs reprises, vous avez rappelé la prévalence du principe de protection de la santé publique (pour exemple : Décision n° 89-269 DC,
25 et 26 ; Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 ). Apparaît éclairante, à cet égard, la décision aux termes de laquelle, vous avez jugé que s'il incombe aux autorités législatives et réglementaires de mettre en oeuvre ce droit, cela n'exclut pas, cependant, le recours à une convention pour régir les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins, car cela " vise à diminuer la part des honoraires à la charge des assurés sociaux " (Décision n° 89-269 DC). Comme a pris soin de le relever le Conseil d'Etat dans son rapport de 1998 sur le droit à la santé, " en définitive, si l'on souhaite évoquer un droit à la santé, il faut l'entendre comme principe d'égalité devant le service public de la santé " (Conseil d'Etat, Rapport public pour 1998, page 239). La cohérence des 10ème et 11ème alinéa du Préambule de 1946 tisse entre le droit à la santé et le droit à la protection sociale, un lien fondé sur l'égalité de tous devant la loi.
Le mécanisme proposé, derrière sa présentation en trompe l'oeil, ne pourra que conduire à mettre en oeuvre une logique comptable de moindre remboursement, dont l'un des résultats sera de ne plus garantir un égal accès aux soins. Le tarif dit de responsabilité placera les assurés sociaux dans une situation dont ils ne maîtriseront pas les paramètres objectifs. Ainsi, et pour exemple, il importe de s'interroger sur la situation d'un assuré social à qui son médecin traitant n'aura pas prescrit de générique et à qui le pharmacien n'aura pas proposé de produit de substitution par rapport au médicament princeps dont il demande délivrance en vertu de la prescription du praticien.
Suivant la logique de l'article critiqué, l'assuré social sera remboursé sur la base du forfait alors même que ni sa volonté de surconsommation ni son refus de bénéficier d'un produit générique à moindre coût ne seront en cause. Autrement dit dans cette hypothèse, c'est l'assuré social qui, sans disposer des moyens pour y pallier, devra supporter concrètement un moindre remboursement au titre de sa médication.
Implicitement, cette logique qui fait de l'assuré social la variable d'ajustement de cette politique du médicament est décrite par monsieur le rapporteur pour la branche maladie, lorsqu'il écrit dans son rapport que " le succès de la mesure repose en partie sur l'information conjointe et détaillée des trois acteurs concernés : le prescripteur, le pharmacien et le patient " (Rapport précité, page 81). La morale de cette triste fable est que si le prescripteur et le pharmacien viennent à manquer à leur devoir d'information, il reviendra au patient d'en subir les conséquences.
Il est vrai, d'autre part, que monsieur le ministre de la santé a indiqué lors des débats que " nous nous acheminons vers le forfait générique et l'automédication ", ajoutant " qu'il faut responsabiliser les gens qui choisissent un médicament au SMR [service médical rendu] suffisamment intéressant pour qu'ils le prennent mais pas suffisamment pour que la solidarité nationale s'exerce " (Assemblée Nationale, 1ère séance du 30 octobre 2002). On voit poindre ici les méandres du mécanisme critiqué. Comme il existerait, selon certains parlementaires, des petits risques et des risques lourds, et donc des modalités de prise en charge différentes, il y aurait des médicaments intéressants pour le patient mais pas au point que la solidarité nationale intervienne !
Une solidarité nationale à deux vitesses n'est pas compatible avec les principes tels qu'énoncés par les 10ème et 11ème alinéa du Préambule, et ensemble avec le principe d'égalité.
De tous ces chefs, l'invalidation ne manquera pas d'intervenir.
IV. Sur le domaine des lois de financement de la sécurité sociale
La loi critiquée comprend plusieurs dispositions qui, à l'évidence, sont hors du champ de la loi de financement de la sécurité sociale telle que défini par le quatrième alinéa de l'article 34, par le premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution, et en application de ces règles constitutionnelles, par la loi organique. En particulier, les articles 2, 11, 16, 25 et 38 ne sauraient figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale.
IV.1. Sur l'article 2
Cet article prévoit que le gouvernement transmet chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.
La jurisprudence considère que seule la loi organique peut déterminer les rapports qui doivent être annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, et invalide, par exemple, une disposition prévoyant un rapport sur l'état de santé bucco-dentaire de la population joint à une annexe au projet de loi (Décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, considérant n° 20). Pareillement, vous avez censuré la disposition prévoyant que dans un délai de trois mois, le gouvernement présente au Parlement un rapport exposant les conditions dans lesquelles les techniciens de laboratoires pourraient être classés en catégorie B active de la fonction publique hospitalière (Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, cons. n° 86).
Au cas présent, il est certain que le rapport dont il s'agit ne peut figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le caractère inconstitutionnel de la disposition n'a pas échappé au rapporteur pour la branche assurance maladie et accidents du travail (Assemblée Nationale, Rapport n° 330, Tome II, page 41). Certes, pour tenter d'éviter la censure, l'article en cause a transformé ce rapport non pas en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le nombre et le contenu sont limités par les I et II de l'article L.O. 111-4, mais en " simple rapport ".
Le subterfuge ne pourra, cependant, pas tromper dès lors que le rapporteur admet lui-même le caractère artificiel de ce procédé purement rédactionnel, et que, surtout, il apparaît que ce rapport doit être remis à la même date, le 15 octobre de chaque année, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale y compris le rapport et les annexes mentionnées au I et II de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale.
C'est dire que cet article 2 a été introduit dans la loi critiquée en connaissance de cause de sa contrariété à la Constitution. La circonstance que le rapporteur suggère de modifier la loi organique sur ce point, ne sera pas de nature à faire échapper la disposition en cause à la censure.
IV.2. Sur l'article 11
L'article 11 pris en son paragraphe II modifie l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public.
Il est peu de dire que cette disposition est parfaitement étrangère au champ des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini, en particulier par l'article L.O. 111-3 pris en ses
I et III du code de la sécurité sociale.
On ne voit pas, en réalité, en quoi le fait d'exclure de la catégorie des documents administratifs communicables au public les documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé prévu à l'article L. 6113-6 du code de la santé publique et les rapports d'audit des établissements de santé mentionnés à l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, concerne les orientations de la politique de santé dans ses différentes dimensions, l'information et le contrôle du Parlement ou bien encore l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
Au contraire, on est tenté de voir là une restriction aux droits des citoyens d'accéder aux informations relatives à la définition et à la mise en oeuvre des politiques publiques. Cette restriction non fondée quant à la liberté d'accès aux documents administratifs est, par ailleurs, en contradiction avec la volonté affichée de responsabiliser les assurés sociaux. Le principe de transparence de l'action administrative et le droit à l'information des citoyens s'en trouvent donc méconnus, et l'invalidation est certaine.
IV.3. Sur l'article 16
Cet article prévoit que le ministre chargé de la sécurité sociale, lorsqu'il approuve les accords, conventions, annexes et avenants mentionnés aux articles L. 162-1-13, L. 162-14-1 et L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale, adresse aux commissions compétentes du Parlement un rapport sur la cohérence de ces actes avec l'objectif prévu au 4° du I de l'article L.O. 111-3, et transmet copie de ce rapport au conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
De telles dispositions, dont l'utilité en terme d'information ne sauraient être niées, ne trouvent cependant pas leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale. En particulier, on relèvera que le second alinéa de l'article critiqué, organisant la transmission du rapport du ministre au Conseil de surveillance de la Caisse nationale, ne concourt en rien à l'amélioration du contrôle du Parlement sur les lois de financement ni davantage à l'équilibre financier des régimes de bases obligatoire.
Alors qu'il est question de nouvelle gouvernance sociale - notion dont on ignore ce qu'elle recouvre de plus satisfaisant que les principes démocratiques - une telle disposition semble donc anticiper sur des évolutions dont on ne peut assurer qu'elles garantiront, à l'avenir, le rôle du Parlement en la matière. Le fait que la rédaction finale de cet article prévoit la transmission au Parlement dudit rapport, ne doit pas faire de doute sur l'intention à l'origine de la disposition.
Là encore, à l'instar de l'artifice rédactionnel prévu à l'article 2, cette rédaction ne fait pas davantage entrer cet article 16 dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale.
IV.4. Sur l'article 25
Cet article a pour objet de prolonger le délai pour la signature des conventions tripartites par les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées dépendantes, reportant la date limite du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2006.
Or, cette prorogation ne peut entrer ni dans les dispositions du
I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoyant que la loi de financement dispose pour chaque année les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses, ni dans celles du II du même article au titre de l'amélioration du contrôle du Parlement ou de l'équilibre financier des régimes obligatoires.
Ce report n'entre pas, à l'évidence, dans les prévisions du I de l'article L.O. 111-3 précité puisque n'ayant pas d'incidence sur les objectifs pour la seule année à venir. Il ne saurait satisfaire davantage à l'exigence d'une incidence significative sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. C'est ainsi que vous avez jugé qu'une disposition figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 mais n'ayant d'effet direct que sur l'équilibre financier de 2003 était un cavalier social (Décision n° 99-422 DC, considérant 32 à 34, Rec. page 143).
La mesure en cause ne peut donc figurer dans la loi.
IV.5. Sur l'article 38
L'article 38 de la loi critiquée est présenté comme organisant l'autonomie du fonctionnement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de l'assurance maladie. En particulier, il est proposé par le paragraphe II de faire désigner les membres de la commission des accidents du travail directement par les organisations syndicales et patronales représentatives.
De telles prescriptions ne peuvent cependant trouver leur place dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale dès lors qu'elles n'entrent pas dans les prévisions du
I de l'article L. O. 111-3 ni dans le cadre du III de cet article, puisqu'elles n'améliorent pas le contrôle du Parlement sur la mise en oeuvre de la loi de financement et n'affectent pas de manière significative l'équilibre financier des régimes de bases.
En réalité, il s'agit de permettre la désignation des membres de la commission en question sans lien avec le conseil d'administration de la Caisse Nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. Il faut mesurer, à cet instant, que derrière l'idée d'autonomisation de gestion de cette branche, avance masquée la fin du paritarisme telle que garanti par la loi. Si on voit mal le lien avec la loi de financement de la sécurité sociale, on comprend, en revanche, le risque de remise en cause des fondements de la protection sociale telle que conçue au titre d'un véritable consensus national.
Ce lien est si peu existant que monsieur le rapporteur devant l'Assemblée Nationale ne s'embarrasse pas de fioritures pour indiquer le but exact de cette mesure. Précisant que ces nouvelles modalités de désignation des membres de la commission des accidents du travail se fera désormais sans lien quelconque avec le conseil d'administration de la CNAM, il ajoute que " cela devrait permettre au MEDEF, qui a quitté ledit conseil d'administration en septembre 2001 et donc par voie de conséquence la commission des accidents du travail, de réintégrer cette commission sans siéger de nouveau à la CNAM " (Rapport, AN, n° 330, T.I. 3ème partie, page 97). Le masque tombe.
On ne saurait être plus clair, ni énoncer plus sincèrement le détournement de procédure en cours.
Il serait vain pour le gouvernement d'invoquer, à cet égard, le précédent de l'article 75 de la loi de financement pour 2002 qui réformait les missions et modes de gestion de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale et que vous avez validé (Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérant 75). Dans cette occurrence, il s'agissait de rendre possible la poursuite de négociations ayant des incidences directes sur la rémunération des personnels de ces caisses puisque permettant de reprendre les négociations collectives interrompues du fait de certains dirigeants. Au cas présent, rien de tel et nul blocage n'empêche la commission des accidents du travail d'oeuvrer. L'aveu du rapporteur lui-même montre assez bien que l'équilibre financier de la sécurité sociale ne saurait être significativement affecté par cet article.
La censure est donc certaine.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution,
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 7 et 10 décembre 2002 ;
Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 11 décembre 2002 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;1. Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ; qu'ils contestent plus particulièrement, en tout ou partie, ses articles 2, 7, 13, 20, 21, 23, 31, 42, 43, 49, 50, 51, 56 et 59 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DÉFÉRÉE :
En ce qui concerne la sincérité des prévisions de recettes figurant aux articles 20 et 21 :
2. Considérant qu'en application du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 20 de la loi déférée établit, pour 2003, par catégorie, les prévisions de recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ; que l'article 21 fixe les prévisions révisées des mêmes recettes pour 2002 ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que, "présentant des prévisions irréalistes", ces articles méconnaîtraient l'exigence de sincérité ; qu'en particulier, leurs prévisions reposeraient sur des hypothèses de croissance économique surestimées, faute de prendre en compte les évolutions constatées au cours des trois premiers trimestres de l'année 2002 ; qu'ils invoquent à cet égard la révision en baisse des recettes fiscales de l'Etat de l'année 2002 par le projet de loi de finances rectificative déposé au Parlement, ainsi que la diminution des mêmes recettes résultant d'un amendement à la loi de finances pour 2003 actuellement en cours de discussion ; qu'ils font en outre référence à l'engagement pris par le Gouvernement de déposer un projet de loi de financement rectificative "au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la commission des comptes de printemps montreraient un décalage significatif avec les objectifs fixés" ;
4. Considérant qu'il ressort des éléments soumis au Conseil constitutionnel, comme des travaux parlementaires relatifs aux lois de finances en cours de discussion au Parlement, que les ajustements de recettes fiscales ci-dessus mentionnés, au demeurant d'ampleur limitée, résultent d'évolutions propres à certains impôts d'Etat, sans que les hypothèses économiques générales fondant les prévisions soient remises en cause ni pour 2002, ni pour 2003 ; qu'il n'apparaît pas, au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet dont est issue la loi déférée, comme lors de son adoption, et compte tenu des aléas inhérents aux prévisions de recettes figurant aux articles 20 et 21, que ces prévisions soient entachées d'une erreur manifeste ;
5. Considérant que l'engagement pris par le Gouvernement de déposer au cours de l'année 2003, si nécessaire, un projet de loi de financement rectificative est conforme à l'exigence de sincérité et aux dispositions du II de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne la sincérité des objectifs de dépenses d'assurance maladie fixés par les articles 49, 50 et 51 :
6. Considérant qu'en application du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 49 fixe à 123,5 milliards d'euros, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2003 ; que l'article 51 révise cet objectif pour 2002 en le portant à 116,7 milliards d'euros ; que l'article 50 est relatif à l'objectif propre à la branche maladie, maternité, invalidité et décès, qu'il fixe à 136,35 milliards d'euros ;
7. Considérant qu'il est allégué que les objectifs ainsi déterminés pour les dépenses d'assurance maladie seraient manifestement sous-estimés ; qu'en particulier, l'objectif national pour 2003 mentionné à l'article 49 ne pourrait qu'être dépassé "au regard des causes structurelles de la croissance des dépenses de santé" ; que la loi déférée ne comporterait aucune mesure de maîtrise de ces dépenses justifiant l'infléchissement sensible de sa progression par rapport à l'objectif révisé pour 2002 ;
8. Considérant que les objectifs dont la sincérité est contestée ont été déterminés en tenant compte des dépenses réelles observées en 2001 et au début de l'année 2002 ; que, pour prévoir la progression de ces dépenses sur l'ensemble de l'année 2002 et en 2003, ont été pris en considération à la fois l'effet différé de mesures acquises, celui des dispositions de la présente loi, ainsi que l'incidence d'engagements déjà souscrits ; qu'il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que ces estimations seraient entachées d'erreur manifeste ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi déférée doivent être rejetés ;
- SUR L'ARTICLE 13 :
10. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code de la sécurité sociale les articles L. 245-13 à L. 245-13-6 en vue d'instituer, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, une "cotisation sur les bières fortes" due à raison de la livraison aux consommateurs de bières d'une teneur en alcool supérieure à 8,5 degrés ; que le montant de cette cotisation est fixé à 200 euros par hectolitre ;
11. Considérant que les requérants reprochent à cette mesure de porter atteinte au principe d'égalité ;
12. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
13. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires que la cotisation créée par la loi déférée tend, comme le précise expressément le nouvel article L. 245-13 du code de la sécurité sociale, à limiter la consommation des bières à haute teneur en alcool "en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé", en particulier celle des jeunes ; qu'au regard de l'objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
SUR L'ARTICLE 43 :
14. Considérant que l'article 43 de la loi déférée a pour principal objet de modifier les conditions de remboursement des dépenses exposées par les assurés sociaux pour l'achat de médicaments figurant dans un "groupe générique" au sens des dispositions du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
15. Considérant que le I de l'article 43 modifie l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale en vue de limiter au prix de la spécialité générique la plus chère du même groupe la prise en charge de telles dépenses par l'assurance maladie, tant lorsqu'un médicament appartenant à ce groupe a été délivré à l'assuré conformément à une prescription libellée en dénomination commune que lorsque le pharmacien a remplacé la spécialité prescrite par une autre spécialité du même groupe dans le cadre du pouvoir de substitution qu'il tient de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique ;
16. Considérant que les dispositions nouvelles du 3° du I de l'article 43 permettent que la base de remboursement des médicaments appartenant à un même groupe générique soit limitée à un "tarif forfaitaire de responsabilité" arrêté par les ministres de la santé et de la sécurité sociale après avis du Comité économique des produits de santé institué par l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale ; que, selon les requérants, ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité et méconnaîtraient les exigences constitutionnelles relatives à la santé ;
17. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
18. Considérant que le tarif forfaitaire de responsabilité instauré par l'article 43 de la loi déférée a pour objet de limiter les dépenses de l'assurance maladie et concourt par suite à préserver l'équilibre financier de la sécurité sociale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ;
19. Considérant que ce tarif conduira à rembourser de façon uniforme les patients atteints de la même affection auxquels est prescrit un médicament d'un groupe générique déterminé ; qu'ainsi, les dispositions en cause, qui n'ont pas directement pour effet de créer des différences entre assurés sociaux, ne sont pas contraires, par elles-mêmes, au principe d'égalité ;
20. Considérant, toutefois, qu'en laissant à la charge du patient la partie du prix du médicament délivré excédant le tarif forfaitaire de responsabilité, les dispositions critiquées conduiront à faire varier la fraction remboursée du prix d'un médicament selon le coût de celui qui aura effectivement été délivré au sein d'un groupe générique déterminé ; que, de ce fait, l'institution du tarif forfaitaire de responsabilité peut créer, de manière indirecte, des différences entre assurés sociaux selon que ceux-ci auront ou non été en mesure de se faire prescrire ou délivrer un médicament générique ;
21. Considérant qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de prévoir les modalités d'une information précise de l'ensemble des assurés sociaux quant aux principes généraux du nouveau système de remboursement des médicaments et quant à la possibilité de se faire prescrire ou délivrer un médicament dont le prix soit égal à la base de remboursement ou le plus voisin de celle-ci ; qu'il revient en outre aux autorités administratives compétentes d'accompagner la mise en oeuvre du nouveau système de remboursement par des actions de formation des professionnels de santé à l'usage des spécialités génériques, de contribuer à l'élaboration de "bonnes pratiques" en ce qui concerne la prescription de médicaments génériques par les médecins, ainsi que d'encourager l'exercice par les pharmaciens du pouvoir de substitution qu'ils détiennent en vertu de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique ;
22. Considérant, enfin, qu'il appartiendra aux auteurs de l'arrêté prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi déférée, de fixer le tarif forfaitaire de responsabilité de telle sorte que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel la Nation "garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé" ;
23. Considérant que, sous ces réserves, les dispositions de l'article 43 de la loi déférée ne sont pas contraires à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 59:
24. Considérant que l'article 59 a pour objet de porter de 30 % à 60 % la part des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales au titre des majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants ;
25. Considérant que, dans leur mémoire complémentaire, les requérants soutiennent que cette disposition ne serait conforme ni à l'exigence d'une politique de solidarité envers les familles résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, ni au principe de l'autonomie des branches découlant du 3° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; qu'ils reprochent en outre à cet article de rompre l'égalité entre les familles au détriment de celles qui ont des enfants à charge et au bénéfice de celles qui en ont eu ;
26. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de 1946 : "La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" ; que, selon son onzième alinéa : "Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence" ;
27. Considérant que l'existence de branches de la sécurité sociale est reconnue par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, si l'autonomie financière des branches ne constitue pas, par elle-même, un principe de valeur constitutionnelle, le législateur ne saurait décider des transferts de ressources et de charges entre branches tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions ;
28. Considérant, d'une part, que les majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants s'analysent comme un avantage familial différé qui vise à compenser, au moment de la retraite, les conséquences financières des charges de famille ; que le transfert de charges critiqué ne méconnaît donc pas, par lui-même, le principe d'autonomie de la branche famille ;
29. Considérant, d'autre part, qu'eu égard au montant du transfert de charges critiqué, qui ne représente qu'un faible pourcentage de l'ensemble des dépenses de la branche famille prévues au titre de l'objectif fixé par l'article 60, l'article 59 ne remet pas en cause les exigences constitutionnelles qui s'attachent, en vertu du Préambule de la Constitution de 1946, à l'exercice des missions de cette branche et ne porte pas non plus atteinte à l'égalité entre familles selon qu'elles élèvent des enfants ou qu'elles l'ont fait dans le passé ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre l'article 59 doivent être écartés ;
- SUR LA PRÉSENCE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE :
31. Considérant que les députés auteurs de la saisine font grief aux dispositions des articles 2, 7, 31, 42 et 56, ainsi que du II de l'article 23, d'être étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
32. Considérant qu'aux termes du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution : "Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; que le premier alinéa de l'article 47-1 dispose : "Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique" ;
33. Considérant qu'aux termes du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1996 susvisée, qui constitue la loi organique prévue par les articles 34 et 47-1 de la Constitution :
"Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :
"1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
"2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;
"3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
"4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
"5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources" ;
34. Considérant que le III du même article dispose en son premier alinéa : "Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale" ;
En ce qui concerne l'article 2 :
35. Considérant que l'article 2 de la loi déférée complète l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en créant une délégation parlementaire dénommée "Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé" ; qu'en vertu des termes mêmes de l'article contesté, cette nouvelle délégation a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique "afin de contribuer au suivi des lois de financement de la sécurité sociale" ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 2 ne sont pas étrangères au domaine ouvert aux lois de financement de la sécurité sociale par le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne les articles 7 et 31 :
36. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi déférée : "Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie" ; qu'en vertu du premier alinéa de son article 31 : "Lorsqu'il agrée ou approuve les accords, conventions, annexes et avenants mentionnés aux articles L. 162-1-13, L. 162-14-1 et L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale adresse aux commissions compétentes du Parlement un rapport sur la cohérence de ces accords, conventions, annexes et avenants avec l'objectif prévu au 4° du I de l'article L.O. 111-3 dudit code" ;
37. Considérant, en premier lieu, que les rapports dont il s'agit ne doivent être ni annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni nécessairement déposés en même temps que lui ; qu'ainsi, les articles 7 et 31 ne méconnaissent pas les prescriptions du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution qui réservent à la loi organique le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le Parlement vote la loi de financement de la sécurité sociale ;
38. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'objet même de ces rapports que les dispositions critiquées tendent à améliorer le contrôle par le Parlement de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'elles trouvent dès lors leur place dans la loi déférée en vertu du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il n'en est pas de même, en revanche, du second alinéa de l'article 31 aux termes duquel : "Copie de ce rapport est adressée au conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés" ; que cet alinéa doit être déclaré contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 23 :
39. Considérant que le I de l'article 23 de la loi déférée complète les missions du Fonds pour la modernisation des établissements de santé en le chargeant de financer des audits de la gestion et de l'organisation de l'ensemble des activités des établissements de santé ; qu'il prévoit que des recommandations de gestion hospitalière seront élaborées à partir des résultats des audits et diffusées auprès de ces établissements ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu améliorer la gestion et l'organisation des hôpitaux ; que les effets attendus de ces audits seront de nature à influer de façon significative sur l'équilibre général de l'assurance maladie ; qu'ainsi, le I de l'article 23 n'est pas étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale tel qu'il est fixé par le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
40. Considérant qu'en excluant du droit à communication institué par la loi du 17 juillet 1978 susvisée les rapports d'audit mentionnés ci-dessus, le II de l'article 23 tend à assurer la confidentialité et, par suite, la sincérité et la qualité de ces rapports ; qu'il est donc inséparable du I ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il ne trouve pas sa place dans la loi déférée ;
En ce qui concerne l'article 42 :
41. Considérant que l'article 42 de la loi de financement a pour objet de reporter du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2006 l'échéance avant laquelle doivent être conclues les "conventions tripartites" prévues à l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles et dont seulement un dixième environ a été signé à ce jour ; qu'il aura pour effet d'étaler sur trois années supplémentaires la progression des charges incombant à l'assurance maladie en raison de la médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes ; que, par son impact sur l'équilibre du financement de l'assurance maladie en 2003, il entre dans le champ de compétence de la loi de financement de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne l'article 56 :
42. Considérant que l'article 56 comporte trois séries de dispositions relatives à la branche "accidents du travail et maladies professionnelles" du régime général de la sécurité sociale ; que chacune de ces trois séries de dispositions est séparable des deux autres ;
43. Considérant que les IV, V et VI de l'article 56 tendent à doter cette branche d'une "convention d'objectifs et de gestion" ; que, par leur objet et leurs effets attendus, ces dispositions sont de nature à affecter de façon significative l'équilibre financier du régime général ;
44. Considérant que le VII du même article institue, pour la branche, un conseil de surveillance dont le président et plusieurs membres sont des parlementaires en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il concourt ainsi à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;
45. Considérant, en revanche, que le II du même article prévoit que les membres de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, choisis jusqu'alors par les membres du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, seront désormais directement désignés par les organisations professionnelles et syndicales représentatives ; que ces dispositions, ainsi que celles du I et du III qui en sont indissociables, n'ont pour effet ni d'affecter directement l'équilibre financier du régime général, ni d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles ne peuvent figurer dans une telle loi et doivent être déclarées non conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 28, 30 et 32 :
46. Considérant que l'article 28 de la loi déférée permet aux praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale à l'hôpital de percevoir leurs honoraires "directement" et non plus seulement "par l'intermédiaire de l'administration de l'hôpital" ; que l'article 30 substitue, au chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, l'appellation "contrats de pratique professionnelle" à celle de "contrats de bonne pratique" ; que l'article 32 change la dénomination du service du contrôle médical de l'assurance maladie et redéfinit ses missions sans en modifier la substance ;
47. Considérant qu'aucune de ces dispositions n'affecte de manière significative l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ; qu'aucune d'entre elles n'améliore non plus le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles doivent être déclarées non conformes à la Constitution comme étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
48. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,Décide :
Article premier :
Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 28, 30 et 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ainsi que le second alinéa de son article 31 et les I, II et III de son article 56.
Article 2 :
L'article 43 de la même loi est déclaré conforme à la Constitution sous les réserves énoncées aux considérants 21 et 22.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
# SAISINES:
I. Sur l'article 13
Pour tenter de sauver cet article, le gouvernement prétend, d'une part, que le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas atteint, et d'autre part, que les produits dont il s'agit présentent un danger particulier au motif qu'ils sont consommés fréquemment par certaines personnes en même temps que des drogues.
L'argumentation est pour le moins stupéfiante.
D'abord, le gouvernement se méprend sur la portée de l'argumentation des saisissants. La rupture d'égalité dont il est question ne se réalise pas entre les consommateurs mais entre les différentes produits dès lors que la consommation immodérée de toute bière, à l'instar de toute boisson alcoolique, a les mêmes effets néfastes sur la santé.
Le gouvernement feint, en réalité, de ne pas voir que la violation du principe d'égalité se double ici d'une méconnaissance du droit à la protection de la santé. En l'absence de critères objectifs et rationnels, l'article critiqué, menaçant l'intérêt général invoqué comme but de la loi, ne pourra échapper à la censure.
Il importe, à cet instant, de rappeler que le but expressément prévu par l'article critiqué est bien de taxer plus lourdement un produit au motif que sa consommation immodérée est dangereuse pour la santé. Or, il est acquis que la consommation sans modération de toute boisson alcoolique est dangereuse pour la santé, soit directement soit par ses effets induits sur le comportement de l'individu. Du point de vue de la santé publique, la politique a consisté, depuis plusieurs années, à lutter contre la consommation excessive de boissons alcooliques sans chercher à établir des distinctions entre elles. Il s'agit, en particulier, d'éviter de donner le signe public que telle ou telle boisson serait plus ou moins dangereuse, au risque sinon de légitimer certaines consommations massives.
Il convient de noter, à cet égard, que dans l'article L. 3321-1 du code de la santé publique les bières appartiennent toutes au 2° groupe, sans que des distinction soient établies entre elles.
Plus encore, l'article L. 3323-2 dudit code limite strictement la publicité de l'ensemble des boissons alcooliques et n'opère pas davantage une telle différenciation ; pour la simple et bonne raison, dont le troisième alinéa de l'article L. 3323-4 suivant renvoi l'écho précis, que l'abus de tout alcool est dangereux pour la santé.
Le plus grave est, qu'au cas présent, l'article en cause, au prétendu objectif de santé publique, risque de menacer toute une politique construite depuis de longues années. La distinction critiquée laisse, en effet, entendre que certains produits sont intrinsèquement moins dangereux que d'autres. Le risque est celui d'un glissement vers d'autres bières ou d'autres boissons alcooliques qui seront consommées tout aussi abusivement avec les mêmes effets dangereux pour la santé. On préfère imaginer, à cet instant, que ce glissement n'est pas souhaité par certains. Quand le législateur de 1990 veut lutter contre le fléau de l'alcoolisme, il prend soin d'adopter une démarche globale dans l'espoir que le message sanitaire sera clair : tout consommation immodérée de toute boisson alcoolique est dangereuse pour la santé. Rompre cette logique serait désastreux du point de vue de la santé publique.
Cet article s'inscrit, en réalité, à la suite de la litanie des amendements dits " buvettes ", et nul ne peut ignorer que son lien avec les préoccupations de santé publique est artificiel. L'historique de cette disposition, illustré par les travaux parlementaires et certains amendements venus l'enrichir avant de disparaître, en témoigne malheureusement.
Ensuite, il est frappant de constater que le gouvernement a tenté de faire disparaître l'article en cause. Au cours de la lecture devant le Sénat, monsieur le ministre de la Santé a longuement argumenté pour démontrer que l'article méconnaissait le droit communautaire, et constituait une mesure discriminatoire (Sénat, Séance du 19 novembre 2002). Il a d'ailleurs été suivi par la Haute Assemblée qui avait supprimé l'article.
Certes, les arguments tirés du droit communautaire sont ici sans pertinence. Il demeure que si le gouvernement n'a pas souhaité, pour des raisons politiques, utiliser l'argument constitutionnel, sa critique se fonde également sur l'existence d'une distinction de nature discriminatoire.
Le principe d'égalité tel que dégagé par votre jurisprudence sera tout aussi efficace pour invalider un article dont l'effet pervers aboutira, au surplus, à méconnaître le droit à la protection de la santé.
Enfin, on voudra pour dernière preuve de la faiblesse de l'argumentation du gouvernement, l'assertion selon laquelle cette taxation supplémentaire serait justifiée dès lors que la consommation de ces produits s'accompagne de l'usage de produits stupéfiants.
L'allusion est commode. Elle est choquante.
Du point de vue constitutionnel, on peine cependant à en comprendre la portée. Dès lors que le dispositif querellé vise l'usage immodéré des bières de plus de 8,5 % vol., il n'apparaît pas que les stupéfiants soient visés. Le gouvernement n'ayant pas fait connaître, à ce jour, son projet de taxer lesdits produits, même indirectement, on s'étonne du lien ainsi établi.
On s'interroge aussi sur les sources épidémiologiques à l'origine du dire.
Il est certain que l'article critiqué a établi une distinction sans critères objectifs et rationnel au regard du but énoncé : la consommation immodérée d'alcool. Bien au contraire, traiter un tel fléau avec une mesure pleine d'arrières pensées ne peut que conduire à des effets opposés à la protection de la santé.
La censure ne pourra qu'intervenir.
II. Sur l'article 43
Cet article qui se trouve au coeur du dispositif de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 fait l'objet d'une défense paradoxale de la part du gouvernement. Dans ses observations, il ne prétend pas que le mécanisme ainsi institué va fonctionner de manière objective et rationnelle, mais qu'il " repose sur des hypothèses vraisemblables de comportement des professionnels de santé " (page 8 des observations du gouvernement).
Il s'ensuit que le gouvernement admet, implicitement mais nécessairement, le caractère aléatoire de la mise en oeuvre du dispositif critiqué. Au regard des exigences du principe d'égalité, surtout lorsqu'il se rattache au droit à la protection sociale, une telle incertitude ne peut être admise.
Afin d'éviter tout malentendu sur la portée du grief, les auteurs de la saisine rappellent qu'ils sont favorables, pour d'évidentes raisons, au développement des médicaments génériques, sujet auquel ils ont fortement contribué, et à une authentique responsabilisation de tous les acteurs du système de santé. Il faut, cependant, que le dispositif choisi soit suffisamment précis et encadré pour garantir l'égalité devant la protection sociale.
La décision citée par le gouvernement mérite, à cet égard, tout l'intérêt. Saisi de la loi créant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées, vous avez considéré que " pour assurer le respect de ces principes, il incombe au législateur de prévenir par des dispositions appropriées la survenance de ruptures caractérisées d'égalité dans l'attribution de la prestation spécifique dépendance, allocation d'aide sociale qui répond à l'exigence de solidarité nationale " (Décision n° 96-387 DC du 21 janvier 1997, considérant 11).
En l'espèce, il ressort des propres observations du gouvernement que le dispositif critiqué n'est entouré d'aucune des garanties nécessaires pour éviter la survenance de ruptures caractérisées du principe d'égalité. Car, on croit comprendre à la lecture de la décision précitée que les dispositions appropriées doivent relever d'un encadrement législatif ou réglementaire permettant de pallier, par avance et au titre de mécanismes objectifs et rationnels, les risques de traitements divergents des assurés sociaux.
Or, dans le cas présent, les seules garanties que le gouvernement veut bien concéder appartiennent à la catégorie des " hypothèses vraisemblables ".
Dans la fable du prescripteur, du pharmacien et du patient, il est donc supposé que le médecin n'aura pas de raisons particulières pour délivrer un médicament princeps plutôt qu'un générique, que le pharmacien ne verra pas d'intérêt commercial à délivrer à son client fidèle une spécialité, et que tout patient aura une connaissance acquise suffisante de l'économie du système de santé.
Dans la réalité, ces hypothèses semblent ignorer que le colloque singulier se nouant entre le médecin et son patient échappe parfois à la rationalité pure. Face, par exemple, à une personne âgée habituée depuis plusieurs années à prendre les mêmes médicaments dont la présentation leur est familière et dont la couleur est aisément repérable parmi plusieurs pilules, le médecin, au titre d'un souci compréhensible, préfèrera maintenir la prescription selon les modes habituels.
Dans la réalité, le pharmacien, outre l'hypothèse précédente qu'il peut aussi rencontrer, pourra, par exemple, se trouver en situation de rupture de stock du médicament générique substituable à la spécialité princeps prescrite. Le cas n'est pas rare et d'autant plus gênant lorsqu'il s'agit d'une officine située en zone rurale. Dans cette dernière hypothèse, l'éloignement géographique de l'officine du domicile de certains patients et la rotation des stocks rendent la situation plus que possible.
Dans la réalité, le travail d'éducation à la santé n'est pas encore achevé, et il n'est pas certain que tout le monde soit à égalité face à la connaissance de l'univers des génériques. Quand le gouvernement annonce dans ses observations en réponse que des campagnes seront organisées, sans en préciser leur date, il reconnaît, à juste titre, que la connaissance du sujet par les citoyens n'est pas encore suffisamment acquise.
On le voit, les hypothèses vraisemblables évoquées par le gouvernement montrent que le mécanisme critiqué ne prévoit pas les règles objectives et rationnelles qui assureront une égalité de tous devant le droit à la protection sociale. L'encadrement effectif du dispositif pour empêcher les ruptures caractérisées d'égalité n'existant pas, ou, à tout le moins, se révélant insuffisant, il s'ensuit que les exigences constitutionnelles sont méconnues.
III. Sur le paragraphe II de l'article 23
Le paragraphe II de l'article 23 qui modifie l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 entrerait dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale au motif, selon le gouvernement, que la non communicabilité des rapports d'audit des établissements de santé, comme c'est déjà le cas pour les documents préalables aux rapports d'accréditation, assurerait la confiance et la coopération desdits établissements. Cette confiance des établissements de santé contribuerait, croit-on comprendre, directement à l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
Un tel raisonnement ne pourra prospérer tant le paragraphe II de l'article 23 est dépourvu de lien avec les lois de financement de la sécurité sociale.
D'une part, si l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 exclu déjà certains documents du droit d'accès aux documents administratifs, c'est parce qu'il s'agit de documents préalables, et que cette exclusion est classique pour les documents préparatoires. En l'occurrence, il s'agit des rapports d'audit et leur portée n'est pas la même. Le rapport d'accréditation est d'ailleurs communicable.
D'autre part, et surtout, il est difficile de voir en quoi l'impossibilité d'accès des citoyens à ces documents affecterait la confiance des établissements de santé, et en quoi cela pourrait avoir un effet direct sur l'équilibre financier des régimes de bases obligatoires. L'audit dont s'agit est une obligation pour les établissements de santé. La confiance et la coopération ne pourront qu'être mieux servis par la transparence.
Ce paragraphe II de l'article 23 est donc totalement indifférent à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
Enfin, et pour toutes ces raisons, il est certain que le paragraphe II de l'article 23 est séparable du paragraphe I de l'article, dès lors qu'il n'en fixe pas les principes et que la mise en oeuvre du dispositif de contrôle des établissements de santé ne dépend en rien de cet ajout.
La séparabilité du paragraphe II par rapport à l'ensemble de l'article est donc incontestable et sa censure acquise.
IV. Sur l'article 56 et particulièrement son paragraphe II
Le gouvernement explique longuement que cette disposition a pour objet de doter la branche accidents du travail et maladies professionnelles d'une convention d'objectifs et de gestion et d'en confier le suivi à un conseil de surveillance, contribuant ainsi directement à l'équilibre financier des régimes de base obligatoires et facilitant le contrôle du Parlement. Mais le gouvernement n'aborde qu'indirectement la question de la composition de ce conseil de surveillance. Mesurant cependant la fragilité constitutionnelle du mécanisme, il tente, implicitement, de le sauver de la censure en insistant sur le caractère inséparable des dispositions de l'article critiqué (cf. page 16 des observations en réponse).
Or, on ne peut sérieusement soutenir que ce nouveau mode de désignation des membres du conseil de surveillance, soit donc directement par les organisations syndicales et patronales représentatives et non plus en lien avec le Conseil d'administration de la CNAMTS, affecte directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou le contrôle du Parlement à cet égard.
Le fond de ce paragraphe II de l'article 56 a été clairement, et sans fausse pudeur, explicité par MM. les rapporteurs des Commissions parlementaires compétentes. Cette partie là de l'article 56 est donc singulièrement indifférente au regard d'une politique de convention d'objectifs et de gestion pluriannuelle.
C'est pourquoi, ensuite, il est certain que ce paragraphe II est séparable du reste de l'article. Ainsi que le permet l'article L. 227-2 actuel du code de la sécurité sociale, le Conseil d'administration pourrait jouer un rôle utile à l'égard des conventions d'objectif et de gestion et l'institution de ce conseil de surveillance n'est en rien indispensable à la mise en oeuvre du mécanisme.
L'invalidation est certaine.
Par ces motifs, et tous autres à déduire, suppléer ou ajouter même d'office, les auteurs de la saisine persiste de plus fort dans leurs demandes.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du Conseil Constitutionnel, à l'expression de notre considération la plus haute.
I. Sur l'article 1 bis
Il a été créé par cet article (article 2 de la " petite loi ") une délégation parlementaire dénommée Office Parlementaire d'évaluation des politiques de santé dont la mission est d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique, afin d'éclairer ses décisions.
Au-delà de l'aspect toujours intéressant des initiatives tendant à affirmer la nécessité d'informer au mieux la représentation nationale sur les sujets relevant de sa compétence, il apparaît que cet Office enlève aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat l'une de leurs missions et non des moindres.
Par ailleurs, il reste que la création de ce nouvel Office est étrangère au champ des lois de financement de la sécurité sociale. Sont ainsi méconnus les articles 34 et 47-1 de la Constitution, et ensemble l'article L.O. 111-3 III du code de la sécurité sociale.
Nul ne conteste, en effet, que cette nouvelle délégation n'a qu'un lien distant avec l'amélioration du contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale au sens de la loi organique définissant leur champ d'application.
On ne saurait mieux dire, à cet égard, que le rapporteur de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Monsieur Alain Vasselle, indiquant au titre d'un raisonnement implacable : " Aussi, pour ne pas encourir la censure du Conseil Constitutionnel, les auteurs de l'amendement ont-ils dû insister sur la mission de contrôle de l'application des lois de financement qui serait dévolue à l'Office " (voir Sénat, Rapport n° 58, page 16 et 17), prenant soin de souligner, en outre, que " la nature du nouvel Office apparaît dès lors ambiguë et il peut être fait grief au dispositif de confondre non pas tant l'évaluation et le contrôle, notion souvent proche dans la pratique, que plus précisément l'évaluation prospective des choix et le contrôle de l'application d'une politique " (Rapport précité).
Concluant ces développements en faisant valoir qu'il " n'est pas douteux que le choix de débattre de cette question à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas un élément de clarification " (ibid.), monsieur le rapporteur indiquait que la Commission proposait la suppression de cet article.
Le Sénat a suivi sa commission et supprimé l'article. Pourtant, la Commission mixte paritaire a fait le choix inverse de rétablir cette disposition nonobstant le vice d'inconstitutionnalité l'entachant et connu de tous.
Toutefois, l'article, tel que rétabli par la Commission mixte paritaire, ne comprend plus la précaution rédactionnelle prise par l'Assemblée Nationale en première lecture, mais qui ne trompait personne, constituée par la mention : " notamment dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale ". Dès lors, l'article en cause ne peut même plus se revendiquer d'un rattachement rédactionnel, même fictif, à l'amélioration du contrôle des lois de financement de la sécurité sociale par le Parlement. De façon, pour le moins paradoxale, la Commission mixte paritaire a donc opté pour rétablir une rédaction, sachant qu'elle serait contraire à la Constitution.
La version finalement retenue de l'article critiqué met en pleine lumière constitutionnelle sa nature étrangère aux articles 34, 47-1 C et L.O. 111-3 III du code de la sécurité sociale.
Cette rédaction définitive ne pourra échapper à la censure.
II. Sur l'article 41
Cet article (article 59 de la " petite loi ") prévoit que la part de prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales (ci-après : CNAF) des dépenses mentionnées au 5° de l'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale est égale à une fraction fixée à 60 % pour l'année 2003. Il s'agit donc de porter à 60 % le pourcentage des majorations de pension pour enfants remboursées par la CNAF au FSV, soit le franchissement d'une étape supplémentaire par rapport au plan de marche annoncé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il en résulte que pour l'année 2003, la branche famille va devoir assumer, à ce titre, un financement supplémentaire de 945 millions d'euros, soit un transfert total de 1,89 milliards d'euros.
Une telle disposition ne peut échapper à la censure dès lors qu'elle méconnaît, d'une part, les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, et d'autre part, le principe d'égalité entre les familles.
En premier lieu, il est acquis que l'article critiqué méconnaît les 10ème et 11ème alinéa du Préambule de 1946 aux termes desquels, " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ", et " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".
Certes, vous avez eu l'occasion de juger que la prise en charge ainsi organisée n'était pas, en soi, contraire à la Constitution (Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, considérants 21 à 28, Rec. page 190). Vous avez cependant, dès l'année suivante, précisé que si l'existence des branches de la sécurité sociale est reconnue par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale et si l'autonomie financière des branches ne constitue pas, par elle-même, un principe de valeur constitutionnelle, le législateur ne saurait, toutefois, décider de transferts de ressources et de charges entre branches tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions (Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérants 61 à 65).
Autrement dit, il importe que le législateur ne décide pas de transferts d'une ampleur telle que serait compromise la réalisation des objectifs des branches, entraînant dès lors une atteinte aux 10ème et 11ème alinéa du Préambule de 1946 (cf. sur ce point et de façon très explicite, le commentaire de la décision du 18 décembre 2001 paru dans Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 12).
Au cas présent, il est peu de dire que l'ampleur du transfert ainsi décidé est manifestement excessif et ne pourra que menacer l'équilibre de gestion des branches concernées, et, partant de là, l'accomplissement de leur mission. Le législateur n'aura donc pas tenu compte des limites constitutionnelles que la jurisprudence la plus récente avait ainsi énoncée.
La Commission des Affaires Sociales du Sénat avait pris soin, à cet égard, de pointer la difficulté majeure qui résulterait de l'entrée en vigueur de cette disposition. Dans son rapport sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, monsieur le rapporteur relève qu'aujourd'hui, " la branche famille prend donc en charge le financement d'une partie de la majoration de pension pour enfants, prestation relevant initialement de l'assurance vieillesse puis prise en charge, au titre de la solidarité, par la FSV.
Mais, a contrario, pour des raisons anecdotiques liées à la nécessité de bouclages financiers conjoncturels, l'allocation de parent isolé (API), prestation familiale historique, est inscrite au budget général.
Enfin, le FSV est mis à contribution pour apurer la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de retraite, mission tout à fait étrangère à sa raison d'être et à sa place au sein des lois de financement qui ne traitent que des régimes de base.
En résumé, au terme de trois ans de manipulation des flux financiers, l'Etat finance une prestation familiale, la CNAF finance une prestation de solidarité vieillesse et le FSV prend en charge la dette de l'Etat.
Aussi, votre commission a-t-elle jugé urgent de permettre un retour au bon sens dans la détermination des missions de chacun. " (Rapport, n° 58, pages 165 et 166).
Proposant une modification substantielle de l'article, le rapporteur notait que ce faisant, " la branche famille serait ainsi garantie contre une nouvelle progression de sa contribution au titre des majorations de pension pour enfants, progression au demeurant irréaliste d'un point de vue financier et fragile d'un point de vue constitutionnel. " (ibid.).
Indépendamment des appréciations politiques portées sur les politiques publiques conduites dans les années précédentes, il s'avère que la Commission des affaires sociales du Sénat a clairement souligné que l'article 41 aboutissait, eu égard à l'ampleur du transfert opéré et venant s'ajouter à d'autres, à mettre manifestement en cause la poursuite des missions des branches. On passera, à cet instant, sur le grief que l'on pourrait relever à propos de l'intelligibilité de la loi, y compris pour ses destinataires principaux. On retiendra, en revanche, que le rejet de l'amendement substantiel proposé par le Sénat confirme, a fortiori, la méconnaissance des exigences constitutionnelles portées par le Préambule de 1946, affectant en conséquence la disposition querellée d'un vice rédhibitoire.
Vice d'autant plus certain qu'il est doublé d'une violation patente du principe d'égalité.
En second lieu, il s'avère que la fragilité constitutionnelle du dispositif soulignée par la Commission des affaires sociales du Sénat résulte également d'une méconnaissance manifeste des limites posées par votre jurisprudence.
Ainsi, à propos de l'article 60 de la loi de financement pour 2002 qui faisait passer la prise en charge de 15 à 30 %, vous avez jugé " qu'eu égard au montant limité du transfert de charges critiqué, l'article 60 ne porte pas atteinte à l'égalité entre les familles selon qu'elles élèvent ou qu'elles l'ont fait dans le passé... " (Décision du 18 décembre 2001, précitée, considérant 65).
Un commentateur particulièrement autorisé pouvait alors relever que le Conseil avait, dans ces conditions, implicitement admis le caractère opérant du grief, avant d'ajouter : " mais, en l'espèce (passage de 15 % à 30 % de la prise en charge), le seuil n'est pas dépassé " (voir Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 12, commentaire de la décision du 18 décembre 2001).
Au cas présent, force est de constater que le seuil a été largement dépassé, passant de 30 % à 60 %. C'est, à l'évidence, le sens de l'analyse du Sénat, et, pour tout dire, le bon sens. Il est certain que l'article critiqué a franchi la limite constitutionnellement établie au titre du principe d'égalité et que la jurisprudence avait pris soin d'évoquer pour tenter de pallier à tout excès futur.
L'excès étant cependant arrivé, le temps de la censure est venu.
Par ces motifs et tous autres à déduire ou ajouter, même d'office, les auteurs de la saisine persistent de plus fort dans leurs demandes.I / Sur l'article 2
A/ L'article 2 de la loi déférée prévoit la création d'une délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. Composé de douze députés et douze sénateurs, l'office a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique.
Selon les parlementaires requérants, la création de l'office priverait les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat de l'une de leurs missions et serait étrangère au domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale.
B/ Cette argumentation n'est pas fondée.
En premier lieu, la critique selon laquelle la création de l'office priverait les commissions permanentes des assemblées de certaines de leurs missions ne résiste pas à l'examen. L'article 2 de la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet de substituer une nouvelle délégation parlementaire aux six commissions permanentes mentionnées à l'article 43 de la Constitution, qui demeurent exclusivement compétentes pour ce qui touche à la procédure législative elle-même. Il se borne à ajouter à la liste des délégations parlementaires déjà instituées, résultant notamment de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 plusieurs fois modifiée, un office destiné à éclairer les assemblées sur les conséquences des choix de santé publique.
En second lieu, s'ils ne sont à l'évidence pas réservés aux lois de financement de la sécurité sociale, ces choix de politique de santé publique s'effectuent notamment dans ce cadre.
D'une part, en effet, les lois de financement de la sécurité sociale ont pour objet, ainsi que le prévoit le 1° du I de l'article L.O 111-3 du code de la sécurité sociale, d'approuver les orientations de la politique de santé. Ces orientations sont contenues dans le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale conformément à l'article L.O. 111-4 du même code.
D'autre part, les lois de financement de la sécurité sociale concourent directement ou indirectement à la mise en oeuvre des politiques de santé, par l'effet des dispositions qu'elles comportent et qui s'appliquent à la branche maladie ou qui sont relatives à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), que ce soit, par exemple, dans le domaine du médicament, de l'accès aux soins - en ville et dans le secteur hospitalier -, de la prévention ou de la thérapeutique. Peu des mesures prises par le législateur dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale, en raison de leur incidence directe sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base et qui affectent l'assurance maladie, sont dépourvues de portée sanitaire. Le caractère annuel et le contenu des lois de financement de la sécurité sociale en font un instrument privilégié de mise en oeuvre des politiques de santé.
Il est donc légitime que le Parlement décide de se doter d'un instrument lui permettant d'apprécier la validité des décisions et objectifs pris dans le domaine de la santé dans le cadre, en particulier, des LFSS. Ces politiques se prêtant extrêmement difficilement à un contrôle, stricto sensu, de leur application, c'est par le biais de l'évaluation que le Parlement peut satisfaire à la mission qui lui est dévolu par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
L'ensemble des informations qui seront ainsi fournies lui permettront L'Office parlementaire créé par les dispositions de l'article 2 constituera pour le Parlement un outil lui permettant de contrôler par lui-même les conséquences, sur le plan sanitaire, des choix opérés dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi ces dispositions permettront-elles, conformément aux dispositions du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, d'améliorer, sous cet aspect, le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
II/ Sur l'article 59
A/ L'article 59 fixe à 60 %, pour l'année 2003, la part prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales des dépenses mentionnées au 5° de l'article L.223-1 du code de la sécurité sociale. Il s'agit des dépenses supportées par le Fonds de solidarité vieillesse au titre des majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants, prévues au a) du 3° et au 6° de l'article L.135-2 du même code.
L'article L.223-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, prévoit le versement par la Caisse nationale d'allocations familiales au Fonds de solidarité vieillesse d'un montant égal aux dépenses de celui-ci au titre de ces majorations de pension. L'article 59 de la loi déférée a pour effet de limiter à 60 % de ce montant la part effectivement prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales en 2003. Cette part, tout en restant inférieure à celle qui découlerait de la pleine application des seules dispositions de l'article L.223-1 du code de la sécurité sociale, sera ainsi supérieure à celle qu'ont prévue, à hauteur de 15 % pour 2001 et 30 % pour 2002, respectivement, le III de l'article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 puis l'article 60 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Les auteurs du recours soutiennent qu'en portant à 60 % la part du coût des majorations de pension accordées en raison du nombre d'enfants prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales, le législateur aurait méconnu les termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lesquels la Nation " assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " et " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ". Ils font valoir à cet égard que, par son ampleur, le transfert de charges opéré menacerait " l'équilibre de gestion des branches concernées ". Ils soutiennent également que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
1) Le Conseil constitutionnel a, par ses décisions n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 et n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, jugé que le principe de la prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales du coût des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants n'était pas contraire à la Constitution.
Il a, en particulier, été relevé que les majorations de pensions pour enfants devaient s'analyser comme " un avantage familial différé qui vise à compenser, au moment de la retraite, les conséquences financières des charges de famille ", ce qui a conduit le Conseil à écarter le grief tiré d'une atteinte à l'autonomie des branches de la sécurité sociale. D'ailleurs, le Conseil, tout en relevant que l'existence de branches de la sécurité sociale est reconnue par une norme de rang organique, a précisé que l'autonomie financière des branches ne constitue pas par elle-même un principe de valeur constitutionnelle.
2) La décision du 18 décembre 2001 a certes posé une limite aux transferts de ressources et de charges entre branches, qui ne doivent pas être " tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions ".
Mais, en l'espèce et à l'évidence, il ne peut être sérieusement soutenu que la réalisation des objectifs de la branche famille, voire son existence, serait compromise ou que seraient remises en cause les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de ses missions, dès lors que l'équilibre financier de cette branche n'est pas menacé.
En effet, le rapport adopté en septembre 2002 par la commission des comptes de la sécurité sociale a prévu en 2003 pour la Caisse nationale d'allocations familiales, à laquelle incombe l'intégralité des dépenses de la branche, des dépenses d'un montant de 46,290 milliards d'euros et des recettes de 47,965 milliards d'euros, soit un solde positif de 1,675 milliards d'euros. Ces prévisions incluent la prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales de 30 % du coût des majorations de pension pour enfants, soit 945 M euros. L'article 59 de la loi déférée a pour effet d'accroître cette charge de 945 M euros, et ainsi de réduire à 730 M euros l'excédent des comptes de la Caisse nationale d'allocations familiales en 2003. Mais, compte tenu aussi des effets de l'article 58 de la loi déférée, dont les dispositions prévoient la création d'une allocation forfaitaire par enfant à la charge de la Caisse nationale d'allocations familiales, et de l'article 14, prévoyant un versement de la Caisse de remboursement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale au profit, notamment, de la Caisse nationale d'allocations familiales, l'excédent devrait s'élever en définitive à 912 M euros. Le coût total des majorations de pension pour enfants pris en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales représentera un peu moins de 4 % des dépenses de la Caisse.
3) Enfin, si le Conseil constitutionnel a vérifié, à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, que le transfert de charges critiqué ne portait pas atteinte, eu égard à son montant, " à l'égalité entre familles selon qu'elles élèvent des enfants ou qu'elles l'ont fait dans le passé " (décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001), cette décision n'a pas aux yeux du Gouvernement la portée que lui prêtent les députés auteurs de la saisine.
L'importance du transfert par rapport au coût total des majorations de pension, exprimée en pourcentage de ce coût, n'a pas d'incidence sur la situation relative des familles qui élèvent des enfants, bénéficiaires des allocations familiales, et des familles ayant élevé des enfants, bénéficiaires, à leur retraite, des majorations de pension. Elle n'affecte, en effet, par elle-même ni le principe ni le montant des prestations servies à ces deux catégories de familles.
Ce n'est que dans le cas où le financement des majorations de pension, comparé à l'ensemble des dépenses de la branche famille, mobiliserait les ressources de la branche famille au profit des familles ayant élevé des enfants à un point tel que devraient être réduites les prestations servies aux familles élevant des enfants, que l'on pourrait envisager que soit méconnue l'égalité entre ces deux catégories de familles.
Or, comme on l'a vu, la prise en charge des majorations pour enfants ne représentera en 2003 que 4 % des dépenses de la Caisse nationale d'allocations familiales, et les comptes de la Caisse resteront excédentaires de 912 M euros, en dépit de l'accroissement de cette prise en charge par rapport à l'année précédente. Le niveau des prestations servies aux familles bénéficiant des prestations de la branche famille, qui est encore amélioré par les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, n'est ainsi pas affecté par l'article 59 de la loi déférée. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne pourra qu'être écarté.
Le Gouvernement estime ainsi qu'aucun des griefs articulés par le mémoire complémentaire des députés saisissants n'est de nature à justifier la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions déférées.
I / Sur la sincérité des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses
A/ L'article 20 de la loi déférée détermine, pour 2003, les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement, conformément à ce que prescrit le 2° du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. L'article 21 procède, pour sa part, à la révision des recettes, par catégories, pour 2002.
Les articles 49 et 50 déterminent, quant à eux, par application des 3° et 4° du I de l'article LO 111-3 du même code, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base et l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants pour l'année 2003. L'article 51 adopte l'objectif de dépenses d'assurance maladie révisé pour 2002.
Les auteurs de la saisine contestent le réalisme des prévisions de croissance du produit intérieur brut et d'évolution de la masse salariale sur lesquelles se fondent les prévisions de recettes figurant à l'article 20 et soutiennent que ces prévisions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation qui affecterait la sincérité de la loi de financement. Ils soutiennent, de même, que la révision des recettes pour 2002 figurant à l'article 21 serait erronée parce qu'elle n'intégrerait pas les évolutions économiques constatées au cours du troisième trimestre de l'année 2002. Ils invoquent au soutien de leur argumentation, d'une part, le dépôt par le gouvernement d'un amendement tendant à réviser le montant des prévisions de recettes du budget de l'Etat lors de la discussion de la loi de finances pour 2003 ainsi que le projet de loi de finances rectificatives pour 2002, et, d'autre part, les termes du rapport annexé à la loi déférée qui évoquent l'éventualité de la présentation d'un projet de loi de financement rectificative au cours de l'année 2003.
Les députés requérants soutiennent, en outre, que les objectifs de dépenses arrêtés par les articles 49, 50 et 51 seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation, en soulignant que les taux d'évolution fixés par la loi de financement seraient inférieurs à la progression réelle des dépenses, sans que la loi n'ai adopté de mesures de maîtrise des dépenses permettant d'atteindre ces objectifs.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1) Il faut d'abord rappeler que la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale ne peut être mise en cause, au regard du principe de sincérité, que si les prévisions faites par le Gouvernement traduisent une mauvaise évaluation manifeste, certaine et volontaire, dénaturant l'exercice par le Parlement de ses prérogatives. Ce n'est que dans cette mesure que pourrait être contestée, au plan juridique, la constitutionnalité de la loi de financement.
La fiabilité des prévisions peut, sans doute, donner lieu à des débats d'experts ainsi qu'à des appréciations politiques variées. Mais d'éventuelles divergences d'appréciation ne sauraient, par elles-mêmes, emporter de conséquences juridiques : elles relèvent de l'appréciation politique à laquelle se livre le Parlement et ne mettent pas en cause la conformité à la Constitution de la loi, sauf à ce que les termes du débat aient été faussés par des prévisions manifestement et sciemment inexactes.
C'est pourquoi, comme le reconnaît d'ailleurs la saisine, le Conseil constitutionnel s'en tient en la matière à un contrôle d'erreur manifeste d'appréciation, prenant en considération les aléas inhérents à l'évaluation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses (décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001). D'ailleurs, ainsi que l'indique le Conseil dans cette décision, s'il apparaissait en cours d'année que les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base étaient remises en cause, il appartiendrait alors au Gouvernement de soumettre au Parlement les ajustements nécessaires dans une loi de financement rectificative, voire dans la loi de financement de l'année suivante. C'est bien souligner que, par nature, l'exercice prévisionnel expose à devoir procéder à des ajustements, en raison des aléas qui lui sont inhérents.
2) En l'espèce, les prévisions de recettes sur lesquelles le Gouvernement s'est fondé pour établir le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne peuvent être regardées comme entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Le Gouvernement s'est, en effet, fondé sur des projections étayées par des travaux d'experts, qui sont cohérentes avec celles qui ont été retenues pour l'établissement du projet de loi de finances pour 2003. Elles se fondent sur une croissance du produit intérieur brut de 1,2% en 2002 et de 2,5% pour 2003. La masse salariale du secteur marchand non agricole augmenterait de 3,7% en 2002 et de 4,1% en 2003, avec une progression de l'emploi salarié de 0,7% en 2002 et de 1,1% en 2003, ainsi qu'une progression du salaire moyen de 2,9% ces deux années. Les dernières informations disponibles ne remettent pas en cause ces prévisions économiques. La production industrielle a certes décéléré et les derniers comptes trimestriels, publiés le 22 novembre 2002, font état d'un certain ralentissement de l'activité en France au troisième trimestre (+0,2% après 0,4% au deuxième). Mais pour autant, la masse salariale conserve une bonne tenue : l'emploi salarié marchand a progressé de 0,2% au troisième trimestre, la progression du salaire mensuel de base est restée par ailleurs soutenue, sur un rythme annualisé d'environ 2,5% au troisième trimestre ; avec une progression de la masse salariale dans l'ensemble de l'économie de 0,8% au troisième trimestre et de 3,6% sur un an, les comptes trimestriels attestent aussi de la vigueur persistante des revenus salariaux. La consommation des ménages reste également vigoureuse : les derniers comptes trimestriels indiquent qu'elle a progressé de 0,7% au troisième trimestre, après 0,4% au deuxième, ce qui porte l'acquis de croissance pour 2002 à 1,7% (pour une prévision de 1,8% sur l'ensemble de l'année) ; la consommation en produits manufacturés a de surcroît fortement augmenté en octobre (+1,0%, soit 2,3% sur un an).
Les prévisions de croissance sur lesquelles repose la loi de financement de la sécurité sociale ne peuvent ainsi pas être qualifiées d'irréalistes.
En outre, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les ajustements de recettes fiscales qui figurent au projet de loi de finances rectificative pour 2002 et ceux qui ont été introduits, par coordination, au stade de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances pour 2003, ne traduisent pas de changement dans l'appréciation de la conjoncture macroéconomique.
Les ajustements du projet de loi de finances rectificative pour 2002 présentent un caractère essentiellement technique et tiennent à des baisses de rentrées fiscales liées à la structure des entreprises, au destockage de produits pétroliers, à l'infléchissement de la part des importations dans l'assiette de la TVA, ainsi qu'à une baisse de l'impôt sur le revenu. Ces révisions limitées, qui ne portent que sur 0,6% des recettes fiscales nettes de l'Etat en 2002 et 0,3% en 2003, ne remettent pas en cause le diagnostic porté sur la conjoncture économique au cours de l'année 2003. En toute hypothèse, ces révisions de recettes du budget de l'Etat n'ont pas de conséquences sur la prévision des recettes de la sécurité sociale pour 2003.
En outre, les parlementaires requérants apparaissent particulièrement mal fondés à mettre en exergue l'engagement pris par le Gouvernement de présenter une loi de financement rectificative au cours de l'année 2003 si des ajustements significatifs des prévisions de recettes devaient être envisagés. Cet engagement ne saurait être regardé comme l'aveu du caractère erroné des prévisions sur lesquelles est établie la loi déférée. Il témoigne simplement de la volonté du Gouvernement, dans le cas où des aléas viendraient démentir certaines des prévisions votées par le Parlement, d'en tirer rapidement les conséquences en soumettant au législateur un projet de loi de financement rectificative, conformément à ce qu'exigent le II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
3) En ce qui concerne la détermination des objectifs de dépenses, notamment l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), il convient de rappeler que ces objectifs ne constituent pas des enveloppes budgétaires limitatives. Il ne s'agit pas d'un montant maximum de dépense, mais d'un seuil défini en fonction de choix de santé publique au delà duquel des mécanismes de régulation des dépenses doivent être mis en oeuvre. Les dépassements qui ont pu être observés dans le passé ne peuvent donc remettre en cause le principe de ces objectifs.
En tout état de cause, on observera que le taux de croissance de l'ONDAM a été fixé par la loi déférée à 5,3%, soit à un niveau supérieur au taux de croissance du produit intérieur brut envisagé pour l'année 2003, alors que les lois de financement de la sécurité sociale adoptées ces dernières années avaient fixé des taux d'évolution plus restrictifs s'agissant de cet objectif : il était de 4% pour la loi de financement pour l'année 2002, de 2,6% pour la loi de financement pour 2001 et de 2,9% pour la loi de financement pour 2000. L'appréciation qui a conduit le Parlement à adopter, pour 2003, le taux de croissance de 5,3% pour l'ONDAM ne peut ainsi être regardée comme manifestement erronée.
II/ Sur l'article 13
A/ L'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 institue, au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, une cotisation perçue sur les bières dont la teneur en alcool est supérieure à 8,5°. Le montant de cette cotisation, qui est recouvrée comme en matière de contributions indirectes, a été fixé à 200 euros par hectolitre.
Selon les parlementaires requérants, cette cotisation supplémentaire méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'elle traiterait différemment des produits se trouvant objectivement dans une situation semblable au regard du but poursuivi par la loi.
B/ Une telle argumentation ne peut qu'être écartée.
Il faut rappeler, en premier lieu, qu'il est toujours loisible au législateur d'instituer une cotisation de cet ordre et d'en affecter le produit à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Il appartient au législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer l'assiette de cette contribution. C'est ce qu'il a fait en l'espèce en instituant une cotisation sur les seules bières fortes, en raison des risques que comporte, pour la santé, l'usage immodéré de ces produits.
Il sera fait observer, en deuxième lieu, que le principe d'égalité devant les charges publiques n'est nullement mis en cause par la disposition adoptée par le Parlement. En effet, tous les consommateurs des produits taxés seront soumis au même prélèvement, déterminé en fonction des quantités consommées. Et il ne peut être valablement soutenu qu'une atteinte au principe d'égalité pourrait résulter des choix librement effectués par les consommateurs de se tourner vers telle ou telle catégorie de produits.
Il faut souligner, en troisième lieu, le caractère particulièrement nocif des bières fortes qui ont été spécifiquement visées par le législateur. Les effets de la consommation des bières de plus de 8,5° sont, en effet, nettement plus préoccupants pour la santé publique que celles des bières à taux d'alcool plus faible. On constate, de surcroît, que la consommation de ces bières fortes est fréquemment, chez certaines catégories de consommateurs, accompagnée de la prise de produits stupéfiants.
En instituant une cotisation spécifique sur ces boissons, le législateur a entendu, comme il l'a expressément exposé, remédier à un problème de santé publique spécifique, lié à la consommation fréquente de produits qui présentent une dangerosité particulière.
III/ Sur l'article 43
A/ L'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a pour objet de modifier et de compléter les dispositions du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique relatives aux médicaments génériques, afin d'inciter à la consommation de ces produits et contribuer ainsi à la maîtrise des dépenses de santé.
L'article 43 adopte, en premier lieu, une nouvelle formule de prise en charge par l'assurance maladie lorsque le pharmacien délivre un médicament sur présentation d'une prescription libellée en dénomination commune, ou lorsque le pharmacien substitue un médicament du même groupe générique à la spécialité prescrite. Dans ces deux cas, aux formules précédentes qui imposaient soit le respect d'un écart maximum déterminé par rapport au prix de la spécialité la moins chère du même groupe générique, soit le respect d'un écart de prix maximum par rapport au prix de la spécialité prescrite, la loi déférée substitue une nouvelle formule selon laquelle la prise en charge par l'assurance maladie du médicament délivré ne doit pas excéder celle du médicament générique le plus cher du groupe générique concerné.
L'article 43 prévoit, en deuxième lieu, la possibilité d'instaurer par arrêté ministériel, après avis du Comité économique des produits de santé, un tarif forfaitaire de remboursement identique pour tous les médicaments appartenant à un même groupe générique. Le patient aura ainsi le choix, à l'intérieur d'un groupe générique, entre des médicaments dont le prix correspond au forfait, auquel cas il ne supportera que le ticket modérateur, et des médicaments dont le prix est supérieur au forfait, ce qui le conduira à acquitter la différence.
L'article institue, en troisième lieu, une nouvelle définition des groupes génériques en l'élargissant à des groupes ne comprenant pas, pour des raisons historiques, de spécialité princeps, comme par exemple l'aspirine.
Les auteurs du recours soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient les termes du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, garantissant à tous la protection de la santé, et qu'elles porteraient atteinte au principe d'égalité. Ils relèvent que le mécanisme institué pourrait avoir pour résultat de ne plus garantir un égal accès aux soins, au détriment des patients qui ne se seront pas vus prescrire de médicaments génériques par le médecin ni proposer de produits de substitution par le pharmacien.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
1) Il sera rappelé, en premier lieu, que la jurisprudence laisse au législateur un large pouvoir d'appréciation pour la mise en oeuvre des termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Le Conseil constitutionnel reconnaît ainsi qu'il incombe au législateur, comme d'ailleurs au pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence, de déterminer, dans le respect des principes posés par le Préambule, les modalités concrètes de leur mise en oeuvre (par exemple décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 ; décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990 ; décision n° 93-325 DC du 13 août 1993).
Il est ainsi loisible au législateur de choisir les modalités qui lui paraissent les plus appropriées à cette mise en oeuvre. Il lui est, de même, loisible à tout moment d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors qu'il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles (par exemple décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 ; décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 ; décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001).
En adoptant de nouvelles dispositions relatives à la prise en charge des médicaments par l'assurance maladie, le législateur a fait usage de ce pouvoir d'appréciation sans porter atteinte au respect des principes posés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
L'objet de ces dispositions est d'inciter à la consommation de médicaments génériques dans le but, d'intérêt général, de maîtriser les dépenses de santé. L'usage de médicaments génériques, qui par hypothèse ont les mêmes propriétés que les médicaments princeps, ne peut être regardé comme portant directement atteinte au droit à la protection de la santé. Les modalités de prise en charge des dépenses de santé par la sécurité sociale, qui sont diverses et qui résultent de la conciliation, par le Parlement et le Gouvernement, des différents intérêts généraux dont ils ont la responsabilité, ne peuvent davantage, et par elles-mêmes, être regardées comme portant atteinte aux principes posés par le Préambule de 1946.
Tel est le cas pour la disposition prévoyant que le remboursement peut être limité à un tarif forfaitaire de responsabilité pour les médicaments figurant dans un groupe générique. Il incombera aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, intervenant après l'avis du Comité économique des produits de santé, de veiller, sous le contrôle du juge de la légalité, à ce que la fixation de ce tarif de responsabilité n'ait pas pour effet de mettre en cause le respect des dispositions du Préambule (décision n° 91-296 DC du 29 juillet 1991).
On peut, au demeurant, relever que des forfaits de remboursement figurent déjà dans le droit positif. Ils concernent, par exemple, de nombreux dispositifs médicaux pour lesquels le prix de vente est libre et déconnecté du tarif servant de base au remboursement. D'ailleurs, pour les médicaments dont le prix demeure réglementé, et à la différence de ce qui peut advenir pour certains dispositifs médicaux, l'assuré aura la certitude de pouvoir disposer de produits dont le prix sera égal au forfait.
2) Il est vrai que, pour assurer le respect des principes posés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, il incombe au législateur de prévenir, par des mesures appropriées, la survenance de ruptures caractérisées d'égalité entre les assurés sociaux (décision n° 96-287 du 21 janvier 1997).
Mais, en l'espèce, le dispositif adopté par le législateur n'emporte pas d'atteinte caractérisée au principe d'égalité.
Il faut préciser, d'abord, que le fonctionnement du dispositif repose sur des hypothèses vraisemblables de comportement des professionnels de santé. Le médecin, sauf demande expresse du patient, n'a pas de raisons particulières de prescrire un médicament princeps plutôt que de prescrire en dénomination commune. Le pharmacien n'a pas davantage d'intérêt, notamment financier, à délivrer des médicaments princeps plutôt que des médicaments génériques : sa marge est, en effet, fixée à un niveau identique en montant quel que soit le médicament du groupe générique qu'il vend et le taux des remises qu'il peut obtenir des fournisseurs est, de même, identique ; son intérêt commercial est, dans ces conditions, de proposer au patient les médicaments qui laissent à sa charge le montant le plus faible possible.
Il faut relever, ensuite, que l'objet du dispositif est d'inciter les patients eux-mêmes à la consommation de médicaments génériques, dans le souci de maîtriser les dépenses de santé. En année pleine, les économies attendues de la mesure peuvent être évaluées à 750 Meuros. D'autres dispositifs ont déjà été mis en place pour inciter les professionnels de santé à prescrire ou délivrer des médicaments génériques, notamment la convention nationale des médecins généralistes de juin 2002 qui engage les médecins à prescrire en dénomination commune ou en génériques. La responsabilisation des assurés sociaux complète ce dispositif d'intérêt général, de façon qu'ils ne soient pas les seuls acteurs du système qui demeurent indifférents à la maîtrise des dépenses de santé. A cette fin, le Gouvernement a prévu d'accompagner la mise en oeuvre du dispositif de campagnes d'information et de communication à destination des patients, comme des prescripteurs et des pharmaciens.
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le mécanisme institué par l'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 emporte des ruptures caractérisées du principe d'égalité. Au demeurant, il faut souligner que ces dispositions répondent à un but d'intérêt général de maîtrise des dépenses de santé.
IV/ Sur le rattachement de certaines dispositions au domaine des lois de financement de la sécurité sociale
A/ Plusieurs dispositions de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2003 auraient, selon les requérants, été adoptées en méconnaissance des règles résultant de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui régissent le domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Il est ainsi soutenu que les dispositions de l'article 7, du II de l'article 23, des articles 31, 42 et 56 de la loi déférée seraient étrangères à ce domaine, dans la mesure où elles n'affecteraient pas directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ni n'amélioreraient le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
B/ Ces critiques appellent de la part du Gouvernement les remarques suivantes.
1) L'article 7 de la loi déférée prévoit que le Gouvernement transmettra, chaque année, au Parlement un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Selon les parlementaires requérants, cet article serait étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale et empièterait, de surcroît, sur le domaine réservé au législateur organique.
Ces griefs ne sont pas fondés.
D'une part, ainsi qu'il résulte du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, les lois de financement de la sécurité sociale peuvent comporter des dispositions améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Tel est précisément l'objet de l'article 7 de la loi de financement pour 2003.
A cet égard, il faut relever que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) constitue un élément essentiel des lois de financement de la sécurité sociale. Le rapport que la disposition critiquée impose au Gouvernement de remettre au Parlement est de nature à permettre à ce dernier de mieux appréhender les motifs qui conduisent à la détermination de l'objectif de dépenses et ses justifications au regard des besoins de santé. Il permet ainsi d'améliorer le contrôle du Parlement sur cet aspect central des lois de financement.
D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, la production de ce rapport ne peut être regardée comme l'une des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale dont la liste est déterminée par l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale. Le législateur organique a précisé la liste des documents qui doivent, à peine d'irrégularité, figurer en annexe des projets de loi de financement. La disposition critiquée de l'article 7 n'a pas une telle portée : elle n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer au Gouvernement de produire une nouvelle annexe aux projets de lois de finances, mais se borne à lui imposer, dans le but d'améliorer le contrôle du Parlement, de transmettre chaque année à ce dernier des éléments d'information importants sur l'ONDAM. La disposition ne peut ainsi être regardée comme relevant du domaine de compétence du législateur organique.
2) L'objet du paragraphe II de l'article 23 de la loi déférée doit être précisément mesuré.
Au delà des apparences, la réécriture de l'article 1er de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 se borne à ajouter les rapports d'audit des établissements de santé à la liste des documents qui échappent au droit d'accès aux documents administratifs garantis par cette loi. Les " documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé prévu à l'article L 6113-6 du code de la santé publique " ne sont mentionnés dans cette réécriture que pour des raisons de lisibilité et de compréhension. Ils sont déjà exclus, en droit positif, du champ d'application de la loi du 17 juillet 1978 depuis l'intervention de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
Le II de l'article 23 ne modifie donc le droit en vigueur qu'en ce qu'il ajoute les rapports d'audit des établissements de santé à la liste des exclusions. Cette exclusion pouvait valablement figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elle n'est, en effet, pas dissociable des dispositions figurant au I du même article 23 instituant la mission d'expertise et d'audit hospitaliers et prévoyant son financement par le fonds de modernisation des établissements de santé créé par l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Or la légitimité de l'insertion des dispositions du I de l'article 23 dans une loi de financement de la sécurité sociale n'apparaît pas contestable, et n'est d'ailleurs pas contestée par le recours. Le dispositif d'expertise et d'audit présente, en lui-même, un intérêt essentiel pour la maîtrise des dépenses de santé. Il sera financé par les régimes obligatoires d'assurance maladie au travers leur contribution du fonds de modernisation des établissements de santé. Dans le cadre du plan gouvernemental " Hôpital 2007 ", les dépenses du fonds affectées aux missions d'expertise mentionnées au I de l'article 23 sont évaluées à hauteur de 15 Meuros par an. En outre, les économies qui peuvent être attendues d'un meilleur fonctionnement des établissements de santé sont particulièrement importantes. A titre d'exemple, on peut noter que le rapport de l'inspection générale des affaires sociales de 1998 sur la fonction achat dans les établissements de santé évaluait à 5% en moyenne les économies susceptibles de résulter d'une meilleure organisation des établissements, ce qui représenterait une économie de l'ordre de 500 Meuros.
La précision apportée par le paragraphe II de l'article 23 n'est pas séparable des dispositions du paragraphe I. La réussite d'une démarche d'audit et d'expertise suppose de gagner l'adhésion et la confiance des établissements de santé qui se soumettront aux audits, afin de bénéficier de leur participation active à l'analyse de leur fonctionnement. L'absence de communication des rapports d'audit vise à garantir cette confiance et la qualité de cette coopération. C'est ce même souci qui avait conduit le législateur à exclure du champ d'application de la loi du 17 juillet 1978, par la loi du 12 avril 2000, les documents préalables aux rapports d'accréditation des établissements de santé.
3) L'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a pour objet d'imposer au ministre chargé de la sécurité sociale d'adresser au Parlement, lorsqu'il agrée ou approuve des conventions passées avec les professions de santé en vertu du code de la sécurité sociale, un rapport sur la cohérence de ces conventions avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).
Cette disposition contribue à améliorer l'information du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale et trouve ainsi place dans une loi de financement, conformément à ce que permet le III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
L'information transmise au Parlement lui permettra, en effet, d'apprécier la cohérence avec l'ONDAM des mécanismes de régulation conventionnelle approuvés par l'autorité ministérielle. L'accord-cadre interprofessionnel entre l'assurance maladie et le centre national des professions de santé, régi par l'article L 162-1-13 du code de la sécurité sociale, les conventions passées avec les différentes professions de santé en vertu de l'article L 162-14-1 et leurs avenants tarifaires visés à l'article L 162-14-2, constituent le cadre principal des engagements financiers de l'assurance maladie en matière de soins de ville et des contreparties attendues des professions de santé. Il s'agit ainsi d'éléments déterminants pour le respect de l'ONDAM. Une information à leur égard apparaît, dès lors, contribuer à l'amélioration de l'information du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
4) L'article 42 de la loi déférée a pour objet de reporter au 31 décembre 2005 ou 2006 l'échéance avant laquelle doivent être signées les conventions tripartites visées à l'article L 313-12 du code de l'action sociale et des familles.
Cet article du code de l'action sociale et des familles conditionne l'accueil d'un nombre de personnes âgées dépendantes supérieur à un seuil fixé par décret à la signature d'une convention tripartite entre l'établissement assurant l'hébergement des personnes âgées, l'autorité de tarification - le préfet ou l'agence régionale d'hospitalisation - et le président du conseil général. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait fixé initialement au 31 décembre 2003 l'échéance avant laquelle ces conventions devaient être signées.
Or, on constatait, au mois de juin 2002, que seulement 763 conventions avaient été signées sur les 8.000 qui étaient prévues. Le respect de l'échéance initialement prévue impliquerait d'accroître considérablement le rythme des signatures et comporterait ainsi le risque que soient signées des conventions qui n'atteindraient pas leur objectif.
Ce report de l'échéance permet aussi d'étaler sur deux années supplémentaires la montée en charge financière de la médicalisation des établissements. Il évite de devoir verser, en 2003, le solde du plan de médicalisation et permet de reporter aux années 2004 et 2005 le versement des dernières tranches annuelles de ce plan.
Ce report peut ainsi figurer dans la loi déférée parce que cette disposition affecte directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année 2003.
La modification de l'article 5 de la loi du 20 juillet 2001, à laquelle procède corrélativement le paragraphe II de l'article 42, se borne à tirer les conséquences, en termes de coordination, de la modification apportée par le paragraphe I à l'article L 313-12 du code de l'action sociale et des familles. Les deux paragraphes de l'article 42 ne sont donc pas dissociables.
5) L'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a pour objet de doter la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale d'une convention d'objectifs et de gestion, d'en confier le suivi à un conseil de surveillance et de réformer les règles de nomination des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui, outre ses missions actuelles, aura désormais celle d'approuver la convention.
L'insertion dans la loi déférée de ces dispositions, qui forment un dispositif d'ensemble, peut être admise au regard des termes de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. D'une part, elles affectent directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année 2003 ; d'autre part, elles contribuent à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement.
a) L'objet principal de l'article 56 est de prévoir la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. La conclusion de telles conventions est prévue par l'article L 227-1 du code de la sécurité sociale pour chacune des branches de la sécurité sociale, à l'exception jusqu'ici de cette seule branche.
Ces conventions d'objectifs et de gestion déterminent des objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement dont disposent les branches et les organismes et les actions mises en oeuvre à ces fins par chacun des signataires. Elles précisent notamment les objectifs liés à la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la gestion du risque, le service des prestations ou le recouvrement des cotisations et des impôts affectés, les règles de calcul et d'évolution des budgets de gestion administrative et, s'il y a lieu, des budgets de contrôle médical, d'action sanitaire et sociale et de prévention. Elles prévoient les indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés à la définition des objectifs, ainsi que des procédures d'évaluation contradictoire des résultats obtenus au regard des objectifs fixés.
Depuis que la passation de ces conventions a été prévue, en 1996, leur mise en oeuvre a permis d'encadrer l'évolution des dépenses de chacune des branches concernées et de réaliser d'importantes économies par rapport à l'évolution qui pouvait être prévue en l'absence de cette réforme des modes de gestion des branches concernées.
Le IV de l'article 56, en complétant l'article L.227-1 du code de la sécurité sociale, permettra la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dont on peut attendre un effet positif important pour l'équilibre financier de la branche, compte tenu des sommes en cause. Pour l'année 2003, les dépenses prévues pour cette branche sont évaluées à 9,4 milliards d'euros.
La convention des accidents du travail et maladies professionnelles aura notamment pour objet de réformer le mode de calcul des cotisations, dont la Cour des comptes a souligné dans son récent rapport sur cette branche qu'il était inutilement complexe et coûteux. Elle permettra aussi une gestion financière pluriannuelle de certains fonds. En particulier, le Gouvernement souhaite définir de façon pluriannuelle les conditions d'évolution du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui regroupe les moyens consacrés par la branche à la prévention. Le budget annuel concerné est de l'ordre de 330 Meuros.
L'impact de l'article 56 sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base est donc certain.
b) Dès lors que pour la branche accidents du travail et maladie professionnelles, en vertu de l'article L.221-4 du code de la sécurité sociale, les compétences de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sont exercées par la commission accidents du travail et maladies professionnelles, le V et le VI de l'article 56 adaptent le texte des articles L.227-2 et L.227-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir la signature de la convention d'objectifs et de gestion de la branche et des contrats pluriannuels de gestion qui en assurent la mise en oeuvre au niveau régional par le président de la commission.
Le suivi des conventions d'objectifs et de gestion nécessite une instance distincte du conseil d'administration, chargée d'effectuer un bilan régulier : c'est le rôle des conseils de surveillance institués par l'article L 228-1 du code de la sécurité sociale. C'est pourquoi le VII de l'article 56 prévoit la création d'une telle instance pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme pour les autres branches du régime général.
L'efficacité de l'instrument de régulation et de rationalisation que représentent les conventions d'objectifs et de gestion tient aussi à leurs conditions d'élaboration, qui accroissent les responsabilités des administrateurs des organismes passant contrat avec l'Etat quant à la prévision des évolutions de la branche et à la maîtrise de son équilibre financier. Pour chaque branche aujourd'hui dotée d'une convention d'objectifs et de gestion, celle-ci est approuvée par une instance propre à cette branche, le conseil d'administration de la caisse nationale gérant la branche. Il n'en irait pas de même pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, administrée par une commission dont les membres sont aujourd'hui désignés par le conseil d'administration de la CNAMTS (art. L.221-5 du code de la sécurité sociale), si le II de l'article 56 ne prévoyait désormais la désignation directe par les partenaires sociaux de leurs représentants au sein de cette commission comme pour les conseils d'administration des caisses nationales. Le I de l'article, qui rend applicable à la commission les règles de désignation et d'exercice de mandat des membres des conseils d'administration des caisses nationale, tire directement les conséquences du II.
En outre, en mettant en place l'ensemble de ce dispositif, l'article 56 contribue à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
L'article L.228-1 prévoit en effet que chaque conseil de surveillance comprend des parlementaires et est présidé par l'un d'entre eux, désigné d'un commun accord par les deux Assemblées. Cette participation aux conseils de surveillance permet aux parlementaires d'examiner régulièrement, au cours de l'année, l'évolution de l'activité et de la situation financière de chacune des branches de la sécurité sociale. Les conseils de surveillance transmettent, de plus, par l'intermédiaire de leur président, parlementaire, un avis au Parlement sur l'application de la convention d'objectifs et de gestion. En outre, la convention prévoira, pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, la mise en place d'un appareil statistique détaillé qui permettra un meilleur suivi de l'objectif de dépenses fixé en loi de financement et une analyse de son évolution.
Pour ces raisons, les dispositions de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui constituent les éléments inséparables d'un dispositif d'ensemble, ne sont pas étrangères au domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale.
En définitive, aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter le recours dont il est saisi.
LO 111-3 du code de la sécurité sociale. D'une part, elles affectent directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année 2003 ; d'autre part, elles contribuent à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement.
a) L'objet principal de l'article 56 est de prévoir la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. La conclusion de telles conventions est prévue par l'article L 227-1 du code de la sécurité sociale pour chacune des branches de la sécurité sociale, à l'exception jusqu'ici de cette seule branche.
Ces conventions d'objectifs et de gestion déterminent des objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement dont disposent les branches et les organismes et les actions mises en oeuvre à ces fins par chacun des signataires. Elles précisent notamment les objectifs liés à la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la gestion du risque, le service des prestations ou le recouvrement des cotisations et des impôts affectés, les règles de calcul et d'évolution des budgets de gestion administrative et, s'il y a lieu, des budgets de contrôle médical, d'action sanitaire et sociale et de prévention. Elles prévoient les indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés à la définition des objectifs, ainsi que des procédures d'évaluation contradictoire des résultats obtenus au regard des objectifs fixés.
Depuis que la passation de ces conventions a été prévue, en 1996, leur mise en oeuvre a permis d'encadrer l'évolution des dépenses de chacune des branches concernées et de réaliser d'importantes économies par rapport à l'évolution qui pouvait être prévue en l'absence de cette réforme des modes de gestion des branches concernées.
Le IV de l'article 56, en complétant l'article L.227-1 du code de la sécurité sociale, permettra la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dont on peut attendre un effet positif important pour l'équilibre financier de la branche, compte tenu des sommes en cause. Pour l'année 2003, les dépenses prévues pour cette branche sont évaluées à 9,4 milliards d'euros.
La convention des accidents du travail et maladies professionnelles aura notamment pour objet de réformer le mode de calcul des cotisations, dont la Cour des comptes a souligné dans son récent rapport sur cette branche qu'il était inutilement complexe et coûteux. Elle permettra aussi une gestion financière pluriannuelle de certains fonds. En particulier, le Gouvernement souhaite définir de façon pluriannuelle les conditions d'évolution du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui regroupe les moyens consacrés par la branche à la prévention. Le budget annuel concerné est de l'ordre de 330 Meuros.
L'impact de l'article 56 sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base est donc certain.
b) Dès lors que pour la branche accidents du travail et maladie professionnelles, en vertu de l'article L.221-4 du code de la sécurité sociale, les compétences de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sont exercées par la commission accidents du travail et maladies professionnelles, le V et le VI de l'article 56 adaptent le texte des articles L.227-2 et L.227-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir la signature de la convention d'objectifs et de gestion de la branche et des contrats pluriannuels de gestion qui en assurent la mise en oeuvre au niveau régional par le président de la commission.
Le suivi des conventions d'objectifs et de gestion nécessite une instance distincte du conseil d'administration, chargée d'effectuer un bilan régulier : c'est le rôle des conseils de surveillance institués par l'article L 228-1 du code de la sécurité sociale. C'est pourquoi le VII de l'article 56 prévoit la création d'une telle instance pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme pour les autres branches du régime général.
L'efficacité de l'instrument de régulation et de rationalisation que représentent les conventions d'objectifs et de gestion tient aussi à leurs conditions d'élaboration, qui accroissent les responsabilités des administrateurs des organismes passant contrat avec l'Etat quant à la prévision des évolutions de la branche et à la maîtrise de son équilibre financier. Pour chaque branche aujourd'hui dotée d'une convention d'objectifs et de gestion, celle-ci est approuvée par une instance propre à cette branche, le conseil d'administration de la caisse nationale gérant la branche. Il n'en irait pas de même pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, administrée par une commission dont les membres sont aujourd'hui désignés par le conseil d'administration de la CNAMTS (art. L.221-5 du code de la sécurité sociale), si le II de l'article 56 ne prévoyait désormais la désignation directe par les partenaires sociaux de leurs représentants au sein de cette commission comme pour les conseils d'administration des caisses nationales. Le I de l'article, qui rend applicable à la commission les règles de désignation et d'exercice de mandat des membres des conseils d'administration des caisses nationale, tire directement les conséquences du II.
En outre, en mettant en place l'ensemble de ce dispositif, l'article 56 contribue à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
L'article L.228-1 prévoit en effet que chaque conseil de surveillance comprend des parlementaires et est présidé par l'un d'entre eux, désigné d'un commun accord par les deux Assemblées. Cette participation aux conseils de surveillance permet aux parlementaires d'examiner régulièrement, au cours de l'année, l'évolution de l'activité et de la situation financière de chacune des branches de la sécurité sociale. Les conseils de surveillance transmettent, de plus, par l'intermédiaire de leur président, parlementaire, un avis au Parlement sur l'application de la convention d'objectifs et de gestion. En outre, la convention prévoira, pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, la mise en place d'un appareil statistique détaillé qui permettra un meilleur suivi de l'objectif de dépenses fixé en loi de financement et une analyse de son évolution.
Pour ces raisons, les dispositions de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui constituent les éléments inséparables d'un dispositif d'ensemble, ne sont pas étrangères au domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale.
En définitive, aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter le recours dont il est saisi.I. Sur l'absence de sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003
I.1. Sur les articles 8 et 9
L'article 8 de la loi déférée établit pour l'année 2003 les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement. Quant à l'article 9, il fixe pour 2002 les prévisions révisées de recettes par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires créés pour concourir à leur financement.
Ces articles doivent être analysés comme présentant des prévisions irréalistes, conduisant, dès lors, à ce que la loi en cause méconnaisse le principe constitutionnel de sincérité tel qu'il s'impose, selon les termes de votre jurisprudence, aux lois de financement de la sécurité sociale (Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, considérants 16 à 19 ; Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérants 5 et 6).
Certes, votre jurisprudence ne paraît envisager de censure que dans l'hypothèse d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure, notamment, où existent des aléas inhérents à de telles évaluations ainsi que des incertitudes particulières relatives à l'évolution de l'économie dans certaines périodes (Décision du 18 décembre, précitée, considérant 6). Il faut donc en déduire que dans le cas où le gouvernement et le Parlement disposent d'informations objectives et rationnelles dont ils ne tiennent volontairement pas compte pour fixer les prévisions pertinentes, l'erreur manifeste ne peut qu'être relevée, avec toutes conséquences.
Il se trouve qu'en l'occurrence, l'erreur manifeste d'appréciation ne peut faire de doute. Elle résulte d'un faisceau d'indices éclairé par les propres déclarations et énonciations du gouvernement qui, face aux évolutions de l'économie nationale comme mondiale, a sciemment sous-estimé le ralentissement de la croissance avec toutes ses conséquences sur l'évolution de la masse salariale et, partant de là, sur les comptes sociaux.
Ainsi, le gouvernement se fonde sur une base de croissance de 2,5 % du produit intérieur brut pour l'année 2003. Pourtant, il est acquis que les résultats économiques dûment constatés depuis le début de l'année civile 2002, et particulièrement ceux du troisième trimestre, ont conduit le même gouvernement, par la voix du ministre de l'économie et des finances, à nuancer cette estimation. Autrement dit, le chiffre de la croissance retenu pour fonder l'équilibre des finances sociales du pays est désormais minoré, et en tout état de cause, pour demeurer une hypothèse souhaitable, n'est absolument pas réaliste.
La même estimation erronée doit être constatée s'agissant des prévisions de recettes révisées que porte l'article 9. Il est patent que cet article n'intègre aucune des évolutions économiques constatées au troisième trimestre de l'année 2002.
Il ne s'agit donc plus de prévisions rationnellement déterminées, mais d'une approche ignorant volontairement les évolutions probables voire déjà constatées. En l'espèce, il ne s'agit pas de prévisions soumises à des aléas inhérents à l'exercice ou aux incertitudes particulières. Cette loi de financement, d'ailleurs présentée comme étant de transition, est fondée sur des estimations qui font l'impasse sur l'évolution de la croissance revue à la baisse au regard des informations tangibles dont disposent les experts.
Cette analyse est illustrée par, au moins, deux éléments.
D'une part, le gouvernement a présenté, dans le cadre de la discussion au Sénat du projet de loi de finances pour 2003, un amendement (n° I-225) destiné à revoir à la baisse les prévisions de recettes pour un montant de 700 millions d'euros. Dans le même ordre d'idée, il apparaît que le projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté lors du Conseil des Ministres du 20 novembre 2002, admet que par rapport aux évaluations révisées pour l'année 2002 et associées au projet de loi de finances pour 2003, les recettes fiscales nettes devraient enregistrer une moins value estimée à 1,5 milliard d'euros.
Il résulte de ces éléments chiffrés et objectifs que les estimations reprises par les articles 8 et 9 de la loi critiquée se fondent sur des hypothèses nécessairement erronées car ne prenant pas en compte les informations disponibles sur l'état de l'économie nationale.
D'autre part, il est patent que le gouvernement ne cherche à masquer cette insincérité que pour la forme. Pour s'en convaincre encore plus, il suffit de se reporter au Rapport sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale figurant en annexe à la présente loi. Le point 5.1. de ce rapport est, en effet, très éclairant. Intitulé " S'engager pour la crédibilité des objectifs ", ce paragraphe est l'occasion pour le gouvernement de prendre " l'engagement de présenter au Parlement au début du mois de mai un projet de loi de financement rectificative, au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la commission des comptes de printemps montreraient un décalage significatif avec les objectifs fixés dans la loi de financement pour 2003 " (page 36 du Rapport annexé).
Cette présentation constitue une annonce préalable, sans portée normative, des évolutions réelles et déjà connues des prévisions critiquées, et donc, implicitement mais nécessairement, montre que le gouvernement n'ignore rien du caractère irréaliste des chiffres sur lesquels il fonde les mesures portées par ce texte. L'insincérité ne peut pas être plus flagrante qu'au travers l'annonce d'une loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour pallier aux insuffisances qui interviendront en raison de cette sur-estimation de la croissance ; sur-estimation dont on ne peut plus douter qu'elle est sciemment organisée.
On ne se laissera pas surprendre, à cet égard, par la formulation du rapport précité qui sonne comme un écho direct à votre jurisprudence selon laquelle il appartiendrait au gouvernement, si les conditions de l'équilibre financier des régimes obligatoires de bases de la sécurité sociale étaient remises en cause, de soumettre au Parlement les ajustements nécessaires dans une loi de financement rectificative (Décision du 18 décembre 2001, considérant n° 6, préc.).
On voit trop bien que ce faisant, le gouvernement tente, par avance mais vainement, d'éviter une censure pour violation du principe de sincérité. La réalité est simple : le gouvernement sachant que les chiffres servant de base à la loi critiquée sont manifestement erronés, prépare le terrain pour une loi de financement rectificative. La manoeuvre est habile mais, paradoxalement, éclaire l'erreur commise quant aux prévisions fixées par les articles 8 et 9 en cause. Dans ces conditions, la reconnaissance par le gouvernement d'une moindre croissance pour 2002 confirme le caractère irréaliste de sa prévision initialement annoncée pour l'année 2003, et partant de là, de l'évolution de la masse salariale pour cette même année.
L'invalidation pour manquement au principe de sincérité est donc inévitable.
I.2. Sur les articles 32, 33 et 34
Il en va de même concernant les articles de la loi fixant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ci-après : ONDAM). Objectif que vous soumettez également à votre contrôle au titre du principe de sincérité (Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, cons. 45 et 46).
Or, il ne peut faire de doute que cet objectif est, au cas présent, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La progression proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est de 5,3 % par rapport à l'année 2002. Il s'agit d'un taux de progression inférieur à la progression réelle, et constatée, des dépenses d'assurance maladie enregistrée au cours des trois dernières années. Pour 2000 et 2001, celle-ci a été de 5,6 % et de 7,2 % pour 2002. Le rapporteur au Sénat reconnaît, à cet égard, que le taux de l'ONDAM retenu pour 2003 est sensiblement inférieur à celui constaté pour 2002 (Sénat, Rapport de Monsieur Alain Vasselle, n° 58, page 72). Le gouvernement a donc fixé un objectif dont il sait, et notamment au regard des causes structurelles de la croissance des dépenses de santé également constatées dans les pays de l'OCDE, qu'il sera dépassé. Monsieur le Ministre de la Santé n'en fait pas mystère si l'on veut bien comprendre le sens à peine caché de ses déclarations, lors de son audition devant la Commission des affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée Nationale (Assemblée Nationale, Rapport n° 330, Tome I, 2ème partie, page 25).
En outre, et à cette occasion, monsieur le ministre de la santé a pris soin d'indiquer qu'un " collectif sanitaire et social " sera présenté au premier semestre 2003 en cas d'écart significatif entre les prévisions et les objectifs annoncés (Rapport, n° 330, idem). Présentée au terme d'un raisonnement insistant sur la croissance structurelle des dépenses de santé, une telle annonce démontre que le gouvernement sait avoir déterminé un taux de progression de l'ONDAM particulièrement irréaliste.
Dans ces conditions économiques, sociales et structurelles connues et reconnues, le gouvernement, en déterminant un taux de progression pour 2003 inférieur de près de 2 % à celui constaté pour l'année 2002, a donc fixé sciemment un ONDAM certes " souhaitable " mais non sérieux (voir Audition de monsieur le Ministre, Rapport précité, page 25).
Il est d'autant moins sérieux que la loi querellée ne comporte aucune mesure de nature à maîtriser lesdites dépenses d'assurance maladie. Comme le gouvernement l'a énoncé et revendiqué, il s'agit d'une loi de transition. Dans ces conditions, on comprend qu'il n'y a aucune disposition de nature à modifier sérieusement la structure des dépenses de santé, prises en ses différents agrégats, et donc aucune raison objective et rationnelle pour que la croissance structurelle de ces dépenses puisse diminuer par rapport à 2002. La minoration de l'évolution de l'ONDAM est donc consciente et ne peut être admise.
De tous ces chefs, la méconnaissance du principe de sincérité est certaine.
II. Sur l'article 4 bis
Cet article prévoit une cotisation spéciale assise sur les bières dites fortes, en " raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé ". Une telle sur-taxation méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'elle aboutit à traiter différemment des produits se trouvant objectivement dans une situation semblable au regard du but poursuivi par la loi.
La lutte contre l'alcoolisme et ses ravages mérite une action incessante et la plus vigoureuse possible, mais ne saurait conduire à servir de prétexte à une mesure dont la finalité semble quelque peu étrangère au but de santé publique tel qu'affiché. Il apparaît, en effet, à la lecture du motif figurant dans la loi que les bières destinées à subir la sur-taxation dont il s'agit ne sont pas dans une situation particulière au regard des risques d'alcoolisme. Ainsi, quand l'article critiqué indique que cette cotisation supplémentaire est perçue " en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé ", il est permis de dire que l'usage immodéré de toute boisson alcoolique entraîne non seulement un risque d'ivresse immédiat, mais également un risque de dépendance à ce type de substance, et de comportements dangereux tels ceux liés à la conduite automobile.
En outre, force est d'admettre qu'une bière titrant un degré d'alcool de 6 ou 7 degré consommé de façon immodéré produira les mêmes effets que ceux visés par l'article critiqué. De surcroît, le risque est grand, pour ne pas dire certain, que cette mesure par son effet mécanique, voulu, de renchérissement du coût d'achat des produits visés entraîne un glissement de consommation vers des produits moins onéreux et dont les conséquences sur la santé, et en particulier celle des jeunes, sera aussi préjudiciable. On peut même considérer que la consommation de boissons dont le degré d'alcool est moins fort conduit à une consommation plus importante aux fins de trouver les sensations que certains cherchent au travers de ces boissons.
Les travaux parlementaires ont montré que le but recherché n'était pas celui indiqué dans l'article critiqué, y compris par le vote d'un sous-amendement à l'Assemblée Nationale tendant à exonérer de cette cotisation les bières de même caractéristique mais de production locale. Certes cet amendement a disparu au cours de la navette, mais il illustre la volonté qui se trouve derrière cette disposition. Encore une fois, pour les auteurs de la saisine, la lutte contre ce fléau que représente l'alcoolisme mérite mieux qu'une telle mesure.
De ces chefs, la censure ne pourra qu'intervenir.
III. Sur l'article 27
L'article présentement critiqué a pour objet d'organiser un régime de remboursement du médicament selon des modalités particulières. Désormais, l'assuré social bénéficiera d'un remboursement sur la base d'un tarif forfaitaire, encore appelé " tarif de responsabilité ", destiné, prétend-on, à responsabiliser les assurés sociaux. Si la maîtrise des dépenses de santé repose, et nul n'en disconvient, sur la responsabilisation de l'ensemble des intéressés, y compris donc des assurés sociaux et par la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse d'éducation à la santé, il demeure qu'une telle mesure méconnaît les dixième et onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 au titre duquel le droit à la santé est garanti pour tous et ensemble le principe de solidarité qui va de pair, et partant de là, le principe d'égalité.
Votre jurisprudence a eu l'occasion de faire application de ces normes de valeur constitutionnelle. A plusieurs reprises, vous avez rappelé la prévalence du principe de protection de la santé publique (pour exemple : Décision n° 89-269 DC,
25 et 26 ; Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 ). Apparaît éclairante, à cet égard, la décision aux termes de laquelle, vous avez jugé que s'il incombe aux autorités législatives et réglementaires de mettre en oeuvre ce droit, cela n'exclut pas, cependant, le recours à une convention pour régir les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins, car cela " vise à diminuer la part des honoraires à la charge des assurés sociaux " (Décision n° 89-269 DC). Comme a pris soin de le relever le Conseil d'Etat dans son rapport de 1998 sur le droit à la santé, " en définitive, si l'on souhaite évoquer un droit à la santé, il faut l'entendre comme principe d'égalité devant le service public de la santé " (Conseil d'Etat, Rapport public pour 1998, page 239). La cohérence des 10ème et 11ème alinéa du Préambule de 1946 tisse entre le droit à la santé et le droit à la protection sociale, un lien fondé sur l'égalité de tous devant la loi.
Le mécanisme proposé, derrière sa présentation en trompe l'oeil, ne pourra que conduire à mettre en oeuvre une logique comptable de moindre remboursement, dont l'un des résultats sera de ne plus garantir un égal accès aux soins. Le tarif dit de responsabilité placera les assurés sociaux dans une situation dont ils ne maîtriseront pas les paramètres objectifs. Ainsi, et pour exemple, il importe de s'interroger sur la situation d'un assuré social à qui son médecin traitant n'aura pas prescrit de générique et à qui le pharmacien n'aura pas proposé de produit de substitution par rapport au médicament princeps dont il demande délivrance en vertu de la prescription du praticien.
Suivant la logique de l'article critiqué, l'assuré social sera remboursé sur la base du forfait alors même que ni sa volonté de surconsommation ni son refus de bénéficier d'un produit générique à moindre coût ne seront en cause. Autrement dit dans cette hypothèse, c'est l'assuré social qui, sans disposer des moyens pour y pallier, devra supporter concrètement un moindre remboursement au titre de sa médication.
Implicitement, cette logique qui fait de l'assuré social la variable d'ajustement de cette politique du médicament est décrite par monsieur le rapporteur pour la branche maladie, lorsqu'il écrit dans son rapport que " le succès de la mesure repose en partie sur l'information conjointe et détaillée des trois acteurs concernés : le prescripteur, le pharmacien et le patient " (Rapport précité, page 81). La morale de cette triste fable est que si le prescripteur et le pharmacien viennent à manquer à leur devoir d'information, il reviendra au patient d'en subir les conséquences.
Il est vrai, d'autre part, que monsieur le ministre de la santé a indiqué lors des débats que " nous nous acheminons vers le forfait générique et l'automédication ", ajoutant " qu'il faut responsabiliser les gens qui choisissent un médicament au SMR [service médical rendu] suffisamment intéressant pour qu'ils le prennent mais pas suffisamment pour que la solidarité nationale s'exerce " (Assemblée Nationale, 1ère séance du 30 octobre 2002). On voit poindre ici les méandres du mécanisme critiqué. Comme il existerait, selon certains parlementaires, des petits risques et des risques lourds, et donc des modalités de prise en charge différentes, il y aurait des médicaments intéressants pour le patient mais pas au point que la solidarité nationale intervienne !
Une solidarité nationale à deux vitesses n'est pas compatible avec les principes tels qu'énoncés par les 10ème et 11ème alinéa du Préambule, et ensemble avec le principe d'égalité.
De tous ces chefs, l'invalidation ne manquera pas d'intervenir.
IV. Sur le domaine des lois de financement de la sécurité sociale
La loi critiquée comprend plusieurs dispositions qui, à l'évidence, sont hors du champ de la loi de financement de la sécurité sociale telle que défini par le quatrième alinéa de l'article 34, par le premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution, et en application de ces règles constitutionnelles, par la loi organique. En particulier, les articles 2, 11, 16, 25 et 38 ne sauraient figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale.
IV.1. Sur l'article 2
Cet article prévoit que le gouvernement transmet chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.
La jurisprudence considère que seule la loi organique peut déterminer les rapports qui doivent être annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, et invalide, par exemple, une disposition prévoyant un rapport sur l'état de santé bucco-dentaire de la population joint à une annexe au projet de loi (Décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, considérant n° 20). Pareillement, vous avez censuré la disposition prévoyant que dans un délai de trois mois, le gouvernement présente au Parlement un rapport exposant les conditions dans lesquelles les techniciens de laboratoires pourraient être classés en catégorie B active de la fonction publique hospitalière (Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, cons. n° 86).
Au cas présent, il est certain que le rapport dont il s'agit ne peut figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le caractère inconstitutionnel de la disposition n'a pas échappé au rapporteur pour la branche assurance maladie et accidents du travail (Assemblée Nationale, Rapport n° 330, Tome II, page 41). Certes, pour tenter d'éviter la censure, l'article en cause a transformé ce rapport non pas en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le nombre et le contenu sont limités par les I et II de l'article L.O. 111-4, mais en " simple rapport ".
Le subterfuge ne pourra, cependant, pas tromper dès lors que le rapporteur admet lui-même le caractère artificiel de ce procédé purement rédactionnel, et que, surtout, il apparaît que ce rapport doit être remis à la même date, le 15 octobre de chaque année, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale y compris le rapport et les annexes mentionnées au I et II de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale.
C'est dire que cet article 2 a été introduit dans la loi critiquée en connaissance de cause de sa contrariété à la Constitution. La circonstance que le rapporteur suggère de modifier la loi organique sur ce point, ne sera pas de nature à faire échapper la disposition en cause à la censure.
IV.2. Sur l'article 11
L'article 11 pris en son paragraphe II modifie l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public.
Il est peu de dire que cette disposition est parfaitement étrangère au champ des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini, en particulier par l'article L.O. 111-3 pris en ses
I et III du code de la sécurité sociale.
On ne voit pas, en réalité, en quoi le fait d'exclure de la catégorie des documents administratifs communicables au public les documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé prévu à l'article L. 6113-6 du code de la santé publique et les rapports d'audit des établissements de santé mentionnés à l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, concerne les orientations de la politique de santé dans ses différentes dimensions, l'information et le contrôle du Parlement ou bien encore l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
Au contraire, on est tenté de voir là une restriction aux droits des citoyens d'accéder aux informations relatives à la définition et à la mise en oeuvre des politiques publiques. Cette restriction non fondée quant à la liberté d'accès aux documents administratifs est, par ailleurs, en contradiction avec la volonté affichée de responsabiliser les assurés sociaux. Le principe de transparence de l'action administrative et le droit à l'information des citoyens s'en trouvent donc méconnus, et l'invalidation est certaine.
IV.3. Sur l'article 16
Cet article prévoit que le ministre chargé de la sécurité sociale, lorsqu'il approuve les accords, conventions, annexes et avenants mentionnés aux articles L. 162-1-13, L. 162-14-1 et L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale, adresse aux commissions compétentes du Parlement un rapport sur la cohérence de ces actes avec l'objectif prévu au 4° du I de l'article L.O. 111-3, et transmet copie de ce rapport au conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
De telles dispositions, dont l'utilité en terme d'information ne sauraient être niées, ne trouvent cependant pas leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale. En particulier, on relèvera que le second alinéa de l'article critiqué, organisant la transmission du rapport du ministre au Conseil de surveillance de la Caisse nationale, ne concourt en rien à l'amélioration du contrôle du Parlement sur les lois de financement ni davantage à l'équilibre financier des régimes de bases obligatoire.
Alors qu'il est question de nouvelle gouvernance sociale - notion dont on ignore ce qu'elle recouvre de plus satisfaisant que les principes démocratiques - une telle disposition semble donc anticiper sur des évolutions dont on ne peut assurer qu'elles garantiront, à l'avenir, le rôle du Parlement en la matière. Le fait que la rédaction finale de cet article prévoit la transmission au Parlement dudit rapport, ne doit pas faire de doute sur l'intention à l'origine de la disposition.
Là encore, à l'instar de l'artifice rédactionnel prévu à l'article 2, cette rédaction ne fait pas davantage entrer cet article 16 dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale.
IV.4. Sur l'article 25
Cet article a pour objet de prolonger le délai pour la signature des conventions tripartites par les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées dépendantes, reportant la date limite du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2006.
Or, cette prorogation ne peut entrer ni dans les dispositions du
I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoyant que la loi de financement dispose pour chaque année les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses, ni dans celles du II du même article au titre de l'amélioration du contrôle du Parlement ou de l'équilibre financier des régimes obligatoires.
Ce report n'entre pas, à l'évidence, dans les prévisions du I de l'article L.O. 111-3 précité puisque n'ayant pas d'incidence sur les objectifs pour la seule année à venir. Il ne saurait satisfaire davantage à l'exigence d'une incidence significative sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. C'est ainsi que vous avez jugé qu'une disposition figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 mais n'ayant d'effet direct que sur l'équilibre financier de 2003 était un cavalier social (Décision n° 99-422 DC, considérant 32 à 34, Rec. page 143).
La mesure en cause ne peut donc figurer dans la loi.
IV.5. Sur l'article 38
L'article 38 de la loi critiquée est présenté comme organisant l'autonomie du fonctionnement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de l'assurance maladie. En particulier, il est proposé par le paragraphe II de faire désigner les membres de la commission des accidents du travail directement par les organisations syndicales et patronales représentatives.
De telles prescriptions ne peuvent cependant trouver leur place dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale dès lors qu'elles n'entrent pas dans les prévisions du
I de l'article L. O. 111-3 ni dans le cadre du III de cet article, puisqu'elles n'améliorent pas le contrôle du Parlement sur la mise en oeuvre de la loi de financement et n'affectent pas de manière significative l'équilibre financier des régimes de bases.
En réalité, il s'agit de permettre la désignation des membres de la commission en question sans lien avec le conseil d'administration de la Caisse Nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. Il faut mesurer, à cet instant, que derrière l'idée d'autonomisation de gestion de cette branche, avance masquée la fin du paritarisme telle que garanti par la loi. Si on voit mal le lien avec la loi de financement de la sécurité sociale, on comprend, en revanche, le risque de remise en cause des fondements de la protection sociale telle que conçue au titre d'un véritable consensus national.
Ce lien est si peu existant que monsieur le rapporteur devant l'Assemblée Nationale ne s'embarrasse pas de fioritures pour indiquer le but exact de cette mesure. Précisant que ces nouvelles modalités de désignation des membres de la commission des accidents du travail se fera désormais sans lien quelconque avec le conseil d'administration de la CNAM, il ajoute que " cela devrait permettre au MEDEF, qui a quitté ledit conseil d'administration en septembre 2001 et donc par voie de conséquence la commission des accidents du travail, de réintégrer cette commission sans siéger de nouveau à la CNAM " (Rapport, AN, n° 330, T.I. 3ème partie, page 97). Le masque tombe.
On ne saurait être plus clair, ni énoncer plus sincèrement le détournement de procédure en cours.
Il serait vain pour le gouvernement d'invoquer, à cet égard, le précédent de l'article 75 de la loi de financement pour 2002 qui réformait les missions et modes de gestion de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale et que vous avez validé (Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérant 75). Dans cette occurrence, il s'agissait de rendre possible la poursuite de négociations ayant des incidences directes sur la rémunération des personnels de ces caisses puisque permettant de reprendre les négociations collectives interrompues du fait de certains dirigeants. Au cas présent, rien de tel et nul blocage n'empêche la commission des accidents du travail d'oeuvrer. L'aveu du rapporteur lui-même montre assez bien que l'équilibre financier de la sécurité sociale ne saurait être significativement affecté par cet article.
La censure est donc certaine.